Vox Ludi le blog d'Illuminati

Rogue Trader

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    le 13/07/2023 à 19:45 Citer ce message

    Sept Ans auparavant.

    L’équipe était divisée sur les choix à entreprendre. Isabella n’avait toujours pas pu récupérer sa lettre de marque, ce qui lui interdisait de faire valoir ses droits de libre-marchande. Son navire, en pleine réparation avait besoin de fonds, comme son équipage et il devenait urgent de prendre des décisions. D’un autre côté, leur nouveau navigator, Mym Feist leur avait parlé d’un ancien navire perdu, à la dérive dans un champ d’astéroïdes dont il connaissait plus ou moins l’emplacement. Cela permettrait à l’équipage d’acquérir un nouveau navire et cette perspective les motiva tous, malgré le fait que la région était parfois sillonnée par des pirates. A l’inverse, ils ne disposaient pas d’un équipage assez nombreux ni de fonds suffisant pour remettre un nouveau navire à flot mais l’idée fut quand même suivie durant plusieurs mois. Isabella, mais aussi ses officiers étaient particulièrement intéressés par la perspective de mettre la main sur cette corvette, car même abandonnée et en mauvais état, elle devait encore receler de richesses oubliées et pourrait être remise à flot en quelques semaines de travail. C’est aussi durant cette période que la libre-marchande prit la décision d’adopter son neveu, le fils de feu, son frère Sebastian Goldberg, un des célèbres capitaines pirates des Princes de l’Inéquité. Le destin du jeune garçon alors âgé de douze ans, dénommé Uriah était devenu précaire depuis que l’héritage de son propre père était contesté par ses anciens compagnons pirates qui se disputaient sa succession dans le sang et la poudre.
    Isabella savait que tôt ou tard, dans un tel environnement, Uriah finirait la gorge tranchée ou aurait un accident de sas. Elle parvint à l’exfiltrer grâce aux hommes de son sénéchal et de son archimilitant, puis à le faire rapatrier jusqu’au Morning Star, non sans quelques accrochages au passage avec les pirates et les autorités navales. D’autant plus qu’à cette période, elle n’avait toujours pas pu remettre la main sur sa lettre de marque, toujours retenue par les ordos, la forçant ainsi à se soumettre à leurs décisions et gardant ainsi un œil sur ses activités. Cela impacta sensiblement leurs revenus commerciaux et entraîna des conséquences dramatiques sur des désertions et une perte d’argent significative. A cette même période, lors d’une réception sur Fort Godwinne, Isabella avait reçu d’ailleurs une missive portant le sceau du Haut Seigneur Violeta Roskavler de l’Administratum, en personne, invoquant un décret du Senatorum Imperialis, lui stipulant que si elle ne fondait pas une dynastie dans les prochains mois, engendrant de fait un héritier désigné, sa lettre de marque reviendrait alors de plein droit à son neveu Uriah Goldberg, bien qu’encore mineur mais approchant de ses treize ans, âge légal au sein de la noblesse du secteur pour occuper son titre de plein droit. En revanche, si elle s’engageait à honorer ses engagements, sa lettre de marque pourrait lui être restituée, sous ces mêmes conditions.
    Dans le plus grand des secrets et dans les meilleurs délais, à sa demande, elle chargea Sylmann Altaïr d’organiser une rencontre avec un parti de choix, un autre libre-marchand, l’ex-inquisiteur et baron Gaius Achenheim. Il n’était question au départ que d’un simple contrat, un accord administratif et commercial. Mais c’est ainsi que leur union fut scellée en secret sur les terres de l’ancien domaine du baron Achenheim sur Badab. Le mariage fut alors validé administrativement en présence du prefectus Zephro Cornelius de l’Administratum et du commandant Jasper Noden de la marine impériale. Peu de proches d’Isabella comprirent que leur union dépassa largement l’aspect administratif et une véritable passion naquit de ce rapprochement.
    La cérémonie religieuse fut reportée faute de temps, car Gaius devait repartir quelques jours plus tard sur ordre de l’amirauté. La cérémonie n’allait pourtant jamais avoir lieu. Achenheim décéda dans des circonstances inexpliquées sur Archaea quelques semaines plus tard. Sa propre lettre de marque retourna dans le giron de l’Administratum. Ses biens et son navire, furent placés quant à eux, sous le sceau des ordos et dans le plus grand silence, au même titre que les circonstances de sa mort tragique.
    Au désespoir et touchée par une peine infinie, tandis qu’elle voyait enfin une lueur d’espoir dans sa vie, Isabella ne put se résigner au mauvais sort qui s’acharnait ainsi sur son destin. Elle eut pour seule consolation le fait d’apprendre dans les semaines qui suivirent, qu’elle attendait un enfant de cette trop brève union. Son sort et sa lettre de marque allaient peut-être enfin être débloqués d’ici les prochains mois. Encore allait-il falloir que l’enfant voie le jour et survive aux affres d’une galaxie déchirée par la guerre. Car désormais pour elle plus rien n’avait d’importance à ces yeux que sa fille qui allait naitre.

    L’idée de poursuivre la quête d’un navire fantôme fut donc abandonnée, du moins reportée et malgré plusieurs mois de recherche passés à sillonner les immenses étendues stellaires hostiles et peu cartographiées de Cataractae, situées entre le sous-secteur Khymara et la zone franche du système de Morgan’s Reach. Cela dura presqu’une année en réalité.
    Le destin du Morning Star fut de toute façon scellé lorsque l’Administratum et la flotte du Segmentum réquisitionnèrent tous les navires de guerre en état de combattre afin de porter assistance à la Croisade Indomitus qui livrait bataille aux confins de la Zone du Maelstrom. Ce n’était en rien une requête mais un ordre du Seigneur Roboute Guilliman en personne. C’est aussi à cette époque que Borgir quitta le navire, ne cherchant pas à s’impliquer dans une simple querelle qui concernait un Imperium duquel il était totalement étranger. La ligue dont il était issu avait ses propres griefs et ses propres luttes à mener, loin d’un Imperium sur le déclin. Les magos à bord du navire avaient d’ailleurs menacé la libre-marchande à plusieurs reprises de quitter le vaisseau, prenant très mal le fait qu’il ait été nommé, lui, un ridicule abhumain à la limite de l’heretek, au poste de premier technaugure. L’affront était grand et l’affaire était suffisamment sérieuse pour courroucer l’Adeptus Mechanicus. A regret, Isabella l’autorisa à partir, sous peine de perdre des centaines de technoprêtres en échange. Elle avait une bataille à mener et allait avoir besoin de toutes ses forces dans la guerre qui s’annonçait.

    Sur plusieurs sous-secteurs, des barges de bataille Astartes ainsi que des croiseurs de la marine impériale livraient une guerre navale acharnée contre les forces renégates vomies par le Maelstrom. Depuis la guerre de Badab, un siècle plus tôt, jamais un tel déploiement de force n’avait eu lieu. Des centaines de navires s’affrontaient et s’abordaient. Les troupes impériales étaient débordées et avaient un cruel besoin de soutien face aux hordes infinies des Sombres Puissances, tels les Red Corsairs mais aussi plusieurs Légions renégates en appuis des Maelstrom Dogs et de créatures sorties tout droit des enfers. Parmi la fureur des combats, des navires plus légers telles que des frégates ou corvettes servaient pour des missions tout aussi périlleuses comme des opérations de reconnaissance, de sabotage, d’escorte ou de renseignement sous les ordres de l’amirauté du secteur ou de Chapitres Astartes. Ainsi, les Space Wolves, Star Phatoms et les Black Templars tenaient encore les frontières grâce à de tels appuis. Le Morning Star effectua ce type de missions périlleuses aux abords du secteur ainsi qu’au cœur du Maelstrom à plusieurs reprises. Il fut ainsi affecté à une escadre sous le commandement du Commodore Van Sant. Les années qui suivirent, le Morning Star les passa à convoyer des troupes, harceler des convois ennemis, localiser leurs bases ou unités arrière afin de les saboter ou rapporter le maximum de renseignements sur leurs positions. Tout ravitaillement isolé ou navires de reconnaissance ennemi à leur porté étaient ainsi soit détruits, soit capturés. Le Morning Star ne sortit pas indemne pour autant de ce conflit, au cours duquel il dut livrer de nombreux combats stellaires, parfois même à bout portant selon les standards du combat naval. Il perdit une partie de son équipage et de ses troupes, remplacés à plusieurs reprises. Des travaux de réparations furent menés, même en situation de combat et les hommes d’équipages à bord durent repousser plusieurs abordages de troupes renégates mais aussi de mercenaires xenos brutaux et tout aussi sanguinaires.

    Malgré la guerre dans laquelle ils étaient impliqués, la première année, Isabella donna naissance à sa petite fille qu’elle prénomma Gaia Astra et qu’elle jura de protéger à tout prix, prenant Altaïr, Djoko et la Brute à témoin. De la survie de Gaia allait dépendre la survie de la lettre de marque de la dynastie Goldberg. Sans cela, ils ne seraient rien d’autre que des hors-la-loi sans la moindre légitimité. Le Morning Star serait alors saisi par l’amirauté et ils finiraient tous au bout d’une corde. Quant à sa fille, elle périrait avec le reste de l’équipage qui ne pourrait être emmené en servitude.
    Gaia ne serait pas la première enfant à naitre et grandir sur un navire de guerre. La plupart de ses hommes d’équipage et certains de ses officiers, elle y comprit avaient connu ce genre d’enfance et elle estima qu’elle n’aurait pas meilleur endroit pour la garder en sécurité que sur son navire. La laisser dans un palais sur Isin ou sur Eshunna revenait à la condamner à succomber à la lame d’un assassin tôt ou tard, envoyé par les Princes de l’Inéquité, sans être là pour la défendre. Au moins, l’esprit du navire saurait la protéger aussi bien que ses fidèles lieutenants. Et puis, elle comptait bien en faire son héritière, au même titre qu’Uriah, le temps peut-être d’avoir encore des enfants si le Trône lui en donnait la possibilité. En attendant Gaia et Uriah devraient être formés comme tout enfant dynastique d’une lignée de libres-marchands et leur place ne pouvait être qu’à bord du Morning Star. Malgré des débuts difficiles, avec un caractère rebelle et volontiers insolent, Uriah finit par se faire à sa nouvelle condition et finit par parfaire son éducation de jeune cadet naval. Un jour il serait appelé à prendre le commandement d’un navire. Le plus tard possible, se prit à penser Isabella, espérant lui épargner cette lourde tâche encore pour quelque temps.

    Les années qui suivirent furent aussi les heures noires de l’Imperium. Des rumeurs prétendirent que le Primarque et sa flotte étaient tombés dans une embuscade au cœur du Maelstrom et retenu captif ainsi que sa suite de guerriers de l’Astartes sur une ancienne Forteresse Noire par Lufgt Huron en personne. Les mois qui suivirent, la croisade manqua de tourner au désastre. Puis par une sorte de coup du destin, il fut confirmé que Roboute Guilliman et ses troupes se trouvaient en réalité sur Luna, en orbite de Terra, au cœur du Segmentum Solar, bien que leurs vaisseaux aient été capturé par les légions renégates et soient toujours ici. Cette nouvelle leur parvint en même temps que celle d’une contre-offensive aeldari qui vint débloquer la situation. Cela permit aux forces impériales encore présentes d’évacuer en urgence la zone afin de se replier vers l’amas d’Endymion. Ce sous-secteur était lui aussi en guerre mais contre de turbulents orks, drukhari et des t’au avides de conquêtes. Les navires Astartes se redéployèrent en vue de contre-attaquer les forces de Lufgt Huron avec le soutien d’une partie de la flotte et de navires asuryani et ynnari, tandis que les restes de l’arrière-garde devrait s’occuper de harceler les enclaves xenos afin de leur reprendre du territoire. Les combats furent acharnés car bien que les xenos soient en sous-effectifs, leurs armes diaboliques compensaient très largement cette faiblesse et infligèrent de lourdes pertes aux équipages impériaux déjà affaiblis. Malgré un conflit qui s’enlisait à la bordure du secteur, plusieurs mondes purent être en partie repris mais sans une victoire nette. Les xenos avaient lâché du terrain mais tenaient toujours certaines enclaves farouchement défendues et toujours impossibles à reprendre. Les monde de Piety, Khirab, Tranquility et Sacristain étaient toujours en guerre et peinaient à contenir l’avancée ennemie vers Endymion, et ce malgré un appui massif de la Deathwatch, de l’Adepta Sororitas et des ordos.

    Après cinq ans de guerres incessantes, Isabella reçut un jour l’ordre de l’amirauté de se replier vers le fort orbitale de Grief, en arrière du front, en vue d’un nouvel approvisionnement en troupes et matériel et pour effectuer des réparations d’urgence. Convoquée par la capitainerie, elle eut la surprise de se faire remettre sans la moindre cérémonie, une missive émanant de l’état-major de l’amirale Nova Krentz en personne, la plus haute autorité navale du secteur. Le document portait le sceau personnel du Primarque. Elle crut décéder dans l’instant, réalisant la magnitude absolue de cette simple signature. Pour service rendu durant la croisade Indomitus, sa lettre de marque et sa charge de seigneur capitaine, libre-marchande venaient de lui être restituées sans délai, et ce avec compensations. Les réparations et approvisionnement en énergie du Morning Star ne lui seraient pas facturés. De plus, elle crut de nouveau défaillir en tentant de comprendre le montant à huit chiffres qui allait alimenter les coffres vides de sa trésorerie, payer ses hommes d’équipage, voire en recruter et enfin financer le superflu, même si les crédits partaient vite avec un vaisseau à faire naviguer. Cela au moins, allait combler ses dettes et la soulager le temps de reprendre le large. Enfin avec cela, elle reçut le commandement d’une compagnie de vétérans fraichement démobilisés de l’Astra Militarum. Des survivants, tous issus de multiples régiments et tous ayant combattus sur de nombreux fronts ces dernières années. Avec eux, suivaient des véhicules, des blindés légers et des navettes de combat. Bien plus qu’elle espérait en réalité car ces troupes devenues à présent mercenaires au service de sa maison, devaient être fantastiques.
    Le Morning Star était enfin délivré de sa charge et elle venait de reprendre sa liberté à laquelle elle n’avait plus goutté depuis tant d’années. La nouvelle à bord, fut accueillie avec une joie immense et les jours qui suivirent furent l’objets de grandes célébrations et de permissions pour l’équipage. De toute manière, les réparations et approvisionnement allaient prendre encore des semaines.

    Le quatrième jour, Isabella se rendit à la guilde du commerce de Grief, en compagnie de Mym Feist, son navigator et d’Enoch Bartolomew, le maitre des murmures. Ils devaient y retrouver Altaïr et Djoko au sujet d’une entreprise commerciale à monter. L’affaire paraissait des plus juteuses, mais non sans quelques risques, il était question initialement d’une guerre entre plusieurs guildes chartistes qui se disputaient des routes commerciales lucratives entre trois sous-secteurs. Autant le commerce était le point fort d’Altaïr et d’Enoch, autant les axes marchands, la marine et ses navires étaient le terrain de prédilection de Djoko et de Mym.
    L’idée géniale d’Altaïr était d’unifier ces guildes chartistes sous une même bannière au lieu de les laisser se déchirer inutilement depuis tant d’années et ainsi les faire travailler pour Isabella. Mais pour cela, des têtes devraient sans doute tomber au sein de ces guildes et une certaine confiance devrait être restaurée aussi. Le seul véritable hic était une maison libre-marchande qui venait visiblement d’avoir la même idée. Restait à trouver une astuce afin d’écarter cet indésirable concurrent.

    Voyant qu’elle tardait à venir au rendez-vous, Altaïr et Djoko se mirent à sa recherche. Ce n’est que lorsqu’ils trouvèrent les corps de Mym et d’Enoch, des heures plus tard dans une sombre ruelle, la gorge tranchée et la rune des Pirates de l’Inéquité gravée sur le front qu’ils comprirent que leurs instants de joie venaient tout juste de s’éteindre. Isabella enlevée et dans l’incapacité de savoir le sort qui lui était réservé était le plus cruel des messages…
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    le 13/07/2023 à 20:26 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, Djoko se retrouvait dans la ruelle, accompagné d’Uriah, la Brute et de Säde Lindholm, informatrice et bras droit de feu Maitre Bartolomew. Ils se trouvaient dans le Quartier du Trône, à l’entrée du niveau des guildes de la station orbitale. Comme un peu partout sur Port Grief, les allées étaient piétonnes, encombrées et plongées dans une semi-pénombre, faiblement éclairées par des lumiglobes grésillant. Les rues étaient crasseuses et bien souvent vétustes, à l’image presque exacte d’une cité ruche. Là, ils se retrouvaient dans une contre-allée qui n’était rien de plus qu’une coursive lugubre et jonchée de détritus. Altaïr les avait laissés là et était parti activer ses contacts dans la station, espérant ainsi obtenir quelques pistes sérieuses.
    Passée la stupeur de réaliser que deux de leurs officiers venaient de se faire ainsi assassiner, ce fut Uriah qui prit la parole. Tous étaient encore sous le choc. Ne rien savoir sur la potentielle disparition d’Isabella avait de quoi les inquiéter.
    -Au moins, j’ose espérer que ma tante est encore en vie.
    -Les Princes de l’Inéquité. Vous auriez une idée sur leurs revendications ? Lui demanda Säde tout en leur montrant une carte de visite qu’elle venait de prélever sous le corps de Bartolomew. La carte montrait d’un côté la rune des Princes de l’Inéquité, une sorte de masque d’où partaient des pics ou des cornes. Au verso, un message manuscrit avait été écrit, indiquant « A minuit, au Midnight Sapphire ».
    -Mon père faisait partie de cette confrérie pirate, tout comme mon grand-père, mais ça, vous le savez déjà. A part la vengeance, je ne vois pas bien…
    -Ta tante se les était mis à dos, on le savait bien, ajouta la Brute de sa voix grave.
    -Pourquoi tuer Mym et Bartolomew, dans ce cas ? S’étonna Djoko.
    La Brute lui indiqua des douilles au sol et des traces de lutte.
    -Ils se sont défendu en tout cas. Sans doute pour le protéger. Je ne vois que ça.
    Säde inspecta la carte avec attention.
    -Ils nous ont laissé un message qui évoque un rendez-vous, semble-t-il.
    -A moins que ce ne soit l’endroit où Isabella devait se rendre ? Questionna la Brute.
    Elle consulta l’heure et vit qu’il était un peu plus de vingt-trois heures.
    -C’est dans moins d’une heure. On pourrait toujours aller s’en assurer.
    -C’est où, ce Midnight Sapphire ? Lui demanda Djoko.
    -Dans les hauteurs. C’est un restaurant huppé surtout fréquenté par des marchands, des guildeurs et des adeptes de hauts rangs.
    -Alors pourquoi des pirates fixeraient un rendez-vous là-bas ? S’étonna la Brute.
    -Les Princes de l’Inéquité ne sont pas de simples pirates, lui répondit Uriah avec un petit rictus.
    Uriah avait passé son enfance parmi eux, avec son père. Il en gardait un souvenir mêlé de fascination, de violence et d’aventures. Sa tante, Isa l’avait fait exfiltrer alors qu’il n’avait encore que treize ans à l’époque. Il l’avait d’abord mal vécu mais avec les années, elle lui avait alors dévoilé qui étaient réellement les Princes de l’Inéquité. Ils étaient bien loin des pirates de romans, faits de panache, d’honneurs, de quêtes aux trésors et de romances. Leur alliance avec des corsaires xenos ou avec le warp les présentaient comme des dangers bien plus terribles et loin d’être aussi romanesques qu’il l’avait imaginé alors enfant. Aujourd’hui, du haut de ses dix-neuf ans, il était un fringant jeune officier, vêtu avec une classe et une allure assumée. Sa tante l’avait formé au commerce et comptait en faire un membre éminent de la Maison Goldberg, voire, lui succéder. Du moins, le temps que sa jeune fille Gaia ne reprenne un jour la succession. Cela ne l’avait pas empêché de conserver son air de canaille. Au grand dam de sa tante, qui savait parfaitement que ses trois larrons d’officiers, Djoko en tête l’avaient pris sous leur aile. Elle avait préféré ne même pas s’en mêler, se disant que c’était tout aussi bien qu’il s’endurcisse avec ces trois-là.
    Uriah poursuivit.
    -Dans la plupart des stations orbitales, soit ils tiennent la pègre, soit ils n’en sont pas loin. Les Princes de l’Inéquité ont des liens avec la Kasballica à ce que me disait Sylmann.
    -Et en ce qui nous concerne ? Lui demanda Säde.
    -Cela ne m’étonnerait pas qu’ils aient aussi leurs entrées dans ce genre d’établissement.
    -Je connais le Midnight Sapphire justement. Lui dit-elle. En revanche, gardez vos armes au fourreau. Le moindre signe d’agression sera aussitôt sanctionné. Ils ont un service d’ordre tatillon, sans compter que la SecNav a ses quartiers dans les parages.
    Uriah consulta ses deux autres officiers du regard.
    -Dans ce cas, Maitre Lindholm, allons-y. On vous suit.

    Le Midnight Sapphire était tel que présenté par Säde. Le quartier était tout aussi antique que le reste de la station mais au moins les énergies et les coursives, plus larges, étaient entretenues. Il y avait même des antigrav qui circulaient par endroit. Des servitors de maintenance s’affairaient de-ci, de-là. Des technoprêtres portant des encensoirs arpentaient les rues, tout comme les prédicateurs, ce qui était plutôt rassurant.
    Un videur puissamment bâti et augmenté gardait les accès du restaurant. Il les dévisagea tandis qu’il jeta un regard suspicieux à la Brute. Uriah lui fit un large sourire et lui glissa un billet dans la main. Le videur les laissa entrer.
    -Tu connais l’endroit, pourtant, il ne t’a même pas reconnu ? Glissa Uriah à Säde.
    -C’est courant. Je suis quelqu’un qui passe plutôt inaperçu. Cela fait partie de ma fonction, Monsieur.
    -Parfait, continuez comme ça.
    L’intérieur était feutré et ponctué de lumières tamisées. Säde se dirigea vers le comptoir où elle prit un siège et commanda un soda. Gardant un œil sur la salle en partie emplie de clients. Elle ne vit pas de gardes armés mais des servo-crânes surveillaient la salle. Nulle doute qu’un service d’ordre discret était paré à intervenir au cas où. Son implant vox cliqua, signalant qu’elle restait en liaison avec le reste de l’équipe. Uriah, Djoko et la Brute prirent une table mais Uriah, dès son entrée avait cru reconnaitre deux visages familiers dans le fond de la salle, installés dans une banquette d’angle. Il ne les avait pas revus depuis tant d’années, pourtant leurs noms remontèrent de sa mémoire en un clin d’œil.
    -Tu as repéré quelqu’un ? Lui demanda Djoko qui n’avait pas manqué de voir son regard troublé.
    Uriah leur désigna discrètement la table située au fond.
    -En tout cas, ils ont pris exactement la table que j’aurai pris. Celle depuis laquelle on voit tout le restaurant et la porte d’entrée, ajouta la Brute. Tu les connais, ces deux enfoirés ?
    -Même si ça remonte à des années, je les reconnais en tout cas. Il s’agit d’Arkhul Al Youssid et de Rhianni Ütterblast. Ils bossaient avec mon père.
    Le couple qu’il venait de leur désigner détonnait quelque peu parmi les clients à bien y regarder. La plupart des personnes dans l’établissement étaient des marchands ou des adeptes, voire des officiers de la navale ou des émissaires de maisons Navigators. Mais les deux en question auraient largement pu rivaliser avec la Brute. Outre leur air de véritables tueurs, ils sentaient les augmentiques et les améliorations de combat à des kilomètres.
    -Ce sont des capitaines parmi les Princes de l’Inéquité ? Demanda Säde dans le microvox, à voix basse.
    -Non… Pas dans mes souvenirs en tout cas. Ils étaient tous comme eux…
    -Ils n’ont pas l’air de t’avoir reconnu, c’est déjà ça, ajouta la Brute.
    A peine sa phrase terminée, que le dénommé Arkhul riva son regard bioniques aux optiques rouges vers Uriah et dévoila un large sourire de dents en titane. Son sourire n’avait pas la moindre chaleur. Il tapota la banquette à côté de lui avec sa main en polyflex et adamantium. La femme à ses côtés leva son verre dans leur direction.
    -Bon… Raté pour la surprise, marmonna Uriah à ses compagnons.
    -Au moins, on sait qu’ils sont là pour nous, ajouta Djoko.

    Uriah se leva et vint s’assoir à la table des deux pirates. Djoko et la Brute en firent de même. La serveuse vint prendre leur commande. Deux amasec et une bière. Une fois repartie, ce fut le dénommé Arkhul qui prit la parole de sa voix grave.
    -Quelle heureuse surprise de revoir notre cher Uriah… C’est que ça faisait un moment…
    Il jeta un regard à la femme qui l’accompagnait.
    -Tu trouves pas que c’est tout le portrait de son paternel.
    -Si… Dit-elle d’une voix calme. En beaucoup plus beau.
    -Tu nous présentes pas tes nouveaux amis ?
    A ses côtés, la Brute se présenta par son simple sobriquet.
    -Ce nom te va à merveille, mon grand, lâcha Arkhul sans se départir de son sourire glaçant.
    -Djokovitch Van Bergen, plus connu sous le nom d’As des as, lâcha Djoko.
    -Une de ces têtes brûlées de pilote…
    -Je suis Maitre du vide.
    -Chez nous, on préfère dire Maitre stellaire, répondit Arkhul… Maitre du vide, ça fait un peu le mec qui fout rien, tu vois. Mais je ne pense pas que notre cher Uriah s’entoure de branquignoles. Il n’a pas été élevé comme ça.
    La serveuse revint pour déposer leurs consommations. Ils attendirent qu’elle reparte pour continuer. Djoko et la Brute étaient pourtant déjà à deux doigts de faire parler la poudre. Uriah leur fit un signe discret de ne surtout pas intervenir. Il glissa la carte de visite sur la table.
    -Ma tante. C’est vous qui la détenez ? Dit-il.
    La fille récupéra la carte et le glissa dans une de ses poches.
    -On se doutait bien, avec Rhianni que tu étais perspicace, annonça Arkhul, tout en jouant avec son verre d’amasec.
    -Je veux la récupérer.
    -Pourquoi ?
    -Parce que… C’est ma tante et que vous ne pouvez pas la garder.
    -Même question. Pourquoi ?
    -Je veux la récupérer. Cette réponse est suffisante. Qui est votre chef, aujourd’hui ?
    -Notre chef ? Nous n’avons pas de chef, répondit Arkhul.
    -Vous avez bien une hiérarchie ?
    -Nous sommes tous égaux au sein de notre confrérie. Tu l’as peut-être oublié, ajouta Rhianni.
    -Et si je veux la voir ? Répondit Uriah.
    -A l’heure qu’il est, elle est déjà loin d’ici. Même si tu le voulais, ça ne serait pas possible, lui dit Arkhul. Pourquoi donc ne pas profiter de cette formidable opportunité que l’on t’offre ? Te voilà affranchi de ce carcan. On écarte tante Isa de l’équation et on propulse ta petite gueule d’ange au poste de libre marchand. C’est plutôt pas mal, moi je trouve. Nan, parce qu’il faut bien que tu saches qu’elle s’est vraiment mise dans la merde, ta tante. Elle s’en est prise à la mauvaise personne et elle doit payer, c’est tout. Mais encore une fois, c’est une histoire réglée et nous, on n’a rien contre toi. Sache juste que si on le voulait, on a les moyens de prendre aussi son vaisseau, son équipage et sa Lettre. Mais l’histoire était personnelle, rien de plus.
    -Maintenant que tu es le dernier héritier Goldberg, on est même plutôt satisfaits que tu reprennes les affaires familiales, tu vois, ajouta Rhianni.
    -Maintenant c’est toi le capitaine de ce vaisseau et tu hérites aussi de la dynastie et de cette foutue Lettre de Marque qu’elle a mis tant d’année à récupérer. Vois ça comme un service qu’on te rend en fait, compléta Arkhul, tout en levant son verre, en même temps que Rhianni. Uriah trinqua avec eux ce qui estomaqua Djoko et la Brute qui préférèrent ne pas intervenir.
    -On serait disposé à te proposer une place au sein de notre confrérie, continua Arkhul. Te donner une position à la hauteur de tes ambitions et quelques autres coups de pouce. Mais rien ne presse, tu as déjà un navire et un équipage à prendre en main, on aura le temps d’en reparler. Montre-nous déjà que tu es capable de mener un navire. Tu as encore beaucoup de chose à apprendre et pour l’instant, tes états de service sont encore bien vierges…
    -On a entendu dire que tu comptais reprendre la main sur quelques compagnies chartistes, ajouta Rhianni. C’est un très bon départ. On comptait justement les acquérir pour notre propre compte, mais on va te les laisser. Vois ça comme une offre de bienvenue dans la famille.
    -Rhianni a raison, ajouta Arkhul. Occupe-toi de ces petits chartistes. Reprends ces guildes en main et règle leurs affaires. On aura l’occasion de se recroiser pour en parler. On a le temps.
    Puis il vida son verre, le posa et se leva.
    -C’était un plaisir de te revoir, faudrait qu’on remette ça plus souvent, je sens qu’en plus le courant à l’air de bien passer avec tes nouveaux amis.
    -On se tient au courant, lâcha Rhianni tout en se levant à son tour.
    Tous deux les saluèrent et quittèrent la salle.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/08/2023 à 19:29 Citer ce message

    Sylmann Altaïr venait tout juste de pousser la porte de l’établissement. Säde venait de lui communiquer l’adresse par microvox quelques minutes auparavant mais sans lui en dire plus, sinon qu’ils avaient une piste. Il connaissait le Midnight Sapphire même si cela devait bien faire plus de dix ans qu’il n’y avait plus mis les pieds. En entrant, il croisa un couple qui en sortait et qui attira tout de suite son attention. Un solide colosse à la peau sombre et une femme bardée d’augmentiques, comme le sont souvent les mercenaires. La fille s’en rendit compte et lui lança un regard appuyé, presque menaçant avant de se retourner vers le fond de la salle. Il estima qu’elle en avait pour un joli paquet de fric sur elle, lorsque son microvox crachota dans son oreille. Il vit alors vers où portait son regard.
    -Syl, c’est Uriah. Fais comme si de rien n’était et va au comptoir, sinon tu vas te faire repérer.
    Il obtempéra et vint s’installer au bar. Säde était un peu plus loin, faisant mine de boire son verre sans le regarder. Sans chercher à discuter, il prit un siège et commanda un amasec tristilé avec des glaçons. Une fois sa commande servie, quelques minutes passèrent puis Uriah le contacta de nouveau.
    -C’est bon, la voie est libre, tu peux nous rejoindre.
    Il voxa Säde en même temps et lui demanda de garder un œil sur le bar. Ce qu’elle fit.
    Altaïr prit son verre et vint les rejoindre. Uriah était assis avec Djoko et la Brute. Il se posa sur la banquette en soufflant.
    -C’est quoi tout ce cirque ?
    -Les deux que tu as croisé en entrant, c’était eux… Ils nous ont parlé. Lâcha la Brute de sa voix grave.
    -Quoi, le grand black aux yeux rouges et la fille toute chromée ?
    -Eux-mêmes. Ce sont eux qui ont ma tante, ajouta Uriah.
    Altaïr faillit recracher son amasec et manqua s’étrangler. Il se leva.
    -Merde, mais… Quoi ? On fait quoi là à attendre ? On les suit, on les attrape et ils crachent le morceau.
    -Mauvaise idée, lâcha Uriah qui lui indiqua de se rassoir.
    -Comment ça ?
    Il chercha le regard de Djoko. Mais ce dernier lui lança un regard navré.
    -On ne fait rien, donc ? Merde, on parle d’Isa, là ! Ajouta Altaïr.
    -Je n’ai pas dit qu’on allait rien faire du tout, compléta Uriah tout en lui signifiant de parler moins fort et de se calmer. Juste que leur tomber dessus ne servirait à rien. Ce ne sont pas ces deux-là qui ont ma tante à strictement parler, mais leurs complices. Tante Isa est déjà loin d’ici, je leur ai déjà posé la question.
    -Cette blague ! Mais tu les as cru ?
    -Je connais bien ces types. Crois-moi, ils ne plaisantent pas. Et… oui, je les crois.
    Altaïr se pencha vers lui.
    -Et tu crois quoi, petit ? Que nous, on plaisante ? Qu’on est des comiques ?
    -Syl a raison, ajouta Djoko. Ils ne savent pas qui on est et on a sacrément les moyens de leur rentrer dans la gueule nous aussi.
    -Sans parler de l’envie qu’on a de leur rentrer dedans, compléta la Brute.
    -J’avoue que ça me démangeait vu comment ils nous ont mal parlé. Dans un autre endroit, ils se prenaient une balle, ajouta Djoko.
    -Et après ? Continua Uriah. Moi je les connais pour les avoir côtoyé de l’intérieur. Croyez-moi, les Princes de l’Inéquité disposent de bien plus de navires et de troupes que vous ne l’imaginez. S’attaquer à eux, ici et maintenant serait une grossière erreur et ils le savent pertinemment. Déjà, ici, sur Port Grief, on se prendrait la SecNav sur le coin du nez en moins de trois minutes et c’est clairement pas le moment. Mais après, il aurait fallu gérer les représailles de l’Inéquité et ça, je peux vous dire qu’on ne fait pas le poids pour l’instant. Clairement.
    -Et donc quoi ? On ne fait rien du tout ? On ne sait même pas si Isa est encore en vie… Répondit Altaïr.
    -Si. Elle l’est.
    -Et tu les crois ?
    -J’ai de bonnes raisons de les croire. Oui.
    -Ils veulent quoi alors en échange ? A tous les coups, ils veulent la Lettre de Marque, c’est ça ? Le vaisseau aussi ?
    -Ils ne veulent rien.
    -Quoi ?
    -Enfin, si, mais pas directement.
    Altaïr lui demanda de ne rien ajouter. Il attrapa une serveuse au passage et commanda un deuxième verre d’amasec. Les autres en profitèrent pour reprendre un verre. La situation était clairement tendue.
    -En tout cas, il y a un détail qui leur a échappé, ajouta Uriah.
    -Lequel ?
    -Le fait qu’ils aient ouvertement annoncé que j’étais le dernier héritier des Goldberg. Ils oublient quelqu’un. A moins qu’ils…
    -A moins qu’ils ignorent tout simplement qu’Isa a une fille, Gaia, ta petite cousine, compléta Djoko.
    -Exactement.
    -Si c’est le cas, c’est bien mieux comme ça, ajouta Altaïr, mais on va devoir la surveiller comme la prunelle de nos yeux car s’ils venaient à découvrir son existence, je n’ose imaginer ce qu’ils feraient avec elle.
    -Je vais appeler la passerelle, qu’ils la trouvent et qu’ils l’enferment dans un…
    Ses trois officiers eurent soudain la même réaction nerveuse. A la limite de porter la main sur la crosse de leur arme.
    -L’enfermer dans… Quoi ?
    Uriah leva les mains en signe d’apaisement, un franc sourire sur le visage.
    -C’est bon, les gars… C’est ma cousine, je ne vais quand même pas la faire jeter par un des sas. Je veux juste la placer en lieu sûr. C’est tout…
    Il se tourna vers la Brute. En tant que Premier officier, il avait la charge de la sécurité à bord du vaisseau.
    -Informe la passerelle de contacter Maitre Arkhan le chef bosco, qu’il trouve ma cousine et qu’il la place sous protection dans les appartements de ma tante.
    -Je m’en occupe, Capitaine.
    -Fais doubler aussi la garde. Au cas où.
    -Il t’a appelé capitaine ? Sourit Djoko.
    -Eh bien… Techniquement, il n’a pas tort, ajouta Altaïr. En l’absence d’Isa, c’est lui qui assure la fonction, c’est aussi ce qu’elle avait prévu dans le processus de succession. On va donc devoir l’appeler capitaine… enfin, devant l’équipage… Tant que Gaia est encore mineure.
    Djoko plissa les yeux et lança un regard scrutateur vers Uriah.
    -Mouais… Tant que Gaia est encore mineure. Ou qu’on retrouve Isa.
    -Oui, ou qu’on la retrouve, évidemment.
    -Je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais j’ai quand même peu d’espoir de la revoir un jour en vie, lâcha tristement Uriah.
    -Je t’interdis d’y penser, putain ! S’énerva soudain Djoko.
    -Il a raison. On doit la sortir de là, ajouta Altaïr. Tu disais justement qu’ils voulaient quelque chose en échange. Développe ?
    Uriah lui dévoila leur plan. Le fait qu’ils retiennent sa tante, que cela le nomme libre-marchand par défaut et qu’il doive à présent reprendre la dynastie en main, la faire fructifier et peut-être un jour ou l’autre se voir offrir une place au sein de leur confrérie.
    Altaïr écouta attentivement son résumé avant de reprendre la parole.
    -Tu sais qu’avec Djoko, on connait ta tante Isa depuis quoi… Un peu plus de vingt ans à présent. On l’a connu alors qu’on avait quasiment ton âge.
    Il eut un petit sourire avant de poursuivre.
    -Je crois qu’à cette époque-là, on a tous été plus ou moins amoureux d’elle. Mais qui ne l’aurait pas été ? Elle était belle, charismatique, brillante, elle avait tout pour elle et nous, on était quoi ? Juste une bande de fieffées canailles qui voulaient briller. On était attiré par elle, comme des fragments d’astéroïdes attirés par un soleil. C’est comme ça qu’on l’a connu dans sa robe en noctesoie noire et or, aux couleurs de la Maison Goldberg, lors d’une soirée sur un port orbital comme celui-ci. Sur Rigeal, je crois…
    -C’était sur Port Godwinne, en 996. La fête de l’Ascension. Ajouta Djoko. Rigeal c’était un an après, pour ses dix-sept ans.
    Altaïr hocha la tête. Djoko était celui dont elle était réellement tombée amoureuse à l’époque. Pourtant leur union sacrée n’en avait jamais été altérée.
    -Oui, tu as raison… C’était bien sur Port Godwinne. A l’époque, on savait déjà de qui elle était la fille, tu penses bien. Abdul Goldberg, ton grand-père était un libre-marchand bien connu et qui jouissait déjà d’une réputation des plus sulfureuses depuis des décennies. Ce n’est que bien après qu’on a su qu’il était un des Princes de l’Inéquité, tout comme Sebastian, ton père. En revanche, ta tante Isa se destinait à un tout autre avenir. Je crois qu’elle tenait ça de sa mère même si on l’a peu connue à l’époque, un peu avant sa mort.
    -Vous avez connus ma grand-mère Marabella ?
    -Oui, tu penses bien, comme ce n’était pas n’importe qui. C’était quand même une des très convoitées filles de la Maison Liverance. Je crois que c’était la sœur de l’actuel gouverneur de Pireaus VII. Et comme elle était commodore ou contre-amiral dans la Marine, Isa a souhaité suivre les traces de sa mère, elle a fait l’académie navale, là où elle a rencontré Djoko. Tous deux voulaient devenir des officiers dans la Marine alors que moi je comptais faire une carrière dans le commerce. J’avais d’ailleurs monté une affaire florissante avec un chartiste à l’époque. Ce bon vieux Reginas… je ne sais pas ce qu’il est devenu aujourd’hui. On achetait et revendait tout un tas de reliques de contrefaçon ou de la xenotech presque aussi vraie que nature grâce à une petite archéotechnologue que je connaissais. Ça marchait plutôt bien. Bref, c’est comme ça qu’avec ta tante et Djoko, on s’est rencontré à cette époque et on pensait déjà à s’associer, monter un business, s’acheter un vaisseau… Je crois qu’on avait déjà tous dans le sang une envie de grande aventure, mais quand un jour Isa a compris que son père et son propre frère trafiquaient avec des hérétiques, ça a été un grand choc pour elle. Sa mère est décédée dans d’étranges circonstances à ce moment-là et sans doute pas par hasard. Son monde, ses repères se sont effondrés et c’est là qu’elle s’est brouillée définitivement avec eux. Oh, évidemment, ils ont tout fait pour le convaincre de les suivre mais tu la connais… Isa a un sacré caractère et elle s’est opposée fermement à leurs décisions. C’est là qu’ils sont entrés en guerre et elle a fait ses propres choix quand elle a appris que les Ordos envisageaient de détruire la maison Goldberg et d’en éliminer toute la famille. C’est là qu’elle a décidé de négocier le fait de garder la Lettre de Marque.
    -Voilà pourquoi les Princes de l’Inéquité en ont toujours eu après elle, ajouta la Brute.
    -Mais pourquoi maintenant ? Cela fait tellement d’années, répondit Uriah.
    -Pourquoi maintenant ? Lâcha Djoko, avec un petit rire sarcastique. Parce qu’étrangement, cela ne fait que quelques jours que ta tante venait enfin de récupérer sa fichue Lettre de Marque que ces salopards des Ordos n’avaient jamais voulu lâcher et que son frère, ton paternel, convoitait depuis tout ce temps.
    Sylmann le pointa du doigt.
    -C’est exactement ce que je pense aussi. Le Morning Star, son équipage et nous tous, sans la Lettre, nous ne valons rien de plus que les dettes de nos créanciers. On ne vaut rien, peau d’ork. Mais… Maintenant que la Maison Goldberg est de nouveau sous le sceau de Terra et du Senatorum Imperialis, cette dynastie vaut de nouveau des milliards, mon grand. Et c’est ça qui les intéresse. Ils dégagent ta tante qui les a trahis, te mettent toi, à la tête de la Maison et s’assurent que tu deviennes banquable. Pour eux.
    -Trône… Ils oublient quand même un détail.
    -Lequel ?
    -Qu’ils peuvent bien aller se faire foutre, parce que j’ai un plan.
    -Un plan pour ? Lâcha Djoko avec un air dubitatif.
    -Je compte gagner leur confiance, ce qui ne devrait pas être trop compliqué vu qu’ils m’ont à la bonne. Je rentre dans leur jeu, j’infiltre leur confrérie et là, je… Enfin, on…
    -On, quoi ? Lui demanda Djoko, en relevant un sourcil.
    -D’accord, on improvisera à ce moment-là, on aura bien une idée. Mais l’objectif est de retrouver Isa et de les faire tomber, comme elle a fait à son époque.
    -Oui, enfin, sauf que tante Isa, elle avait l’Inquisition qui a fait le boulot à sa place, ajouta Djoko, ça a pu aider un peu.
    -Et ne compte pas sur nous pour faire appel à un inquisiteur, ajouta Altaïr. La dernière fois qu’on en a eu un à bord, on avait qu’une envie, c’était l’éjecter par un sas lors d’une translation warp.
    -Ce qu’on aurait dû faire, d’ailleurs, ajouta Djoko.
    -Non, non… je n’ai pas l’intention de mêler ces enfoirés des Ordos à nos affaires. Surtout pas. On va se débrouiller.
    -On sait quoi sur eux ? Sur ces Princes de l’Inéquité. On a des contacts qui pourraient nous renseigner ? Tu ne devais pas rencontrer tes relations ici sur Port Grief ? Lâcha Djoko.
    -Justement si, répondit Altaïr. Je suis allé voir Endrei, une de mes connaissances à qui j’ai pu poser deux-trois questions.
    -Et ça a donné quoi ?
    -Rien de très concluant, malheureusement. Ça confirme ce que dit le gamin, à savoir que ce sont de très gros poissons. Mais selon les informations que j’ai pu recueillir, les Princes ne se seraient pas installés ici sur Port Grief, à cause de la Navale qui traine dans le coin. De l’Arbites aussi. Pourtant, force est de constater qu’ils se trompent.
    -Ils ont peut-être des liens avec les autorités, non ? Contacts, pots-de-vin ? S’étonna la Brute.
    -Non, ce n’est pas le cas. Enfin ça m’étonnerait, répondit Djoko. Vu comment la Marine est en guerre contre eux. Tu n’as pas vu les affiches placardées dans les rues ?
    -En tout cas, les rumeurs prétendent que les Princes comptent parmi eux des libres-marchands connus et des chartistes qui ont pignon sur rue, mais sans que leur identité ne soit révélée. Ils ont une double activité pour la plupart, à l’exception de quelques pirates déjà connus, compléta Altaïr. Voilà pourquoi ils attendent que nous soyons rentables, nous aussi.
    -De toute façon, ils nous laissent du temps pour monter une affaire, ajouta Uriah, ce qui signifie qu’on va pouvoir élaborer un plan. Ils ont parlé de ces trois compagnies chartistes que ma tante voulait racheter, c’est bien ça ?
    -Enfin… Racheter est un bien grand mot, répondit Altaïr. On n’a absolument pas les fonds pour se payer ne serait-ce qu’une de ces compagnies. J’ai fait le point encore hier avec Maitre Aldorf, le commissaire aux finances. On a juste eu de quoi payer les soldes de l’équipage et le carburant. Nos dettes sont encore bien loin d’être épongées. Tu sais combien coûte un vaisseau comme le nôtre en frais de fonctionnement, par jour, à quai ? Je t’épargne les taxes, les droits de douane et j’en passe. Ça se compte en centaines de milliers. Voilà pourquoi, on va devoir trouver une affaire et rapidement. C’est pourquoi avec Isa et Djoko, on avait pour idée de leur mettre la main dessus.
    -Et comment du coup ? Je n’ai absolument aucune idée de comment racheter trois compagnies chartistes, surtout sans un seul Trône en poche.
    -Normal, gamin, tu n’as encore que dix-neuf ans, lui sourit Djoko. Ce genre de magouilles, ça nous connait pas mal, tu verras.
    -A ce propos, ma tante m’a dit qu’une autre maison libre-marchande s’y intéressait aussi de près, non ?
    -Oui, Les Frae Spinaiser. Tu les connais ?
    -Juste de nom. Une vieille dynastie connue pour ses intrigues politiques et ses liens avec la Flotte. Il me semble qu’ils ont perdu des vaisseaux lors de la dernière croisade. C’est tout ce que je sais.
    -On va se renseigner sur eux, surtout s’ils se foutent dans nos pattes.
    -Sinon, on sait quoi sur ces compagnies chartistes ?
    Altaïr lui sourit tout en s’allumant une fine barrette de lho.
    -Disons qu’avec Isa, Djoko et la Brute, on avait déjà un peu tâté le terrain avant. Avec quelques recherches, on a pu obtenir les noms des trois compagnies. Ce sont de petites structures qui comptent deux ou trois navires de commerce chacune mais qui ont su se diversifier dans un commerce florissant de denrées, de carburants ou de produits de luxe, mais aussi de troupes et d’armement depuis plus récemment.
    Il sortit sa tablette de données et l’activa. Il y chercha le dossier correspondant.
    -Voilà… J’ai leurs noms. Vigor&Vanguard, Silent Dominion et Burden Alliance.
    -Connais pas… On sait où ils sont basés ? Ici ?
    Altaïr rangea sa tablette avant de répondre.
    -La première a son siège justement ici, sur Port Grief, voilà pourquoi on comptait y faire un saut. La deuxième a ses bureaux à bord d’un de leur navire qui est dans la région. Quand à la dernière… Burden Alliance, ils ont leurs locaux sur Isin IV. J’ai les noms des dirigeants aussi, ça pourra servir.
    -Et c’est quoi leur histoire de guerre commerciale ?
    -Ils sont concurrents sur le même itinéraire depuis des années et cherchent donc à s’évincer les uns les autres. Ils veulent tous racheter leurs rivaux mais personne ne veut vendre. Du coup ils se livrent une guerre ouverte et ça risque bien de déstabiliser le commerce dans la région. C’est pour ça que les Frae Spinaiser veulent mettre leur nez dedans.
    -C’est quoi cette route commerciale ?
    -Ils desservent tout le sous-secteur Endymion et redescendent jusqu’au sous-secteur Badab, par la route d’Eshunna, lâcha Djoko qui connaissait son domaine.
    -Le Canal de Coriolis ?
    -Exactement, je vois que tu as une bonne mémoire. Tu te rappelles de mes leçons d’astromancie.
    Uriah sourit intérieurement mais ne dit rien, ne se rappelant aucunement que Djoko lui avait donné le moindre cours d’astromancie, en dehors de leur virée à la Pleine Lune, un inoubliable bar à hôtesses sur Bellerophon.
    -Merde, mais ça fait une sacrée route.
    -Trois-cent-vingt années-lumière et une quarantaine de jours par le warp, petit.
    Uriah se calla dans son fauteuil, en faisant une petite moue.
    -Ça me fait penser qu’avec la disparition de Mym, il va falloir qu’on recrute un nouveau navigator. Ça va devenir urgent.
    -Bien vu, lui répondit Altaïr. Je vais mettre mes gars sur le coup car c’est un peu tendu en ce moment avec la Navis dans les parages. La croisade a siphonné la plupart des meilleures maisons. J’espère qu’on trouvera quelqu’un.
    -Tu veux dire, pas comme cet espèce de clochard aviné qu’on avait ? Lâcha Djoko d’un ton sarcastique. Ce type devait nous trouver une corvette perdue je-ne-sais-où. On y a passé des années à la chercher en suivant les conseils de cet escroc.
    Altaïr leva les yeux au ciel.
    -Trône, Ce type vient à peine de se faire refroidir, t’as donc aucun respect… Tu te rappelles qu’à cause de vos embrouilles de coq de basse-cour à tous les deux, on a dû te remplacer la moitié du corps avec de l’augmentique.
    Djoko dévoila un large sourire vers Uriah.
    -Ce mec exagère toujours… Seules mes mains et mes yeux ont été remplacés et c’est juste dans un souci d’efficacité, ça n’a rien à voir avec ce trou du cul prétentieux de la Navis. Regarde mes yeux, on ne voit même pas le différence avec les originaux.
    -Et tes traitements rejuvenant ? C’est aussi par souci d’efficacité que tu as toujours trente ans ?
    -Là, tu deviens carrément désagréable… Figure-toi qu’Alisabeth ne s’en plaint pas, elle.
    -Ah ? Je croyais que tu étais avec Montoya en ce moment ?
    -L’une n’empêche pas l’autre, Monsieur la science avec ses vieux bouquins...
    -D’accord. Bon, du coup, on s’y prend comment pour les approcher ? Les coupa Uriah. Ces compagnies sont toutes à des unités astrales les unes des autres.
    -On les approche pas, lâcha Djoko qui se recalla dans son fauteuil. On les réunit. Du moins les trois dirigeants, ce sera plus simple.
    -Sous quel motif ? Et après, on fait quoi ? On leur brise les genoux et on les force à signer un contrat de vente ?
    -C’est une option que l’on pourrait garder en dernier recours. On ne pourrait pas trouver un moyen juste de les racheter ?
    -Je te l’ai dit, les caisses sont vides. On, paye avec quoi ? De la fausse monnaie ?
    -Et pourquoi pas ? Répondit Djoko.
    -Tu sais ce que ça va représenter en paquet de faux billets, toi ? C’est une palette complète, minimum.
    -Tu connais quelqu’un qui pourrait te faire ça ?
    -C’est bien possible. Mais ça va prendre du temps et ça va couter un pourcentage. Donc cher.
    Uriah eut une petite grimace.
    -Il nous faut quelque chose de plus subtil. Qu’on réussisse le coup sans que ça nous coute le moindre crédit.
    -On t’écoute, lâcha Altaïr, soudain amusé de voir le gosse se prendre à leur propre jeu.
    -J’ai peut-être une meilleure idée. On sait qu’ils veulent tous racheter la compagnie de leurs concurrents, c’est bien ça ?
    -C’est ça.
    -Et pour l’instant, aucun d’eux ne veut vendre, on est bien d’accord ?
    -En effet.
    -Donc, si nous, on venait à prendre l’apparence d’émissaires de la compagnie A et qu’on allait voir la compagnie B, en leur disant que finalement nous avons bien réfléchi, qu’on a changé d’avis et qu’on est d’accord pour vendre ?
    -Merde… On tient un truc, là… Continue…
    -On empoche le fric de la compagnie B et on part faire le même coup à la compagnie C en se faisant passer pour la compagnie B, puis à la compagnie A qui rachète la C.
    -Et une fois qu’ils découvrent le pot aux roses ? Le questionna la Brute.
    -On aura les trois contrats signés et on aura les fonds. On les tiendra à la gorge. Au pire, on fera un petit remaniement de direction, si on devait rencontrer quelques mécontents.
    -Bosser pour un libre-marchand, ça devrait tous les mettre d’accord, tu verras, ajouta Altaïr.
    Djoko eut un grand sourire en posant son verre vide sur la table.
    -Moi, le plan du gamin me plait bien. C’est quoi l’adresse du premier ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/08/2023 à 22:37 Citer ce message

    Tandis qu’ils discutaient, ils virent une personne qui était en train de parler avec Säde Lindholm au comptoir.
    -C’est un des informateurs que Bartolomew venait de recruter sur la station, il me semble. Je n’ai pas retenu son nom, dit Altaïr à ses trois comparses. Il m’en a parlé pas plus tard qu’hier justement. C’est un jeune officier du Tactica qui a fait ses armes dans la navale. La Croisade ne l’aurait pas épargné, à ce qu’il m’a dit… Mais qui a été épargné par cette croisade, de toute façon ?
    Soudain, Säde se leva et vint les rejoindre à leur table. Le type en question, la suivait.
    -Pardonnez-moi de vous interrompre, Messieurs, leur dit-elle.
    Elle se pencha vers Altaïr.
    -Il y a un sujet qui requière notre présence sur la passerelle, Monsieur.
    Il releva son visage vers elle, tout en jouant avec son verre.
    -Maintenant ?
    -Oui, maintenant. Le… Sous-lieutenant Edward Kenway, ici présent nous fait savoir que vous êtes demandé. En urgence.
    -Et qui le demande ? Demanda Uriah, en relevant un sourcil.
    -C’est à propos de… Votre jeune cousine, Monsieur.
    -Gaia ? Il y a un problème ? Lâcha Altaïr. Djoko et la Brute furent soudain sur le qui-vive.
    -Rien de bien grave, mais elle commence à poser des questions. A propos de sa mère… Elle… Elle n’est pas encore au courant de…
    Altaïr se leva.
    -Bien, je m’en occupe. Lindholm, vous venez avec moi, je risque fort d’avoir besoin d’une… Enfin, disons de vos compétences.
    Il se tourna vers le jeune officier dont il avait oublié le nom. Il devait avoir la vingtaine. Brun, les yeux clairs, il portait un petit bouc bien taillé. L’œil aux aguets et non dénué de charme, il avait pourtant cette capacité à passer relativement inaperçu. Ce qui était un atout pour un informateur.
    -Vous, lieutenant…
    -Monsieur ?
    -Nous avons justement un épineux problème et je pense que votre regard neuf pourrait bien nous éclairer. Le Capitaine, ici présent va vous exposer de quoi il en retourne. Je pense que vos talents d’enquêteur seront appréciés.
    Il fit un signe à Uriah.
    -Je vais tâcher de ne pas être long. Puis il salua tout le monde et demanda à Säde de l’accompagner vers la sortie.

    Uriah désigna la chaise vide d’Altaïr et demanda à Kenway de s’assoir.
    -Bien… Lieutenant Kenway, c’est bien cela ?
    -Oui, Monsieur… Je n’ai pas entièrement saisi en quoi pouvais-je vous aider…
    -Je vais vous exposer la situation… Vous n’êtes pas sans ignorer les disparitions qui viennent de nous affecter tout récemment.
    -En effet, Monsieur.
    -Bien. En l’absence de notre Capitaine, c’est donc moi qui prends le commandement du Morning Star.
    -C’est ce que j’ai cru comprendre, en effet.
    -Nous avons un… Disons plutôt deux autres problèmes à résoudre pour commencer. Le premier et c’est certainement le plus simple bien qu’assez urgent est qu’il va falloir recruter un nouveau Navigator, sans quoi il nous sera difficile de quitter le système Grief sans y passer des semaines. L’autre sujet est plus complexe. Je vais vous épargner les détails, mais disons que nous sommes sur le point de mettre la main sur trois compagnies chartistes.
    -Vous souhaitez les racheter ? Pardonnez-moi, mais le commerce, ce n’est pas trop mon…
    Djoko eut un petit rire.
    -Racheter n’est pas nécessairement l’idée. Mais les acquérir d’une manière ou d’une autre, oui.
    Uriah eut un large sourire.
    -Voilà, c’est ça l’idée. Leur mettre la main dessus de manière… Disons plus ou moins légale mais sans que cela ne nous coute le moindre cent.
    Kenway se calla dans son fauteuil avec un léger sourire.
    -Oh, je vois. Il faudrait obtenir quelques informations sur ces compagnies, pour commencer.
    -Nous avons leur nom, nous savons où elles se situent et connaissons le nom de leurs dirigeants, compléta Uriah. Vigor&Vanguard dirigé par Ashram Absilias. Ils ont leur local ici sur ce port orbital. La seconde compagnie se nomme Silent Dominion et est dirigée par Feronika Rasmusen. Ses bureaux sont à bord d’un de leur navire en transit entre ici et le système Iblis. Quant à la dernière des trois, il s’agit de la Burden Alliance dirigée par Gregor Kysnathian. Leur siège se trouve dans le système Galen. A quelques heures d’ici par le warp.
    Kenway fronça les sourcils en entendant ce nom.
    -Kysnathian… De la Maison Kysnathian ?
    -J’imagine.
    -Sur Galen VI ?
    -Apparemment oui. Vous les connaissez ?
    -Disons que nous avons une vieille vendetta familiale.
    -Oh… Voilà qui est intéressant. Noblesse marchande ?
    -En quelque sorte, oui.
    -Vous n’auriez donc pas de scrupule à leur faire un sale coup, dans ce cas ?
    -Ce serait même avec plaisir, capitaine. Vous avez déjà un plan pour approcher ces familles ?
    -Un début de plan, répondit La Brute.
    -Ces trois familles se livrent une guerre commerciale, ajouta Uriah.
    -Toutes veulent acheter ou couler leurs deux autres rivales mais aucune des trois ne souhaite vendre, compléta Djoko.
    -Et c’est là que l’on compte se faire passer pour une de ces familles, poursuivit la Brute. On se présente sous la fausse identité d’un émissaire de la famille A et on prétend à la famille B qu’on est enfin d’accord pour vendre. Et on refait ensuite le coup aux deux autres familles.
    -Je peux m’infiltrer dans une de ces compagnies en me faisant passer pour quelqu’un d’autre, si vous le souhaitez, ça c’est parfaitement dans mes cordes.
    -Voilà qui pourrait nous être utile, en effet. Vous sauriez prendre l’apparence d’un des membres d’une de ces familles ?
    -Il va nous falloir des tenues avec les blasons de chacune de ces familles dans ce cas, ajouta la Brute.
    -Pas nécessairement… Kenway se mit à réfléchir avant de poursuivre. Ces familles sont en guerre, vous dites ?
    -Oui, c’est bien ça, répondit Djoko.
    -Donc il y a des chances qu’ils ne se rencontrent pas ou que très rarement. Ce qui pourrait être à notre avantage.
    -Poursuivez…
    -Je ne pense pas utile de devoir tous nous habiller comme eux, porter leurs tenues et leurs armoiries. Un seul d’entre nous suffira à les duper.
    -Comment cela ? Demanda Djoko, intrigué.
    -Je connais le blason des Kysnathian, par exemple. Il suffirait d’en obtenir un, que l’un de nous le porte sur un uniforme, au pire de présenter une fausse lettre d’accréditation avec leurs armoiries dessus et avec de l’aplomb et de la conviction, je pense que la supercherie pourrait fonctionner. Les autres ne seraient alors que des membres de sa suite.
    -Et ce blason, comment se le procure-t-on ?
    -C’est là qu’il nous faut un artisan artificier. Vous avez peut-être ça à bord ?
    -Je ne me vois pas demander ça aux technoprêtres, lâcha Uriah.
    -Il y a des boutiques sur la station, sinon, répondit la Brute.
    -Oui, mais on parle de boutiques légales, là, dit Kenway. Qu’en est -il si cela venait à s’ébruiter que nous faisons fabriquer des faux et que cela revienne aux oreilles des maisons en question ?
    -C’est pas faux… Un point pour vous, répondit Uriah.
    -Il a raison, on ferait bien de passer par un faussaire dans ce cas, ajouta Djoko. Quelqu’un capable, contre quelques billets, de nous faire ça discrètement.
    -Tu connais un endroit où on peut trouver ça, ici ?
    -Derrière les docks, dans le quartier Pacificus, j’ai ma petite idée.
    Uriah termina son verre tout en vérifiant l’heure.
    -Dans ce cas, allons-y, ne perdons pas de temps.

    Une heure plus tard, ils étaient dans le quartier en question, un mélange de bars à matelots, de bordels à dockers et de boutiques ambulantes en tout genre. Les ruelles étaient bondées, crasseuses, animées et empestaient comme tous ces coins sordides de la galaxie. Ici, tout se vendait et s’achetait, il y en avait pour toutes les bourses. La SecNav ou l’Arbites y faisaient parfois des incursions mais seulement en cas de gros problèmes. Tant qu’on ne dépassait pas les limites, les autorités avaient d’autres hérétiques à fouetter que des revendeurs des lho bon marché.
    A force de poser les bonnes questions, ils finirent par trouver deux boutiques qui attirèrent leur attention. Ils écartèrent cependant la première car l’artisan leur demandait un prix plutôt prohibitif et surtout un délai d’une semaine, ce qui n’allait pas les arranger. La seconde boutique, tenue par une squat du nom de Grunda, leur parut nettement plus correcte. D’autant plus qu’elle disposait déjà de modèles de broches qu’elle n’aurait qu’à modifier selon un dessin que lui laissa le lieutenant Kenway. Djoko lui raconta une convaincante histoire de broches perdues qu’il fallait remplacer discrètement, sous peine de se faire sermonner par ses maitres. Le prix resta cher mais une des broches était en bronze et la seconde en or. Elle leur annonça que la commande serait prête demain dans l’après-midi, ce qui était plutôt rapide. Uriah versa un acompte et ils ressortirent, plutôt satisfaits. Les squats, ou Kin comme ils s’appelaient entre eux étaient des artisans rapides et compétents, ce qui agaçaient toujours les technoprêtres de Mars.

    Sur le chemin du retour, ils firent une pause sur une des artères marchandes. Uriah se tourna vers Djokovitch.
    -Tu saurais nous trouver un Navigator, ici ?
    -Je peux essayer, oui.
    -Vas-y, on te suit.
    -Laisse-moi juste poser quelques questions aux bons endroits. Dans cette rue, il doit y avoir un bar connu des pilotes, si ma mémoire est bonne… La Timone, je crois…
    Il s’engagea dans la rue en question et finit par trouver le bar. Il leur demanda d’attendre car il n’allait pas être long.
    Au bout de quinze minutes, il ressortit.
    -Tu as quelque chose ? Lui demanda la Brute.
    -J’ai parlé avec un pilote plutôt sympa qui bosse sur un des navires d’Albrecht Talinn, il aurait un tuyau.
    -Les navires de qui ça ? Demanda la Brute.
    -Talinn possède une des plus grosses maisons chartistes du secteur, répondit Uriah. Et donc ?
    -Une navigator était là, il y a moins d’une heure. Elle a été chassée du bar par des types qui s’en sont pris à elle. Ils l’ont traité de mutante et je ne sais quoi…
    -Classique. Tu sais où on peut la trouver ?
    -Elle traine dans le quartier ou vers un autre bar, le Point de Mandeville.
    -Parfait, allons-y

    Ils trouvèrent le chemin mais à peine étaient-ils en vue du bar en question, que Kenway attira leur attention. Depuis une ruelle, un peu plus loin, il venait d’entendre les cris d’une jeune fille. Les autres n’y avaient pas prêté plus attention, mais maintenant qu’ils y prenaient garde, ils entendirent des phrases comme « tu vas crever, salope de mutante ».
    -C’est elle, cria Uriah qui se précipita vers la ruelle, suivit aussitôt par ses trois officiers.
    Ils les virent. Ils étaient cinq. Des gros bras. La fille était au sol, sur ses fesses, en train de tenter de reculer en leur demandant de ne pas faire ça. Mais les autres ricanaient et l’un deux, agitait un bidon de prométhéum devant lui. Il était assez corpulent et portait un épée tronçonneuse à la ceinture, ainsi qu’un pistolet lance-flammes. Sans doute était-il un de ces chasseurs de mutants que l’on croise sur n’importe quel monde impérial. Il en retira le bouchon qu’il jeta au loin, tout en promettant à la fille qu’elle allait cramer, comme la sale catin du warp qu’elle était.
    Uriah s’avança dans la ruelle alors que le type au bidon commençait à arroser la fille.
    -Arrêtez ça, relâchez-la tout de suite et il n’y aura pas de grabuge.
    Les types s’arrêtèrent aussitôt et se retournèrent lentement, portant la main à leurs armes.
    -De quoi il se mêle, le minion ? C’est une affaire privée ici, par Terra, alors dégage de là si tu veux pas te faire botter le cul au point de te retrouver en orbite.
    Les autres se mirent à rire.
    Djoko approcha à son tour. La Brute et Kenway restaient dans les ombres, mais parés à intervenir si la situation devait dégénérer. La fille en profita pour ramper et se mettre à couvert derrière l’épave d’un vieil utilitaire désossé.
    -On se mêle que cette demoiselle est désormais sous contrat de notre maison et de fait, elle est sous notre protection. Ce qui signifie que le premier qui la touche aura affaire à nous.
    Les types les dévisagèrent pendant quelques secondes, un peu éberlués puis d’un seul coup se mirent à éclater de rire. Sans prévenir, Uriah dégaina sa rapière énergétique, activa la lame et d’un bond, se rua le chef de la bande et l’embrocha jusqu’à la garde. Le type écarquilla les yeux et ouvrit sa bouche en grand, cherchant à dire quelque chose mais seul un filet de bave sortit de sa gueule béante. Il tomba à genoux en gargouillant quelque chose. Uriah posa une de ses bottes sur le torse du type et tira sa rapière d’un coup sec. Le sang gicla. Uriah eut un sourire en coin.
    -Tu disais quoi à propos de me faire botter le cul, espèce de sac à merde ?
    Deux des types reculèrent de quelques mètres, cherchant à couvrir leurs arrières. L’un d’eux ouvrit le feu avec un revolver tout en tremblant mais tira beaucoup trop haut, quant à son compère, sans doute prit de panique, le doigt cramponné à la détente de son arme, se mit à lâcher une longue rafale avec une sorte de petite mitraillette qui tressauta dans ses mains. Les tirs fusèrent dans toute la ruelle avec un staccato caractéristique. Les balles crépitèrent sur leurs armures sans leurs occasionner de graves dégâts mais quelques grosses contusions et même un peu de sang dû à de belles coupures. Djoko fut touché à la jambe au moment où un des gros bras le frappa avec une solide barre de fer. Il chancela et faillit s’écrouler, regrettant de ne pas avoir dégainé son arme. Le cinquième type, armé d’une lourde masse, se jeta sur Uriah mais ce dernier para proprement le coup avec sa lame énergétique qui coupa le manche de la masse en deux, laissant son agresseur un peu éberlué. La Brute venait d’ouvrir le feu sur le type au revolver mais ce dernier se jeta de côté et évita les bolts mortels. Ce fut le moment où Kenway se rua dans la bataille. En quelques enjambées, il venait de dégainer un pistolet bolter et une épée monomoléculaire. Il ouvrit le feu sur l’homme au revolver qui se prit un des bolts, ce qui l’envoya mordre la poussière trois mètres plus loin. Il stoppa son élan et mit un coup de lame sur l’homme à la mitraillette, le blessant légèrement, mais malheureusement sans trop de gravité…
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/08/2023 à 23:07 Citer ce message

    Edward Kenway était toujours en plein corps à corps, engagé à l’épée avec un des gros bras. De son autre main, il tenta de tirer avec son pistolet bolter de nouveau sur le type au sol, celui déjà touché. Ce dernier bien que gravement blessé, cherchait un moyen de pointer son arme vers Kenway. Le tir le manqua mais au moment où il allait faire feu, le type se pris un autre bolt, tiré cette fois-ci par la Brute qui assistait à la scène. Le tir faillit bien l’éventrer et le renvoya plus loin, d’où il ne bougea plus. Uriah et Djoko, de leur côté, se démenaient pour se débarrasser des deux autres gros bras et avaient beau user de toutes leurs ressources, leur corps à corps devenait désormais acharné, échangeant coup sur coup. La Brute chercha une autre cible et vit que Djoko était en difficulté contre un espèce de fou furieux qui le frappait à coup de barres de fer de toutes ses forces. Il rengaina un de ses pistolets bolters et en profita pour dégainer sa lame monomoléculaire tout en approchant. D’un geste latéral, il décapita le type, envoyant voler sa tête dans les airs.
    De son côté, Kenway venait de porter un nouveau coup de rapière à son adversaire qui déjà blessé, tomba au sol en se tordant de douleur. Uriah lui cria d’aller se charger de la fille. Il la chercha et vit qu’elle tentait de se dissimuler derrière un engin de chantier, à l’abri des tirs. Elle avait ramassé un long bâton en cuivre et en acier terminé par un Aquila. Sans doute, son arme personnelle. Il vit cependant autre chose en se déplaçant. Au bout de la ruelle par laquelle ils étaient arrivés, il cru apercevoir des silhouettes armées. Il tomba alors sur la fille mais cette dernière, prenant peur, se mit à courir.
    Uriah venait de se débarrasser de son adversaire, à coup d’épée énergétique alors que Djoko était parvenu à pointer son arme sur le dernier type, celui à la barre de fer, lui intimant de la lâcher. Le type obtempéra sans discuter. Un de ses compagnons était mort et les trois autres étaient au sol, à gémir, grièvement blessés. C’est là que la fille arriva en courant vers eux et s’arrêta net, toute retraite coupée. Kenway était derrière elle, sur le point de la rattraper. Il cria pourtant à ses compagnons que dans leur dos, du monde arrivait. Ils allaient se retourner quand ils entendirent un amplivox crier « SecNav, première sommation, déposez tout de suite vos armes ! ».

    Cinq ou six soldats des forces de l’ordre navale, en armure bleu et or, firent leur apparition tout en pointant des pistolets de marine et des fusils à pompe dans leur direction. Le chef de groupe tenait un cybermolosse en laisse.
    Uriah et Djoko échangèrent un regard entendu. Ils déposèrent leurs armes et levèrent les mains en l’air, indiquant à la Brute et à Kenway d’en faire de même. Les hommes de la SecNav approchèrent, maintenant leurs armes vers eux mais la Navigator s’interposa à se moment-là, entre eux et retira le bandeau qu’elle portait sur le front. Dévoilant ainsi son œil warp, elle libéra un faisceau d’énergie qui foudroya les deux premiers gardes qui s’effondrèrent au sol sans un cri. Les deux suivants rebroussèrent chemin aussitôt, protégeant leurs yeux et tournèrent au début de la ruelle pour se mettre à l’abri. Le chef de groupe détourna le regard et lâcha le cybermolosse qui se rua sur la fille.

    Voyant que la situation venait de déraper, Uriah reprit son arme et ouvrit le feu, mais son tir fut dévié par l’armure de l’agent. Kenway fonça vers la navigatrice et tenta de l’assommer mais cette dernière évita son coup. Les deux autres agents pivotèrent de nouveau et se mirent à faire feu alors que la navigatrice était aux prises avec le cybermolosse qui lui avait attrapé le bras. Elle brandit cependant son bâton qui s’auréola d’une lueur électrique et frappa le molosse avec. La bête, parcourue d’éclairs, se tétanisa et retomba au sol, inanimée. Uriah et Kenway se prirent des tirs mais sans gravité grâce à leurs armures. Ils ripostèrent alors que la Brute et Djoko, cherchaient à faire démarrer l’engin de chantier. Un gros porte-grue chenillé, un modèle jaune sable comme en emploient souvent le Mechanicus. Peu familier des commandes d’engins à chenilles, Djoko finit quand même par le mettre en route et enclencha la marche arrière. Si l’engin pouvait reculer jusqu’au bout de la ruelle, non seulement il allait bloquer l’entrée des agents de la SecNav mais cela allait aussi pouvoir couvrir leur retraite. Uriah attrapa la fille par le bras et la força à reculer alors que le lourd engin de chantier reculait en recrachant une épaisse fumée noire et en rugissant. Kenway couvrait leurs arrières en tirant sans pour autant chercher à occasionner des dégâts. Ils virent un des blessés au sol, le premier type qu’Uriah avait touché au ventre avec sa lame, celui qui s’était justement moqué d’eux, passer sous une des chenilles en hurlant. Ses cris furent noyés par les sinistres craquements de ses os alors que son corps était réduit en bouillie sanglante. Les agents de la loi reculèrent afin de ne pas subir le même funeste sort. L’engin venait de leur bloquer le passage.
    De l’autre côté, Uriah, Kenway et la fille venaient de courir en direction d’une sortie. Passant devant un hangar abandonné, ils y trouvèrent une ancienne City Hunter MkIII et eurent la même idée. Si la voiture pouvait encore démarrer, ils venaient de trouver leur porte de sortie.
    -Vous savez conduire ça, Kenway ? Demanda Uriah tout en lui indiquant la voiture.
    -Si son moteur veut bien répondre, je pense que oui, Monsieur.
    Uriah ouvrit la porte arrière et indiqua à la fille de monter. Déjà, Djoko et la Brute les rejoignaient. Il leur dit de prendre place, alors que les agents de la loi étaient déjà en train d’escalader l’engin de chantier pour passer par-dessus tout en cherchant à faire feu. Edward Kenway, assis au volant, parvint à démarrer le moteur de la City Hunter, presque du premier coup, dans une série de pétarades et de fumée grasse. Il enclencha la marche arrière en même temps que l’accélérateur à fond, sortit la grosse berline du hangar dans un dérapage contrôlé et la lança à pleine vitesse dans la ruelle qui faisait face à l’engin chenillé. Les tirs de fusils à pompe tintèrent sur la carrosserie alors qu’il s’engageait dans l’étroite ruelle et déboucha dans une allée plus large qui était actuellement en chantier et occupée par des ouvriers et des technomécanos du Mechanicus. Il tourna sur sa gauche et disparut de la vue des hommes de la SecNav.
    Tandis qu’ils faisaient route en direction des docks, Uriah se mit à souffler. Djoko continuait de pisser le sang à la suite d’une balle qu’il s’était pris dans la jambe et tous, s’en sortaient avec quelques blessures légères. Il se tourna vers la fille et réalisa qu’elle était très jeune, sans doute du même âge que lui. Il vérifia qu’elle avait bien remis son bandeau sur son œil warp situé au milieu de son front. Ce qui était le cas. Il ne tenait pas à ce que le faisceau warp que l’œil pouvait relâcher, les tue tous, même par accident.
    Jusque-là, elle dissimulait son visage derrière ses longs cheveux noirs mais à présent, il perçut un peu mieux ses traits et eut soudain un vif geste de recul. La fille portait des marques sur son visage, sans doute des cicatrices ou tortures qui lui avaient été infligé il y a des années de cela. Elle n’était pas défigurée pour autant mais cela pouvait lui donnait un air effrayant, du moins si elle prenait un air menaçant. Là ce n’était pas le cas. Elle se rendit compte de la gêne que cela occasionna chez Uriah et Djoko. Elle remit ses cheveux devant son visage et se mit à rougir.
    -Pardonnez-moi… Je sais que je suis un monstre.
    Uriah lui décocha un grand sourire, cherchant à rattraper sa maladresse.
    -Non, pas tout, Mademoiselle… Rassurez-vous, j’ai vu des monstres et vous n’en êtes pas un. Qui vous a fait ça ? Des gens comme ceux qui vous ont agressé ?
    -De ce genre-là, oui…
    -Je pense qu’ils ont retenu la leçon. D’ailleurs qui était-ce ?
    -Tu vois bien que c’étaient des chasseurs de mutants, non ? Lâcha la Brute.
    La fille ne dit rien er Uriah acquiesça.
    -Dites-moi… Tout à l’heure, vous avez fait usage de votre… Œil…. Sur la SecNav… Pourquoi les tuer ? Nous avions la situation pourtant bien en main.
    -Ils ne sont pas morts. Enfin… Normalement, ils sont juste, comme… Assommés. Enfin, je crois…
    -Pourquoi avoir fait ça ?
    -Pour vous sauver… J’ai voulu faire comme vous avec mes agresseurs…
    Elle écarquilla ses yeux en grand. Ses vrais yeux étaient d’un bleu électrique. Elle aurait pu être jolie si elle n’avait pas son visage marqué de signes tailladés dans sa chair. Cela lui donnait toujours un air inquiétant.
    -Alors pourquoi ne pas l’utiliser sur vos agresseurs juste avant ? Lui demanda Djoko.
    -Je comptais justement le faire… Et puis vous êtes intervenus. Je ne dois le faire qu’en dernier recours, vous comprenez ?
    -Justement, ajouta Djoko… J’ai été jeune et impulsif moi aussi. Cela m’a poussé à commettre certaines stupidités. Il retira ses gants en cuir et lui dévoila ses deux mains augmentiques. De très belle facture mais en remplacement des originales, perdues dans des circonstances regrettables. Il ôta aussi son chapeau et dévoila ses yeux. Bien que réalistes, il s’agissait là aussi de prothèses de qualité pour remplacer ses yeux crevés.
    -Voyez ce que cela m’a couté ?
    Elle lui montra juste son visage lacéré en échange.
    -Je vois très bien…
    -Et vous avez un petit nom ? Lui demanda Uriah qui cherchait à changer de sujet. Il voyait bien que cette fille avait été éduquée et à un très haut niveau, comme l’étaient tous les navigators de toute façon. Bien qu’étant des mutants en lien direct avec le warp, ils étaient l’élite de la noblesse navale. Autant convoités que détestés pour ce qu’ils représentaient.
    -Jocasta… Je m’appelle Jocasta, de la Maison Jenassis.
    -Jenassis ? Votre famille a servi aussi durant la croisade, non ? J’ai entendu parler du Duc Jenassis, il me semble.
    -Oui… Mon père. Mais à présent, ma famille n’est plus ce qu’elle a été jadis… Nous sommes en quelque sorte, sur le déclin. Désolée de vous infliger cela…
    -Alors là, croyez-moi, ce n’est pas moi qui vais chercher à m’en moquer, ma famille a connu cela pendant longtemps. Duchesse Jenassis, donc ? Seriez-vous libre en ce moment ?
    -Libre ? Elle se mit à rougir de nouveau devant le sourire désarmant d’Uriah.
    -Eh bien oui, seriez-vous liée par un quelconque contrat au service d’un navire ?
    -Ah ? Heu, non, pas en ce moment… Disons que je n’ai pas de contrat en ce moment. Ni avant, pour ainsi dire.
    -Vous semblez très jeune, en effet, ajouta Djoko qui soudain se tourna vers Uriah. Lui faisant quelques signes de la main indiquant qu’il devrait lui parler juste après, mais en privé. Uriah hocha la tête et reporta son attention vers Jocasta.
    -Nous recherchons justement un navigator pour notre vaisseau, du moins, une navigatrice. Cela vous conviendrait-il de travailler à notre service ?
    Elle en parut la première étonnée. Elle déglutit avant de répondre.
    -Ma foi, je… Ne sais quoi dire… C’est la première fois que…
    -Dites juste oui et j’en serai alors ravi.
    -Eh bien, dans ce cas, oui…
    -Fort bien. Nous arrivons justement en vue des docks où se trouve notre merveilleux vaisseau.
    -Quel est-il ?
    -Le Morning Star. J’ignore si vous en avez entendu parler ?
    -La frégate de la capitaine Goldberg ?
    -Je vois que notre réputation nous précède. Notre capitaine est actuellement… disons, absente et c’est donc moi, son neveu Uriah Goldberg qui assure la charge de seigneur capitaine.

    Kenway gara la voiture sur un des quais de chargement puis ils descendirent. Jocasta en restait bouche bée. Elle lança un regard étonné à Uriah.
    -Par Terra, c’est vous le capitaine ? Mais vous êtes… très jeune.
    -Je ne le suis que par intérim.
    Elle tourna son regard vers Djoko.
    -Je pensais que c’était vous le capitaine…
    -Je suis le Maitre du Vide, Lieutenant Djokovitch Van Bergen, mais vous pouvez m’appeler Djoko.
    Uriah lui présenta le lieutenant Kenway et la Brute, son premier officier et archimilitant.
    -Venez, nous allons vous accompagner à bord et vous présenter officiellement aux autres officiers de pont puis nous vous montreront vos quartiers. Vous y serez plus en sécurité que dans ces ruelles sordides. Nous ferons un point plus tard dans le strategium.
    -Vous ne restez pas ?
    -Nous comptions passez voir une compagnie chartiste, à vrai dire…
    Elle les regarda tous les quatre. Blessés, les vêtements un peu défaits pour certains. De plus, le cycle nocturne avait déjà commencé, même s’il faisait perpétuellement nuit sur Fort Grief.
    -C’est… Urgent ?
    Uriah le vit dans son regard.
    -Je compte racheter une de ces compagnies chartistes, en réalité.
    -Vigor&Vanguard ? Vous devez avoir de gros moyen dans ce cas. Souhaitez-vous que je vous accompagne ?
    -Pas nécessairement. A moins que vous ne disposiez d’informations sur eux ?
    -Que dire ? Le vieil Absilias n’était pas résolu à vendre aux dernières nouvelles… Mais qui sait.
    -Vous avez l’air de le connaitre ?
    -Assez peu en vérité. Disons que je connais ses bureaux, comme tout le monde ici sur cette station.
    -Evidemment… Vous sauriez nous y mener dans ce cas ?
    -Bien entendu. Ses locaux sont à l’intérieur d’une corvette amarrée à la station et reconvertit en un petit palais. C’est là qu’il travaille. Je peux vous y mener ?
    -Nous verrons cela demain, sans doute avez-vous raison. Il commence à se faire tard. Passons juste par la baie medicae. D’ailleurs… Votre bras.
    Il vit qu’elle saignait, là où le cybermolosse l’avait mordu.
    -Ce n’est pas grand-chose…
    -J’insiste. De toute façon nous avons tous reçu des coups.

    Une fois à bord, Uriah fit convoquer les principaux officiers sur la passerelle et il leur présenta leur nouvelle navigatrice. Suite à quoi, ils se rendirent tous à la baie medicae pour quelques soins. Waldek, le chirurgien et son équipe, les prirent en charge. Il préféra garder Djoko en observation pour la nuit, à cause de sa jambe. De toute façon, il se faisait bien trop tard pour rendre visite à cette maison chartiste, aussi toute l’équipe préféra aller prendre un peu de repos. Demain serait un autre jour.

    Une fois les soins effectués, Uriah demanda à Kenway de conduire Jocasta à l’intendante du Vaisseau, Maitre Alexia Thorven qui allait se charger de l’installer dans ses appartements, situés juste sous le dôme de navigation.

    Accompagné de la Brute, il retourna voir Djoko, occupé à se faire soigner la jambe. Ce dernier l’attrapa, ayant congédié le medic.
    -Quoi ? Lui demanda Uriah.
    -Bordel, la prochaine fois qu’on commence à parlementer avec des types dans une ruelle, tu ne te rues pas sur eux pour en embrocher un. On a dû presque tous les tuer.
    -Ils allaient nous attaquer, non ?
    -Non… Pas forcément. Je suis sûr qu’on serait parvenu à les raisonner autrement. Ou juste leur faire peur. Il s’en est fallu de peu que ça dérape avec la SecNav en plus. Et elle qui manque nous les tuer, en plus !
    -Oui mais là… J’y suis pour rien…
    -Ah oui ? Si on n’était pas là, à patauger dans le sang des types que vous avez embrochés, la SecNav aurait vu quoi ? De simples citoyens en train de discuter. Voilà tout.
    Uriah lança un regard navré vers la Brute qui se contenta de hocher les épaules.
    -Bon, tache de me trouver Altaïr, en attendant je veux savoir ce qu’il en est avec ma nièce. Et faut qu’on le tienne au courant. Demain on va avoir besoin de lui.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 30/08/2023 à 16:32 Citer ce message

    Le lendemain, Uriah et Altaïr se retrouvèrent dans le strategium pour faire un point avec la Brute, Säde et Kenway. Djoko était resté à l’infirmerie car avait subi une petite intervention dans la nuit sur sa jambe. Dans la journée, il serait remis sur pieds mais en attendant il restait entre les mains de Waldek, le maitre chirurgien de bord. Du moins, c’était la version officielle car il avait quitté la baie medicae en douce dans la nuit et devait actuellement se trouver dans la cabine d’Alisabeth Bonnett.

    Ils avaient tous pris place dans la vaste salle du srategium avec le vide sidéral et la grande faille en toile de fond de la baie vitrée. La salle était plongée dans une semi-pénombre éclairée par quelques lumiglobes. Depuis son fauteuil en bout de table, Uriah exposa les derniers faits à Altaïr, la fabrique des armoiries et le recrutement de leur nouvelle navigatrice, Jocasta Jenassis.
    Le sénéchal se contenta de lever les yeux au plafond en soufflant. Lui aussi l’avait vu avec sa tête à faire peur malgré son très jeune âge. Elle ressemblait plus à une folle sortie tout droit d’un asile d’aliénés que d’une princesse de la Navis.
    -On était vraiment obligé d’aller ramasser la première venue au fond d’un caniveau ? Avec Mym, je pensais qu’on avait déjà touché le fond…
    Uriah ne répondit rien et Altaïr jeta un regard à tous ceux présents dans la pièce, réalisant que sa phrase aurait parfaitement pu s’appliquer pour la plupart d’entre eux, lui compris. Il n’ajouta rien.
    Il leur restait à récupérer les insignes à la boutique de Grunda la Kin, mais en attendant Altaïr leur proposa d’approfondir le sujet sur les compagnies chartistes.
    -Si nous voulons mettre la main sur ces trois sociétés, il va nous falloir en savoir plus sur eux et notamment quel est leur maillon faible. Si j’ai bien saisi, nous commençons par Vigor&Vanguard située ici sur la station. On ne connait qu’Ashram Absilias, son dirigeant. On a quoi sur lui ?
    -Pas grand-chose… Répondit Uriah. Il est à la tête de cette entreprise commerciale. C’est un ancien officier de la Navale avec laquelle il a pris ses distances… Il a l’air plutôt discret sur le reste.
    -Il a donc des choses à cacher. Il a des seconds ? Des adjoints que l’on pourrait approcher, demanda Altaïr.
    -Je pense, oui. C’est une compagnie de taille moyenne mais il ne doit pas la diriger seul.
    -Ce qui serait logique. Il faut qu’on en sache plus, car ce sont eux que j’aimerai approcher.
    -Pourquoi ça ? Lui demanda la Brute, soudain curieux.
    -Parce que si on anticipe un peu, notre plan est de mettre la main sur ces compagnies. Mais une fois chose faite, je doute fort que le vieil Absilias, pour ne commencer que par lui, soit disposé à marcher dans notre combine. Ils vont vite réaliser qu’ils se sont fait escroquer et vont aller pleurer auprès de l’Administratum ou de l’Arbites. Et à ce moment-là, bon courage pour garder le contrôle. D’où l’idée de disposer au préalable d’un complice dans la compagnie. Quelqu’un dont on s’assure la loyauté et qui pourra reprendre en main l’entreprise pour notre propre compte. L’idée n’est pas qu’on joue les chartistes mais qu’ils bossent pour nous, non ?
    -Ok. Donc un des employés de la compagnie ?
    -Oui mais quelqu’un d’assez haut placé, comme le numéro deux ou trois de la boite. Quelqu’un qui s’y connait suffisamment et idéalement notre candidat serait quelqu’un d’assez ambitieux mais parfaitement disposé pour marcher dans la combine et suivre une maison libre marchande comme la nôtre.
    -Et que fait-on du dirigeant actuel s’il s’y oppose ? Car il risque bien de s’y opposer.
    -Disons qu’il aura un accident malheureux. Une navette défectueuse, un sas capricieux, un suicide, que sais-je… Quelque chose comme ça…
    -Bien… Et comment comptes-tu approcher ces numéros deux et trois ? On ne les connait même pas.
    -Eh bien, nous allons devoir activer notre réseau, nos relations… Enquêter, poser des questions, savoir qui ils sont.
    -Et on se fait passer pour quelle maison, si on va voir les Absilias ? Demanda Kenway.
    Uriah eut une petite moue.
    -Je crois que vous pourriez être une partie de la solution, lieutenant. Vous dites que votre famille a une querelle avec les Kysnathian, n’est-ce pas ?
    -En effet, Monsieur.
    -Parfait. Nous serons donc des émissaires de la maison Kysnathian. Vous n’y verrez donc pas d’inconvénient à ce que l’on revende leur compagnie aux Absilias ?
    -Au contraire, capitaine, lui dit-il avec un large sourire.
    -Il faudrait quand même qu’on ait les Kysnathian à l’œil en attendant, on ne sait jamais, ajouta Altaïr.
    -Ils ont leurs locaux dans le système Galen… C’est pas juste à côté, répondit Kenway.
    -C’est à combien d’ici ? On pourrait demander à la navigatrice.
    -Inutile d’aller la déranger pour cela. Je connais la route reliant Grief à Galen, je l’ai déjà emprunté par le passé. Ça prend une douzaine de jours de voyage.
    -C’est bien trop, répondit Altaïr.
    -Mais moins de deux jours, si on passe par le warp.
    -Parfait dans ce cas. On va devoir y envoyer quelqu’un. Je veux les avoir sous surveillance avant qu’on débarque chez eux.
    Il désigna Säde.
    -Lieutenant Lindholm, vous me montez une équipe réduite. Des gens discrets et voyez pour embarquer à bord du prochain transport en partance pour le système Galen. Prenez les premiers renseignements sur les Kysnathian une fois sur place. Monsieur Kenway vous donnera les détails nécessaires.
    -A vos ordres, Monsieur, dit-elle en saluant, juste avant de se retirer du Stratégium.
    -Bien… et les Rasmusen, on sait où ils se trouvent en ce moment ? Nous allons devoir agir de la même manière pour eux aussi.
    -Pour cela, je pense que la capitainerie devrait connaitre la position de leur navire, ajouta Kenway. Les chartistes suivent toujours un circuit assez précis.
    Altaïr pointa un doigt dans sa direction.
    -Bien vu, lieutenant, tâchez de nous trouver notre maitre timonier. Vous irez ensemble.
    -Bien, Monsieur.
    Altaïr se tourna vers Uriah.
    -Nous avons des questions à poser sur la station de toute façon. Je comptais passer au bastion de l’Administratum, il y a peut-être une veille connaissance à moi qui y travaille encore. Il est possible qu’il me sorte les dossiers des dirigeants de nos compagnies.

    Ils passèrent l’essentiel de la journée à mener leurs enquêtes sur la station, en commençant par l’administratum. Altaïr n’y trouva pas la personne attendue mais finalement, grâce à ses relations et à quelques mensonges, finit par obtenir des informations plutôt inattendues au bureau de la Vocita commercia, tels que les captures pix des dirigeants chartistes et de leurs principaux associés ainsi que leurs noms. Altaïr les étudia tous avec la plus grande attention. Cela leur permit déjà de se concentrer sur plusieurs candidats potentiels, à commencer par une certaine Livia Damael, une femme brune à l’allure plutôt joviale.
    -Elle, se contenta-t-il de dire, en pointant l’image pix du doigt.
    -Ce n’est pas le seul des bras droit d’Absilias. Pourquoi justement elle ? Lui demanda Uriah.
    -J’ai le nez pour ce genre d’affaire, mon garçon. Cette Livia ne trempe pas que dans le commerce de noix de cassam, je peux te le garantir. La Kasballica, ça te parle ?
    -Un peu oui. L’Inéquité est pour ainsi dire leur principal concurrent dans la région, mais je sais aussi qu’ils ont un pacte de non-agression. Les deux organisations évitent les accrochages, en bonne intelligence. Tu crois qu’elle en fait partie ?
    -Je ne crois pas… Je le sais, lui dit-il avec un sourire en coin. Et ça m’étonnerait qu’Ashram Absilias soit au courant. Mais ton histoire de pacte de non-agression est intéressante. Je la note pour plus tard.
    -Comment cela ?
    -On ne sait jamais. Dès fois qu’il me vienne un jour l’idée de foutre un sacré bordel chez les Princes de l’inéquité, je me dis qu’on a peut-être là le chiffon rouge à agiter sous leur nez… Mais revenons à Livia… J’ai des gens à aller voir avant. On doit changer de quartier.
    Altaïr resta songeur l’espace d’un instant, un petit sourire sur les lèvres.
    Livia… Bordel de warp, cela faisait combien d’années maintenant qu’ils ne s’étaient pas revus ? Dix ou quinze ans, au moins ? Il se demanda si elle le reconnaitrait… Evidemment qu’elle le reconnaitrait, finit-il par se dire, espérant juste qu’elle ne lui saute pas à la gorge comme l’avait fait Ephèse la fois où il était tombé dessus.
    Ils arpentèrent les bars des bas quartiers et fut étonné de ne pas trouver de trace de son nom dans le coin. Mais tant d’années avaient passé... En remontant jusqu’aux restaurants plus huppés de la spire ils finirent par ne trouver que peu d’information sur elle si ce n’est qu’elle avait bien ses habitudes une fois par mois aux Pléiades, un restaurant panoramique de la spire. Sa dernière réservation remontait à tout juste une semaine, ce qui ne les arrangeait pas mais cela conforta Altaïr. Les Pléiades avaient toujours été connu pour être le rendez-vous des magouilleurs de leur trempe.
    Il ressortit du restaurant et s’alluma une barrette de lho avec un petit sourire.
    -Comment fait-on pour la rencontrer du coup ? Lui demanda Uriah. On ne va pas attendre un mois…
    -Non mais j’ai ma petite idée. En attendant, on ne devait pas aller récupérer des broches aux armoiries des Kysnathian ?
    -Si, justement.
    -Le lieutenant Kenway va s’en charger dit-il en lui tapant sur l’épaule. Nous, on remonte à bord du Morning Star. Je vais te montrer comment les copistes de maitre Aldorf vont te rédiger un acte de vente encore plus officiel que ceux de ces scribouillards de l’Administratum. Ça pourra toujours te servir.
    Dans la soirée, Uriah, Altaïr et Kenway décidèrent d’aller tenter leur chance aux portes de Vigor&Vanguard. Kenway s’était rendu dans la journée à la capitainerie et était parvenu à obtenir la route du transport de la Silent Dominion, un des navires des Rasmusen. Il venait d’être signalé, passant le point de Mandeville et devrait faire escale sur Fort Grief d’ici trois à quatre jours.
    -Parfait, avait annoncé Uriah. Nous devrions pouvoir enchainer notre plan à quelques jours d’intervalle. D’abord les Absilias, ensuite les Kysnathian et on termine avec les Rasmusen en les cueillant dès leur arrivée sur Fort Grief en fin de semaine.
    Uriah et Altaïr portaient tous deux l’emblème des Kysnathian épinglée au revers de leur veste. Kenway était un simple garde, quant à Djoko et la Brute qui les accompagnaient, ils allaient rester à l’extérieur, n’intervenant qu’en cas de véritable problème. Mais selon Altaïr, il n’y avait pas de raison que la situation tourne mal. Leur couverture était solide et crédible et leur acte de vente était plus vraie que nature, comme il l’avait promis. Leur bagout ferait tout le reste.
    Ils se présentèrent aux deux gardes en livrée rouge et blanche postés en faction à l’entrée.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian, nous souhaitons rencontrer le capitaine Absilias.
    Les gardes se lancèrent un regard où pointait une forme d’étonnement.
    -Vous êtes de la Maison… ?
    -Kysnathian. Nous acceptons la proposition d’achat d’Ashram Absilias, compléta Uriah.
    Un des gardes leur fit un geste de la main, signifiant de patienter. Il prit son collègue un peu à part et s’entretint avec lui à voix basse. Uriah chercha à capter des bribes de leur conversation mais sans succès. Le premier garde revint vers eux et leur demanda de bien vouloir patienter, alors que le second passa les doubles portes en direction de locaux indéterminés.
    Au bout de quelques minutes il revint avec un adepte de haut rang qui se présenta, un air d’incompréhension sur le visage, bien que cherchant à masquer son inconfort.
    -Messieurs, je m’appelle Elias. Je suis un des intendants de la Maison Absilias. Je crains de ne pas avoir bien saisi la raison de votre visite ?
    Uriah lui répéta ce qu’il avait déjà annoncé aux gardes. L’intendant prit alors un air navré.
    -Oh, je crois comprendre ma méprise. Nos gardes aurons sans doute mal compris. Vous êtes donc avec le reste de la délégation, c’est bien cela ?
    -Quoi ? Le reste de la délég… ? Commença Uriah.
    -Oui, exactement, nous sommes avec eux, le coupa Altaïr avec un large sourire.
    -Ah, c’est que… Comment dire ? Comme vous êtes quelque peu en retard au rendez-vous… Pardonnez ma confusion. Nous n’avions pas été informé de…
    -Oui, nous sommes désolés, ajouta Altaïr qui flanqua un coup de coude à Uriah. Peut-être pourriez-vous… ?
    L’intendant ordonna aux gardes de se bouger et d’ouvrir les portes.
    -Bien évidement, suivez-moi, messieurs.

    Ils pénétrèrent une sorte d’arche menant vers un large tunnel qui n’était autre que le raccordement de leur vaisseau à la station. En chemin, Altaïr se pencha vers Uriah et lui glissa tout bas.
    -On est dans la merde…
    -J’allais te le dire. C’est quoi cette histoire de délégation, bordel ?
    -Les Kysnathian sont ici et nous, on va avoir l’air fin, maintenant. Ils n’ont pas perdu de temps, eux…
    -A moins que ce ne soient ces satanés Frae Spinaiser qui nous dame le pion.
    -Possible, mais je partirais plus sur les premiers que sur tes libres marchands.

    L’intendant les fit pénétrer via un large sas dans ce qu’ils reconnurent être un des ponts du navire. De là, il les conduisit vers un ensemble de salles. A partir de ce lieu, plus rien ne semblait indiquer qu’ils étaient à bord d’un vaisseau. Ils auraient tout aussi bien pu être dans un palais sur Eshunna qu’ils n’y auraient pas vu la différence. Sauf peut-être pour un véritable hors-monde. L’intendant les fit patienter tous les trois dans un grand salon richement décoré de sofas moelleux, de miroirs, de statues, tableaux de marine et autres décorations ostentatoires aux couleurs de la Maison Absilias. Il demanda à deux laquais en uniforme de leur apporter des boissons et une corbeille de fruits.
    -Je vais informer le capitaine Abilias de votre arrivée. Je vous laisse un instant.
    Il ressortit. Puis les serviteurs sortirent à leur tour en silence, en refermant la double porte.
    -Bordel de Trône, comment on va se sortir de ce traquenard ? Lâcha Uriah. On a l’air malins maintenant avec nos broches en or et notre acte de vente plus vrai que nature !
    -Attends, rien ne garantie que ce soient les Kysnathian… Laisse-moi réfléchir, on doit pouvoir trouver une parade.
    Alors qu’ils réfléchissaient aux options qu’ils pouvaient évoquer, soudain les lumières s’éteignirent.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 09/09/2023 à 22:35 Citer ce message

    Alors qu’Uriah et Kenway cherchaient un moyen de trouver de la lumière dans le salon plongé dans la noir, Altaïr activa son microvox.
    -Djoko, la Brute ? Vous me recevez ?
    Ces derniers se trouvaient sur les quais à les attendre, non loin de l’entrée du vaisseau.
    -On te reçoit, lui répondit la Brute qui porta la main à son vox. Un problème ?
    -Peut-être bien. On vient d’être plongé dans le noir. Y a une coupure de courant dans le secteur ?
    La Brute interrogera Djoko du regard et voyant que les lumens étaient toujours allumés, sur les quais comme sur le navire, il répondit par la négative.
    -Attends, vous êtes où, là ? On va vous rejoindre, répondit Djoko.
    -Dans un des salons de réception, situé dans l’aile est une fois passé le portail et le hall où sont les gardes.
    -Bien reçu, on arrive.
    Djoko interrogea la Brute du regard.
    -Allons voir les gardes à l’entrée, on va devoir trouver un moyen d’entrer.
    -Laisse-moi faire. Lui dit la Brute tout en avançant. Quoi qu’ils nous disent, on va leur dire qu’on entre et puis c’est tout.
    -Et puis c’est tout ? Et s’ils disent non ? Ils ne savent pas qui on est.
    -On se moque qu’ils disent non, on entre.
    Djoko lui attrapa le bras, cherchant à le ralentir mais sans réellement y parvenir.
    -Attends, mais… On va droit au conflit avec eux, là !
    La Brute se retourna.
    -Et alors ? Les autres sont surement en danger, on ne va pas…
    -J’ai une idée… Laisse-moi faire, lui dit Djoko.
    Ils se dirigèrent vers les gardes en faction. Djoko avait la main à son microvox, faisant mine d’être en conversation, l’air un peu affolé.
    -Messieurs, nous faisons partie de la suite des émissaires de la Maison Kysnathian, ils sont bien à l’intérieur ?
    Les gardes se jetèrent un regard étonné avant de répondre.
    -Oui… Mais vous êtes… ?
    -Peu importe, nous sommes des gardes des émissaires. Ils viennent de nous contacter par vox. Ils sont enfermés dans un salon et les lumières sont coupées. Vous pouvez vérifier ? Vite !
    Les gardes s’échangèrent de nouveau un regard, prenant un instant pour décider qui allait y aller. Finalement un des deux alla ouvrir les portes et entra. L’autre garde demanda à Djoko et la Brute de patienter.

    Dans le salon, Altaïr et Kenway avaient sorti leurs tablettes et utilisaient l’écran rétroéclairé verdâtre comme une petite lampe. En réalité chaque écran éclairait autant qu’une simple bougie mais cela leur permit au moins de s’orienter dans la pièce et ainsi se diriger vers la porte pour voir qu’elle était en effet verrouillée de l’extérieur. Altaïr confia sa tablette à Uriah et demanda aux deux de l’éclairer. Il fit craquer ses doigts. Comme dans tous les vaisseaux, les portes étaient étanches et pouvaient résister à bien des assauts. Altaïr démonta un des panneaux muraux, il chercha le boitier de dérivation et entreprit d’en arracher le couvercle, souriant au fait qu’il était heureux qu’aucun technoprêtre ne voit ce qui allait suivre.

    Djoko et la Brute commencèrent à trouver le temps long lorsque le garde revint au bout de quelques minutes à la porte essoufflé et le visage grave. Il s’entretint juste avec son collègue à voix basse. Après quelques instants, ce dernier fit un geste vers Djoko et la Brute, leur signifiant de ne surtout pas bouger avant de repasser la porte et se précipiter vers l’intérieur.
    La Brute interrogea Djoko du regard.
    -Il a dit quoi, là ?
    -Aucune idée, lâcha Djoko en se précipitant vers la porte qui se refermait. Dépêche-toi, on entre !
    Il bloqua la porte, le temps que la Brute et lui, parviennent à passer in extremis. Une fois à l’intérieur, ils se trouvèrent dans un vaste hall qui donnait vers des escaliers et diverses coursives. Une poignée de gardes courraient en tous sens, visiblement en alerte, aussi Djoko signala à la Brute de rester caché, tout comme lui. Un gradé invectiva ses hommes, leur criant d’aller chercher des luminators et de se rendre aux generatoria.
    Djoko activa son microvox.
    -Syl, tu me reçois ?
    -Je te reçois, lui répondit Altaïr. Vous êtes où ?
    -On est entré dans le hall, on va vous rejoindre. Aile est, c’est bien ça ?
    -C’est ça. On est en train de sortir, on essaie de vous rejoindre mais on est toujours plongé dans l’obscurité, là. Il se passe clairement quelque chose ici, on va devoir faire vite.
    -Reçu, on reste discret.
    Lui et la Brute sortirent leurs armes et se dirigèrent vers un des couloirs. Au bout d’une coursive, il trouva une indication sur un des couloirs. Il fit signe à son équipier de se dissimuler avec lui derrière une armature en plastacier.
    -Les escaliers, là ! Ils mènent aux generatoria.
    -Tu veux y aller ? Et… Et les autres ?
    Djoko regarda autour de lui. Les gardes étaient toujours en alerte mais ne les avaient toujours pas repérés. Il activa son microvox.
    -Syl, on descend au generatorium, on va vous remettre le courant.

    De leur côté, Altaïr, Uriah et Kenway venaient de sortir de salon en parvenant à en ouvrir la porte. Ils débouchaient alors dans une des antichambres, plongée elle aussi dans l’obscurité. Toujours éclairés par la faible lueur de leurs tablettes de données, ils se dirigèrent vers la sortie. Mais en plein milieu du salon, Altaïr se prit les pieds dans quelque chose et chuta au sol en pestant. Kenway pivota et éclaira ce qui l’avait fait chuter. Un corps était au sol dans une flaque de sang. Il s’agissait d’un des valets qui les avaient conduits ici quelques minutes auparavant. Altaïr de releva et Uriah leur indiqua le corps du second qui se trouvait un peu plus loin. Les deux avaient été tué tout récemment à l’arme blanche. En les fouillant rapidement, ils trouvèrent un passe sur eux.
    -Allons vite retrouver les autres. On a la preuve désormais qu’il ne s’agit pas d’une simple panne. Lâcha Altaïr d’un air sombre.

    La Brute et Djoko avaient fait bien attention à ne pas se faire repérer et venaient tout juste de rejoindre le pont inférieur. Ils reconnurent un des sous-ponts qui devait mener vers des salles techniques. L’éclairage était coupé ici aussi, en revanche les lumens de secours avaient pris le relai. Leurs armes à la main, ils progressèrent dans une coursive à demi éclairée avec la plus grande prudence lorsqu’ils entendirent des bruits de pas venant des escaliers au-dessus. Leur vox grésilla et ils reconnurent la voix d’Uriah qui leur annonçait qu’ils descendaient pour les retrouver. Djoko vint les rejoindre et leur fit un rapide topo de la situation.
    -Pourquoi continuer d’aller vers les generatoiria dans ce cas ? Lui demanda Uriah.
    -Parce que les lumens n’ont pas été coupé tout seul. On ne va pas pouvoir continuer à progresser à moitié dans le noir, lui dit Djoko qui leur demanda d’écouter. Juste au niveau supérieur, on pouvait entendre des échanges de tirs et des cris.
    -Et qui que ce soit, je me dis qu’ils veulent juste ruiner notre plan. On doit savoir ce qu’il se passe ici.
    Uriah hocha la tête.
    -D’accord… C’est quoi le plan dans ce cas ?
    Djoko étudia les coursives et chercha à se repérer.
    -Par là. Après ce coude, on devrait trouver l’entrée de la salle technique.
    Ils le suivirent et progressèrent tout de même avec la plus grande prudence, notant des traces de sang frais sur le sol métallique de la coursive. Des sons venaient de plus loin mais il était difficile de clairement les identifier. Djoko les mena vers un couloir qui menait vers l’entrée d’une vaste salle. La puanteur agressa soudain leurs sens en même temps que le renâclement d’une créature toute proche. Des traces de sang maculaient encore le sol et Djoko préféra reculer, comme ses camarades mais à l’exception de la Brute, familier de mondes hostiles et de leurs créatures sauvages ou xenos. Le couloir menait vers une large porte au fond, celle des générateurs. Mais sur les côtés, elle donnait aussi vers deux autres portes métalliques, fermées elles-aussi. A gauche, celle vers où allaient les traces de sang et à droite, celle d’où venaient les grognements. La Brute s’approcha, notant la présence d’un sceau devant la porte où se trouvaient des morceaux de viande et des os.
    -Merde, c’est quoi cet endroit ? Lui dit Djoko, pas plus rassuré que ça.
    La Brute se remémora ses années passées dans des fosses de combat avant qu’il ne serve au début de la Croisade. Il avait déjà connu ce genre de lieu. Ces créatures aussi.
    -C’est quoi ? Lui demanda Uriah. Un canide ?
    Il lui retourna un petit rictus amusé, tout en observant la patte griffue à la peau épaisse d’un gris bleuté qui tentait de gratter sous la porte.
    -Nan... ça c’est pas un canide… C’est un xenos, je le reconnais à l’odeur… Lui dit-il.
    -Quel genre de xenos ? S’étonna alors Altaïr plus curieux qu’effrayé.
    La Brute attrapa un morceau de viande dans le sceau et le jeta vers le bas de la porte. Les autres se reculèrent.
    La main griffue glissa sous la porte et se saisit de la viande avec une vitesse foudroyante. Ils entendirent alors des bruits de choses qu’un animal avalerait en faisant claquer de puissantes mâchoires.
    -C’est bien ce que je pensais… Une saloperie d’ur-ghul, se contenta d’ajouter la Brute. Je vous conseille de pas trop approcher la porte. Et ne l’ouvrez pas. Personne ici ne court assez vite…

    Il leur signala de se positionner sur les côtés tandis qu’il se dirigeait vers la porte des generatoria, évitant la porte de l’ur-ghul le plus possible. Il attendit qu’ils se mettent en position, les armes à la main, puis ouvrit la porte en grand.
    La salle était vaste et encombrée de machines et de caisses. Quatre individus vêtus de noir, réagirent aussitôt et voyant des intrus à la porte, ils se jetèrent à couvert tout en sortant leurs armes. Kenway, Uriah et Djoko furent les plus prompts à réagir, s’attendant en partie à ce qui allait suivre. Ils ouvrirent le feu juste avant que les intrus ne ripostent. Le vacarme devint assourdissant. Dans les échanges de tirs, un des assaillants fut touché et tomba au sol. La Brute et Uriah en profitèrent pour dégainer leurs épées et se ruer au corps à corps. L’échange fut brutal et particulièrement difficile dans un tel environnement. Le combat dura de longue minutes sans qu’il ne soit bien décisif.
    Finalement, les tirs combinés de Kenway, Altaïr et Djoko finirent par en éliminer un deuxième. La Brute en ouvrit un autre en deux après l’avoir touché trois fois et Uriah, mal en point car blessé, termina le dernier. Une balle éclatante lui avait traversé le haut du bras droit et il saignait comme un grox. Kenway ne s’en sortait pas tellement mieux car une rafale lui avait percuté son plastron, occasionnant peu de dommages sinon quelques contusions. En revanche une balle lui avait traversé la main gauche et lui avait littéralement brisé les os en même temps. Par chance, il n’avait pas perdu de doigts. Pourtant il semblait déguster mais parvenait tout de même à tenir le coup en tenant sa main meurtrie. La Brute sortit son medikit de son sac et entreprit de traiter rapidement leurs blessures.
    -Faudra passer au bloc medicae dès que tu pourras, mon gars, si tu veux pas perdre ta main.
    Kenway serra les dents et hocha la tête.
    Djoko et Altaïr venaient de relancer les generatoria depuis une console cogitator puis se mirent à fouiller rapidement les corps au sol.
    -C’est quoi ces types ? Leur demanda Uriah.
    -Des assassins… Mais difficile de dire ce qu’ils sont ou pour qui ils bossent. Ils n’ont aucun signe sur eux. Hâtons-nous de trouver Absilias avant qu’il ne soit trop tard.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 15/09/2023 à 19:42 Citer ce message

    Des bruits venant du couloir, les tirèrent soudain de leur discussion.
    -Qui va là ? Vous êtes qui vous ? Vous devez pas être là ! Lâcha une voix grave et un peu trainante.
    La Brute et les autres portèrent la main à leurs armes, voyant entrer deux individus aussi improbables qu’iconoclastes sur le seuil de la porte. Il s’agissait de deux hommes entre deux âges, une bouteille à la main, l’œil dans le vague, la démarche un peu hésitante et les gestes saccadés qui ne les trompèrent pas. La Brute indiqua à ses compagnons de ranger leurs armes. Ces deux-là étaient saouls et très certainement plus dangereux pour eux-mêmes. En revanche, ils ne ressemblaient en rien aux gardes de cette Maison. Uriah fit un pas en avant.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian. A qui avons-nous l’honneur de parler ? Cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais il semblerait qu’il y ait quelques problèmes, ici. Le courant était coupé et il y a des assa…
    -Quoi ? Lui répondit le premier. Un type débraillé et ventripotent dont le bonnet était de travers sur sa tête. Le courant est pas coupé, mon gars… T’es pas clair toi… On voit la lumière… Des problèmes ? ça oui… Vous d’vez pas être là, qu’on a dit. Ici c’est interdit au public… Nous, on est les gardiens ici, alors va falloir sortir. C’est que c’est dangereux ici, les foutus gardes vous ont rien dit !
    -Par les burnes du Primarque, j’espère que vous avez pas été touché à nos bêtes ? Enonça le second qui titubait encore plus que le premier.
    -T’as raison, Gus… Va donc vérifier qui z’ont pas ouvert une des cellules. Manquerait plus qu’y en ait encore un qui s’échappe comme l’autre fois…
    Le type hocha la tête et s’en retourna en direction de la cage de l’ur-ghul.
    -Non, non, non ! Cria Uriah en comprenant, comme ses compagnons que ces deux ivrognes allaient faire absolument n’importe quoi. Il se précipita vers eux mais le gros type l’empêcha de passer, manquant l’évanouir juste avec son haleine. Kenway en profita pour le doubler et se jeta sur l’autre type alors que ce dernier était déjà en train de fourrer les clés dans la serrure, bien déterminé à ouvrir la porte, comme un véritable inconscient. Uriah manqua se faire molester par le gros type mais la Brute s’interposa aussitôt, attrapant l’ivrogne par le col et le dégageant de son chemin comme s’il ne s’agissait que d’un simple sac. Kenway en avait profité pour récupérer les clés, au cas où. Ils s’échangèrent un coup d’œil avec Djoko, réalisant qu’ils ne pourraient rien tirer de bien utile de ces deux-là.
    -Qui est votre supérieur, matelots ? Leur demanda ce dernier.
    Le premier des deux, bomba le torse et manqua tomber à la renverse en même temps. Il se rattrapa de justesse sur son camarade.
    -Nous ? On en répond seulement au Sieur Absilias, mon gars ! Ça doit t’en boucher un coin, pas vrai ?
    -Impressionnant, en effet… Leur répondit Uriah avec un large sourire… Maintenant que tout est en ordre, nous allons vous remercier pour votre vigilance et votre hospitalité. Vous pouvez retourner à votre poste.
    -Mais vous êtes qui déjà, vous ? Lui demanda le gros bonhomme. Des émissaires de la Maison Kyma…Karma…quoi ?
    -Voilà, c’est ça. Nous sommes attendus par Monsieur Absilias. Nous en profiterons pour lui dire que vous faite un excellent travail, on doit donc vous laisser vaquer à vos occupations.
    Uriah posa ses mains sur leurs épaules et les raccompagna vers le couloir, faisant signe à ses officiers de le suivre. Les types firent alors mine de s’éloigner tout en échangeant des phrases sans queue ni tête. Uriah en profita pour revenir en arrière, les laissant avancer et fit signe aux autres de le suivre rapidement.
    -On a assez perdu de temps avec ces deux abrutis, On va devoir se hâter de remonter dans les niveaux supérieurs.
    -Me dites pas qu’on est tombé à ce point aussi bas qu’on doive se frotter à des ivrognes de bas étage ? Ces débiles ont surtout failli tous nous tuer, ajouta Djoko. Nan mais qui garde des xenos enfermés dans des cages ?
    -Des trafiquants du commerce froid, ajouta Altaïr.
    -Oui, merci… Je me doute bien. Mais qu’est-ce qu’un chartiste fout dans ce genre de trafic, justement ?
    -Ce sera intéressant de poser la question au maitre des lieus, voilà pourquoi je crains qu’Absilias ait déjà été tué.
    La Brute et Altaïr étaient déjà passés devant, commençant à remonter les escaliers vers le niveau supérieur. Une fois parvenus à l’étage, ils verrouillèrent la porte derrière eux, par crainte que les deux idiots du bas, décident de libérer le warp savait quelle horreur. Dans le hall, il n’y avait pas d’autres traces de combat, ce qui les mit aussitôt en alerte.
    Djoko et la Brute se repérèrent dans les coursives, trouvant le chemin vers l’ancienne passerelle, là où se trouvaient les bureaux actuels. Ils montèrent de plusieurs niveaux et après avoir parcouru plusieurs couloirs, ne croisant que des servitors monotâche et quelques matelots subalternes qui s’enfuirent à leur approche.
    Dans leur course, après dix bonnes minutes à arpenter les coursives, la Brute leur indiqua de faire halte. Il venait de percevoir quelque chose venant d’un couloir sur sa droite. Il fit signe à Altaïr de le suivre discrètement. Les autres rebroussèrent chemin et les suivirent, quelques mètres derrière.
    Le couloir en question était plongé dans une semi-obscurité. Certains des lumens étaient éteints mais ils pouvaient clairement voir que la coursive menait vers des double-portes entrouvertes qui donnaient sur une vaste pièce éclairée. Dans cette salle, se trouvaient plusieurs personnes en pleine discussion. Leur échange, plutôt calme venait d’alerter la Brute, d’autant plus que trois corps gisaient dans cette même pièce, beignant dans leur sang. Il décida d’approcher, ses armes à la main. A quelques mètres des portes, il parvint à identifier Absilias assis en bout d’une longue table de réunion. A ses côtés se trouvaient deux adeptes encombrés de documents et de tablettes, ainsi qu’une femme qu’Altaïr désigna comme étant Livia Damael – celle qu’il connaissait – comme étant une des adjointes d’Absilias.
    Autant Absilias avait l’air détendu, autant la femme avait l’air particulièrement crispé. La Brute s’avança doucement et nota qu’ils n’étaient pas seuls dans la pièce. Quatre types en combinaison furtive étaient présents aussi, leurs armes à la main mais ne l’avaient visiblement pas encore repéré. Ils ressemblaient à ceux qu’ils avaient combattu et éliminé aux generatoria. La Brute passa la consigne à ses compagnons qui se déployèrent dans le couloir.
    -Ils font quoi, là ? Demanda Kenway à voix basse.
    -J’ai l’impression qu’ils sont en train de faire signer Absilias, répondit Altaïr.
    -On intervient, ajouta Uriah qui pointait son arme vers un des assassins. Identifiant une cinquième personne avec eux, vêtu d’un costume et le désignant comme étant très certainement leur chef car sa tête ne lui revenait pas. Et Uriah avait le flaire pour repérer les sales types.
    -Je pourrais aller leur parler ? Tenta Djoko.
    Uriah l’arrêta aussitôt.
    -Je le sens pas… Et puis il y a déjà trois morts qui décorent le tapis. Je pense que la diplomatie a échoué.
    Djoko se calla le long du mur, soudain alerté par les craintes d’Uriah. Le petit avait du flaire. Lui-même avait une sorte de familiarité avec tout ce qui touchait au warp, une sorte d’intuition en présence de psykers. Il observa la pièce et comprit tout de suite ce qui était en train de se passer. Le warp était à l’œuvre, il pouvait le voir, le ressentir autour de ce sale type en costume, comme une sorte de vibration dans l’air, comme des ondes de chaleur qui englobaient Absilias.
    -C’est une saloperie de psyker… Finit-il par lui dire.
    Uriah n’attendait que cette confirmation pour agir. Ils avaient déjà perdu assez de temps et leurs adversaires, quels qu’ils soient, étaient déjà en train de faire signer le maitre des lieux. Tenter de parlementer avec eux ? L’idée l’avait bien effleuré… D’un signe, il donna l’ordre à ses hommes d’ouvrir le feu, ce qu’ils firent comme un seul homme. Un des assassins tomba, mortellement blessé alors que deux des quatre autres furent plus légèrement touchés. Ils ripostèrent de leurs armes en retour, relâchant un déluge de feu dans leur direction. Pourtant, un peu surpris, leurs tirs manquèrent de précision. Même le psyker ne parvint pas à focaliser un de ses pouvoirs, un peu pris au dépourvu. Ils se déplacèrent en profitant des couverts de la pièce. Les adeptes et Livia Damael se jetèrent sous la lourde table pour tenter de se mettre à l’abri des tirs qui fusaient dans la pièce, explosant la déco et les carafes en cristal. En revanche, Absilias ne semblait pas réagir, comme restant hagard.
    Djoko avait dégainé sa lame et se rua dans la salle afin de se mettre à couvert derrière un des piliers mais un autre assassin resté caché jusque-là, lui tomba littéralement dessus, pourtant il parvint à l’esquiver in extremis. Depuis le couloir, Uriah décida de changer de cible, il visa le psyker voyant que ce dernier était en train de préparer un de ces pouvoirs et lui logea un tir à pleine puissance de son pistolet radiant qui le traversa de part en part, mettant ainsi fin à sa sorcellerie. Le psyker bascula en arrière, raide mort. En riposte, il manqua se prendre une rafale d’un tir de fusil d’assaut si la Brute ne l’avait soudainement pas poussé pour lui sauver la peau. Il le remercia en soufflant. Pendant ce temps, Kenway, Altaïr et la Brute venaient de riposter, fauchant le tireur qui venait de tirer sur Uriah. Un des assassins restants, celui qui se trouvait juste derrière le fauteuil d’Absilias se saisit de plusieurs documents sur la table devant lui et d’un bond, se dirigea vers une des portes situées juste derrière lui. Un des autres assassins en fit de même par une seconde porte.
    Dans la salle, la Brute se précipita en courant, abattant un assassin d’un bolt à bout portant. Il était talonné par Kenway et Altaïr, bien décidés à rattraper le fuyard. Uriah allait les rejoindre mais vit que Djoko était toujours engagé dans un corps à corps à l’épée et il décida de venir l’aider. A eux deux, ils finirent par se débarrasser de leur assaillant. Une fois la salle sécurisée, Uriah demanda à Djoko d’aller voir si Absilias et ses gens allait bien puis il activa son microvox.
    -Brute, tu me reçois ? Vous en êtes où ?
    -On poursuit ce satané assassin dans les coursives… On va le chopper !
    -C’est l’idée… Ramenez-moi les documents surtout… Terminé.
    Il reporta son attention vers Djoko et les autres. Les deux adeptes étaient encore tout bouleversés et tentaient de remettre de l’ordre dans leurs foutus paperasse éparpillée au sol. La fille était livide, visiblement en état de choc. Djoko tentait de parler avec Absilias mais ce dernier avait l’air perdu, les pupilles dilatées. Uriah approcha.
    -On a peu de temps… Ces gens vous voulaient quoi ? Que vous ont-ils fait signer ?
    Absilias reprenait ses esprits, réalisant alors le carnage qui venait de se dérouler sous leurs yeux. Les corps de quatre assassins gisaient au sol, en plus des trois membres de sa suite.
    -Trône, il s’est passé quoi ?
    -Ces assassins vous ont forcé à signer un document. Vous pouvez nous dire de quoi il en retourne ? Lui demanda Uriah.
    -Un document ? Par Terra mais je n’ai rien signé !
    Les adeptes hochèrent la tête.
    -En réalité si, Seigneur… Vous venez de céder l’acte de propriété de la Vigor&Vanguard à la Maison Kysnathian, en bonne et due forme selon les articles 678b aliéna 3 et 4 du code de la Lex Commercia.
    -Quoi ? Mais il en est hors de question ! Où sont-ils ?
    -Ce sont les gens dont nous venons de vous débarrasser, répondit Uriah.
    -Et cet acte, il est où ? Je refuse de l’avoir signé ! Où est ce foutu contrat ?
    -Mes hommes vont nous le rapporter d’ici quelques minutes…
    Il activa son microvox discrètement, contactant la Brute.
    -Vous en êtes où ? ça urge ! Dit-il à voix basse.

    -Mais vous êtes qui, vous ? Lui demanda Absilias.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian avec qui vous aviez rendez…
    Il ne termina pas sa phrase, Absilias, Livia et les adeptes eurent aussitôt un mouvement de recul et de frayeur, ayant presque le réflexe de ramasser une arme au sol. Uriah réalisa sa bévue au même moment. Les tueurs s’étaient évidemment présentés comme étant de la Maison Kysnathian, eux aussi. Il leva les mains et les agita en signe d’apaisement.
    -Nous n’avons rien à voir avec eux… Ce sont des usurpateurs, des assassins qui ont voulu se faire passer pour nous. D’ailleurs nous venons de vous en débarrasser… Non ?
    -En effet…
    Ashram Absilias se tourna vers Livia et lui ordonna d’aller chercher la SecNav ou l’Arbites. Elle salua et se dirigea vers la sortie. Il reporta son attention vers Uriah et Djoko.
    -Je ne comprends pas votre présence ici ? Vous cherchez quoi ?
    -Nous venons accepter votre proposition de rachat… Mais… Nous devrions attendre un peu avant de mêler les autorités à toute cette histoire.
    -Et pourquoi cela ?
    Absilias observa la salle où se trouvaient pas moins de sept corps et une belle pagaille sans compter l’escroquerie dont il était victime. Il était donc parfaitement dans son bon droit d’en appeler aux autorités. Au même moment, Altaïr réapparu aussitôt suivi de la Brute et de Kenway. Ils passèrent la porte, un peu essoufflés et Altaïr vint vers eux, tendant vers Absilias les contrats, quelque peu tâchés de sang. Il les lui remit. Ce dernier les prit et commença à les parcourir, assisté de ses adeptes, totalement abasourdis.
    A part, Uriah en profita pour attraper la Brute par la manche et lui glissa tout bas.
    -Beau boulot. Tu as fait quoi de l’assassin ? Je pensais que tu allais le ramener ici.
    -C’était une femme, en fait. Enfin, je crois.
    -Qu’importe… Elle est morte ? Tu n’as pas ramené sa tête ?
    -Je lui ai broyé le crâne…
    Uriah se contenta de lui tapoter l’épaule avec un petit sourire avant de reporter son attention vers Altaïr, lui désignant Livia qui venait de quitter la grande salle de réunion.
    -Ramène-là ici, je n’ai pas l’intention qu’elle aille ameuter les autorités, dit-il à voix basse.
    Altaïr hocha la tête et se précipita vers la sortie afin de la rattraper.
    Uriah reporta son attention vers Djoko et voyant que ce dernier était en train de fouiller les corps des tueurs, il décida d’aller lui prêter main forte, laissant Absilias absorbé par ses contrats.

    Altaïr courait dans le couloir à la suite de Livia. Il l’appela et elle se retourna, surprise.
    -Vous voulez ?
    Il s’approcha d’elle.
    -Tu ne me reconnais pas ?
    Elle eut l’air quelque peu sur la défensive, faisant un non de la tête.
    Il retira son chapeau et il vit que soudain elle écarquillait les yeux.
    -Sylmann ? C’est toi ?
    -Avec quelques années de plus.
    -Par le warp, si je m’y attendais ?… Mais qu’est-ce que tu fais ici ?... Je veux dire, dans toute cette affaire… Les Kysnathian ? Tu es sérieux ?
    -C’est une longue histoire.
    -Tu t’es encore fourré dans une magouille, toi ? Je me trompe ? Dit-elle avec un petit rire.
    -Ecoute, je te raconterai tout ça volontiers un peu plus tard autour d’un verre, mais là, on a assez peu de temps…
    Elle parut étonnée.
    -On… ?
    -Il va falloir me faire confiance. On a des points importants à voir avec ton patron… Maintenant.
    Il finit par la convaincre et ils retournèrent dans le vaste salon pour y retrouver le reste de l’équipe en pleine conversation avec Absilias. Uriah se tourna vers eux en les voyant approcher, un sourire sur les lèvres. Absilias était devant la vaste cheminée du salon, affairé à déchirer consciencieusement les contrats et à en jeter les morceaux dans les flammes. Livia vint le rejoindre.
    -Vous tombez bien, nous sommes parvenus à un accord, leur lâcha Uriah. Le capitaine Absilias sollicite notre concours afin de démasquer les auteurs de toute cette tentative d’escroquerie. Il nous demande de lui apporter le coupable.
    Il prit Altaïr un peu à part, rejoignant la Brute et Djoko.
    -Et en échange ? Lui souffla Altaïr à voix basse.
    -En échange, il serait disposé à écouter notre offre.
    Djoko profita du fait qu’Absilias était occupé avec son adjointe pour sortir une carte ident de sa poche ainsi qu’une carte de visite. Il les montra à Altaïr.
    -Qu’est-ce que c’est ?
    -C’était sur le psyker. Le type s’appelait Evin Bort.
    Altaïr observa la carte ident avec attention.
    -C’est une fausse carte… Il prit alors la carte de visite et vit qu’elle était imprimée au nom d’un établissement. Le Plasma Bleu, un bar sur la station. Au dos, quelqu’un avait écrit le nom de Magda Arenval.
    -Ça te parle ? Lui demanda Uriah.
    -Pas du tout…
    -On pense qu’il pourrait s’agir d’une intermédiaire des Kysnathian. Celle qui a embauché ces assassins. On a rien retrouvé d’autre sur eux, en dehors de leurs armes et d’un pistolet à aiguilles qu’a récupéré Djoko.
    -Tu as demandé à Kenway pour le nom ? Il la connait peut-être.
    -Il dit que non.
    -On fait quoi du coup ? Demanda la Brute. On y va ?
    -On y va, tu penses bien que cette Magda ne risque pas d’attendre indéfiniment.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 22/09/2023 à 10:09 Citer ce message

    -Laissez-moi quelques minutes, ajouta Altaïr. Je dois dire deux mots à cette Livia Damael avant de partir.
    -A quel sujet ? Lui demanda Uriah.
    Le sénéchal se pencha vers lui, lui glissant à voix basse.
    -Si on envisage de mettre la main sur cette compagnie, j’ai peut-être un moyen de la convaincre de nous rejoindre. Et puis, il faudra bien trouver un moyen tôt ou tard de nous débarrasser d’Absilias.
    -Je suis curieux…
    -Alors viens avec moi, observe et prends-en de la graine.
    Il fit un petit signe de tête en direction de La Brute et Djoko qui lui répondirent en retour. Afin de lui laisser le champ libre, ils firent mine d’aller discuter avec Ashram Absilias, idée de l’occuper sur un tout autre sujet. Ce dernier avait toujours la ferme intention d’appeler les forces de l’ordre mais Djoko allait devoir le contrer. Dans le pire des cas, La Brute comptait intervenir mais selon sa méthode, ce que Djoko préférait clairement éviter.
    Altaïr prit Livia Damael à part dans le salon, accompagné d’Uriah, prétextant lui demander comment elle allait. De son côté, Livia encore un peu sous le choc, les remercia de nouveau pour leur intervention. Il changea soudainement de sujet en évoquant ce qu’ils avaient découvert juste avant dans les sous-ponts, évoquant l’ur-ghul dans une des cellules ainsi que les deux gardiens alcooliques. Livia tenta de le dissimuler mais Altaïr perçut de manière subtile sa mine déconfite et sut qu’il venait de faire mouche. Il reprit à voix basse.
    -Je gage que ton maitre, le capitaine Absilias, n’est donc pas au courant de tes… petits secrets ?
    Elle eut une petite toux, reprenant sur le même ton.
    -Pas ici… Cela tombe vraiment mal et je préfère ne pas évoquer ce genre de sujet devant lui… Je n’ai pas envie de…
    -Rassure-toi, lui dit-il avec un large sourire.
    -Je rends juste service à une connaissance, c’est tout. Tout ceci ne doit pas s’ébruiter, tu comprends ?
    -Mais bien entendu.
    Altaïr n’était pas dupe. Même si des années s’étaient écoulées, il avait bien connu Livia à cette époque où tous les deux se livraient à un trafic de xenotech. Son intuition sur elle ne l’avait pas trompé, elle n’avait pas changé et cela le rassurait en fin de compte car cela ne pouvait que simplifier leurs projets.
    -Tu imagines pourquoi je ne tiens pas à ce que les autorités débarquent ici ? Lui dit-elle.
    -Et à vrai dire, nous n’y tenons pas réellement non plus.
    -Oh ? Pourquoi cela ?
    -Disons que nous avons quelques projets et je comptais justement te proposer d’en discuter.
    Elle posa son regard sur Uriah.
    -Vous représentez la Maison Kysnathian… Je doute que…
    -Il y a des sujets que je préfèrerai aborder juste avec toi, ajouta Altaïr. Disons… Sans la présence d’Absilias.
    -Quel… genre de sujets ? Demanda-t-elle en plissant les yeux.
    -Un partenariat. Juste avec toi.
    -Tu sais que je travaille pour lui ?
    -En effet. Tu es libre ce soir ?
    -En vérité, non… Avec tout ce qui vient de se passer…
    Altaïr fit un petit clin d’œil à Uriah.
    -On va arranger cela avec ton patron, considère qu’il vient de te donner ta soirée. Tu connais le Midnight Sapphire ?
    -Oui, ce restaurant dans la spire.
    -Retrouve-moi là-bas… Disons dans une heure trente ? Je t’expliquerai cela plus en détail.

    Djoko et la Brute en avait profité pour discuter un peu plus avec Ashram Absilias. Ce dernier était absolument décidé à faire intervenir les forces de l’ordre mais à force de persuasion, Djoko finit par la convaincre de reporter cette affaire au lendemain midi, l’assurant que de leur côté, ils avaient grâce à leurs connexions, les moyens de retrouver les coupables de manière bien plus rapide et efficace que la SecNav. Absilias finit par se laisser convaincre, tandis qu’Uriah, venant les rejoindre enfonça le clou en lui évoquant leur volonté de lui vendre la compagnie Burden Alliance. Il produisit l’acte officiel de vente, plus vrai que nature et certifia que les Kysnathian, après des années de guerre commerciale infructueuse, venaient enfin de se ranger du côté de la raison.
    Absilias se saisit de l’acte de vente, tout en ajustant son monocle. Il le parcourut et le passa ensuite, fébrile, à ses deux adeptes, toujours présents dans le salon.
    -Vous pouvez me certifier que cet acte est juridiquement conforme à la Lex Commercia ?
    Ils y passèrent quelques minutes, parcourant les différents articles et vérifiant les termes avec minutie, scrutant les dates et vérifiant que chaque paraphe et noms employés correspondaient bien, à la virgule près à la juridiction en usage.
    Uriah avait tout bonnement cessé de respirer. C’était sa toute première escroquerie de grande ampleur et tout allait se jouer ici et maintenant. Si les scribes d’Altaïr étaient aussi doués qu’il le prétendait, ils n’allaient pas tarder à le découvrir.
    Les scribes vinrent s’entretenir en privé avec Absilias et échangèrent avec lui pendant quelques instant avant que celui-ci ne se tourne vers Uriah avec un large sourire.
    -Nous aurions dû commencer par là… Je suis terriblement confus de vous recevoir avec un tel désordre.
    Il se tourna vers Livia et les deux adeptes.
    -Eh bien, ne restez pas là les bras ballant, allez donc chercher nos valets, qu’ils fassent un peu de ménage, mes tapis sont encombrés de… cadavres, c’est tout à fait déplaisant. Et qu’on serve un amasec à ces messieurs. Décidemment cette soirée est pleine de surprises.
    Tandis que les adeptes décampaient et que Livia se dirigeait vers une console pour servir un verre à chacun, Absilias invita Uriah et ses hommes à prendre place autour de la grande table du salon.
    -Je n’ai malheureusement pas retenu votre nom… Ces évènements m’ont quelque peu troublé.
    -Je suis Caspiel El’Drake. Emissaire, se présenta Uriah.
    -Fort bien, Monsieur El’Drake… Et donc…
    Il reprit l’acte de vente et le parcourut de nouveau avant de poursuivre.
    -Et donc ce vieux Kysnathian décide enfin de vendre sa boutique…
    Il dévisagea Uriah avec un large sourire.
    -En d’autres termes, oui, répondit Uriah. Disons qu’il est lassé de toutes ces querelles puériles et admet volontiers qu’il est temps pour lui de céder la main à… Disons quelqu’un qui saura reprendre ses affaires de manière parfaitement professionnelle.
    Absilias partit d’un petit rire.
    -Mais qui l’eut cru ? Le tout puissant Gregor Kysnathian deviendrait-il sénile à moins qu’il ne devienne enfin raisonnable ?
    -Il pense notamment au poids que cela donnerait indéniablement aux deux compagnies réunies.
    -Evidemment ! Ce vieil entêté ouvre enfin les yeux ? Je lui ai toujours dis que les Rasmusen n’ont de chartiste que le nom. Leur compagnie ne vaut rien de toute façon. Cela fait des décennies que je me tue à le répéter à ce vieil imbécile de Gregor. Ensemble, nous aurions pu les absorber sans problème depuis des années. Mais bon… Je vois qu’il a enfin entendu raison.
    Il prit soudain un air un peu plus peiné, tandis que des domestiques et serviteurs s’affairaient pour sortir les corps du salon en silence, mais sans y parvenir. Ce qui agaça Absilias.
    -En revanche… Reprit-il enfin, alors que d’autres valets leur servaient à tous un verre d’amasec.
    -Oui ?
    -Le prix que vous en demandez… Il est exagérément élevé. Selon les dernières estimations, votre Maison, la Burden Alliance n’est plus aussi cotée qu’avant, mon cher.
    -Nous pourrions toujours décider de retirer notre offre et la proposer à une autre Maison, ajouta Altaïr.
    Absilias eut un petit rire moqueur.
    -Allons donc. Je n’ai pas dit que je n’étais pas intéressé. Je reste juste ouvert à une négociation et maintient que votre prix est absolument exagéré. Vous n’êtes ni l’Alliance Trygone ni Stellar Incrementus qui eux, ont pignon sur rue. Et puis qui d’autre irait racheter votre compagnie ? Ces arrivistes de Rasmusen ? Voyons, soyons sérieux, je ne sais même pas s’ils sont en capacité aujourd’hui à acheter une navette Arvus.
    -Ils sont surtout nos principaux suspects dans cette affaire, lâcha Altaïr de sous son chapeau et d’une voix calme.
    Absilias se retourna vers lui, un air incrédule sur son visage empâté.
    -Trône, en voilà une bien étrange idée… Ces… Assassins se sont présentés à mes gardes sous l’identité d’envoyés de la Maison Kysnathian… Comme vous, en réalité.
    -Le rapport s’arrête là, Capitaine Absilias. Ces gens n’ont absolument rien à voir avec nous ni avec la Maison Kysnathian que nous représentons, lui répondit-il avec aplomb.
    -Cela ne prouve pas pour autant qu’ils soient de la Maison Rasmusen.
    -Bien au contraire. C’est justement ce que nous suspections, lui mentit-il. Nos craintes semblent se confirmer. Voilà pourquoi nous devons impérativement mener une enquête au préalable. Vous comprendrez aisément, Capitaine que nos Maisons respectives viennent ce soir de subir une attaque des plus sournoises.
    Absilias écarquilla soudain ses yeux, ce qui lui donna des airs de batracien.
    -Par Guilliman… Je crains bien que vous ayez totalement raison… Cette garce de Feronika Rasmusen a toujours été la plus fourbe. Je le vois bien à présent.
    Il prit un verre d’amasec et le vida avant de poursuivre.
    -Ecoutez, pour notre affaire, je pense que rien ne presse… Nous devrions en reparler demain, le temps pour vous de mener votre enquête et de notre côté de faire un brin de ménage, mes tapis sont dans un état désastreux. Demain, ce sera parfait, nous aurons alors le temps d’organiser une soirée digne de ce nom. Nous avions dit midi… Disons que nous pourrions nous laisser la journée et nous revoir le soir. Qu’en pensez-vous ?
    Uriah consulta ses officiers et tombèrent d’accord. Il reprit l’acte de vente.
    -C’est d’accord. Nous repasserons demain en fin de journée.
    -Parfait. Mon associée, Miss Damael va vous reconduire. Je lui laisse organiser notre agenda.
    Ce disant, Absilias mit fin à cet entretien. Livia Damael les raccompagna jusqu’à la sortie du domaine, comme convenu. Uriah était plutôt satisfait de la tournure des évènements et cherchait à le montrer, mais Djoko et la Brute, plus prudents, lui firent signe de rester un peu plus mesuré. Du moins tant qu’ils n’étaient pas sortis des locaux de Vigor&Vanguard.
    En chemin, Altaïr s’arrangea pour rester à côté de Livia, un peu à part, afin de converser avec elle. Elle lui glissa un sourire en coin.
    -Quelque chose me dit que tu n’es pas là uniquement pour cette vente. Je me trompe ?
    -Peut-être pas uniquement, répondit-il d’un air désinvolte mais avec un petit sourire.
    -Tu me parlais de projets, tout à l’heure ?
    -Je t’en parlerai en privé tout à l’heure.
    -Vous vendez votre compagnie, je ne vois pas bien quel genre d’accord tu envisages de me proposer.
    -Nous vendons la Burden Alliance, je n’ai pas dit que nous vendons notre compagnie.
    -Oh, voilà qui est intéressant… Et quelle est cette autre compagnie ? Dit-elle avec un sourire.
    -Pas ici… Parle-moi plutôt de ce trafic que tu mènes en douce, au nez et la barbe d’Absilias. Commerce froid ? Ta spécialité…
    Elle prit quelques instants avant de poursuivre à voix basse, lâchant un petit soupir.
    -En réalité j’ai deux affaires sous le coude en ce moment et je manque justement d’associés comme je te l’ai dit. Je suis en train d’organiser le commerce de différents produits. Cela implique de recruter des équipes locales, monter des explorations dans certaines régions plus ou moins cartographiées. L’objectif est de développer un réseau avec certains de mes clients fortunés qui sont disposés à financer ces recherches et l’achat de ces produits.
    -Par produits, tu veux parler de… D’artefacts exotiques ?
    -Tout à fait. Je suis aussi sur un autre coup, une opportunité et une place qui vient de se libérer tout récemment dans un réseau. C’est une exclusivité, crois-moi. D’anciens chartistes sont tombés avec toute leur organisation locale à la suite d’un coup de maitre de notre… Cartel qui a repris la main sur place. On a un gros coup à jouer et plusieurs navires à mettre sur cette affaire. Essentiellement du lho de contrebande mais de première qualité, de l’obscura et de la xenotech. Voilà pourquoi je recherche à monter des partenariats.
    -Tu cherches donc à étendre ton réseau… Tu dois avoir sacrément pris du galon, dis-moi « baronne » ?
    -Peut-être bien… Alors, qu’en dis-tu ?
    Altaïr se mit à réfléchir. Ils étaient sur le point d’atteindre la sortie du domaine de Vigor&Vanguard. Il se pencha vers elle, continuant à voix basse.
    -Cela pourrait bien m’intéresser mais j’aurai une autre question… Je ne vois pas quelle organisation se serait fait supplanter dans le coin par la Kasballica.
    -C’est parce que justement, ce n’est pas dans le coin. Archaea, ça te parle ?
    -Quoi, cet agrimonde ?
    -Justement. On vient d’y implanter des gens de confiance sur place. Nous sommes en train d’en faire la future plaque tournante de tout le sous-secteur Badab. Je te laisse y réfléchir, mais je vais avoir besoin de monter ces deux affaires très rapidement.
    Altaïr ne put alors s’empêcher de sourire à l’évocation de ces perspectives.

    Trente minutes plus tard, Uriah, Altaïr, la Brute et Djoko étaient devant l’enseigne fluorescente du Plasma Bleu. En chemin, ils avaient raccompagné Kenway jusqu’au Morning Star afin qu’il remonte jusqu’à la baie medicae pour faire soigner sa main.
    -Donc c’est ici que l’on est censé trouver cette Magda ? Demanda Uriah. C’est quoi ? Un bar à hôtesses ?
    -Apparemment, lui répondit Altaïr, tout en regardant la carte qu’il avait en main.
    -D’accord, allons-y. On prend une table et on observe pour commencer, ajouta la Brute.
    Djoko s’alluma un fin cigalho.
    -Je vais rentrer en premier et vais me poser au comptoir. On reste en liaison vox.
    -On fait comme ça, leur dit Uriah tout en emboitant le pas de Djoko.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 29/09/2023 à 18:02 Citer ce message

    Altaïr se tourna vers la Brute et Uriah, voyant que Djoko installé au comptoir venait de commander un verre.
    -Je vais aller aussi nous commander à boire. Gardez un œil sur les clients et sur la porte. Je ne sais pas si notre cible est ici.
    -On est sûr que c’est une femme ? Lui demanda Uriah.
    Altaïr hocha la tête tout en inspectant l’intérieur de l’établissement. Le Plasma Bleu était un de ces bars à hôtesses réservé à des clients de la classe moyenne à supérieure. Ici, pas de matelots, dockers ou gangers bagareurs, mais pas de nobles encanaillés non plus. Tout au plus quelques marchands, adeptes ou officiers. Certains installés au bar, d’autres dans des box occupés à parler en privé avec de jeunes femmes et enfin il y avait ceux, occupés à reluquer la danseuse qui se déhanchait, à moitié nue sur de la technika binarique entêtante.
    -Je pense que oui. Il y a cinq ou six femmes dans ce bar, ce peut donc être n’importe laquelle d’entre elles, répondit la Brute.
    -Ou aucune d’entre elles, lui dit Djoko depuis le vox.
    -Y a un vigile, à gauche du comptoir, ajouta la Brute.
    -Le type en marron ? Comment tu vois que c’est un vigile ? Lui demanda Uriah.
    -Veste pare-balles civile et un Scipio automatique dans son holster. Et puis de là où il est, il a un angle de vue sur toute la salle, sur la porte d’entrée et sur la porte de derrière. Il couvre la salle et les accès. Si je devais garder les lieux, c’est là que je me posterais.
    -Bien vu… Une menace selon toi ? Lui demanda Altaïr.
    -Pas plus que ça…. Un bolt et il est par terre à ramasser son bras ou sa jambe.
    -Oui, bin on est n’est pas là pour faire du grabuge non plus, ajouta Uriah. Tu vois d’autres types armés ?
    -Un officier de la navale. Sabre mono et pistolet de marine modèle Mars. Peut-être aussi quelques armes de poing sous quelques vestes d’autres clients. Rien de bien exceptionnel.
    -C’est surtout cette Magda qui m’intéresse, ajouta Altaïr. Gardez-les à l’œil, je reviens.
    Il se dirigea vers le comptoir, effectuant un signe discret à Djoko au passage, lui indiquant de rester à l’écoute des conversations ambiantes. Le barman, un homme portant une élégante moustache gominée et des tatouages sur les bras le salua. Altaïr vint se poser au bar de manière à ne pas être loin du vigile en même temps.
    -Bien le bonjour. Qu’est-ce que je vous sers à tous les trois ? Lui dit le barman.
    D’un geste du pouce, Altaïr lui désigna ses deux compères à l’autre bout de la salle.
    -Désolé, on s’est déjà installé. Je n’avais pas vu que les commandes étaient au bar. On va prendre trois amasec.
    -Pas de souci, je vous sers ça.
    Le barman s’exécuta et lui servit les trois verres puis encaissa la commande.
    -Dites… Commença Altaïr. J’attendais une amie à moi, vous ne l’auriez pas vu. Elle s’appelle Magda.
    -Magda ? Vous savez, en général, les clients ne me donnent rarement leur nom. Je suis désolé.
    -Je pensais plutôt qu’elle était une habituée…
    -Ah, non… Son nom ne me dit rien. Elle ressemble à quoi votre amie ?
    -Eh bien… disons que je l’ai pas vu depuis quelques années, elle a surement changé… Lui mentit-il.
    Le barman, tous en essuyant un verre, se tourna vers le vigile, un solide gaillard entre deux âges.
    -Guss, toi qui a l’œil, ça te dit quelque chose, une certaine Magda ?
    Guss se contenta de répondre par la négative en hochant simplement la tête.
    Altaïr les remercia et emporta les verres jusqu’à leur table où il se rassit.
    -Vous avez du nouveau ?
    -Rien de plus. Et toi avec le barman ?
    -Rien.
    Il jeta un regard vers une table de jeu où deux hommes et une femme faisaient une partie, trop concentrés pour faire attention à eux. Ils se leva avec son verre.
    -Je vais aller me mêler aux habitués, ils auront peut-être quelques informations.
    -Bonne idée, lâcha Uriah qui en fit de même, ayant repéré un type au bout de la salle, qui venait d’attirer son attention. Il se tourna vers la Brute.
    -Reste là et garde un œil sur la porte et le vigile.
    -Reçu…
    Il activa son microvox dissimulé dans son col.
    -Djoko ? Garde un œil sur le fond de la salle et sur la porte de derrière, ok ?
    -Ça me va.
    Altaïr venait d’engager la conversation avec les deux marchands. Le premier du nom de Ravanov Strinklow était dans le négoce de tissus et notamment de noctesoie. Sa tenue ne trompait pas d’ailleurs, rappelant celle des satrapes de Sagan dans le sous-secteur Karthago, ce qui était certainement voulu. Il était accompagné d’une jeune femme aux cheveux verts, répondant au nom de Bonni. Elle était un peu trop jeune et faisait quelque peu vulgaire pour lui, ce qui indiquait à Altaïr qu’elle était certainement tout sauf son épouse. L’autre type était dans le commerce de vins fin et s’appelait Dargas Solaman. Altaïr en profita pour jouer une partie avec eux, perdant quelques crédits dans l’affaire. Tout en sympathisant, il se présenta sous l’identité d’Adrian Stockstone, un marchand d’art et de reliques, venu ici sur Port Grief pour acquérir une pièce rare de l’époque thorienne. Les deux marchands eurent un léger sourire à cette évocation, ironisant sur les reliques de Sebastian Thor qui circulaient régulièrement au marché noir.
    -C’est d’ailleurs étonnant, plaisanta Strinklow le marchand de tissus tout en riant, avec toutes ces reliques, je me demande combien il y avait de Sebastian Thor en réalité. L’autre pouffa de rire alors que Bonni ne perçut pas la blague mais se mit à rire aussi.
    Altaïr en profita pour leur parler de Magda, une fille qu’il devait rejoindre ici mais qui visiblement lui avait fait faux bond et qui devait l’attendre ici dans ce bar. Les deux hommes, encore tout sourire, lui lancèrent un regard complice.
    -Le Plasma bleu est réputé pour ça, mon cher. Qu’elle s’appelle Magda, Junith ou Shandra, quelle différence ?
    -Cela en a pour moi…
    Il nota cependant que la fille aux cheveux verts était en train de glisser quelques mots à l’oreille du marchand de tissus. Bien qu’elle cherche à rester discrète, Altaïr eut l’ouïe fine et parvint à comprendre quelques bribes de sa phrase. Elle désignait le fond de la salle, là où une fille dénudée dansait sur un podium autour de clients. Elle évoqua le fait qu’une fille était resté assise là, tout à l’heure, avant de partir. Le marchand ne prêta pas attention à ce qu’elle venait de dire, plutôt concentré sur son jeu et sa partie.
    Altaïr se leva, avec un grand sourire.
    -Mon verre est vide. Je comptais m’en reprendre un, je paye ma tournée ?
    Les deux compères vidèrent leur verre.
    -Volontiers l’ami, on reprendra la même chose.
    En chemin vers le comptoir, il aperçut Uriah qui revenait en sens inverse. Parvenu à sa hauteur, il lui fit signe de le suivre vers le comptoir, lui glissant discrètement :
    -Tu as du nouveau ?
    -J’ai pu parler avec un marchand d’Excelsis Corp.
    -La guilde minière ? Et ?
    -Tu les connais ?
    -Un peu, oui. C’est une grosse guilde marchande. Ils font dans l’extraction minière, dans le prométhéum et dans le transport chartiste. Et il a des infos, ton type ?
    -J’ai pas l’impression et j’ai pas envie de la cuisiner toute la soirée.
    -Ah… Bin ne perd pas de temps avec lui alors.
    -Et toi ?
    -Je tiens peut-être quelque chose…
    Il le laissa poursuivre son chemin et revint trouver le barman et le vigile, commandant quatre amasec.
    Il posa un billet de cinquante crédits sur le comptoir.
    -Il y avait une fille assise là-bas dans le fond. C’était peut-être bien celle que je devais retrouver. Elle est partie ?
    Le barman remplissait les verres tout en levant les yeux vers le fond de la salle.
    -Ah en effet… maintenant que vous me le dites. Mais elle n’est pas restée longtemps.
    -Elle a consommé quelque chose ?
    -Un pacificus. Mais elle y a à peine touché.
    -Vous avez son verre ?
    -Non… Je l’ai déjà lavé, vous pensez bien…
    -Elle est donc partie ?
    Le barman se tourna vers le vigile.
    -Guss, tu l’as vu sortir ?
    -Elle est partie par la porte du fond, avec un type.
    -Un type ? Quel type ? Demanda Altaïr.
    -Habillé tout en noir, C’est tout ce que je me rappelle. Il lui a parlé et elle s’est dépêchée d’aller vers la porte avec lui.
    -Et elle mène où cette porte ?
    -Les toilettes, lui dit le vigile.
    -En plus des parties privées et d’une sortie de secours, ajouta le barman tout en levant un sourcil.
    Altaïr laissa le billet au barman avec un grand sourire, prit les verres, le remercia et s’en retourna vers la salle. En chemin, il voxa les autres.
    -J’ai peut-être une piste. Uriah, rejoins-moi à la porte du fond.
    Il retrouva les marchands et Bonni, déposa les verres et prétexta une envie pressante, tout en s’excusant. Les autres étaient bien trop occupés par leur amasec pour s’en offusquer.
    Uriah l’attendait déjà à la porte du fond. Il voxa Djoko et la Brute.
    -Gardez un œil sur la salle et la porte d’entrée. On reste en liaison vox.
    Uriah venait déjà de pousser la porte. Quelques instants plus tard, Altaïr vint le rejoindre. Ils se trouvaient dans une sorte d’antichambre sombre de quatre ou cinq mètres de côté, qui donnait sur les toilettes sur leur gauche avec deux portes indiquées « privé » et une autre indiquant une sortie de secours. Altaïr alla vérifier les toilettes et n’y trouva personne. Uriah poussa la porte de l’issue de secours et se retrouva aussitôt dans une arrière-cour qui devait donner vers une coursive latérale donnant sur une artère principale un peu plus loin. La coursive était encombrée de cartons, de crasse, de caisses vides et de containers à ordures. Il ne vit personne mais repéra une tâche sombre sur le sol. Il se pencha et la toucha du bout des doigts.
    -Merde… Du sang. Il est encore frais…
    Il se redressa et eut une soudaine intuition. Il souleva le couvercle du container situé juste à côté et venait de voir juste. Le type en noir gisait là, la gorge tranchée, parmi les sacs poubelles, les membres pêle-mêle. Une bien sale mort, se dit-il en refermant le couvercle avec un rictus de dégout. Il activa son vox tout en cherchant à essuyer ses doigts comme il le pouvait.
    -Syl ? Je crois avoir trouvé le copain de notre Magda.
    -Le type en noir ? Il est où ?
    -Dans un recycleur, la gorge tranchée. Et figure-toi que c’est justement le type qui avait filé durant l’attaque chez Absilias.
    -Le dernier assassin ?
    Altaïr vint le rejoindre et vérifia le container.
    -Merde, si c’est bien elle qui a fait ça, elle ne l’a pas loupé.
    -Donc le type vient la prévenir que leur coup chez Vigor&Vanguard a échoué et elle…
    -Et elle élimine le dernier témoin pour qu’on ne remonte pas jusqu’à elle.
    -Ce qui ne nous avance pas tellement…
    -Je vais retourner parler au barman.
    Il retourna au bar et appela le barman et le vigile, de nouveau.
    -Désolé d’insister, mais cette femme, vous l’avez vu, elle ressemblait à quoi ?
    -Blonde, vêtue de couleurs claires, avec un chapeau et une cape, il me semble.… Commença le barman.
    -Non, brune, je dirais, ajouta le fameux Guss. Elle portait une tenue bleue. Peut-être même un uniforme de la noblesse navale et un œil augmentique aussi.
    Altaïr sortit sa tablette de sa sacoche, l’activa et y chercha le dossier sur les dirigeants des trois compagnies chartistes. Il se rappela y avoir vu une femme en uniforme de la navale avec un œil augmentique, justement. Il finit par la trouver. Nixanne Morteval, la seconde de Gregor Kysnathian. Il leur montra le pix de la femme en question, avec le sentiment que ce ne pouvait être qu’elle.
    -C’était cette femme ?
    Le vigile et le barman se penchèrent sur la tablette et firent une petite moue.
    -Non, pas du tout, répondit Guss. Celle-là a une cicatrice sur le visage alors que celle qui était dans la salle n’en avait pas. Et puis elle n’avait pas du tout ce visage. Je me rappelle bien, elle avait un œil rouge et un œil bleu.
    -Et puis elle avait un chapeau, ajouta le barman.
    -Oui, un chapeau avec une sorte de… plume.
    -Donc ce n’est pas elle… Lâcha Altaïr soudain soucieux. Bien, merci messieurs.
    Il les salua et s’en retourna vers la salle, tout en surveillant l’heure. Dans moins de dix minutes, il devait retrouver Livia au Midnight Sapphire et allait être en retard. Il voxa Uriah.
    -La fille nous a échappé, demande à Djoko et la Brute d’aller dans la ruelle et faire le tour du bloc, il y aura peut-être des témoins, des indices, des vidéopix à trouver. Dis-leur qu’elle a un œil augmentique rouge, un œil bleu et un chapeau avec une plume. Je dois filer à mon rendez-vous avec Livia, tu veux m’accompagner ?
    -Je ne voudrais surtout pas déranger…
    Altaïr eut un petit rire.
    -T’inquiète, gamin, si à un moment de la soirée je te demande si tu es fatigué, tu sauras alors quoi faire…

    Vingt minutes plus tard, ils étaient installés dans l’ambiance plus feutrée et selecte du Midnight Sapphrire dans les hauteurs du fort. Ici, pas d’hétaïres mais des serveurs en uniformes à galons dorés et gants blancs. Pas non plus de technika mais quelques reprises du classique gothique. Uriah laissa Altaïr mener la discussion, tandis qu’ils savouraient un repas somptueux, composé d’un carpaccio de grox et sa sauce terminator épicée aux truffes biri, d’un soufflé aux tumins frais et son coulis de chanalain pétillant. Le tout, accompagné d’une bouteille de Rose de Sang, grand cru 997, cuvée Archaea.
    Lui et Livia en étaient à se raconter des anecdotes de leur passé, ce qui les faisaient beaucoup rire. Au cours de la soirée, Altaïr lança plusieurs allusions en direction de Livia, sur sa place chez Vigor&Vanguard, sur sa carrière qui mériterait de prendre une tout autre tournure. Sur Absilias. Sur le fait qu’ils comptaient lui proposer tout autre chose. Elle en parut tout d’abord amusée, puis curieuse. Ne voyant pas bien où des émissaires des Kysnathian comptaient bien en venir.
    -Justement, on a peut-être notre affaire de notre côté et on pourrait t’y associer.
    -Et m’associer à quoi que Vigor&Vanguard ne m’offre déjà, Monsieur Altaïr ? Il ne t’aura pas échappé qu’Ashram Absilias me laisse… Disons une certaine autonomie que j’apprécie fortement.
    -Qu’est-ce qui te dit qu’il va fermer les yeux indéfiniment ?
    -Le simple fait qu’il n’ait même jamais ouvert les yeux, lui dit-elle avec un petit sourire en coin. Et cela est très confortable mon cher ami.
    -Et si on te proposait la même chose, mais que ce soit toi qui sois à la tête de ta propre compagnie ?
    -Je te dirais qu’il faudrait déjà pouvoir financer cette compa…
    Elle écarquilla les yeux, ne terminant pas sa phrase et manqua s’étrangler avec son verre de vin millésimé, comprenant alors toute l’arnaque qu’Altaïr et ses compères étaient en train de monter.
    -Ne me dis quand même pas que le contrat que tu veux faire signer demain… Que ces fonds vont servir en réalité à…
    Altaïr se calla dans son fauteuil, tout en s’essuyant le coin de la bouche avec sa serviette. Il lança un regard complice à Uriah.
    -Ne t’avais-je pas dit qu’elle était perspicace ?
    -Je n’en doutais même pas, lui répondit-il sur un ton égal.
    -Mais… Continua Livia dont la tête commençait à tourner… Vous veniez pour vendre… Alors qu’en réalité vous allez détourner ces fonds ? Ce contrat se chiffre en centaines de millions…
    Altaïr se pencha vers elle.
    -En réalité, nous allons même acquérir les trois compagnies. La tienne, plus la Silent Dominion et la Burden Alliance. Vois plutôt cela comme un très gros investissement.
    Elle reprit un peu de son aplomb et eut un léger rire.
    -Avec ce genre d’escroquerie financière ? Mais tu es sérieux ? Vous êtes complètement fous, une fois qu’Absilias va s’en rendre compte, il va vous jeter à la SecNav et je ne donne pas cher de votre peau. Rasmusen et Kysnathian en feront de même, et les connaissant, ils vont plutôt vous envoyer leurs tueurs à vos trousses.
    -Leurs assassins, parlons-en… Ironisa Uriah.
    Altaïr lui mis un léger coup de coude avant de poursuivre.
    -On se disait justement que si tu envisageais de t’associer avec nous, nous n’aurions alors plus besoin d’Absilias.
    -Et quoi ? Il vous dit merci et il s’en va ?
    -En quelque sorte… Ajouta Uriah. Mais d’une manière ou d’une autre, il va s’en aller. C’est certain.
    -Alors, vous avez déjà tout prévu ? Leur dit-elle, bouche bée.
    -Je ne serais pas venu t’en parler sans un plan déjà bien ficelé, tu penses bien, lui répondit Altaïr. Alors, tu marches avec nous ?
    Elle cligna des yeux avant de répondre, cherchant à réunir ses pensées.
    -Je… Je vais avoir besoin de réfléchir avant…
    Elle eut un petit rire nerveux. Prenant quelques instants pour répondre. Elle sortit un cigalho de son sac à main et Altair lui alluma. Il s’en alluma un autre pour lui. Elle reprit.
    -Je ne dis pas non, juste que…
    -Que tu as besoin de réfléchir, c’est bien naturel. La nuit porte conseil…
    -Oui… je crois que j’ai besoin de…
    Altaïr se tourna vers Uriah, avec un large sourire et un clin d’œil.
    -En parlant de nuit qui porte conseil… Je crois me rappelle que vous devez vous levez tôt demain matin, mon cher ami…
    Uriah termina son verre, se leva et les salua.
    -Madame… Ce fut un plaisir. Mais veuillez me pardonner, mon sénéchal me rappelle à mes tristes obligations que je ne saurais déléguer.
    -Je vous en prie, je comprends. C’était un plaisir.
    Il les salua de nouveau et quitta la table pour se diriger vers la sortie. Une fois dehors, il activa son vox à l’attention d’Altaïr.
    -Vieille fripouille, tu me revaudras ça, lui dit-il en riant.
    Altaïr préféra couper la connexion avec un petit sourire, afin de ne pas être plus importuné.
    -Des conditions, disais-tu ?
    -Oui, et j’en ai trois. Trois affaires que je compte monter. Mais je préfère ne pas en parler ici…
    -Fort bien…Maintenant que le gamin est couché, je comptais te raccompagner jusqu’à chez toi idée d’en parler justement. On pourra en parler devant un petit amasec.
    Il se leva et glissa une plaquette de deux mille crédits or au serveur qui lui apportait justement l’addition, avant d’emboiter le pas de Livia qui s’apprêtait à quitter les lieux.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/10/2023 à 21:00 Citer ce message

    Le lendemain matin, Uriah avait fait convoqué ses principaux officiers dans le strategium du Morning Star. La veille, dans la soirée, Säde et Kenway lui avaient fait part d’une information qui avait bien failli passer totalement inaperçue et qu’ils venaient de découvrir par hasard en parlant avec Gaia, la fille d’Isabella. Quelques jours auparavant, cette dernière avait reçu une missive de la Capitainerie du fort, l’invitant à une soirée en l’honneur de la fête de la Résurrection du Primarque. Or, personne n’en avait été informé et la soirée avait lieu ce soir-même au même moment où ils devaient aller signer leur contrat chez Absilias. Si Gaia n’avait pas montré le carton d’invitation à Säde qui assurait sa protection, personne ne l’aurait appris. Altaïr, par l’entremise de Livia Damael était ainsi parvenu in extremis à avancer l’heure de la signature dans le courant de l’après-midi.
    Cela leur laissa le temps de revoir leur plan car si tout se passait comme convenu, dans environ trois ou quatre jours, ils auraient vendu les trois sociétés chartistes grâce à de faux contrats. Aujourd’hui-même auprès d’Absilias, le lendemain auprès des Rasmusen et d’ici quelques jours, en se rendant dans le système Galen, chez les Kysnathian. Cette escroquerie leur permettra de détourner un pactole tel qu’ils leur seraient alors normalement possible de toutes les racheter grâce à un tour de force. Bien évidemment, un faux contrat et une forte somme d’argent détournée n’allaient pas suffire, encore allait-il falloir disposer de complices ou de moyens de pression. Quoi qu’ils décident, leur plan allait commencer cet après-midi, chez Ashram Absilias.
    Altaïr fut le dernier à entrer dans le strategium et vint prendre place à la grande table où les autres siégeaient déjà, devant une tasse de café ou de tana.
    -Inutile de te demander comment cette nuit t’aura été profitable, mon cher Sylmann, lui lança Djoko d’un air narquois.
    -Inutile, en effet et pourtant j’ai quelques informations à vous dévoiler avant de commencer.
    Uriah l’invita à s’assoir et à poursuivre.
    -Livia Damael est disposée à nous rejoindre dans notre projet.
    Djoko leva les yeux au ciel, affichant un grand sourire.
    -Voilà une très bonne nouvelle, commenta Uriah.
    -Elle a cependant trois conditions.
    -C’était trop beau… Lâcha Djoko.
    -Quelles conditions ? Demanda la Brute.
    -Pour commencer, Livia fait partie de la Kasballica. Ce qui n’est pas anodin.
    -Ça, c’est intéressant, commenta Djoko.
    -Et en quoi ? Lâcha la Brute, avec une pointe de dédain. On a déjà assez de problèmes comme ça avec l’Inéquité, non ?
    La Brute n’avait aucune confiance dans les mafia et autres organisations criminelles. Par le passé, il avait été esclave de ces réseaux et en gardait toujours une rancune tenace.
    -Eh bien, répondit Altaïr, vous n’êtes pas sans savoir que la Kasballica et les Princes de l’Inéquité sont des organisations rivales, justement. Donc étant donné que nous serons amenés à un moment à nous en prendre à l’Inéquité, il nous faudra bien trouver un levier.
    -C’est pas idiot, lâcha Djoko. Seul nous ne serons jamais en capacité à les faire tomber, de toute façon.
    -Voilà pourquoi je me disais que l’on aura besoin d’alliés de circonstance à un moment.
    -Bien vu, ajouta Uriah. L’idée me plait… Mais tu parlais de conditions fixés par cette Livia…
    -Oui. Elle souhaite donc mener à bien deux affaires pour la Kasballica et sollicite notre concours, en échange de quoi, elle marchera dans notre combine. Elle compte organiser un trafic de xenotech depuis le système Tranquility. Il y a eu de nombreux conflits sur place, impliquant des xenos mais aussi des chapitres astartes. Certaines zones sont régulièrement la proie de conflits mais aussi de pillages juste après. Elle souhaite organiser quelques repérages et espère y trouver des artefacts qui pourraient se monnayer dans le commerce froid. Le second point serait d’organiser un commerce entre Archaea et le système Pireaus que l’on connait bien. Les mondes miniers qui jalonnent ce système ont un besoin constant en certaines drogues et elle pense qu’Archaea devrait devenir un excellent point de narcotrafic, surtout qu’elle y a des contacts et certainement un réseau sur place.
    -A ce point-là ? S’étonna Uriah.
    -J’ai cru comprendre qu’elle était bien placée dans la Kasballica.
    -Une baronne ?
    -Quelque chose comme ça. Evidemment dans chacune de ces affaires, je compte négocier d’intéressants pourcentages. Et enfin, le troisième point qui risque d’être aussi le plus contraignant. Livia demande que l’on n’élimine pas Absilias. Selon elle, c’est un brave type, sans doute un peu trop naïf mais qui ne mérite pas de mourir pour autant. Je pense qu’elle a un côté sentimental avec lui. En revanche, le numéro deux, Klovitz, risque de poser un problème d’après elle.
    -D’accord… Répondit Uriah. On s’occupera de lui. Donc, admettons que ces deux affaires nous intéressent… On fait quoi d’Absilias dans ce cas ?
    -Notre astropathe n’a-t-elle pas la capacité de lui effacer une partie de la mémoire ? Se hasarda Djoko.
    -Antinoé ? Lui demanda Altaïr. Je n’en ai pas la moindre idée…
    Uriah la fit convoquer et au bout de quelques minutes, elle vint les rejoindre dans le strategium, appuyée sur son bâton de la Telepathica et flottant dans ses robes vertes. Elle vint s’assoir et tourna son regard aveugle vers Uriah.
    -Vous avez besoin de mes lumières, capitaine ?
    -En effet… Tu penses qu’il est possible d’effacer le mémoire de quelqu’un ? Disons… Pas de manière définitive mais sur un certain laps de temps.
    -C’est ainsi que sont créés ceux que l’on nomme esprits purifiés. Oui.
    -Donc toi, tu saurais le faire ?
    -Non, capitaine. Cela pourrait me prendre un certain temps à maitriser ce genre de technique qui n’est pas sans risque. Mais aujourd’hui, je ne saurais le faire.
    -Et tu connais quelqu’un au sein de ton… Ordre qui pourrait s’en charger ?
    Elle réfléchit un instant et eut une esquisse de sourire.
    -Je vais devoir contacter quelqu’un…
    Uriah eut un geste de la main, lui indiquant qu’elle pouvait le faire. Antinoé se leva et alla s’isoler un peu plus loin dans le strategium tandis qu’ils continuaient de discuter entre eux.
    Elle revint au bout de quelques minutes.
    -Eh bien ? Lui demanda Uriah.
    -Je connais quelqu’un qui saurait faire ça. C’est un astropathe de la station. Mais ça aura un coût.
    -Combien ? Lui demanda Altaïr.
    -Vingt mille.
    -C’est énorme, lâcha Djoko avec un petit rire.
    -C’est une somme mais pas tant que ça, si on considère le risque, ajouta la Brute. On parle de mettre la main sur une maison chartiste.
    Uriah interrogea Altaïr.
    -Ça entre dans nos finances ?
    -Sans problème.
    -Alors c’est entendu.
    Il se tourna vers son astropathe.
    -Ton… Contact doit être sur la station j’imagine ?
    -En effet.
    -Il aura besoin, j’imagine d’être au contact de la personne en question ?
    -Disons, dans la même pièce, oui. Il faudra le prévoir.
    -D’accord. Alors rappelle ton contact et dis-lui que nous aurons besoin de lui dans les prochains jours. Nous allons nous charger de les faire se rencontrer.
    Antinoé s’inclina légèrement puis ressortit du strategium.
    Uriah consulta l’heure.
    -Bien, préparons-nous, nous avons un contrat à faire signer d’ici quelques heures.

    Comme convenu, dans l’après-midi, ils repassèrent au siège de Vigor&Vanguard et ce qui n’était qu’une simple formalité prit en réalité des airs protocolaires. Absilias avait tenu à ce que tout soit impeccable et que cette signature soit un franc succès. Une petite armée de scribes et adeptes étaient mobilisés ainsi que les gardes de la Maison étant donné qu’il allait être question de réaliser un virement de deux-cent-quatre-vingt-quatre millions de crédits sur un des comptes fournis par Altaïr. En échange de quoi, Ashram Absilias se retrouvait officiellement propriétaire de la Burden Alliance. A présent pour Uriah et ses complices, toute leur stratégie devait tenir sur le bluff et sur l’espoir qu’Absilias et Kysnathian n’aient ni à se voir ni à s’appeler d’ici les prochains jours. Cela avait peu de chance d’arriver cependant, car Gregor Kysnathian était censé se trouver à quelques centaines d’années-lumière du système Grief. Pourtant Uriah croisait les doigts que leur plan se déroule comme prévu. Ils durent jouer le jeu et inventer tout un tas de prétextes relatifs à l’état de santé soi-disant précaire de ce pauvre vieux Kysnathian, d’où sa volonté de vendre. Altaïr dû aussi user de toute sa force de persuasion auprès de Livia pour inciter Absilias à ne pas se rendre à la réception de la capitainerie avec eux ni en même temps qu’eux – ce qu’il venait de proposer, bien évidemment.
    Se retrouver à cette réception sous les couleurs des Kysnathian serait totalement contre-productif car tout le gratin local serait présent et Uriah et ses hommes comptaient bien nouer quelques relations. Outre les pontes de la Flotte impériale qui seraient présents, il y aurait bien évidemment, les dirigeants ou émissaires des principaux adepta ou organisations locales, tels que l’Administratum, le Deparmento Munitorum, l’Ecclésiarchie, l’Arbites, l’Astra Militarum, le Mechanicus, mais aussi plusieurs grandes Maisons ou guildes marchandes. Il était donc parfaitement souhaitable de se faire des contacts fort intéressants, voire de signer quelques accords ou contrats. Dans tous les cas, c’était là, l’occasion de rencontrer du monde et de se faire connaitre.
    Livia leur confirma qu’elle avait fini par persuader Absilias de ne pas rester tard à cette soirée. Finalement, il trouva l’idée excellente car il souhaitait s’y montrer, au moins pour le discours en l’honneur du Primarque au tout début, puis comptait rapidement s’éclipser, car fatigué de sa journée.
    Suivant ces indications, Uriah et ses principaux officiers décidèrent de s’y rendre un peu plus tard, espérant ainsi ne pas l’y croiser.
    La Capitainerie était une spire à elle seule sur le fort orbital et elle occupait une place centrale, entourée des principaux bastions des adeptas et des spires des Maisons commerciales. Le tout, crénelé de statues monumentales et de batteries de défense antiaérienne omniprésentes. Pour l’occasion, Uriah, la Brute, Djoko et Altaïr avaient revêtu leurs plus beaux uniformes, affichant ainsi les couleurs de la Maison Goldberg, leurs médailles ou insignes ainsi que différents emblèmes navals. Uriah n’eut qu’à présenter le carton d’invitation que sa tante avait reçu, aux gardes en faction à l’entrée. La soirée avait commencé deux ou trois heures plus tôt et déjà, le grand hall de la Capitainerie contenait plusieurs centaines d’invités parmi lesquels ils se glissèrent, attrapant au vol, des coupes de dammassine sur les plateaux de laquais en tenues d’apparat.
    -Par le warp, ce sont de véritables Space Marines que je vois tout au fond ? Lâcha Uriah.
    La Brute le gratifia d’un petit sourire.
    -Non, ça ce sont juste des statues en marbre de Space Marines. Mais à l’étage, au niveau du balcon, je dirais qu’il y en a un vrai, en compagnie du commandant du fort et de ses officiers.
    -Tu as de bons yeux, lâcha Altaïr. On a quand même la présence d’un astartes en chair et en os, c’est pas rien…
    -Quel chapitre ? Se hasarda Djoko.
    -C’est un capitaine des Star Phantoms, je dirais, répliqua la Brute, je le vois à son épaulière.
    -J’ose espérer que rien ne dégénère, ce soir, conclut Altaïr…
    -L’Arbites est présent, grimaça Djoko.
    -C’est justement ce qui me chagrine.
    Uriah se tourna vers eux.
    -Alors tant qu’on ne fait rien d’inconsidéré – et je compte sur vous – tout devrait bien se passer. Je vous le rappelle, on est là pour se faire des relations et peut-être glaner des informations, pas pour finir dans une geôle ou avec une balle à cause d’une phrase malheureuse. On est d’accord ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/10/2023 à 11:21 Citer ce message

    Ils se mêlèrent aux invités de la réception, activant leur microvox afin de rester en liaison.
    -Il semblerait qu’on ait raté le discours d’hommage au Primarque, lâcha Altaïr, d’un air détaché.
    -Alors, on n’a pas raté le plus important, répondit Djokovitch.
    Uriah faillit s’étrangler à cette remarque et la Brute toussota dans le vox.
    -Cette remarque ne m’étonne même pas venant de toi, Djoko.
    -Quoi ? Je précisais juste qu’on a plus important à faire, non ?
    -Mouais… Tâchez de ne pas vous faire tuer, pour une fois. Moi, je vais aller parler aux officiers en haut des escaliers, leur annonça la Brute. Sûr qu’ils auront des informations importantes à nous apprendre.
    -Tu vas te faire refouler à mon avis, lâcha Djoko qui attrapa une coupe de dammassine sur un plateau en argent tout en repérant un groupe de marchands haut en couleurs. Il s’approcha d’eux tout en feignant admirer les tableaux aux murs de la salle. Tout en flânant, il tendit l’oreille idée de ne rien rater de leur conversation mais le sujet commercial qu’ils abordaient ne lui parlait pas plus que cela. De son côté, Altaïr avait repéré un étrange trio composé d’un solide gaillard au crâne rasé en armure, encadré de deux femmes en logues robes noires et grises. Il suspectait qu’il pouvait s’agir là d’un inquisiteur, ce qui l’intrigua évidemment. Il fit mine de les suivre et perçut rapidement que les autres convives s’inclinaient légèrement sur leur passage, ou réalisaient même le signe de l’Aquila. A bien y regarder, voyant les symboles arborés, l’eviscerator dans le dos du personnage et le lance-flammes que portait une des jeunes femmes, Altaïr comprit qu’il s’agissait là d’un ecclésiaste de haut rang. Il s’agissait très certainement d’un confesseur ou même d’un cardinal, accompagné de deux sœurs de la Sororitas, sans nul doute des sœurs du dialogus ou du famulus. Il préféra passer son chemin, recevant un message vox de Djokovitch, lui demandant de le rejoindre.
    Pendant ce temps, Uriah avait repéré de loin une tête connue. Il s’agissait de Jonston Quill, d’Excelsis Corp, croisé la veille au Plasma bleu et avec qui il s’était brièvement entretenu. Il allait se diriger vers lui alors que Quill était en pleine conversation mais Altaïr l’attrapa de justesse par le bras, l’ayant vu de loin.
    -Tu fais quoi, là ? Lui dit-il d’un air détaché.
    -Eh bien j’allais tout simplement…
    -Tout simplement cramer ta couverture. Je te rappelle que tu t’étais présenté à lui hier soir sous une autre identité. Ce soir, tu es Uriah Goldberg, de la maison du même nom. Un conseil, évite ce type ou salue-le juste de loin avant qu’il ne comprenne la supercherie.
    -Ok, noté… J’ai bien failli…
    -T’inquiète, on t’a à l’œil, on est là pour ça. Profite de la soirée et tâche de nous trouver des gens intéressants.
    -Intéressant comment ? Voxa Djoko. On est là pour quoi au fait ? A par s’enfiler quelques coupes de dammassine ?
    -On est là pour se montrer et pour nouer peut-être quelques contacts, se faire des relations. C’est aussi l’occasion pour Uriah de se faire connaitre. Je ne sais pas si tu vois, mais toute l’élite navale des environs est présente à cette réception. Ce serait dommage de ne pas en profiter. De plus, j’ajouterai qu’on ferait bien de surveiller les invités et les conversations. Des fois que des noms connus ressortent.
    -Comme ceux des trois compagnies chartistes qui nous intéressent, compléta Uriah.
    -Mais aussi cette fille avec un œil rouge et un œil bleu.
    -Qu’est-ce qui te dit qu’elle est là ?
    -Rien, mais je préfère rester prudent.
    -D’ailleurs en parlant de prudence, il est passé où, la Brute ? S’étonna Uriah.
    -Je crois qu’il ne plaisantait pas quand il nous disait tout à l’heure qu’il devait discuter avec des officiers ou je ne sais qui, ironisa Altaïr qui le pointa du doigt. La Brute était en effet, au balcon supérieur en pleine conversation avec le Commodore Rastok de la marine impériale. A ses côtés, se trouvaient le Commandant Edelmore Bostonne, le capitaine de Fort Vengeance ainsi que le chef de la SecNav. l’Astartes bien qu’un peu en retrait dans les ombres, était occupé à observer la foule de convives en contrebas avec un air de prédateur aux aguets, impatient de retourner en chasse. Nul doute qu’en moins d’une seconde, il serait parfaitement capable de sauter du balcon, de dégainer ses armes et de causer un carnage sans que personne ne soit en mesure de l’arrêter. Telle était sa fonction première après tout. Les Space Marines avaient été conçus essentiellement pour la guerre et pour rien d’autre. Sa présence ici se voulait rassurante et pourtant, elle ne l’était absolument pas.
    -Je te conseille de rester sur tes gardes et de faire plutôt attention à qui tu parles, lâcha Altaïr à Uriah.
    -T’inquiète, je suis dans mon élément ici, lui dit-il tout en buvant une gorgée à sa coupe de dammassine.
    -Oui, bin justement, n’en fait pas trop non plus. Je vais voir où est Djoko avant qu’il ne croise encore cette Maryane Sandovan, mais on reste en contact.
    -Qui c’est cette Sandovan ? Je la connais ? Ce nom me dit quelque chose.
    Altaïr eut un petit rire tout en déposant son verre vide sur le plateau d’une serveuse. Il en profita pour attraper un verre d’amasec au passage avant de poursuivre.
    -Tout ça remonte à une dizaine d’années, tu étais encore un gosse. C’est resté une vieille blague entre nous.
    -Ah oui ! Ce ne serait pas cette arbitrator qu’il avait tenté de draguer ?
    -Qu’il avait ouvertement dragué… Et en public en plus. C’était une marshal sur Port Godwinne dans le système Badab. C’était lors d’une réception un peu comme celle-ci d’ailleurs. Tu connais Djoko… Il est plutôt sage aujourd’hui mais à l’époque il était un peu… Immature. Surtout que sa tête était mise à prix…. La mienne aussi, tu me diras. Ce jour-là, on a bien cru qu’il allait se prendre un bolt ou pire encore.
    Uriah eut alors l’air soucieux.
    -Et tu penses qu’elle est là, aujourd’hui ?
    -Je n’en ai pas la moindre idée. Voilà pourquoi, on doit garder un œil ouvert et toi aussi. On ne sait jamais.
    -Pas d’inquiétude, je ne risque pas de tomber dans le même panneau, lui dit-il avec un grand sourire.

    Uriah le laissa s’éloigner et en profita pour flâner entre les invités avec pour intuition, l’idée qu’un des pirates de l’Inéquité pourrait bien se trouver dans le coin, à se mêler comme lui, à l’aristocratie locale. Il repéra quelque groupes de personnes lorsque son attention fut soudain attiré par un simple regard. Furtif, il passa presque inaperçu l’espace d’un instant. Un simple regard parmi des centaines d’autres. Pourtant Uriah eut l’impression d’un temps suspendu pendant ce court laps de temps, cette impression soudaine de revenir en arrière, une seconde plus tôt et de chercher de nouveau ce regard avec cette crainte, cette appréhension de ne pas parvenir à le retrouver. Mais il le recroisa d’abord par hasard puis de nouveau. Une jeune femme était là dans cette foule de personnes et plus rien ne comptait désormais. Il ne perçut plus un son, plus un visage dans cette marée de couleurs floues en dehors de ce visage qui appartenait à une belle inconnue qui devait avoir son âge. Non, pas une belle inconnue mais la belle inconnue. Jamais il ne l’avait croisé et pourtant, en cet instant, se contenter de juste la regarder encore n'allait pas lui suffire. A qui appartenait ces boucles dorées qui encadraient ses yeux violine ? Il devait absolument lui parler sous peine que son propre cœur reste arrêté jusqu’à la fin des temps.
    Cette fois-ci, sans chercher à le dissimuler. Sans réfléchir, Uriah leva son verre et lui fit un petit sourire qu’elle lui rendit. Sourire discret mais définitivement charmant. Intrigué et déjà piqué au vif par ce regard, il chercha à deviner qui elle pouvait être. Si dans cette réception tout le monde était sur son trente-et-un, il devina cependant que cette jeune femme, n’était pas n’importe qui malgré son âge. Son allure d’abord. Des traits nobles, presque angéliques et une tenue raffinée d’aristocrate aventurière complétaient ses armes portées avec élégance. Elle était assise sur un sofa, dans une sorte d’alcôve à proximité du large escalier menant à l’étage. Elle était occupée à discuter avec une jeune femme brune, très élégante mais plus physique aussi et un peu plus âgée. Elle portait une tenue moulante, une cape et une canne élaborée qui devait servir à tout autre chose qu’à l’aider à marcher. Deux autres personnes faisaient aussi partie de cette suite. Deux hommes plus âgés. Le premier devait être une sorte de savant, ce qui était visible à ses implants et tablettes de données mais aussi à son air curieux et érudit. Le second était un colosse, qui pouvait rivaliser sans peine au bras de fer avec la Brute. Il portait une barbe fournie et un solide œil augmentique mais surtout ses bras étaient des troncs d’arbre capable de l’encastrer dans le mur. C’est ce dernier individu qui s’interposa de manière menaçante entre lui et la demoiselle. Celle-ci l’appela par son nom.
    -Corvin, c’est bon. Laisse-le passer.
    Le garde du corps s’exécuta aussitôt, tout en gardant Uriah à l’œil.
    Uriah approcha alors et la fille blonde l’observa attentivement tandis qu’il approchait. L’autre femme, la brune, se leva, glissant à la première quelques mots puis elle alla discuter avec le savant et le gros costaud, à quelques mètres de là. Uriah vint se tenir devant elle, assise dans ce large sofa bleu nuit.
    -Monsieur, je ne crois pas que nous ayons été présentés ? Lui dit-elle avec un air amusé tout en lui tendant la main. Uriah l’effleura légèrement et effectua un délicat baise-main, ce qui étonna agréablement la jeune femme.
    -Seigneur Capitaine Uriah Goldberg, libre marchand.
    -Seigneur Capitaine ? Voilà une bien impressionnante introduction, Monsieur.
    -Et vous êtes ?
    -Je m’appelle Ludivine. Ainsi donc vous êtes Libre marchand ?
    -Cela vous déçoit-il ?
    -Cela devrait-il me décevoir ?
    Uriah eut souvent très chaud et avait cette désagréable impression de se tenir face à un gouffre, sur le point de chuter à tout instant. Il savait pourtant que cela n’était pas un mauvais tour que le warp pouvait lui jouer. C’était encore pire. Jamais il n’avait ressenti un tel effet. Cette paralysie, les mains moites, l’impression de bégayer et de paraitre stupide devant une femme. Pourtant il avait déjà eu quelques petites aventures à bord du Morning Star, mais là, cela n’avait rien à voir.
    -Croyez-bien Mademoiselle, que je n’ai aucunement l’intention de vous décevoir.
    Elle lui lança un joli sourire aux yeux rieurs, absolument désarmant tout en lui tendant sa coupe vide.
    -Pour commencer, peut-être auriez-vous l’amabilité d’aller me chercher un verre ? Le mien est vide.
    Uriah resta là, l’espace d’un instant, totalement désarmé. Il ne savait même plus s’il continuait de respirer ou non. Il prit le verre et s’en retourna vers la salle avec cette impression qu’il allait devoir mener la plus grande bataille de sa récente carrière.
    Il revint au bout de quelques instants, avec deux coupes de dammassine et lui en proposa une qu’elle prit en le remerciant. Il trinqua.
    -Ludivine… Je n’ai pas retenu votre nom. Vous êtes d’une famille libre marchande ?
    -Je suis d’une maison marchande… la Maison Solimar.
    -La Maison Solimar ? Vous êtes dans quel domaine ?
    -Le transport.
    -Et vous êtes… Seule ici ?
    -Non, j’accompagnais juste mon père à cette ennuyeuse cérémonie. Il doit être quelque part dans la salle à parler affaires, j’imagine. Et puis non, je ne suis pas seule. Lui dit-elle en désignant ses compagnons. Vous avez déjà croisé Corvus et puis il y a Sinsindra ma pilote personnelle et Syulf, mon secrétaire.
    Elle tourna son regard vers lui tout en jouant avec une mèche de ses cheveux. Uriah manqua se renverser sa coupe de dammassine en cherchant à la porter à ses lèvres. Elle ne put s’empêcher de rire.
    A quelques dizaines de mètres de là, Altaïr s’était approché d’un groupe de personnes. Celles dont Djoko lui avait justement parlé un peu avant et qui parlaient de sujets commerciaux. Une femme était en pleine conversation avec deux hommes, tous trois très élégants. Il se présenta à eux, la femme n’était autre qu’Alexia Covigny, l’émissaire du tout puissant Macritch Consortium. La Maison du même nom pesait lourd dans tout le secteur. C’était sans doute le cartel commercial le plus puissant de la Zone du Maelstrom. Elle s’était, de longue date, fait une solide réputation dans l’armement et alimentait sans discontinuer et depuis des siècles, les lignes de front non seulement en munitions et armes d’assaut mais aussi en blindés et systèmes d’armements lourds. Cette manne financière leur avait permis de diversifier leurs activités et monter leurs compagnies chartistes qui étaient leurs propres filiales commerciales. Macritch se passait ainsi de sous-traitance et d’intermédiaires mais Altaïr était d’une nature optimiste, surtout quand on parlait affaire.
    Il la salua.
    -Je serai ravi de pouvoir échanger avec vous sur vos besoins d’expansions commerciales, Madame.
    Alexia Covigny le dévisagea comme s’il s’agissait là d’un simple scribe qui venait l’importuner.
    -Et vous êtes ?
    Altaïr ne se démonta pas, alors qu’il venait de se présenter juste avant.
    -Sylmann Altaïr, Sénéchal de la Maison Goldberg.
    -La Maison Goldberg, dites-vous ?
    -Oui, vous la connaissez certainement ?
    -Absolument pas.
    -Ah…
    -D’un autre côté, cela ne m’étonne guère étant donné que votre libre marchand vous envoie à sa place.
    Altaïr crut recevoir un coup direct au foie.
    -Sachez que je suis tout à fait à même de parler en son nom, Madame Coligny.
    -Certes. Je compte donc sur vous pour lui faire passer le message, sénéchal, lui dit-elle alors qu’elle se dirigeait déjà vers d’autres personnes plus dignes de son intérêt.
    Altaïr resta là, un petit rictus de mépris sur les lèvres. Il souffla et reprit un verre au passage. Cette fois-ci, un verre d’amasec tristillé. Il lui fallait bien ça. Il chercha la Brute et le vit, toujours en pleine conversation à l’étage avec les officiers de la marine. Il chercha alors Djoko et mit quelques minutes avant de pouvoir le trouver. Son sang se figea l’espace d’un instant, réalisant que cette satanée tête de grox était, une fois de plus, en train de faire le malin avec une gradée de l’Arbites. Il se dirigea vers lui et vint l’intercepter au moment où il venait de finir sa conversation. Il lui attrapa le bras et l’emmena avec lui tandis que la marshal avait repris sa discussion avec des officiers de l’Astra Militarum.
    -Mais tu es fou ou quoi ? Tu cherches à te faire tuer ?
    -Quoi ?
    -Comment quoi ? Qu’est-ce que tu faisais avec cette arbitrator ? Me dis pas que tu lui faisais du charme ou je ne sais quelle bêtise ?
    -Alors là, c’est vraiment mal me connaitre, lui dit-il avec un petit air outré.
    Altaïr lui lança un regard fatigué.
    -Quoi ? J’ai juste cherché à me montrer poli, répondit Djoko.
    -Elle t’a longuement dévisagé, je l’ai vu.
    -Oui, bin c’est un truc qui t’arrive rarement, vois-tu. Les femme savent reconnaitre que j’ai un certain charme. C’est très fréquent.
    Altaïr leva les yeux au plafond.
    -Mieux vaut être sourd que d’entendre pareilles inepties. Toi tu as encore forcé sur la dammassine…
    -Même pas, j’en suis à mon premier verre.
    -Alors c’est encore pire… Tu es recherché par l’Arbites, tu as oublié ?
    -Toi aussi et pour hérésie. Moi non, je te le rappelle.
    -Voilà pourquoi je ne vais pas faire le malin devant les forces de l’ordre.
    -Je me montrais courtois, voilà tout. Tu es un bien triste personnage, mon vieux Syl.
    -Bon allons retrouver les autres, ça vaudra mieux. C’est tout ce que tu as trouvé d’intéressant à faire ?
    -Non. Figure-toi que j’ai justement entendu le capitaine Smokes de la SecNav, plutôt furieux, qui parlait d’un type évadé de Fort Vengeance, ici sur la station. Il fait partie d’un groupe de criminels recherchés.
    -Et cela nous concerne en quoi ?
    -Le type en question porte le nom d’Arsik Al Shayim, ce serait un potentiel pirate de l’Inéquité. Un proche des deux salopards augmentés à qui on a parlé au Midnight Sapphire.
    -Alors voilà qui est intéressant, en effet. Si on pouvait mettre la main sur lui avant la SecNav…
    -Justement, tu vois où je veux en venir… Et toi, tu as trouvé des informations ?
    -J’ai entendu deux adeptes parler. Selon eux, l’Administratum a perdu des mondes situés dans un sous-secteur proches.
    -Comment ça, perdus ?
    -Disons qu’ils ont été oubliés après des siècles et ce sont leurs coordonnées qui ont été perdu. Du coup, avec les derniers évènements, ces mondes ont disparu des cartes mais ils doivent être retrouvés et une route commerciale doit de nouveau être ouverte car ces mondes disposent de ressources. Il s’agirait là de la mythique région stellaire de Morgan’Reach.
    -Morgan’s Reach ? les systèmes de Tartuga ou Verkruz ? Je croyais qu’il ne s’agissait que d’une légende ?
    -Moi aussi, mais l’Administratum a l’air de prendre cela très au sérieux.
    -Oui, enfin, l’Administratum… D’un autre côté, es mondes perdus, des ressources inexploitées… Je pense que c’est dans nos cordes. On devrait en parler aux autres, tu crois pas ? Où est notre Brute d’ailleurs ?
    Altaïr lui désigna le balustrade à l’étage qui surplombait la salle.
    -Il va finir par rempiler dans la navale, si ça continue.
    -Que veux-tu ? La Brute a toujours été le meilleur d’entre nous. C’est un gentil garçon finalement.
    -En parlant de garçon, tu as encore laissé le gosse sans surveillance, toi…
    -Quoi ? Non, regarde, il est là-bas assis en train de parler à cette fille. Tout est sous contrôle.
    Il lui désigna la scène à quelques dizaines de mètres de là, à travers la foule de convives.
    -Qui est-ce ? On la connait ?
    -Elle ne me dit rien. Il a laissé son vox allumé ?
    -Il ne répond pas, en tout cas. On intervient ? J’ai l’impression qu’il va nous faire une bêtise, là.
    -Et pourquoi cela ? Non mais regarde-le, il la faire rire aux éclats en plus.
    -Bin justement, il manquerait plus qu’il tombe amoureux !
    Djoko lui lança un regard plein d’ironie.
    -Ne va pas nous faire croire que toi, tu as passé ta nuit à lire tes vieilles tablettes de données avec ta Livia. Laisse-le donc s’amuser, c’est de son âge.
    Altaïr leva les yeux au plafond.
    -On voit bien ce qu’il fait de l’éducation que tu lui as donnée.
    -Espèce de vieux rabat-joie…. Tiens, justement voilà notre Brute qui arrive. Je suis certain qu’il t’a dégoté un contrat.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 19/10/2023 à 00:44 Citer ce message

    Ils se réunirent tous les trois autour d’un verre et évoquèrent leurs dernières trouvailles. La Brute parla de son échange avec le Commodore Rastok.
    -Je lui ai proposé de nouveau notre soutien, étant donné que nous avions déjà collaboré avec la Flotte ces dernières années. Il aurait bien besoin d’un coup de main dans le système Tranquility. Selon lui, des pirates aeldari y auraient élu domicile et perturbent la région. Il propose qu’on leur en débarrasse.
    -Tu as plus d’informations sur ces pirates ? Lui demanda Altaïr, un peu perplexe. Aeldari ? Tu es sûr qu’il ne parlait pas plutôt de drukhari ? On sait qu’ils sévissent dans cette région.
    -Ce sont les termes qu’il a employé. Je n’ai pas d’autres informations. Mais dans les deux cas, la menace n’est pas à sous-estimer. Nous avons déjà été confronté à des xenos par le passé et avons payé le prix fort à chaque fois.
    -Même toi, tu as failli y passé sur Kritias, ma grosse Brute, lui répondit Altaïr.
    -Oui, eh bien il a raison, ajouta Djokovitch. Je ne suis pas très enclin à exposer le navire et nos hommes face à une menace aussi inconnue que mortelle. Pas sans plus d’éléments et pas sans plus de vaisseaux. Nous aurions deux ou trois navires à leur opposer, je ne dis pas. Mais là, ce serait suicidaire.
    -C’est pas faux, compléta la Brute. Ton analyse tient la route et je suis d’accord, c’est bien trop risqué. Vous avez quoi d’autres ? Cette histoire de type évadé, recherché par les autorités ? Ce serait plutôt dans nos cordes, non ?
    -C’est possible. On a eu l’occasion d’en parler tout à l’heure avec Uriah justement. On se demandait comme agir, répondit Djoko.
    -A savoir, si on met la main sur ce type, si on le rend à l’Inéquité et on négocie avec eux. Ou bien… Si on le livre aux autorités.
    -On le livre aux autorités, c’est tout vu ! Lâcha la Brute.
    -Et perdre une chance de récupérer Isa en échange ? Répondit Djoko.
    -Là, tu rêves… Ils n’accepteront jamais de lâcher une telle prisonnière, surtout contre un des leurs qui s’est fait prendre.
    -Par contre… Ils pourraient voir cela comme une marque de bonne volonté de notre part, compléta Altaïr.
    -Un point pour toi. Mais il faudrait déjà lui mettre la main dessus et en parler avec Uriah, il en pense quoi ?
    Altaïr pointa un doigt vers le fond de la salle et l’alcôve où Uriah se trouvait toujours en compagnie de cette jeune femme. La Brute émit un petit grognement qui se voulait être un petit rire.
    -On doit le sortir de là, avant qu’il ne tombe dans une embuscade ?
    -Nan, laissons-le, c’est de son âge après tout, lâcha Djoko d’un ton désinvolte.
    -Il n’empêche qu’il faudra qu’on se renseigne sur cette fille, ajouta Altaïr. Et sur ses parents notamment.
    -Ça c’est ton rayon, la Science. Moi, je vais aller glaner quelques informations sur cet évadé. Comment vous dites qu’il s’appelle ? Lâcha la Brute.
    -Arsik Al Shayim. Tu veux te renseigner auprès de qui ? Lui demanda le sénéchal.
    -Je vais aller parler à la Marshal. Elle est en conversation avec des gradés de l’Astra, ça tombe plutôt bien, leur dit-il avant de les quitter.

    Vingt minutes plus tard, ils se retrouvèrent tous les trois de nouveau, non loin du bar.
    -Alors ? Lui demanda Djoko.
    -J’ai eu son signalement et ils sont intéressés par toute aide que l’on pourrait leur apporter. Pour l’instant la SecNac et l’Arbites contrôlent les accès et sont persuadés qu’il se cache avec des complices mais ils savent qu’il finira bien par tenter une sortie. La station orbitale est vaste comme une grande ville, il peut se terrer un petit moment.
    -Les bas-fonds ? Lui demanda Altaïr.
    -Ils y ont pensé, tu penses bien. Mais une descente en uniforme ne passe pas inaperçue. Ils sont donc obligés d’y envoyer des informateurs.
    -C’est là qu’on a une carte à jouer. Tu as des coordonnées ? Demanda Altaïr.
    -J’ai quelques pistes, en effet. Il faut qu’on regarde ça en détails. De votre côté ? Autre chose ?
    -J’ai parlé avec deux magos. Comme on avait déjà travaillé avec le Mechanicus par le passé, vous pensez bien que je leur ai vendu le fait qu’on s’y connaissait un peu, commença Altaïr.
    -Et ils auraient un tuyau à nous refiler ? Lui demanda Djoko.
    Altaïr fit une petite grimace.
    -Ils cherchent du soutien pour déloger des t’au sur Vigilance. Mais je pense que nous aurons le même problème qu’évoqué précédemment à propos des aeldari.
    -C’est clair que ces xenos sont un véritable fléau au nord galactique d’Endymion et sur toute la frontière avant, surtout proche des Marches de Golgotha, compléta la Brute.
    -Eh bien raison de plus pour ne pas trop rayer la peinture de notre Morning Star remit à neuf. On sort d’une croisade et on a déjà eu assez de réparation comme ça.
    -Et toi, du coup ? Tu as rencontré des gens intéressants ?
    -Figure-toi que oui. Je suis allé parler à ce Jonston Quill justement.
    -Alors qu’on avait bien dit à Uriah de ne surtout pas aller lui parler.
    -Oui, mais je ne suis pas Uriah et il ne m’a pas identifié quand on était au Plasma bleu. Et du coup, c’est un chartiste que l’on pourrait se mettre dans la poche, disons que j’ai su y faire aussi.
    -Et il propose quoi ? Un partenariat commercial ? S’impatienta Altaïr.
    -Allons… Laisse tomber un instant tes containers de grox surgelés ou tes transports de pèlerins à moitié fous. On a peut-être plus intéressant ou en tout cas, bien plus original. Figurez-vous qu’il recherche un coup de main pour mettre quelques bâtons dans les roues d’un concurrent. Alors… Rien de bien méchant, mais juste de quoi mettre hors course un navire un peu trop gênant.
    -On doit le torpiller ? S’étonna la Brute.
    -Mais qu’il est bête, celui-là… Il demande pas de les tuer, juste de mettre hors circuit un concurrent. Rien de plus.
    -Tu as le nom de leur cible ? Demanda Altaïr.
    -Non, il est resté prudent sur cette affaire. Disons que si ça nous intéresse, il m’a demandé que je le recontacte. Il est prêt évidemment à nous payer ce qu’il faudra. Il a des trucs intéressants à ce qu’il m’a dit.
    C’est le moment que choisit Uriah pour venir les rejoindre.
    -Ça se passe comme vous voulez ?
    -C’est plutôt à toi, capt’aine, qu’on aurait envie de poser la question ? Cela doit bien faire trois bonnes heures que tu en étais venu à oublier l’existence même de ton propre équipage.
    Uriah attrapa une coupe au passage.
    -Le warp t’emporte toi et tes sarcasmes de vieux bougon alors qu’il y a quelques heures encore, monsieur passait la nuit avec je ne sais qui… Lui dit-il d’un ton ironique.
    -Disons que moi, je travaillais aux finances de notre Maison, mon cher.
    -Et qui te dis que moi non plus, je n’y travaille pas précisément ?
    -Alors nous y voilà, lâcha Altaïr avec un grand sourire dans sa barbe. Il attrapa un autre verre au passage et prit la Brute et Djoko à témoins.
    -Voyez notre jeune ami… Il se trouve déconcentré un instant par une gente demoiselle et la minute d’après, le voilà qu’il en est déjà à planifier son mariage.
    Les autres se mirent à rire.
    -Et où est-elle d’ailleurs ? Ne nous dit pas qu’elle est déjà partie se coucher ? ça commence bien. Lâcha Djoko en riant.
    -Oui et bien, moquez-vous si ça vous chante… Sachez que le courant passe déjà très bien entre nous et que j’envisage de la revoir après-demain. Elle a dû… Elle avait quelque chose à faire, un voyage demain avec son père. Et puis en quoi ça vous regarde ?
    -Disons que tout ce qui te regarde, nous regarde, mon garçon. Lui lança Altaïr avec un clin d’œil. Il en va de ta sécurité. A ce propos, sais-tu qui étaient les frères d’Arquepierre ?
    -Non.
    -Des libres marchands tirés d’un célèbre et rocambolesque roman d’aventures et qui n’ont jamais eu de chance avec les femmes. Celles qui ne voulaient pas les empoisonner pour hériter de la lettre de marque étaient soit des inquisitrices, soit des catins du warp. Et je ne te parlerais même pas de la seule qui était véritablement sincère et qui a fini répudiée car ils ont fini par trouver cela suspect.
    -Je ne vois vraiment pas le rapport.
    -On va devoir en apprendre un peu plus sur elle et sa famille. Ce sont quoi ? des libres marchands ?
    -Je l’ai cru tout d’abord, mais il semblerait que non. Elle est juste d’une famille marchande.
    Altaïr consulta son chronographe.
    -Il est tard de toute façon, le cycle nocturne est déjà bien avancé, on ferait bien de rentrer. Je vais mettre Säde et ses gars sur le coup. Demain nous avons les Rasmusen qui débarquent ici sur Port Vengeance et on a encore des papiers à préparer.

    Après une courte nuit, Altaïr avait demandé aux scribes de Maitre Aldorf de préparer les actes de vente. Ainsi, dans quelques heures, ils se présenteraient aux Rasmusen, sous les traits d’émissaires des Absilias souhaitant leur vendre leur propre compagnie. De ce fait, deux des trois maisons chartistes allaient se retrouver victimes de leur ingénieuse escroquerie. Encore fallait-il que le plan ne tombe pas à l’eau au dernier moment. Il avait confié aussi la tâche à Säde d’enquêter sur cette Ludivine de la maison Solimar.
    Plus tard dans la journée, la passerelle leur annonça que l’Invincible Horizon, un lourd transport de classe Orion était en approche de Fort Vengeance. Uriah les réunit tous sur la passerelle et demanda qu’on lui ouvre un canal vox avec le navire chartiste mais que l’on brouille en même temps l’identifiant du Morning Star. Maitre Bonnett, son officier vox lui confirma que le canal était ouvert et que le système de brouillage était actif. Il enclencha une des runes sur son trône de commandement et se présenta comme étant de la maison Absilias. En face, son interlocutrice n’était autre que la matriarche de la maison chartiste, Feronika Rasmusen. Il lui présenta son offre de vente et lui proposa une rencontre.
    Il y eut alors un blanc.
    Uriah se pencha vers Altaïr, installé à une console.
    -Je crois qu’elle en est restée sans voix, lui dit-il en ayant coupé le micro.
    La voix de la matriarche retentit pourtant de nouveau dans le vox.
    -Votre offre est éminemment intéressante, mais je crains qu’elle n’arrive trop tard. Il y a quelques heures de cela, la société Silent Dominion a été racheté et je ne suis plus décisionnaire désormais. Vous m’en voyez déso…
    -Rach… Mais par qui si cela n’est pas indiscret ?
    -Par la Maison Frae Spinaiser. Si vous le souhaitez, nous pouvons toujours nous rencontrer, je leur ferais part de votre propos…
    Uriah coupa la connexion et frappa la console avec son poing à plusieurs reprises. Il se leva de son trône, vert de rage. Il désigna Altaïr, Djoko et la Brute. Tous trois avaient peine à croire que tout leur plan venait de s’effondrer comme un château de cartes.
    -Vous trois, avec moi dans le strategium !

    Quelques minutes plus tard, Altaïr cherchait à comprendre, tout en parcourant les pages de ses tablettes de données.
    -Mais c’est qui ces Frae Spinaiser dont on entend parler ? S’étonna Djoko qui était occupé à se servir un verre depuis une console.
    -Sert-moi un amasec. Un double, lâcha Uriah à moitié affalé sur la table. Il releva la tête vers Djoko avant de poursuivre. Ce sont des libres marchands. Ils étaient en concurrence à ce que m’avait expliqué tante Isa. Mais je ne les connais pas en fait.
    -Et tu es bien sûr que ce sont eux qui ont racheté la Silent Dominion ? S’étonna Altaïr.
    -Sûr ? Comment je pourrais en être sûr ? C’est ce que m’a dit Rasmusen. Pourquoi mentirait-elle ?
    -Je ne sais pas… Je préfère en avoir le cœur net. Tu permets que je retourne sur la passerelle ? J’aimerai contacter les bureaux portuaires de l’Admininistratum, j’y connais des gens là-bas.
    -Tu veux leur demander quoi ?
    -Qu’ils me confirment juste l’identité de l’acheteur. Si la vente est légale, elle devra être enregistré à la Vocita Commercia de l’Administratum. Je me dis que des petits malins auraient pu avoir la même idée que nous, tu vois…
    Uriah lui fit un signe de tête, l’autorisant à y aller.

    Dix minutes plus tard, Altaïr était de retour, un sourire en coin sur le visage et une bande de parchemin tout juste sortie d’un servitor calligraphus.
    -Tu sais quoi de ces Frae Spinaiser ? Tu as un nom ?
    -Le type s’appelle Haristus je crois… Haristus Frae Spinaiser de ce que m’avait dit tante Isa.
    -Eh bien j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t’annoncer dans ce cas, mon cher Uriah.
    -Vas-y commence par la mauvaise…
    -Je vais commencer par la bonne. Le vieil Haristus est décédé durant la croisade. Voilà pourquoi ce nom me disait quelque chose. Il a fait partie des pertes avec son navire et une douzaine d’autres lors d’un accrochage dans l’Amas de Magog contre des Red Corsairs, y a quelques années de ça.
    -Trône, mais…
    -Et donc la bonne nouvelle à présent. Tu vas voir, tu vas adorer…
    -Merde, me dis pas que c’est…
    -Tu vois donc où je veux en venir ? A sa mort, c’est sa fille qui a hérité de sa lettre de marque et de la dynastie.
    Altaïr posa le document sur la table. Juste devant Uriah qui devint blême.
    -Ludivine Frae Spinaiser.
    Uriah eut soudain le tournis, comprenant comment il avait pu tomber aussi facilement dans le panneau.
    -Putain de bordel de Trône…
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 31/10/2023 à 18:49 Citer ce message

    Une fois la stupeur retombée, Altaïr proposa à Uriah de faire jouer ses relations auprès de l’Administratum.
    -Tu as raison… Pour l’instant, on ne sait rien sur eux. Leur famille, combien ils sont, qui est cette Ludivine… ? Commença Uriah.
    -On ne connait même pas la nature de leurs navires, combien ils en ont aussi ? Ajouta la Brute.
    -Justement, voilà pourquoi il nous faut nous renseigner rapidement. Je vais devoir passer quelques coups de vox avant, je vous tiens au courant.
    Trente minutes plus tard, Altaïr vint les rejoindre de nouveau, revenant de la passerelle.
    -Je vais devoir me rendre sur place, je n’obtiendrai rien par vox.
    Uriah hocha la tête.
    -Alors, on t’accompagne avec la Brute. Djoko, tu restes sur la passerelle comme premier officier, on reste en liaison.
    -Ça me va.
    Ils se rendirent sur Port Vengeance à pied. Les bureaux de l’Administratum se trouvaient à près de deux kilomètres de leur point d’arrimage à la station, non loin de la capitainerie et des autres bâtiments des adepta. Sur place, Altaïr se chargea des formalités et put ainsi accéder aux archives et surtout aux enregistrements des immatriculations des navires marchands. Trouver des informations sur les Frae Spinaiser n’était pas le plus compliqué puisque tous les libres-marchands étaient enregistrés et connus de l’Administratum ou de la Marine impériale. Il finit par mettre la main sur des registres et quelques informations.
    -Cela confirme bien que le patriarche de leur Maison s’est fait tuer il y a quelques années de cela. Il a disparu lui et deux de leurs navires dans l’Amas de Magog. Il reste désormais une frégate de classe Turbulent, le Daughter of Tempest, hérité par sa fille de dix-neuf ans, Ludivine.
    -Seule héritière ? Demanda Uriah.
    -Nan, cap’taine. Elle a un frère et deux sœurs, mais c’est bien elle l’ainée, lui dit-il en compulsant des données.
    -Donc l’héritière… Comme moi…
    -C’est ça… Ou tu lui fais une guerre commerciale hasardeuse. Ou tu l’épouses, lui dit-il d’un air mi-sérieux, mi-amusé.
    -Déclencher une guerre ne va nous mener à rien, lâcha Uriah qui était en train de réfléchir à toutes les options possibles.
    -Une frégate de classe Turbulent, c’est plus gros que notre Morning Star, lâcha la Brute. Moins rapide, mais plus gros. C’est un argument à prendre en compte.
    -Je crois que notre Uriah a vu surtout d’autres arguments chez elle, s’amusa Altaïr.
    -Nan, je suis sérieux, elle vient d’acheter la Silent Dominion... Elle dispose de combien de vaisseau à présent ?
    -La Maison Rasmusen compte deux transports marchands. Officiellement ils sont désormais à elle, ajouta Altaïr. Selon les registres commercia, elle a acheté la compagnie pour une belle somme.
    -On sait si elle dispose d’assez de liquidité pour acheter les deux autres ? Les Absilias et les Kysnathian ? Demanda la Brute.
    -Elle devrait avoir la capacité de le faire, sauf si elle bluffe, répondit Uriah.
    -Alors il te faut racheter les Absilias sans tarder. Du moins avant qu’elle ne le fasse et te dame le pion, ajouta Altaïr.
    -Et comment allons-nous procéder maintenant qu’on lui a fait croire qu’il venait de racheter un de ses concurrents ?
    -Ton rendez-vous avec Ludivine tient toujours ?
    -J’imagine… C’est ce soir normalement.
    -Appelle Antinoé, on va avoir besoin de son collègue maintenant, celui qui sait effacer les mémoires. Moi je vais appeler Livia en urgence, il faut absolument que tu mettes la main sur la boite d’Absilias avant ton rendez-vous de ce soir, comme ça, tu seras à arme égale avec elle.
    -Et la compagnie des Kysnathian ? Demanda la Brute.
    -C’est justement là qu’une alliance entre notre cher Uriah et la gamine pourrait devenir intéressante, compléta Altaïr. S’il la joue fine, les deux trouvent le moyen de s’entendre et ensemble, ils mettent la main sur la Burden Alliance, la compagnie des Kysnathian et ils se retrouvent à la tête d’une belle petite flotte commerciale. Les Kysnathian disposent de trois navires marchands et Absilias dispose de deux vaisseaux, sa corvette qui est amarrée à la station et un transport de classe Universe.
    -Trône, tu sais combien ça mesure un classe Universe ? Lâcha la Brute.
    -Ouais, ça fait dans les douze kilomètres de long. Dans ses soutes, tu pourrais y entrer trois ou quatre Morning Star et tu aurais encore de la place, répondit Uriah.
    -Et la corvette d’Absilias, vous savez ce que c’est ? Leur demanda la Brute.
    -Une corvette de classe Cobra, je crois ? Mais elle a l’air ancienne, vu l’état de sa coque, je n’ai jamais un modèle comme celui-là. Je ne sais même pas si elle peut encore naviguer.
    -Pas seulement ancienne, d’après ce que m’a dit Djoko. Vous avez vu l’intérieur ? On se croirait dans un palais de l’antique Terra.
    -Il a raison, ajouta Altaïr. Livia me l’a confirmé, ce navire serait issu d’une ère archéotechnologique et aurait peut-être des millénaires. Et selon elle, il serait toujours en état de naviguer. Il est très rapide mais se serait un peu fragilisé avec les années. Il n’est plus trop taillé pour le combat, voilà pourquoi il est amarré à Port Vengeance depuis des siècles désormais.
    -Quoi ? S’émerveilla Uriah. Ce serait donc un de ces navires qui remontent à des époques de légendes comme l’Hérésie ?
    -N’exagérons pas non plus, rien ne peut dater de l’Hérésie. Enfin, je crois… Mais c’est une belle pièce de musée en tout cas. Et Livia m’a aussi précisé que le sacrosaint Mechanicus lorgnait sur ce vaisseau depuis des années.
    -Tu crois qu’ils nous en donneraient une belle somme ? On pourrait demander son avis au magos Theodix, notre technaugure, idée de voir ce qu’elle en pense ?
    -Toi, on voit que tu ne connais pas le Clergé de Mars, s’amusa Altaïr. Avant de décider quoi que ce soit, on fera un état des lieux avec Djoko. S’il est toujours en état de naviguer et ne perd pas des morceaux en route, il pourra toujours avoir une certaine utilité, surtout si on veut mettre en place un circuit de contrebande avec Livia. Si cette corvette est aussi rapide qu’on le dit, nous saurons en tirer un avantage.
    -Vu comme ça, c’est vrai que ça pourrait épauler le Morning Star.
    -Si vous parvenez à trouver un accord entre vous, la gamine Spinaiser et toi, pourriez en quelques jours, vous retrouver à la tête de neuf navires, ajouta Altaïr. Trois plutôt rapides et taillées pour le combat et six énormes cargos pour le commerce.
    -Vu comme ça, c’est vrai que ça devient tentant…
    -Et surtout, ça devient plutôt indispensable si on envisage de lancer plusieurs entreprises de concert afin de relancer cette dynastie, lâcha Altaïr. Les pistes que nous proposent la marine et les adepta, tel qu’aller redécouvrir des mondes perdus, nécessitent que l’on dispose de plusieurs navires, de toute façon.
    Il consulta son chronographe.
    -D’accord, cela nous laisse quelques heures pour mettre en place notre plan. On s’occupe d’abord d’Absilias, c’est lui l’urgence. Suite à quoi, nous aurons encore quelques heures pour réfléchir à ta soirée avec la petite Spinaiser.
    Le concours de Livia Damael fut éminemment précieux pour élaborer la suite de leur plan. Altaïr était parvenu à la convaincre de rejoindre leur projet de rachat hostile de la Vigor&Vanguard moyennant quelques conditions mais il estimait que cela en valait largement la peine. Elle allait faciliter leur rencontre avec Absilias, une seconde fois. Mais cette fois-ci, ils n’allaient rien lui vendre, ils venaient pour le forcer à leur céder toute sa société et ce, grâce au concours d’un télépathe. Certes, la méthode était déloyale et même parfaitement illégale et condamnable par l’Arbites mais le tout était ne pas se faire prendre.
    L’entretien se déroula comme prévu. Les gardes et autres laquais furent congédiés par Livia et seul un des adeptes dû rester présent, sous peine d’éveiller les soupçons. Altaïr prit soin justement de le noyer sous une telle pile de paperasse qu’il ne prêta pas véritablement attention au psyker qui les accompagnait et qui venait de prendre le contrôle mental d’Ashram Absilias. Sa mémoire des dernières minutes allaient être effacée puis reconstruite avec la certitude d’avoir vendu sa compagnie pour une très coquette somme à Uriah Goldberg. En réalité, il venait de la lui céder pour strictement rien. Il n’en aurait évidemment aucun souvenir et serait à présent persuader de prendre une retraite bien méritée, loin d’ici. Du moins, jusqu’à ce qu’un beau jour, il découvre la supercherie et l’absence de fonds sur ses comptes.
    -Il faudra quand même le tenir à l’œil, le père Absilias, lâcha Altaïr, tout bas à la Brute tout en le prenant à part. Je ne tiens pas à ce que dans un mois ou deux, il fasse tout capoter en hurlant à l’escroquerie chez l’Arbites.
    -T’inquiète, on pourra s’en occuper. Il peut toujours lui arriver un accident d’ici là.
    -Tu sais que Livia a émis des conditions…
    -Ne pas le tuer là… Oui, je sais bien. Mais s’il meurt d’un accident dans dix jours, comment savoir d’où ça vient ?
    -Je sais, mais Livia m’en voudrait et on va avoir besoin d’elle. C’est surtout leur numéro deux, Klovitz, qu’il faudra écarter dès qu’on le pourra.
    Livia fit justement signe à Altaïr de venir la rejoindre, alors qu’Absilias était occupé à signer les documents avec Uriah. Il vint la rejoindre à côté de la vaste cheminée où crépitait un feu de bois.
    -Maintenant que tout ceci est à vous, j’espère que vous allez tenir vos engagements, lui dit-elle à voix basse en lui prenant le bras.
    -Comme je te l’ai dit, on te doit une fière chandelle sur ce coup-là. Tu as ma parole, il ne lui arrivera rien.
    -Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais il vaudrait mieux prier pour qu’il ne s’en rappelle pas.
    -Regarde comme il a l’air heureux, n’allons tout de même pas gâcher la joie de ton vieux patron.
    -Ex-patron, à présent… Justement, je compte me charger de lui. Je connais bien ses habitudes, je vais préparer son départ en douceur.
    -C’est élégant de ta part.
    -Je fais surtout cela pour nous, Syl. Votre coup est tordu mais ne manque pas d’intérêt.
    -Et je t’en suis reconnaissant, sois-en assurée.
    -Alors, nomme-moi à la tête de Vigor&Vanguard et notre accord sera scellé. Je travaille pour vous et je reprends la partie commerciale en main.
    -Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête mais c’est plutôt une excellente idée et je pense que cela devrait même arranger nos affaires.
    -Ton jeune capitaine accepterait-il mon offre ?
    -Uriah en sera ravi, tu peux me croire. Considère que c’est comme si c’était fait.
    Son attention fut attirée par la Brute qui venait de leur signaler que le contrat d’achat venait d’être signé. Absilias, content de lui, demanda de faire apporter une bonne bouteille.
    Une fois, cette politesse passée, Uriah et ses hommes décidèrent de prendre congé. Livia vint trouver Altaïr et lui glissa tout bas :
    -Je me charge d’Absilias, tu peux compter sur moi.

    Ils retournèrent en direction du Morning Star en cette fin d’après-midi. Uriah en avait encore le tournis, réalisant avec peine qu’il venait de mettre la main sur sa première compagnie chartiste. En une journée, il venait de se retrouver à la tête de trois navires. Certes, il leur restait encore à soumettre ou liquider Corvin Klovitz, mais il préféra laisser Altaïr et la Brute trouver la façon de résoudre cet épineux problème. Pour l’heure, il sentait la tension monter d’un cran. Dans une heure, il devait retrouver Ludivine dans un des restaurants de la station et jamais il ne s’était senti aussi nerveux. Là, il n’était pas seulement question de faire la cour à une jolie demoiselle de la noblesse impériale afin de gagner ses faveurs. Les armes dont disposait Ludivine Frae Spinaiser étaient parfaitement capable de le terrasser sans avoir besoin de faire parler la poudre, aussi assurément qu’un bolt en plein coeur. Tous deux voulaient ardemment la même chose, mais peut-être pas avec les mêmes moyens ni avec les mêmes finalités. Restait à savoir lequel des deux, allait convaincre l’autre. Est-ce que l’ambitieuse Ludivine serait la plus rusée et la plus rapide, mettant la main sur la Burden Alliance des Kysnathian, laissant ainsi Uriah en position de faiblesse face à elle ? A trois navires contre six, Uriah ne pourrait pas gagner et serait contraint de partir ou pire, de se soumettre face à sa puissance de feu.
    Uriah n’avait pas le choix, il allait devoir la séduire avec son idée d’alliance, ou la séduire tout court, lui proposant bien plus qu’un partenariat commercial. Tout allait se jouer là et maintenant, au cours de ce repas. Il se tourna vers Altaïr et la Brute, tout en desserrant le foulard autour de son cou.
    -Convoquez Djoko, je vais avoir besoin de toutes vos lumières à tous les trois sur ce coup-là car je n’aurai absolument pas le droit à l’erreur. On joue l’avenir de la dynastie, là…
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/11/2023 à 01:50 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, ils se trouvaient devant le restaurant situé dans la spire, là où Uriah avait donné rendez-vous à Ludivine. L’établissement s’appelait le Point de Mandeville et offrait une vue panoramique exceptionnelle sur les étendues stellaires, idée de dominer les mornes docks orbitaux situés un peu plus bas. Encore plus en contrebas, on pouvait percevoir le monde stérile ocre gris autour duquel la station orbitait ainsi que Shadim, son satellite bosselé. Dans le lointain, le soleil du système Grief, lui, faisait son apparition toutes les heures, derrière les baies polarisées, au rythme de la révolution de Port Vengeance. En approchant de l’établissement, Uriah eut un mouvement d’hésitation en scrutant l’intérieur du restaurant depuis ses hautes vitres en ogives. Comme la plupart des bâtiments sur la station, il était difficile, voire impossible de faire la moindre différence entre une architecture militaire défensive et celle, civile et gothique. Tout n’était que voutes en armaplast et plastacier, coursives renforcées, tourelles et batteries de défenses, sas blindés de décompression et cloisons anti-incendie, le tout dans un camaïeu de patines de gris et de rouilles. Les crânes grimaçants omniprésents, représentant l’Empereur-Dieu ou l’Omniméssie, ainsi que les Aquila impériaux et les bannières de la Flotte ne faisaient que renforcer cette impression martiale. Ce tableau était pourtant l’environnement habituel de la plupart des citoyens de l’Imperium. Un quotidien où une éternité de guerres avait façonné la vie de tous les jours de l’humanité. Pour Uriah et ses hommes cela revenait à poser les pieds sur une énième station orbitale ou un énième monde ruche, loin de la splendeur et le relatif confort de leur antique frégate.
    -Elle est déjà là. Je la vois, elle est seule à une des tables. Elle est en avance, leur dit Uriah.
    -Ses trois compagnons sont là aussi, lâcha Altaïr qui venait de les repérer. Ils sont installés à une table, au fond de la salle.
    -Eh bien dans ce cas, inutile d’attendre, allons-y aussi, ajouta La Brute. On va faire comme eux et prendre une table idée de laisser Uriah à son rendez-vous.
    -En vérité, je serais plutôt d’avis d’aller directement à leur table à tous les trois. Autant faire connaissance tout de suite et ne pas tourner autour du pot, lui répondit Altaïr.
    -Quoi ? Lâcha la Brute alors que Djoko émit un petit rire, trouvant justement l’idée excellente. Il tapota l’épaule d’Altaïr avant de lui emboiter le pas.

    Uriah s’était mis sur son trente-et-un pour l’occasion. Rien de très extravagant, mais il avait tenu à sortir son costume redingote rouge sombre et noir qui allait parfaitement avec ses bottes et son foulard en soie. La broche en or de la Maison Goldberg, fièrement épinglée sur sa veste aux boutons en formes de crânes. Il laissa son chapeau à plumes et son épée au fourreau à la réceptionniste qui l’accompagna à la table de Ludivine avant de le laisser avec quelques politesses. Des servo-crânes grimaçant installés dans de petits tabernacles diffusaient depuis leur ampli-vox une douce mélodie tirée de la Symphonie « No guts, no glory » de Ratisbore Hammerbach.
    Ludivine reposa son verre de vin blanc et l’accueillit avec un sourcil relevé. Il s’approcha d’elle et effectua un baise-main.
    -Vous êtes très en beauté, lui dit-il.
    Elle portait une longue robe en cyruline émeraude cousue de fils d’or, réhaussée de dentelles et où scintillaient quelques gemmes dont un camée représentant ses armoiries. Un pendentif représentant le crâne de l’Empereur-Dieu complétait sa parure. De sa longue chevelure aux boucles dorées ramenées en un chignon élaboré, Uriah pouvait deviner des implants cérébraux très certainement en titanium. Il vit qu’elle portait quelques paillettes sur ses joues, ce qui mettaient ses yeux violets très en valeur.
    -Ce n’est qu’une simple robe. En général, je n’en porte jamais, je n’aime pas ça. Je préfère des tenues plus fonctionnelles.
    -Je trouve que cela vous va à ravir, au contraire.
    -Au contraire de quoi ?
    -De… De rien du tout ! Je pense que… Je… Rien.
    -On m’avait pourtant recommandé de porter une armure pour ce soir, mais j’ai trouvé cela quelque peu inélégant, vous ne trouvez pas ? Finit-elle par lui avouer avec une petite moue.
    -Craindriez-vous un quelconque danger ?
    -Absolument pas, lui dit-elle en soutenant son regard alors qu’un des serveurs vint leur présenter la carte. De son double-bras augmentique, il leur présenta le menu et fit ses recommandations sur le filet mignon de grox et le consommé d’ambull. Uriah n’écoutait que d’une oreille. D’un œil discret, il vit que ses trois compagnons venaient de prendre place à la table des officiers de Ludivine.
    Altaïr avait été le premier à les rejoindre. Il s’était présenté tout en leur demandant la permission de s’assoir avec eux. Djoko et la Brute lui avaient juste emboité le pas, tout en tirant une chaise avec eux.
    Le plus costaud des trois, un colosse barbu et brun qui devait avoir la quarantaine, reposa sa bière et lui désigna la chaise libre.
    -Au moins, on n’aura pas à vous chercher bien loin… Lui dit-il avec un accent étranger.
    Altaïr leur sourit et prit place. Ses deux compagnons en firent de même. Ils se présentèrent tous les trois selon leurs noms et titres.
    -Sylmann Altaïr, Grand Intendant de la Maison Goldberg et voici Monsieur Brute, notre Premier officier ainsi que Djokovitch Van Bergen, notre Maitre Timonier.
    -Enchanté. Je suis Corvin Vesuvio, Maitre Militant de la Maison Frae Spinaiser, répondit-il tout en appelant une serveuse. Lui avec sa tablette, c’est Syulf Solimar, notre sénéchal et elle c’est Sinsindra Vendenrisch, notre pilote. Vous prendrez bien quelque chose ?
    -Un amasec pour ma part, répondit Altaïr.
    -Trois amasec, dans ce cas, compléta la Brute à l’attention de la serveuse qui prit commande, hocha la tête et s’en retourna vers le comptoir.
    -Ainsi, vous êtes l’As des As, demanda la pilote à l’attention de Djoko, avec un petit sourire intrigué. Installée nonchalamment sur son fauteuil, petite et brune, à peine la trentaine, elle portait une combinaison moulante élaborée et une longue cape. Un microvox accroché à son oreille était activé. D’ailleurs, les trois en portaient un aussi, ce que la Brute et Altaïr avaient noté. Comme eux, ils écoutaient évidemment ce qui se passait à l’autre table.
    -Je vois que ma réputation m’a précédé.
    -‘parait que vous étiez pas mauvais, à une certaine époque avec une navette Aquila.
    -Pourquoi juste à une certaine époque ?
    -L’écoutez pas, lâcha Syulf, elle vous fait marcher. Sinsin est une ancienne pilote de Thunderbolt, elle a fait quelques coups d’éclats en abattant pas mal de chasseurs Hellblade lors de la bataille de Golgotha et depuis elle a tendance à faire l’insolente.
    -Pilote de Thunderbolt ? Une tête brûlée, donc… Répondit Djoko amusé, tout en récupérant son verre d’amasec que la serveuse venait de leur ramener.
    Elle leva son verre vers lui, avec un petit sourire.
    -Et toi, ça te manque pas de grimper aux arbres au lieu d’être là à bétonner ?
    -C’est quoi cette allusion ? Lâcha Altaïr avec un petit rire.
    -C’est juste du langage codé entre pilotes, lui répondit Djoko, soudain amusé.

    Ludivine finit par remercier le serveur avec un petit sourire tandis que ce dernier terminait de prendre leur commande.
    -Mettez aussi une bouteille de Dammassine, un Château Kataline, an III, l’année de naissance de Mademoiselle, ajouta Djoko.
    -Un excellent millésime. Tout de suite, Monsieur.
    Le serveur effectua une courbette et s’éloigna afin de transmettre leur commande.
    -J’apprécie l’attention, finit-elle par lui dire.
    -Je tenais juste à vous féliciter pour votre récente acquisition. Une occasion de trinquer…
    -La Silent Dominion ? Oh, oui, c’était une belle opportunité commerciale que je ne pouvais laisser passer. D’ailleurs, à ce sujet, j’avoue que vous m’avez surpris. Comment vous y êtes-vous pris ?
    -Pour ?
    Elle leva les yeux au plafond.
    -Allons, nous sommes entre nous… La Vigor&Vanguard ? Le vieil Absilias ne voulait absolument pas vendre alors que moi, j’étais à deux doigts d’y parvenir.
    Uriah eut un petit sourire.
    -Disons que j’ai quelques ressources.
    -Ce n’est pas très fairplay. Je comptais l’acheter.
    -Et moi, je comptais acheter la Silent Dominion. Nous voilà donc au milieu d’un dilemme à devoir résoudre.
    Le serveur revint avec la bouteille de Dammassine placée dans un sceau à glace et leur servit une coupe à chacun.
    -C’est très simple. Une fois que j’aurai acquis la Burden Alliance, vous n’aurez d’autre choix que de me céder votre compagnie. Et là, nous serons quittes.
    -Je vois pourtant une autre possibilité à ce tableau, ma chère.
    -Ah oui, vraiment ?
    -Oui. Un partenariat. On s’associe tous les deux, on monte une dynastie commerciale et on fait plier Gregor Kysnathian qui n’aura d’autre choix que de nous céder sa société chartiste.
    Ludivine resta pendant quelques instants à dévisager Uriah avec un air intrigué. Voyant qu’il avait l’air de ne pas plaisanter, elle éclata soudain de rire, ce qui fit tourner les têtes des autres convives du restaurant.
    -Je suis très sérieux…
    Elle prit quelques instants pour reprendre son sérieux, tout en posant une main sur son corset afin de reprendre son souffle.
    -C’est bien ce qui m’inquiète. Vous êtes surtout complétement inconscient, si vous voulez mon avis. Déjà, on voit que vous ne connaissez pas les méthodes des Kysnathian. Ces gens sont plus dangereux qu’on ne le pense.
    -En vérité, j’en ai déjà eu un aperçu. Ils ne me font pas peur.
    -On ne parle pas là de quelques assassins de bas étages. Je parle de leur puissance de feu dans le système Galen.
    -Je saurais gérer ce problème, ce n’est pas un souci.
    - Je veux ces trois compagnies chartistes et je les aurais, lui dit-elle. C’est une question essentielle pour ma Maison.
    -Manque de chance, j’en ai déjà une et je compte bien mettre la main, moi aussi sur la dernière.
    -Nous verrons cela…
    -C’est tout vu. Je dispose d’une frégate de classe Tempest qui est plus rapide que votre classe Turbulent.
    Elle se pencha vers lui, avec un air soudain amusé.
    -Oui, mais il se trouve que la mienne est plus longue que la vôtre, mon cher Uriah.
    Il eut à son tour, un sourire amusé et ne put réprimer un petit rire devant l’estocade qu’elle venait de lui porter. Il était en train de tomber amoureux de cette fille et cela était en train de l’embarquer dans une véritable tempête warp.
    -D’accord, peut-être bien, mais ce genre de compétition ne va pas arranger nos affaires.
    -Vous aimez le défi, Uriah ?
    -Si j’ai des chances de gagner, alors oui.
    Son allusion ne concernait pas que cette histoire de chartistes.
    -Vous risquez aussi de perdre, lui dit-elle.
    -Perdre quoi ?
    -Disons que l’un de nous va mettre la main sur la Burden Alliance. Il gagnera alors la partie.
    -Et celui qui perd ?
    -Celui qui perd aura perdu. Mais celui qui gagne, remporte les trois compagnies.
    -Ma proposition de partenariat était bien moins risquée que votre proposition, croyez-moi. Nous serions gagnants tous les deux.
    -Et se priver du frisson de cette aventure ? Une compétition, le danger qu’elle procure ? Vous voulez vraiment m’impressionner, Uriah Goldberg ?
    -J’en rêve à chaque instant, oui…
    Elle réprima un petit sourire qui empourpra légèrement ses joues pailletées.
    -Comment m’allier avec un capitaine dont je ne connais aucunement les prouesses ? Nous sommes des libres marchands, Uriah. Des aventuriers intrépides, des corsaires plein de fougue, de panache et de folie. Nous sommes amenés à soumettre des mondes, balayer des flottes xenos par devoir et apporter la lumière de Terra dans les ténèbres. Nous sommes amenés à vivre de grands destins en ces temps troublés… Pas juste à jouer aux marchands. Vous voulez me prouver qui vous êtes ? Alors battez-moi à cette course si vous le pouvez. Vous voulez m’impressionner ? Alors soumettez Gregor Kysnathian et là je serai peut-être impressionnée et à ce moment-là, je reconsidèrerai votre offre.

    Une heure plus tard, Uriah était en train de rejoindre le ponton menant au Morning Star, en compagnie de Djoko, Altaïr et la Brute.
    -On peut dire que ça s’est bien passé, non ? Lâcha la Brute.
    -Appelle la passerelle, on appareille.
    -Maintenant ? Tu voulais pas qu’on tente de retrouver ce type en fuite avant ?
    -Non. On part tout de suite.
    -Quel cap ? Lui demanda Djoko.
    -Quelle question… On met le cap vers le système Galen. Je dois gagner cette partie, figure-toi.
    -Tu sais que tu joues gros avec cette fille ? Lâcha Altaïr, soudain soucieux. On risque de tout perdre avec tes bêtises.
    Uriah se tourna vers Djoko, n’écoutant pas Altaïr.
    -La corvette d’Absilias, tu crois qu’elle peut appareiller ?
    -Le Vanguard Avenger ? C’est un très vieux navire mais oui… Son esprit est toujours en éveil. Il est rapide mais il lui faudrait un équipage surtout.
    -Vois s’il peut être opérationnel cette nuit, qu’il nous accompagne. Nous en tout cas, on décolle, je veux tout le monde sur le pont, prêt à appareiller dans moins d’une heure.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 11/11/2023 à 15:43 Citer ce message

    Une fois à bord, Uriah réunit ses principaux officiers dans le strategium pour une réunion rapide. Il comptait sur sa toute récente acquisition de la corvette d’Absilias, le Vanguard Avenger pour participer à cette course contre la montre avec Ludivine. Djokovitch leur détailla les points techniques du navire, ancien et un peu fragilisé mais bien plus rapide que le Morning Star, du moins s’il disposait d’un équipage suffisant. Or, pour l’heure, il avait à peine trente pourcent d’hommes d’équipage à bord avant un réel manque d’officiers de pont et de technoprêtres.
    -Nous allons transférer une partie de nos propres effectifs à son bord et nous-même allons voyager avec le Vanguard Avenger. Leur annonça Uriah.
    -Et le Morning Star ? Lui demanda Djoko.
    -Il va nous suivre et devra nous rattraper, je confierai le commandement à un de nos officiers subalternes.
    -La corvette dispose-t-elle d’un navigator ? Je ne pense pas…
    Uriah se tourna vers Altaïr qui était en train de compulser, lui aussi, les documents relatifs au Vanguard Avenger, éparpillés en pagaille sur la table devant eux. Livia Damael qui était présente, à sa demande, prit la parole.
    -Le Vanguard Avenger ne dispose plus de navigator depuis des décennies. Il a navigué il y a encore quelques années de cela, mais n’est plus sorti du système Grief depuis un bon siècle.
    -Il va falloir en recruter un, dans ce cas.
    Uriah fit signe à la nouvelle navigator qu’ils venaient tout juste de recruter pour le Morning Star. La jeune femme était restée dans l’ombre, accrochée à son long bâton occulte, son visage troublant dissimulé derrière ses longs cheveux, aussi noirs que ses robes. Elle approcha.
    -Capitaine ?
    -Jocasta… Nous avons besoin de vos lumières. Quitter le système Grief et rejoindre le système Galen pourrait nous prendre combien de temps ? En passant par le warp, bien entendu.
    Elle se pencha sur les cartes disposées sur la table. Elle laissa ses doigts aux longs ongles pointus peints en noir parcourir lentement les annotations et coordonnées décrivant les routes. Ses yeux se révulsaient, le temps qu’elle se concentre. Elle finit par parler alors que de la vapeur sortait de ses lèvres fendues. Même sa voix paraissait toute droit sortie d’un tombeau. Derrière ses longs cheveux, on pouvait deviner ses yeux d’un bleu éthéré ainsi que les cicatrices ésotériques qui couturaient son visage encore jeune. Seul son œil warp restait dissimulé derrière son bandeau de la Navis.
    -La route est tracée… La voie est connue et nous l’avons déjà parcouru par le passé… Nous devrons entrer en communions avec l’esprit du navire, pourtant je le sens troublé… Oui… Atteindre le point de Mandeville avant de réaliser le saut. Cela pourra prendre une semaine si l’esprit qui nous guide n’est pas réticent… Deux jours warp, je dirais avant d’atteindre le système Galen. Le saut sera court mais non sans danger… Les courants du warp sont perturbés en ce moment. Si nous parvenons à sortir… Une semaine de plus pour rejoindre Galen VI…
    Elle prit une inspiration et sa voix revint à la normale.
    -Cela reste une estimation et non une certitude. Les courants de l’aether sont obscurcis de nos jours.
    -Ce serait possible à réaliser sans navigator ?
    Un petit ricanement jaillit de sa bouche. Une rire presque enfantin qui contrastait avec son apparence sinistre.
    -A moins que vous ne vouliez damner les âmes de tout votre équipage en les offrant en pâture aux rejetons des enfers, je vous le déconseille fortement, capitaine.
    Uriah jeta un regard vers ses officiers puis reporta son attention vers elle.
    -Dans ce cas, comme nous avons deux vaisseaux, nous allons avoir besoin d’un second navigator. Vous en connaitriez un de disponible, ici sur la station ? C’est assez urgent.
    -Je ne suis pas censée en parler… Mais oui, il y en a deux que je connais un peu. Mais je préfère vous prévenir, ils sont dans ma situation. En fuite, ou recherchés.
    -Ce ne sont pas des renégats, au moins ?
    -Comme pour moi, leurs maisons ne sont pas… très prestigieuses, mais normalement rien de plus.
    -Du moment qu’ils n’ont pas l’Inquisition aux trousses, je suis preneur. Vous savez où les trouver ?
    -Aux dernières nouvelles, ils se terrent dans le quartier de la Timone, là où se trouvent les bars à pilotes de la station.
    Uriah désigna Altaïr.
    -On connait l’endroit, tu pourrais envoyer quelqu’un sur place pour les retrouver ?
    -C’est quoi leurs noms ?
    -Caleb Tarkson et Nospherati Ptolemy, répondit Jocasta. Caleb, il y a des chances que vous le trouviez dans une des maisons de jeu. Quant à Nospherati, je ne serai pas surprise qu’il soit vautré dans un de ces bars à hétaïres.
    Altaïr nota les informations sur sa tablette, lançant un petit regard vers Djoko qui préféra lever les yeux au plafond avec un petit sourire.
    -Je vais mettre Säde et Kenway sur le coup avec leurs informateurs. Ils vont nous les trouver, répondit le sénéchal.
    -Parfait. Une fois localisés, je veux que Mademoiselle Jenassis soit consultée sur leurs capacités.
    Altaïr hocha la tête.
    Uriah reporta enfin son regard vers Livia Damael qui était présente à la demande d’Altaïr. Elle était assise à côté de lui et était restée silencieuse jusque-là.
    -Lieutenant Damael, vous pouvez nous commenter vos rapports sur les officiers du Vanguard Avenger ? J’ai cru noter que vous craigniez une sorte de mutinerie à bord si nous venions à en prendre le contrôle ?
    -C’est tout à fait ça, capitaine. Les officiers subalternes restant à bord m’en ont fait part. Ils sont dirigés par le lieutenant Octus Holder, le chef de la sécurité. Lui et ses hommes se disent prêts à prendre les armes pour défendre leur navire.
    Uriah l’interrompit d’un geste de la main.
    -En temps normal, j’apprécierai un tel gage de loyauté de la part de mes hommes d’équipage et c’est là, tout ce que j’attends de mes officiers. La Brute, tu vas m’accompagner sur le Vanguard Avenger justement. Réquisitionne quelques escouades de nos meilleurs hommes. Ceux parmi les troupes de marine du lieutenant Haxton. Nous allons parler à ce lieutenant Holder et ses mutins.
    -Parler ? S’étonna La Brute.
    -Oui. Je suis certains qu’ils assimileront parfaitement ton sens de la diplomatie. Lui dit-il avec un large sourire carnassier que La Brute lui retourna.
    Livia toussota légèrement.
    -Si je puis me permettre, capitaine… Je souhaiterai vous accompagner, je connais le navire et certains de ces hommes et je pourrais très certainement intercéder auprès d’eux.
    -J’apprécie votre soutien, lieutenant Damael mais je souhaite plutôt vous confier une tout autre tâche. Vous m’avez confié que vous souhaitez prendre le commandement de la corvette dont nous parlons et en devenir son capitaine, n’est-ce pas ?
    -En effet, capitaine…
    -Bien… Il se trouve que j’ai besoin de cette corvette mais dès mon retour du système Galen, je pourrai être enclin de répondre favorablement à votre demande. Mais avant cela je vais vous confier une ou deux tâches, lieutenant. Je viens d’acquérir cette compagnie chartiste, or, cela ne vous aura pas échappé que je n’ai pas encore pu mettre la main sur le fleuron de cette compagnie, le Vigor Invictus, notre gigantesque transport de classe Universe. Savez-vous précisément où il se trouve en ce moment ?
    -Eh bien… Selon les derniers rapports, il serait en train de faire route depuis le sous-secteur Badab et doit actuellement être en plein voyage warp. Il est attendu ici, d’ici une dizaine de jours.
    -Bien. Une dizaine de jours donc ? Si j’en crois les estimations de notre navigator, mademoiselle Jenassis, nous serons alors certainement dans le système Galen à ce moment-là. De fait, nous ne pourrons pas l’accueillir, ici sur la station. Voilà pourquoi je dois vous confier cette tâche. D’une part parce que vous connaissez Corvin Klovitz son capitaine et d’autre part… Altaïr va vous faire rédiger une lettre d’accréditation et une lettre de commerce, au nom de la Maison Goldberg ainsi qu’une lettre de crédit pour les frais. Pour commencer, vous allez veillez à ce qu’Ashram Absilias soit envoyé très loin, le plus loin possible de ce sous-secteur, voire de ce segmentum. Une fois chose faite, vous accueillerez Klovitz dès son arrivée sur la station, sans tarder et lui remettrez la lettre que nous allons vous confier. Il devra alors nous remettre son navire et sa loyauté.
    Livia devint soudain livide.
    -C’est que… Sauf votre respect, capitaine… Je serai seule et...
    -C’est la raison pour laquelle La Brute va vous laisser une escorte de ses meilleurs hommes. Le lieutenant Klovitz devra obtempérer d’une manière ou d’une autre. Je vous laisse le convaincre, vous saurez faire ça merveilleusement bien, je n’en doute pas.
    -Et… S’il refuse ?
    -Eh bien vous le ferez abattre.
    Il désigna alors Djoko.
    -De ton côté, vois avec la passerelle, je veux que l’on transfert dans les plus brefs délais, assez de matelots, d’officiers, de troupes et de technaugures sur le Vanguard Avenger. Deux, trois mille hommes, pas plus, juste de quoi être en capacité à naviguer sans problème.
    -Je m’en occupe.

    Une heure plus tard, Uriah, la Brute, Altaïr, Jocasta Jenassis et plusieurs escouades de leurs troupes montaient à bord du Vanguard Avenger, la navette de classe Cobra arrimée à la station. Ils passèrent les gardes et se dirigèrent vers la passerelle mais furent bloqués en chemin par un rassemblement d’hommes d’équipages, de gardes armés et d’une poignée d’officiers. Une cinquantaine en tout. Tous semblaient fermement déterminés, portant des haches, des pics, des coutelas et quelques armes de poing et fusils à pompe.
    -Ce vaisseau est la propriété de la Vigor&Vanguard, il faudra nous passer sur le corps si vous espérer en prendre le contrôle ! Eructa l’un des officiers dans son uniforme rouge et blanc, son sabre à la main. Un type chauve, moustachu et puissamment bâti. Il transpirait à grosse gouttes.
    Uriah fit un pas en avant.
    -Vous êtes certainement le lieutenant Octus Holder, je présume ?
    L’officier le toisa d’un air méprisant.
    -Tu vas dégager de mon navire, sale petit trou du….
    Il ne termina pas sa phrase. Le lieutenant Haxton des troupes de marine lui logea un tir de pistolet radiant en plein bas-ventre. Il s’effondra sur le pont comme un sac, le souffle coupé et restant là, agonisant. Les hommes d’Haxton venaient de pointer leurs bolters et fusils d’assaut compacts, comme un seul homme tout en retirant la sécurité de leurs armes dans un cliquetis d’armes automatiques. Les pointeurs laser de leurs armes ciblant les têtes ou les torses des mutins.
    Uriah prit alors le temps de retirer ses gants calmement puis sortit de sa veste, le contrat que faisait de lui le nouveau propriétaire de la Vigor&Vanguard. Il le leva devant lui.
    -Peut-être n’aviez-vous pas été informé de ce changement, d’où le malentendu. Voilà donc qui est chose faite. Bien… Maintenant que les négociations sont terminées, je vais vous demander de tous déposer vos armes. Je suis Uriah Goldberg de la Maison Goldberg, votre nouveau seigneur capitaine et à ce titre, je prends possession de ce navire et de son équipage. Que ceux qui le contestent fassent un pas vers la droite.
    Une dizaine d’hommes se décalèrent, un air méprisant et de défi sur leur visage. Au sol, à côté d’eux, se trouvait toujours le lieutenant Holder à se vider de son sang en gémissant.
    Uriah les toisa pendant quelques instants, puis fit un geste vers La Brute.
    -Conduisez ces hommes vers le sas le plus proche et faites-les jeter dans le vide pour mutinerie.
    -A vos ordres, capitaine.
    -Emmenez Holder avec eux, qu’on m’en débarrasse.
    Les hommes d’Haxton les empoignèrent et les emmenèrent avec eux. Certains des mutins ne dirent rien, sans doute par fierté mais d’autres se mirent à gémir ou à hurler, à demander qu’on les épargne et qu’ils venaient de changer d’avis. Leurs cris finirent par devenir des malédictions ou des lamentations désespérées alors que les hommes d’Haxton les conduisaient vers leur sentence.
    Uriah se tourna vers ceux qui avaient obtempéré et déposé les armes. Il leur adressa un large sourire.
    -Bien… Qui est le plus gradé parmi vous ?
    Tous hésitèrent à répondre mais finalement l’un d’eux leva la main. Une main augmentique.
    -Quartier-maitre Kreer, Monsieur.
    -He bien, Monsieur Kreer, j’ai hâte que vous nous fassiez visiter la passerelle.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/11/2023 à 19:41 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, Altaïr recevait un appel vox. Il vint trouver Uriah après s’être entretenu quelques instants avec son interlocutrice. Ils étaient encore sur la somptueuse passerelle gothique du Vanguard Avenger, occupés à prendre leurs marques avec les officiers subalternes.
    -C’était Sâde. Elle et Kenway ont retrouvé les deux navigators dont nous a parlé Jocasta.
    -Ils sont sur la station ?
    -L’un d’eux, il semblerait.
    Uriah fit un geste de la main vers Jocasta qui était resté en retrait. Elle approcha, appuyée sur son bâton de la Navis.
    -C’est lequel ? Demanda-il à Altaïr.
    -Nospherati Ptolemy a embarqué à bord d’une frégate, un peu plus tôt dans la soirée. Ils n’ont donc trouvé que l’autre navigator… Un certain…
    -Caleb Tarkson, leur répondit Jocasta Jenassis. Et c’est dommage.
    -Dommage ? Pourquoi cela ? Lui demanda Uriah. Vous le connaissez ?
    -Disons que je connais mieux les Ptolemy. Pour l’autre, il faudrait que j’en ai le cœur net et que je puisse le rencontrer. De ce que je sais, les Tarkson sont liés à la contrebande et au jeu.
    Uriah resta un instant à observer Jocasta. Un sourire presque amusé sur les lèvres.
    -Par Terra, il me plairait presque déjà.
    Elle écarquilla ses grands yeux d’un bleu presque électrique qui scintillaient derrière ses longs cheveux noirs comme le vide.
    -Ils sont en affaire avec des vauriens…
    -Nous allons le rencontrer et vous allez justement nous accompagner.
    Il se tourna vers Altaïr.
    -Note l’adresse, on redescend sur le quai.

    Vingt minutes plus tard, ils se trouvaient dans le quartier de la Timone, devant l’enseigne aux néons colorés du Hellstrike, un des bars à pilotes. Ils venaient de rejoindre Säde et Kenway qui étaient restés là, en planque, faisant mine de fumer un cigalho dans les ombres brumeuses et crasseuses des coursives environnantes. Depuis la venelle, ils pouvaient entendre de la technika répétitive qui émanaient du bar.
    -A quoi ressemble notre bonhomme ? Leur demanda Uriah.
    -Tout juste la trentaine. Ténébreux, grand, brun avec une courte barbe et un bandeau autour du front. Il porte une veste rouge et un pantalon noir. Il est dans le fond de la salle, installé à une table avec trois autres types. Ils sont en train de jouer une partie de Rois suicidaires. Répondit Säde.
    -Une partie de quoi ? Demanda Jocasta.
    -Une partie de cartes, lui dit Uriah.
    -Comme le tarot de l’Empereur ?
    -Non… Il eut un léger sourire. Là, c’est un jeu de cartes, un jeu d’argent.
    -Ah… Je ne connais pas.
    -On opère comment, cap’taine ? Lui demanda la Brute.
    -On se sépare, idée de ne pas se faire repérer. Toi, tu restes à l’entrée, des fois que notre ami ait des envie de fuite. Syl, tu iras au comptoir en couvrture. Säde et Kenway, vous restez un peu plus loin, au cas où. Jocasta et moi, on va aller le voir.
    Ils entrèrent dans le bar et suivirent le plan d’Uriah. La salle était pleine et de nombreux pilotes et personnel navigants ou matelots et officiers se trouvaient là. Certains chantaient des chants de marins, d’autres trinquaient à la bonne fortune et à l’Empereur-Dieu tandis que d’autres jouaient aux dés ou aux cartes. Malgré l’ambiance bruyante et enfumée, ils n’eurent aucune peine à localiser Caleb Tarkson. Il était bel et bien installé à une table en train de jouer à une partie de Rois suicidaires.
    Uriah reconnut le jeu tout de suite car Djoko et Altaïr lui avait appris à y jouer depuis qu’il était gamin. Le jeu comporte quatre couleurs. Deux rouges, l’Adeptio et le Mandatio ou respectivement, le Calice et le Trône ; et deux couleurs noires, la Discordia et l’Executeria, ou la Masse et l’Epée. A ces couleurs, sont associés des Figures empruntées au passé mythologique. Selon les versions on y retrouve bien souvent, des rois oubliés ou inventés tels qu’Askander, Kaesr, Lotwic et Karolus auxquelles sont associées les Reines, les Fous et les cartes des Nombres. Chaque carte possède une valeur, mais dans une partie des Rois Suicidaires, ce sont les combinaisons de certaines suites qui priment. Ainsi, en sacrifiant ses Rois, on parvient à gagner la partie, d’où le nom de Rois Suicidaires.
    Jocasta resta un peu en retrait, mais Uriah observa la partie pendant quelques instant, cherchant à déceler un potentiel vainqueur mais ne trouva rien de bien probant. Aucun des joueurs ne semblait dominer la partie. En plus du navigator, il y avait un adepte bossu au teint pâle mais très concentré, un officier de la navale à l’allure charismatique et autoritaire, un gros bras tatoué à l’air hargneux et un pilote de navette au crâne allongé typique de certains hors-mondes. Uriah attendit la fin d’une des parties et approcha de la table avec un grand sourire.
    -Je peux me joindre à vous, messieurs ?
    Le gros bras l’observa d’un air amusé, bien qu’un peu méprisant.
    -On parie de l’argent à cette table, petit. On n’est pas là pour jouer.
    -Et qu’est-ce qui vous dit que je n’ai pas l’intention de jouer de l’argent, moi aussi ?
    -Mille crédits pour vous assoir, jeune homme. La mise de départ est de cinq cents, lui dit l’officier.
    Uriah prit une des chaises et prit place. Il sortie de sa veste plusieurs plaquettes de crédits et les posa sur la table.
    -Distribuez les cartes.
    Plusieurs tours passèrent pendant lesquels il resta à observer ce qui se passait à la table, sans pour autant parvenir ni à déceler la moindre triche, ni même à gagner. Ce qui amusa le gros bras qui venait de rafler une belle mise. Depuis son microvox, Uriah pouvait entendre les échanges de ses équipiers qui restaient en position, mais ne sachant pas véritablement comment intervenir. Les parties continuaient et Uriah n’était clairement pas en veine.
    Restée un peu en retrait, installée à une table bien en vue de Tarkson, Jocasta l’observait pendant sa partie, faisant en sorte qu’il la voit. Il restait concentré sur son jeu mais elle ne put s’empêcher de voir qu’un à moment, il l’avait repéré, rivant son regard vers le bandeau qu’elle portait sur le front. L’espace d’un instant, elle sut qu’il venait de comprendre qui elle était. Une navigator, tout comme lui. Ce fut à ce moment qu’il rafla la mise sur un carré de Rois qui l’emportait sur toutes les autres suites. Un coup très rare. Il venait de remporter une très jolie somme au moment où, peut-être déconcentré, une carte glissa de sa manche, dévoilant un cinquième Roi.
    Il resta figé, l’espace d’un instant. Le gros bras et l’officier se levèrent presqu’en même temps. Le premier renversa la table, les cartes et les billets, bien décidé à se jeter sur ce maudit tricheur. L’officier venait de dégainer son pistolet laser et l’adepte tomba à la renverse. Vif comme un félide, Tarkson se jeta de côté, alors que le gros bras bouscula une serveuse qui renversa son plateau et les verres pleins sur la table voisine et percuta l’officier qui s’écroula sur une autre table. Un tir de laser partit vers le plafond. En moins de deux secondes, la situation bascula dans un chaos total. Les cris, la fureur et les premiers coups de poing commencèrent à pleuvoir. Altaïr et Jocasta perdirent le contact avec leur cible en un instant. Uriah venait d’éviter de justesse qu’une chaise le percute. Il bascula sur le côté et eut juste le temps de voir Caleb Tarkson, à quatre pattes sous une table, occupé à fourrer le plus de billets éparpillés au sol dans sa veste. Uriah tenta de se diriger vers lui mais se retrouva bloqué par plusieurs personnes qui venaient de s'empoigner. Il activa son microvox comme il le put.
    -La Brute ! Intercepte-le, il va tenter de nous échapper !
    -Je m’en occupe !
    A peine eut-il terminé sa phrase que Caleb Tarkson venait de surgir de nulle part et se dirigeait, tête baissée, droit vers la sortie. La Brute chercha à l’attraper mais le navigator se faufila telle une anguille entre ses mains et pourtant La Brute avait été chasseur de primes par le passé. Savoir intercepter un individu était plutôt son rayon. Il pesta alors que sa cible lui fila entre les doigts. Il s’élança à sa poursuite tout en activant son microvox.
    -A tous, je me lance à sa poursuite, il se dirige en direction des docks sud.
    Uriah, tout en jouant des coudes, finit par sortir du bar en jurant au bout de quelques instants. Il n’y avait plus, nulle trace de la Brute ou de Tarkson. Il s’élança vers la direction indiquée, à toute jambes, se disant qu’une fois de plus, ça avait trop bien commencé.
    A l’intérieur du bar, Altaïr venait d’aider Jocasta à se relever. La frêle jeune femme avait été bousculée comme une poupée de chiffons et s’était étalée au sol.
    -Dépêchons-nous de sortir de là avant que cela dégénère.
    Elle le regarda, les yeux grand écarquillé, tout en ramassant son bâton et évitant une bouteille qu’elle faillit se prendre en pleine face.
    -Ah parce que vous ne trouvez pas que ça dégénère déjà, là ?
    Il eut un petit sourire en l’attrapant par le bras pour l’emmener avec lui.
    -Une fois que la SecNav va débarquer, croyez-moi ma chère, c’est là que les choses vont véritablement dégénérer et je n’ai aucune envie d’être présent.

    A plusieurs ruelles de là, La Brute s’était lancé dans une course effrénée. En plus d’être rapide, Tarkson était agile. Il parvenait, le Trône savait comment à éviter les obstacles et les passants et La Brute eut même l’impression – parfois – qu’il disparaissait totalement pour apparaitre à quelques mètres de là. Pourtant, il n’avait pas été très difficile de le suivre à la trace, il suffisait de suivre les billets qu’il avait laissé au sol, tombés de sa veste et que les badauds ramassaient en louant l’Empereur et tous ses saints. Il avait bien failli l’attraper à un moment en tentant de le plaquer au sol, mais une fois de plus, il lui avait glissé entre les doigts. Malgré cela, il était parvenu à regagner quelques mètres en sollicitant l’aide de ses muscles synthétiques implantés. Grace à eux, il pouvait courir longtemps sans ressentir la fatigue et ce satané mutant avait beau user de ses tours, il finirait par l’avoir. Sans ralentir, il activa son microvox d’une main.
    -Lindholm, Kenway, il va prendre à droite, à l’angle de Macharius et Via Decima. Votre position ?
    Il n’eut aucune réponse et en tournant à l’angle de la venelle en dérapant au sol, il le vit, vingt mètres devant lui, se précipiter vers une lourde porte coupe-feu hydraulique en train de se refermer. Il allait passer et La Brute sut que lui, n’aurait jamais le temps de passer à son tour, se retrouvant bloqué du mauvais côté de la porte blindée. Au moment où Tarkson allait s’élancer pour franchir la porte, il se prit le poing de Säde en pleine face et vacilla soudain, surpris. Kenway lui bloqua toute retraite et l’empoigna par derrière tandis que Säde pointa son pistolet inferno sur lui.
    -Un seul mauvais tour et je vous fume.
    La Brute parvint jusqu’à eux en levant ses mains en signe d’apaisement.
    -Beau travail à tous les deux mais baissez vos armes. Je ne tiens pas à attirer l’attention plus que ça.
    Säde obtempéra et rengaina son arme. Uriah venait de les rejoindre, un peu essoufflé, il approcha et Tarkson ne put s’empêcher de froncer les sourcils en le reconnaissant.
    -Ecoutez, je ne cherche pas les embrouilles… Désolé pour la partie de tout à l’heure, je veux bien être beau joueur, je vous laisse le fric et on est quittes, d’accord ?
    -Gardez l’argent, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Lui dit Uriah tout en cherchant à reprendre son souffle.
    -Quoi donc, alors ?
    -Vous êtes Caleb de la Maison Tarkson ?
    -Par le warp… Vous êtes qui, vous ?
    -Je prends donc ça pour un oui.

    Un peu plus loin derrière lui, Altaïr et Jocasta venaient de les rejoindre, totalement à bout de souffle. Tarkson la reconnut et reporta son regard vers Uriah. Il observa leur accoutrement à tous les cinq. Ils ne l’avaient pas encore tué et n’étaient même pas là pour l’argent, ce qui devenait réellement intéressant bien qu’intriguant.
    -Vous me voulez quoi ?
    -Nous savons qui vous êtes et j’ai besoin d’un second navigator. Maintenant. Vous êtes en capacité à guider un vaisseau dans le warp, oui ou non ?
    -C’est bien dans mes cordes mais…
    -Mais ?
    Jocasta approcha et les interpela.
    -On aura le temps d’en discuter plus tard, la SecNav… ils approchent… Vite !
    La Brute fit signe à Säde et Kenway.
    -Brouillez les pistes. Nous, on dégage.

    Une heure plus tard, Uriah ressembla ses officiers sur la passerelle du Vanguard Avenger et ordonna à chacun de prendre position à son poste, y compris Jocasta Jenassis et Antinoé, son astropathe. Djokovitch, lui, était aux commandes du Morning Star avec les autres officiers subalternes. Caleb Tarkson avait accepté leur proposition et serait donc son navigator. Il n’avait pas eu trop de réticence à accepter et Jocasta avait même deviné que cela l’arrangeait presque de décamper de Fort Vengeance, comme cherchant à fuir quelque chose de son passé. Pour l’heure, elle allait se trouver sur l’Avenger mais elle se dit qu’elle aurait bien l’occasion d’en apprendre plus sur lui, le temps venu. Pour l’instant, leurs deux navires étaient sur le point de quitter la station spatiale.
    -Maitre-vox, ouvrez un canal avec le Morning Star. Informez le lieutenant Van Bergen que nous sommes parés à appareiller, lâcha Uriah installé sur son trône de commandement, dominant toute la passerelle du Vanguard Avenger.
    -A vos ordres, lui répondit l’officier-vox.
    Il connecta ses interfaces crâniennes au trône et laissa les flux de données couler en lui comme son propre sang s’écoule dans ses veines. L’esprit du navire était ancien. Antique même. Il avait tendance à communiquer avec un langage cryptique, presque comme celui d’un vieil adepte, sage et érudit mais parfois victime de sa vision holistique de connaissances qui dépassaient l’entendement pour l’esprit d’un simple mortel. L’Avenger était une merveille d’archéotechnologie, disposant de machines et de systèmes qui avaient dû faire la gloire d’une époque passé de l’Imperium. Ces merveilles technologiques étaient aujourd’hui telles des pièces d’horlogerie de musées. Elles continuaient de fonctionner sans que l’on ne sache comment des humains les avaient conçus par le passé. Ni pourquoi elles consommaient si peu d’énergie en étant plus performantes que les meilleures machines actuelles. Pourtant, les chiffres, les statistiques et pourcentages défilant sous ses yeux ne mentaient pas. Ce navire était plus ancien que le Morning Star. Bien plus ancien et par bien des aspects, il était plus performant. Plus rapide, plus alerte, plus vif. Tous ses systèmes le surclassaient même si le Morning Star restait et resterait son navire. Le Mechanicus était prêt à toute les tractations pour pouvoir, un jour, mettre ses sales doigts mécaniques avides et bien huilés sur de telles reliques.
    Pourtant, l’esprit du Morning Star avait un lien presque filial avec lui et avec les Goldberg. Certes, le warp l’avait quelque peu altéré et nombreux étaient ceux que cela effrayait à bord. Pourtant ce navire n’avait pas son pareil pour fendre l’Immaterium sans souci, qui était son élément, tout comme il savait se faire passer pour ce qu’il n’était pas. Cette malédiction familiale coulait aussi dans ses veines autant que dans celle de son navire. Mais pour l’heure, il allait devoir se familiariser avec l’esprit de cette corvette véloce et la dompter.
    Il leur faudrait quatre jours pour rejoindre la bordure du système Grief et atteindre la zone de saut, le Point de Mandeville. Quatre jours durant lesquelles la vie à bord allait alterner entre routines quotidiennes, préparations et découvertes du navire et de son architecture fabuleuse. La passerelle, en elle-même aurait tout bonnement pu figurer dans un muséum de la marine impériale tant ses cogitateurs quantiques, ses affichages holospex aux moulures en bronze, cuivre et argent que ses plaquages en acajou et en ivoire lui donnaient des airs de laboratoires des temps anciens. Et tout cela n'était rien comparé aux cabines de luxe qui étaient de véritables suites dignes des palaces d’isin. Des salons, restaurants, salles de bal, piscine et librarium des plus fournis complétaient toute la panoplie proposée à une clientèle de voyageurs de luxe qui avaient dû arpenter les ponts de ce navire dans un autre temps. Ce navire n’avait jamais été conçu pour le guerre, bien qu’il en soit tout à fait capable avec ses multiples batteries de turbo-laser. Non, il avait été conçu essentiellement pour convoyer de richissimes voyageurs en croisière. Uriah se prit à réfléchir. A quelle époque l’Imperium avait-il pu se permettre une telle frivolité ? Pas depuis avant l’Age de l’Apostasie en tout cas. Cela lui donna le tournis lors de ce voyage de quatre jours. Ils disposaient, lui et ses officiers de suite tout bonnement extravagante sur un navire de guerre. Rien que la salle de bain en marbre de chaque suite était bien plus vaste que la plupart des habs de chaque citoyen dans une cité-ruche. Ce navire, s’il était bien utilisé, pourrait rapporter une petite fortune à Uriah. Mais pour l’heure, il était encore loin d’avoir finalisé son projet. Avant cela, il allait devoir consulter l’oracle. Il fit convoquer Antinoé.
    Altaïr lui, passa le plus clair de son temps justement dans l’immense librarium et son laboratorium attenant, occupé à dévorer d’anciens grimoires et à s’amuser à effectuer quelques expériences scientifiques lorsqu’il n’était pas de quart sur le passerelle. La Brute, lui, préféra passer ses heures à s’entrainer au maniement des armes avec les troupes d’abordage. Il passa le plus clair de son temps à inspecter les coins et les recoins du navire afin d’en améliorer sa défense, tout comme il passa en revue les batteries laser idée de les tenir en alerte opérationnelle constante. Le luxe tapageur du Vanguard Avenger et de ses salles de bains, librarium et piscines ne l’impressionnait pas. Pour la Brute, chaque espace de ce navire était un potentiel terrain de guerre à exploiter. Le moment venu, il n’aurait pas besoin de laquais aux perruques poudrées faisant des courbettes mais de troupes de choc prêtes à tuer tout ce qui bouge.

    La veille, avant d’atteindre le Point de Mandeville, Uriah réunit Altaïr, la Brute, Antinoé et Jocasta lors d’un diner dans un des salons.
    -Des nouvelles du Morning Star, messieurs ?
    -Il nous suit, même s’il peine à tenir la voilure, capitaine, lui répondit la Brute.
    -Que Djokovitch maintienne sa vitesse et son cap. Il n’est pas question de mollir. A ce sujet, j’ai cru voir passer un rapport d’avaries ?
    -Nos technaugures sont sur le coup. Nous avons un début de panne sur les boucliers. Cela pourrait prendre deux ou trois jours de réparation.
    -A quoi est-ce dû ?
    -Le navire est ancien… Sa coque est dans un triste état et c’est déjà une chance qu’il ne parte pas en morceaux, si vous voulez mon avis, lui répondit la Brute.
    -Je veux un rapport quotidien sur le sujet. Sinon… Des nouvelles du Daughter of Tempest ?
    -Le navire de Ludivine ? Répondit Altaïr. Pas de nouvelles depuis que l’on a quitté Port Vengeance. Nous savons qu’elle a de l’avance mais toujours aucun retour auspex.
    -On a une estimation ?
    -Douze heures d’avance, pas plus, je dirai.
    -Trône, c’était prévisible. Elle est donc déjà passé dans l’Immaterium.
    -C’est ce que nous pensons aussi, lâcha Antinoé dans un murmure.
    -Ah, à ce sujet, reprit Uriah. J’ai consulté notre Maitre Telepathica ici présente dans la journée. Je tenais à savoir comment nous y prendre pour convaincre les Kysnathian, une fois parvenus dans le système Galen.
    Il se tourna vers elle.
    -Je vous laisse nous éclairer sur vos prédictions ?
    La jeune femme releva le voile de tulle noir qui masquait en partie son visage blafard aux yeux blancs. Son maquillage renforçait encore plus son apparence mortifère. Elle tourna son regard aveugle vers chacun d’eux, parfaitement capable de les voir, avec même encore plus de clarté qu’un voyant. Antinoé ne se contentait pas de voir la forme de leur visage. Elle était aussi capable de voir la couleur et la profondeur de leur âme. Elle s’exprima d’une voix claire tandis que ses lèvres restaient aussi immobiles que son visage, aussi figé que celui d’une défunte.
    -L’autoséance a mis en lumière le schéma d’un des nombreux futurs possibles.
    Elle tira de la manche de ses longues robes vertes de l’Astra Telepathica, trois lames de tarot qu’elle déposa devant elle sur la table. La première lame, le deux d’Executeria, représentait la carte du Vaisseau et était inversé. A sa gauche, elle déposa une seconde lame, un des arcanes majeurs, la carte de la guerre. Là aussi, inversée, selon un schéma descendant. Enfin, elle posa la troisième lame à droite. Le Maitre d’Executeria, la carte du Libre-marchand qu’elle plaça selon un schéma ascendant cette fois-ci. La carte psycho-réactive présentait clairement une libre-marchande aux longs cheveux blonds.
    La Brute observa les cartes d’un air dubitatif.
    -La guerre… Et donc ?
    -Je vois plutôt là, un duel dans lequel la petite Frae Spinaiser va s’empêtrer, lâcha Altaïr.
    -C’est ce que je pense aussi, répondit Uriah. Et si les courants du warp nous sont favorables, nous allons avoir un sérieux dilemme à résoudre.

    Quelques heures plus tard, les courants du warp furent tout, sauf favorables.
    Depuis son dôme de navigation installée dans une des tours au-dessus de la passerelle, Jocasta était cramponnée à son trône, son œil warp grand ouvert sur l’oculus qui donnait tout droit sur l’immaterium bouillonnant de non-vie. Dans le reste du navire, tous les systèmes auxiliaires avaient été coupés, en dehors du champ de Geller, des générateurs d’atmosphère et des réacteurs. Les lumières du navires étaient passées au rouge et chaque occupant devait resté à son poste, en silence ou en prière durant la traversée. Les bruits au-delà de la coque n’avaient rien de naturel et tout le monde le savait. Le warp n'était pas un univers constitué de solides ou de créatures tangibles et pourtant des choses raclaient sur la coque, comme des griffes sur un tableau noir. Griffant et cognant à l’extérieur sans discontinuer malgré la vitesse. Des cris, des hurlements d’agonie alternant avec des rires déments et des murmures d’enfants ou de proches disparus s’entendaient sans cesse et ce, malgré le vide sidéral et l’épaisseur des cloisons. Des choses immatérielles, intangibles étaient là, massées par milliers, agglutinées à la coque qu’ils ne cherchaient qu’à ouvrir de leurs dents, à éventrer de leurs mains griffues s’il n’y avait pas le champ de Geller pour les en empêcher.
    A bord, les prières étaient surtout là pour rassurer l’équipage. Mais en cas de panne de ce champ, les prières ne pourraient rien pour sauver leurs âmes. Le warp était perturbé à cause de la présence toute proche du Maelstrom et de la Cicatrix Maledictum. L’Astronomican avait été voilé, occulté par un orage warp mineur mais suffisant pour aveugler la navigator, le temps de la translation. Elle resta ainsi en transe, durant les six jours cauchemardesques que durèrent le saut. Six jours pendant lesquels son corps était à l’agonie, immobile et incapable de bouger alors que son esprit était projeté hors de son corps, forcé de combattre, une lame ardente à la main et de dégager le voie pour leur navire de force, abattant par centaine, des hordes de spectres et d’entités des enfers qui cherchaient à la terrasser, à briser sa volonté. Sans relâche, elle dût combattre et ouvrir la voie afin de chercher la lumière obscurcie par une éternité de ténèbres. N’importe quel esprit sain aurait succombé sans avoir été formé tels que le sont les navigators. Elle devait tenir et ne pas s’attarder sur les brûlures et les plaies que les démons lui infligeaient à mesure qu’elle avançait en hurlant, tel une petite lueur qui refusait de s’éteindre dans la tempête. Mourir, elle le pouvait assurément. Mais avec elle, périrait plusieurs milliers d’âmes et ça, elle ne pouvait pas se le permettre.
    Dans une dimension où le temps et l’espace n’ont jamais existé, six jours ne signifient rien. Une éternité pour certains ou un battement de cils pour les autres. Aucun appareil de mesure ne fonctionne dans le warp. Tous affichent des données contradictoires et fantaisistes. Nul ne peut le savoir et l’appréhender totalement qu’une fois que le navire quitte complètement l’Immatérium et retourne dans l’espace réel. Tout comme son entrée, l’expérience n’est jamais agréable. Elle peut s’apparenter à être plongé la tête sous l’eau sans même s’y attendre et vivre sa propre noyade en hurlant ou à flotter dans une pièce et voir son corps juste à côté. Tout cela accompagné parfois du mal du warp. Des hallucinations, des saignements de nez, des troubles des sens ou des nausées, dans le meilleur des cas.
    La sortie warp fut brutale, tout autant que l’entrée avec cette impression de se réveiller en sursaut, alors en plein cauchemar et sans savoir où l’on est pendant les premiers instants.
    Des sirènes de bord retentirent et les lumens repassèrent aux couleurs habituelles. Des murmures de soulagement parcoururent tout l’équipage.
    -Redémarrage des systèmes auxiliaires, cria Uriah depuis son trône de commandement.
    -Redémarrage en court, répondit Altaïr depuis un pupitre. Les vibrations du pont confirmèrent que les systèmes étaient de nouveau opérationnels.
    - Rapport d’avaries ?
    -Perte des boucliers, répondit la Brute. Brèches dans les ponts trois et quatre avec multiples avaries.
    -Réparables ?
    -Trois jours je dirais.
    -Des pertes d’équipage ?
    -Oui, capitaine. Je reçois les rapports des officiers de ponts. Entre deux et trois cents hommes n’ont pas survécus.
    -Trône… Recalibrez-moi les augures, je veux connaitre notre position et allez me chercher la navigator.

    Une heure plus tard, Jocasta avait été soigné par les medicae de bord. Elle était parvenue à sortir de son dôme de navigation et à les rejoindre, le corps en sang, griffé, ses robes déchirées et portant des brûlures à de multiples endroits. Les blessures étaient toutes superficielles mais nombreuses et certaines donnaient l’impression d’avoir de nombreux jours. Une fois remise sur pied, elle retrouva l’équipage sur le passerelle.
    -Il s’est passé quoi lors de cette translation ? Lui demanda Uriah.
    -L’astronomican… Il n’était plus visible, j’ai dû guider le vaisseau par mes propres moyens et le sortir de là… presqu’à la main.
    -Par le warp… ça ne vous a pas laissé indemne…
    -Ça ira… On a l’habitude.
    -D’accord. Restez ici, je vais avoir besoin de vous sur la passerelle.
    -Des nouvelles du Morning Star ?
    -Oui, il semblerait que son passage se soit mieux passé, le Trône soit loué. Ma… Frégate a quelques facilités à naviguer dans l’Immaterium… Vous verrez quand nous y retournerons. Ils ont une journée d’avance et nous attendent au point de Mandeville. Ils ont malgré tout subi quelques avaries sur leurs détectaugures et en profitent pour effectuer quelques réparations.
    -Nous ne sommes pas au point de Mandeville, je l’ai ressenti.
    -En effet. Nous avons dérivé un peu, mais nous devrions les rejoindre prochainement.

    Le lendemain, le Vanguard Avenger avait rejoint le Morning Star. Navigant de concert, ils pénétrèrent dans le système Galen, mettant le cap sur Galen VI. Au bout de quatre jours de voyage et après quelques réparations d’urgence, Uriah convoqua ses officiers sur la passerelle.
    -Timonerie, réduction de vitesse, un tiers. Galen VI en visuel.
    Le timonier confirma la manœuvre.
    -Contacts sur les augures, cria un des officiers. Possible vaisseau. Portée : trente-cinq unités sidérales sur le vecteur 0-2-4, Monsieur. Contact dans vingt minutes.
    -Affichez sur les écrans, répondit Uriah. Signature ?
    -Calibrage des auspex en cours… Répondit l’officier aux augures. Identification : navire de transport de classe Goliath. Il s’agit de l’Omnis Delictum, Monsieur.
    -Le navire de Kysnathian, lâcha La Brute, installé à une console, non loin d’Uriah.
    -Vitesse et trajectoire ? Demanda Uriah.
    -L’Omnis Delictum semble… Il est à l’arrêt, Monsieur. Une deuxième signature vient d’apparaitre sur les augures.
    -Position et signature ?
    -Il… Il est situé sur la même position que l’Omnis Delictum, juste sur son flanc bâbord. Frégate de classe Turbulent…
    Uriah ne peut s’empêcher de lâcher un petit sourire.
    -Te voilà enfin, Ludivine… Antinoé avait vu juste…
    -Ils sont en plein abordage, lâcha La Brute depuis sa console.
    -Quoi ? Qui aborde qui ?
    -Le Daughter of Tempest est en train d’aborder le navire de Kysnathian.
    -Cette fille en a une sacrée paire… Bordel de Trône, l’Omnis Delictum fait presque trois fois la taille de sa frégate.
    Une sonnerie retentit depuis une des consoles.
    -Nouveaux contacts sur le vecteur 3-7-5, capitaine. Deux navires en approche rapide à moins de vingt unités. A portée de tir dans quinze minutes. Une classe Carrack et une classe Jericho. Signature en confirmation…
    -Bordel de trône… On pouvait s’y attendre, le Soul of Adamantium et le Lady of Defiance, les deux autres navires des Kysnathian… Je veux tous les hommes à leurs postes de combat et ouvrez-moi un canal avec le Morning Star, maintenant !
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/11/2023 à 15:03 Citer ce message

    Uriah était installé sur son trône de commandement, essayant de lire les données qui défilaient devant ses yeux. Une fois sur la passerelle, pour tous les officiers et sous-officiers présents, Uriah Goldberg était le Seigneur Capitaine. Il avait beau être un jeune libre-marchand, les échanges avaient repris ce formalisme militaire typique que l’on pouvait trouver au sein de la Flotte.
    -Monsieur Bowen, maintenez le cap, vitesse lente, approche tactique.
    Le maitre timonier, un des seconds de Djoko qu’il avait récupéré du Morning Star, obtempéra.
    -Je veux une lecture des augures, lâcha Uriah. Où en sont nos boucliers ? Ils devraient déjà être actifs !
    -Je m’en occupe, répondit Altaïr qui demanda à la Brute de le laisser faire, voyant qu’il peinait à recalibrer les énergies entre les consoles de commande. Il s’installa à un des cogitateurs où des opérateurs travaillaient d’arrache-pied, lui indiquant de se charger plutôt des postes d’artillerie.
    -Lectures des augures en cours, lâcha Jocasta qui surveillait les opérations avec un regard exercé, aux côté d’Uriah. Transport de classe Jericho, moteurs de classe 1 lents mais fonctions vitales pleinement opérationnelles. Distance, vingt unités, à portée de tir du Daughter of Tempest dans sept minutes. Bouclier activé. Il est équipé de tubes lance-torpilles modèle Voss et de batteries latérales à fusion modèle Pyros.
    -Lui, il va falloir le surveiller et se tenir en dehors de l’angle de ses torpilles. Et ne surtout pas s’approcher de ses flancs, ajouta La Brute.
    -Que donne le second navire, le classe Carrack ? Ajouta Uriah.
    -Le Soul of Adamantium, légèrement plus rapide que son comparse. Distance, vingt-cinq unités, à portée de tir dans huit minutes. Fonctions vitales opérationnelles… Bouclier activé. Je détecte malgré tout une panne de ses rétrofusées et une panne de ses batteries dorsales. Ses batteries laser sont toujours opérationnelles et… Il y a un pic d’énergie, elles sont sur le point de faire feu.
    -Sur qui va-t-il tirer ?
    -Augures balistiques en cours… Il n’est pas à portée de notre corvette… Selon son vecteur d’approche, il est fort probable qu’il prenne pour cible le Daughter of Tempest.
    -Trône ! Au risque de tirer aussi sur leur navire amiral ? Ils sont fous ou désespérés ! Uriah se tourna vers le maitre vox.
    -Monsieur Kreer, Ouvrez-moi une liaison vox avec la passerelle du Daughter of Tempest, vite !
    -A vos ordres, Monsieur.
    Un bourdonnement d’électricité statique se répercuta sur la passerelle tandis que certains lumens vacillèrent légèrement.
    -Bouclier activé, lâcha Altaïr avec un petit souffle de satisfaction.
    -Parfait. Monsieur Bowen, correction de trajectoire, cinq degrés tribord. Avance toute. La Brute, informez les postes d’artillerie, je veux une solution de tir sur le Soul of Adamantium avant qu’il ne fasse feu. Maintenez les batteries parées à tirer.
    Sur la passerelle, les ordres se répercutèrent à l’unisson.
    -Que donnent la lecture des augures sur les deux autres navires impliqués dans cet abordage ?
    -Omnis Delictum, transport lourd de classe Goliath, toutes ses fonctions sont actives mais les moteurs sont en panne depuis son abordage. Il semblerait qu’il subisse de lourdes pertes.
    -Et son agresseur, le Daughter of Tempest ?
    -Frégate de classe Turbulent… Signes de nombreuses avaries certainement dues à l’abordage. Plusieurs fonctions semblent inopérantes mais les rapports auspex sont brouillés à cause de la masse de l’Omnis Delictum qui nous cache l’angle de vue.
    -Où en est cette liaison avec le Daughter of Tempest, Monsieur Kreer ?
    -La liaison vox est mauvaise, Monsieur, elle est certainement brouillée, elle aussi, répondit l’opérateur vox.
    -Tentez de la rétablir ça devient urgent. Passez-moi la passerelle du Morning Star en attendant.
    -Contact établi, capitaine.
    -Ici le lieutenant Van Bergen, je vous écoute, lâcha Djoko depuis les ampli-vox.
    -Changement de trajectoire, quinze degrés tribord, lieutenant. On doit leur couper toute possibilité de les prendre à revers. Interception et neutralisation du Lady of Defiance. Voyez avec le lieutenant Haxton s’il est envisageable de saboter son armement. Je veux que ses tubes soient hors circuit. Je n’aimerai pas me prendre une ou deux torpilles en plein dans mes réacteurs. On tente de le récupérer en un seul morceau mais si c’est impossible, vous me le torpillez.
    -A vos ordres.
    Uriah coupa la connexion. L’opérateur vox venait de lui signaler que la connexion était enfin établie avec le Daughter of Tempest.
    -Ici Uriah Goldberg, je veux parler à la capitaine Frae Spinaiser, de toute urgence.
    Des parasites perturbèrent la liaison puis une voix féminine se fit entendre avec des alarmes en fond sonore.
    -Ici le lieutenant Vendenrisch sur la passerelle du Daughter of Tempest. Notre capitaine est occupée. Vous souhaitez lui laisser un message, capitaine Goldberg ?
    -Oui. Dites-lui que deux navires vous arrivent dessus par bâbord avant avec des intentions hostiles. Contact dans moins de trois minutes. Dites-lui aussi que nous sommes disposés à vous en débarrasser, mais seulement sous certaines conditions.
    -Je vais transmettre, on vous recontacte, capitaine Goldberg.

    A peine eut-il coupé la connexion que des alarmes retentirent.
    -Tirs détectés en partance du Soul of Adamantium ! cria quelqu’un depuis une console. Quelques instants après, la frappe de batteries laser s’écrasa contre les boucliers du Daughter of Tempest comme cela avait été anticipé juste avant. La navire encaissa cependant la bordée qui manqua de précision à cause de la distance.
    -On peut pas dire qu’on les avait pas prévenu. Lâcha Uriah entre ses dents.
    -Son navire ne riposte pas ? S’étonna Jocasta.
    -Non… Il est engagé en plein abordage avec le Goliath, ils n’ont aucune possibilité de riposte pour l’instant.
    -Comment peut-on l’aider ?
    -On va prendre pour cible son attaquant. Monsieur Bowen, amenez-nous à portée de canons. Que les batteries se tiennent parées à faire feu. Je veux une solution de tir sur le Soul of Adamantium, maintenant.
    -Solution de tir prête, capitaine.
    -A toutes les batteries, feu !
    Le navire trembla alors que multiples batteries dorsales lâchèrent leurs bordées. Quelques instants plus tard, les boucliers du navire adverse vacillèrent et tombèrent. A plusieurs milliers de kilomètres de là, les impacts crépitèrent sur sa coque.
    -Navire touché. Impacts multiples mais dégâts mineurs, lâcha La Brute depuis sa console de monitoring.
    -Rechargez et tenez-vous parés à faire feu à nouveau. Visez ses batteries dorsales, je veux les faire taire.
    Une nouvelle série d’alertes sonores retentirent sur la passerelle.
    -Torpilles en approche depuis le Lady of Defiance !
    -Calcul de trajectoire ! Monsieur Bowen, manœuvre d’évitement, la barre à tribord toute !
    Les alarmes continuèrent de retentir alors que les lumens d’urgence se mirent à clignoter sur tout le navire, informant chaque homme d’équipage, chaque matelot, d’un impact imminent. La corvette était maniable et répondait aisément aux manœuvres de la timonerie. Tous purent sentir la coque du navire grincer et vibrer tandis que le vaisseau pivotait sur son axe. Les dizaines de tourelles jumelées de défense se mirent à tirer un feu en continue, projetant des obus traçant et pénétrant de gros calibre qui fusaient vers les torpilles. L’une d’elle explosa et l’autre manqua le navire de quelques centaines de mètres. A peine, un cheveux d’écart, à cette échelle.
    -Bien joué ! je veux un rapport auspex, que donne l’attaque du Morning Star contre ce navire ?
    -Contact engagé, capitaine. Le Lady of Defiance est touché et le Morning Star tente de détruire ses tubes lance-torpilles.
    -Qu’il ne les lâche pas ! Postes d’artillerie, je veux une solution de tir sur l’autre navire, le Soul of Adamantium !
    -Nouveau tir du Soul of Adamantium détecté ! Le Daughter of Tempest est de nouveau touché mais son blindage a l’air de tenir, pour l’instant.
    -Solution de tir parée, capitaine !
    -Toutes les batteries, feu !
    De nouveau le navire gronda et vibra tandis que les bordées de macrobatteries illuminèrent les abords du vaisseau. Les tirs fusèrent en direction du Soul of Adamantium qui lui, filait droit sur le Daughter of Tempest. Il tenta de manœuvrer pour éviter les tirs mais fut touché le long de son épine dorsale, ce qui déclencha une série de petites explosions en cascade le long de son fuselage. La lourd transport tangua de côté et pivota sur sa trajectoire tandis que des trainées de gaz incandescents jaillissaient de ses impacts.
    -Navire touché, batteries laser inopérantes, capitaine !
    -Parfait, le voilà désarmé !
    -Communication en provenance du Daughter of Tempest, capitaine, cria l’opérateur vox.
    -Passez-la moi, Monsieur Kreer.
    Il y eut d’abord de la friture puis des bruits sourds, comme des détonations en fond sonore.
    -Capitaine Goldberg, vous êtes finalement parvenu à sortir du warp ? Il était temps.
    -Et vous à vous mettre dans une position des plus délicates, Ludivine. Pourquoi cela ne m’étonne pas ?
    -Est-là, la seule nature de votre message ? Je suis quelque peu occupée.
    -Je venais vous proposer mon assistance. Votre navire est actuellement en mauvaise posture. Je suis disposé à vous débarrasser de deux importuns en approche. Bien entendu, cela nécessite de revoir notre accord.
    -Quel accord ?
    -Je veux la moitié des vaisseaux, et je garde le classe Universe.
    -Vous plaisantez ? Je suis actuellement en train de l’aborder avec mes propres troupes. Dans quelques minutes j’aurai le contrôle de sa passerelle.
    -C’est mon dernier mot, Ludivine. Après cela, je vous laisse à votre sort.
    -Eh bien, que l’Empereur vous garde dans ce cas, Monsieur Goldberg, vous allez en avoir besoin.
    Puis elle coupa la connexion.
    -La sale petite garce ! Fulmina Uriah qui était touché dans son orgueil. Monsieur Bowen, positionnez-vous pour un abordage de l’Omnis Delictum depuis son flanc tribord. On va bien voir, qui arrive à prendre la passerelle de ce rafiot en premier. La Brute, prépare les troupes, on va prendre ce navire, nous aussi.
    -A vos ordres ! Lâcha la Brute avec un sourire carnassier.
    -Monsieur Kreer, passez-moi la passerelle du Morning Star !
    -Contact établi, Monsieur.
    -Lieutenant Van Bergen, comment se passe votre assaut sur le Lady of Defiance ?
    -Nous venons de faire taire ses tubes lance-torpilles. Haxton et ses hommes ont lancé un assaut à son bord et sont en train de saboter ses armes.
    -Parfait, lieutenant. Le classe Jericho et le classe Carrack sont en partie désarmés. Dès que vous le pouvez, vous vous désengagez et vous mettez le cap droit sur le Daughter of Tempest. Armez les tubes lance-torpilles et tenez-vous prêt. A mon commandement, vous me torpillez cette frégate, est-ce bien clair ?
    -Capitaine… Je… Vous voulez que je donne l’ordre de tirer sur le navire de Ludivine Frae Spinaiser ?
    -Exactement. Cette garce se joue de nous et elle va comprendre qui mène la danse ici. Si nous ne récupérons pas ces navires, elle non plus et elle va tout perdre à avoir eu le ventre un peu trop grand.
    -Pardonnez-moi, mais je pense qu’il faudrait plutôt chercher à la raisonner et à lui tendre la main plutôt que de vouloir tout perdre à risquer tout sur le coup de la colère. Elle est à la tête d’une maison libre-marchande. Elle serait une alliée de taille ! D’accord, elle a voulu se montrer trop gourmande et elle en paye le prix. A nous de ne pas commettre la même erreur justement et à lui faire comprendre.

    Altaïr qui venait de suivre la conversation, quitta sa console et vint se tenir à côté d’Uriah, en lui parlant tout bas.
    -Trône, pour une fois, Djoko a raison… On ne va pas torpiller son navire alors qu’il est sans défense par simple caprice ! Raisonne-la ! Si on la combat, on ne va rien gagner dans cette affaire. On va s’en sortir avec quoi ? Une poignée d’épaves ? Bon sang, tu dois la faire changer d’avis. Compter les Frae Spinaiser comme allié serait une aubaine inespérée pour notre maison.
    Uriah avait du mal à contenir sa colère mais il avait pris l’habitude de les écouter. Il fit signe à la Brute de patienter.
    -D’accord. Je veux bien tenter une dernière fois de lui tendre la main.
    -Mais pas en lui mordant tout le bras, ajouta Altaïr. Sors-la de ce pétrin où elle s’est fourrée. Sauve-la, je te jure que ça peut valoir le coup.
    -Et si elle me la fait à l’envers ?
    Altaïr leva les mains.
    -Alors, on suivra ton plan, cap’taine.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 30/11/2023 à 14:44 Citer ce message

    Uriah avait sa mâchoire crispée et le regard sombre, ce qui renforçait sensiblement son visage de mauvais garçon. Ses phalanges étaient cramponnées à son trône de commandement. Il était à deux doigts de torpiller tous ces satanés vaisseaux et même celui de cette peste de Ludivine. Qu’il soit justement tombé amoureux d’elle n’y changeait rien, au contraire. Le véritable amour était une folie après tout. On pouvait clairement tuer par amour. Des navires ou des mondes pouvaient bien brûler. Qu’importe. A présent il était prêt à tout raser s’il ne parvenait pas à avoir cette fille. A la vie, à la mort et au warp tout le reste se mit-il à sourire intérieurement.
    Sur des milliers de kilomètres, des raies d’énergie dévastatrices et des bordées de projectiles de la taille de blindés de l’Astra Militarum se croisaient à des vitesses inimaginables. Les tirs qui touchaient leurs cibles, emmenaient avec eux un lourd tribut en éventrant des coques de dix mètres d’épaisseur de blindage. Les sirènes depuis les consoles de la passerelle n’en finissaient pas de rugir alors que, de toute part, six navires étaient engagés dans un corps à corps mortel. Au moins quatre d’entre eux subissaient des dégâts et avaient certains ponts en feu, alors que d’autres ponts éventrés étaient ouverts à l’horreur du vide sidéral. En quelques instants, des hommes d’équipage partaient par centaines, en tourbillonnant comme des feuilles d’arbre emmenées par la tempête, yeux et bouches grandes ouvertes, figés dans un rictus d’horreur, avalés par l’oubli froid et arbitraire de la mort.
    -Le Soul of Adamantium a modifié sa trajectoire, capitaine, il se dirige droit sur le Daughter of Tempest, cria l’opérateur aux détectaugures depuis son implant-vox. L’homme en question était un technaugure du nom de Mankonix, drapé dans ses robes rouges crénelées de blanc et tâchées d’huile.
    -Adepte, affichez sa signature sur les écrans, je veux suivre sa trajectoire et calculez-moi son vecteur d’interception.
    -Affichage sur l’écran trois, capitaine. Vecteur d’interception déjà calculé, contact dans 2,748 minutes.
    Un affichage apparut en vert surbrillant sur fond noir, montrant les calculs de trajectoire clignotant en vision tactique, avec un défilé de données sur un des côtés de l’écran.
    -Monsieur Kreer, contactez la passerelle du Daughter of Tempest pour… Et puis non. Ne les contactez pas, finalement… ça lui apprendra à vouloir jouer à ce petit jeu avec moi. Contactez plutôt le Morning Star. Donnez-lui l’ordre d’aborder le Lady of Defiance. Je veux qu’il lui coupe toute retraite. Son capitaine aurait déjà dû se rendre, mais s’il faut lui poser une arme sur la tempe pour cela, je veux qu’ils voient qu’on ne plaisante pas.
    -A vos ordres, répondit le maitre-vox.
    -Monsieur Bowen, la barre à quinze degrés bâbord, pleine puissance ! Manœuvre d’engagement avec l’Omnius Delictum. Positionnez-nous sur son flanc tribord au plus près de sa passerelle et tâchez d’éviter ses batteries. Ordre à tout le monde de se préparer à l’impact !
    -A vos ordres, répondirent le timonier et le maitre artilleur.
    Altaïr tourna sa tête vers son capitaine, les yeux écarquillés et son front trempé de sueur.
    -Uriah, je t’en conjure, ne fais pas cette folie !
    Ce dernier se leva de son trône, tandis que le navire pivotait sur son axe et alors que sa structure se mettait à vibrer et grincer. Il ignora la supplique de son sénéchal et désigna d’un doigt la Brute qui attendait ses ordres.
    -Que le lieutenant Haxton se tienne paré, lui et ses troupes de marine. Je veux tout le monde sur le pied de guerre et paré à aborder l’Omnis Delictum dès que nos sabords bâbord vont toucher sa coque. Qu’une de ses escouades nous accompagne.
    -A vos ordres, lâcha la Brute avec un sourire carnassier, tout en vérifiant les chargeurs de ses pistolets bolter. Altaïr en restait bouche bée.
    -On ne va quand même pas aborder un navire quatre fois plus gros ? C’est un pur suicide ! Uriah, des hommes sont en train de mourir par centaines, ressaisis-toi ! Ludivine Frae Spinaiser est encore à l’intérieur !
    Uriah le toisa tout en rengainant son sabre énergétique dans son fourreau et en relevant le menton.
    -He bien justement. Je vais vous sortir de vos chiffres et de vos grimoire poussiéreux, Monsieur le sénéchal et vous montrer comment c’est de vivre avec panache !

    Les minutes qui suivirent illustrèrent les règles de l’art de l’engagement spatial. Le Morning Star lança un abordage sur le Lady of Defiance, après avoir endommagé ses tubes lance-torpille. Le transport de classe Jericho tenta une manœuvre désespérée d’évitement, afin de se positionner à portée de tir avec ses batteries à fusion mais fut largement pris de vitesse par la frégate d’attaque qui lui fondit dessus tel un carnodon sur un grox boiteux. Contournant son angle d’attaque, elle le prit à revers et d’une habile manœuvre de Djokovitch à la barre, colla son flanc à tribord, le long de sa coque, juste au-dessus des batteries. Ses équipes d’abordage n’avaient alors plus qu’à se frayer un chemin jusqu’à la passerelle à coup de sabre et d’armes d’assaut.
    De son côté, le Soul of Adamantium, lancé à pleine puissance se préparait à éperonner le Daughter of Tempest de Ludivine Frae Spinaiser, toujours engagée, elle aussi en plein abordage de l’immense transport de classe Goliath, l’Omnis Delictum. Pourtant, au même moment, ce dernier parvint à se désengager lors d’une manœuvre désespérée, comme un lourd poisson-monde échappant in extremis à un banc de carcharodons affamés. Réactivant ses réacteurs, le massif transporteur parvint à se dégager de son emprise avec le navire de Ludivine, arrachant ses plots d’arrimage et l’envoyant à la dérive dans sa manœuvre. C’est justement cette action qui le sauva d’un éperonnage. Le Soul of Adamantium, toujours à pleine vitesse, le frôla et racla sa quille sur les ponts supérieurs de la frégate dans un crissement de métal torturé, d’étincelles et de fragments arrachés à la structure. Les dégâts furent mineurs comparés à ce que la frégate avait déjà encaissée. Elle ne perdit que quelques sonars, capteurs vox et batteries antiaériennes mais rien de critique.

    Alors que l’Omnis Delictum prenait de la vitesse et s’éloignait du combat, laissant les autres vaisseaux dans son sillage, la corvette d’Uriah, le Vanguard Avenger était parvenu à se positionner habilement pour un abordage. Pourtant, le lourd transport avait remis ses moteurs en marche et la petite corvette était restée solidement amarrée à sa coque, simplement embarquée dans sa fuite, tel un bagage accroché au flanc d’un char Leman Russ.
    Au sein de ses ponts internes et de ses coursives, une tout autre guerre avait lieu. Les troupes de marine du lieutenant Haxton, composées essentiellement de vétérans de la dernière croisade, étaient rompues et endurcies par dix ans de conflits spatiaux. Ils étaient devenus experts pour ouvrir des brèches dans n’importe quelle cloison et saturer une zone avec assez de puissance de feu pour faire taire rapidement tout opposition. A bien des égards, ils n’avaient plus rien à envier aux mythiques kasrkins de Cadia. D’ailleurs, Garvel Haxton avait été lui-même un ancien kasrkin qui avait vu son monde brûler en même temps que la moitié de la galaxie, vingt ans plus tôt lorsqu’Abaddon brisa Cadia en deux en y plongeant une de ses forteresses noires en son cœur. Ce jour, il perdit sa femme, ses deux filles et plusieurs millions de camarades. Autant dire qu’Haxton avait déjà vécu en enfer et en était revenu en en payant le prix fort. Depuis, tout le reste n’était plus que littérature.
    Il avançait, furtif et rapide avec une équipe de quatre de ses meilleurs hommes, armes d’assaut pointées. La Wreking Kru, nom qu’ils se sont donné dans leur jargon militaire, dérivé de wrecking crew, l’équipe de démolition. Tous des vétérans comme lui et tous issus de régiments divers. Il y avait Praxilia, surnommée Praxa, une nerveuse hattusienne à la peau sombre et aux traits androgynes, équipée d’un puissant Mastoff M5 modifié avec balles éclatantes. Il y avait Ulfbjorn, un ancien d’Armageddon, mais lui aussi, tout le monde l’appelle Bjorn, un spécialiste armé d’une mitrailleuse d’assaut Hecuter 6 et d’un tube lance-roquette Achilla Mk III, surtout pour la frime. Le troisième, du nom de Wade était un ancien progenium à la peau mate, qui avait servi plus de cinq ans dans les troupes de choc avant de se faire recruter par Haxton avec d’autres commandos durant la croisade. Wade, c’est l’opérateur et le technicien de l’équipe et pour cette raison, il se déplace avec un bolter compact à chargeur tambour. Enfin, la dernière de l’escouade, c’est Bastonne et c’est son vrai nom. Tasha « Baneblade » Bastonne est une pure catachan avec son franc-parler, sa descente de verres d’amasec, sa lame de qaurante centimètres et son aisance à soulever de la fonte. Elle manie un puissant fusil de combat Persecutor armé de cartouches Executor comme ceux employés par les juges et qui selon la légende serait bêtement tombé d’un camion de l’Arbites.

    Haxton avait laissé Wade et Praxa prendre la tête de leur progression. Lui, il restait en liaison vox avec la vingtaine d’autres escouades envoyées pour faire taire toute résistance et leur permettre, à eux, de progresser rapidement jusqu’à la passerelle. Juste derrière son équipe, les suivaient Uriah Goldberg le seigneur-capitaine et une partie de ses officiers : le premier officier et chef des troupes, mais aussi le sénéchal et Jocasta la nouvelle navigator. L’objectif qui était de prendre la passerelle avant la petite Frae Spinaiser, devait être atteint rapidement et pour l’heure, rien ne garantissait qu’elle n’y était pas encore parvenue. Pourtant Uriah était prêt à parier que ce n’était pas le cas. Il imaginait mal Ludivine fuir ainsi, aux commandes de l’Omnis Delictum en laissant loin derrière sa chère frégate partir à la dérive. Il était clair que la demoiselle n’avait toujours pas pris cette maudite passerelle, ce qui lui donnait encore une chance de remporter la partie.
    Wade venait de poser une charge à fusion sur une porte coupe-feu récalcitrante. Il demanda à tout le monde de reculer de quelques mètres et de ne pas regarder. La Wreking Kru portait des lunettes photoverres qui les protégeaient des flashs, surtout dans la pénombre des ponts, mais ce n’était pas le cas des officiers derrière. La charge détona presque sans bruit sinon avec un bang de surpression et un sifflement causé par le mélange de gaz sous pression porté à un état thermique instable capable de faire fondre une porte blindée en plastacier. Le métal porté à blanc, à peine refroidi, Praxa enjamba le trou de plus d’un mètre de diamètre et progressa dans un nouveau couloir. Ils avaient atteint l’entrepont menant à la passerelle qui devait se situer à moins de trois cents mètres de là, droit devant. Wade vint la rejoindre, concentré et progressant avec elle, en couverture mutuelle. Haxton et Bastonne les suivaient, en binôme, eux aussi. Bjorn fermait la marche et indiqua au reste des officiers que la voie était libre. Ils avancèrent dans une coursive jusqu’à ce que Praxa se fixe. Elle s’accroupie tout en levant un poing, signalant du danger.
    -Tirs nourris à l’avant, avec appuis d’armes lourdes, lâcha-t-elle dans le vox.
    -Contact visuel ? Répondit Haxton.
    -Négatif, chef. Mais ça barde. Je vois aussi deux embranchements à vingt mètres.
    -Ok. Reconnaissance jusqu’aux embranchements. Trouvez-moi un passage. Bastonne et Borjn, vous les couvrez.
    Il n’eut pas besoin d’attendre leur confirmation. Ses gars étaient de pros, ils connaissaient leur affaire. Il rebroussa chemin le long de la coursive, baissant son fusil radiant compact en approchant du libre-marchand.
    -Capitaine, on approche de la passerelle. Il y a un accrochage lourd sur place. On va essayer de trouver une voie de contournement.
    Uriah consulta la Brute du regard. Ce dernier hocha la tête.
    -Haxton a raison, on devrait pourvoir contourner par des coursives latérales, bâbord et tribord et remonter jusqu’à la passerelle.
    Haxton porta la main à son microvox.
    -Mes gars me rapportent des tirs. La voie principale est bloquée et c’est juste à l’embranchement qu’on va devoir prendre.
    -Pas d’autres issues ? Lui demanda Uriah.
    Haxton les contacta.
    -Praxa, tu vois un autre passage ?
    -Affirmatif, il y a une coursive tribord qui doit les contourner. Wade est parti l’explorer.
    -Reçu, garde un œil sur lui et qu’il nous tienne au courant.
    -Noté, chef.

    Au bout de quelques minutes, Haxton eut la confirmation vox, par ses deux binômes que les deux accès possibles étaient bloqués, eux aussi. Pourtant les assaillants ne semblaient pas les prendre pour cible mais tiraient plutôt vers l’avant, donc droit vers la passerelle.
    -C’est très certainement Ludivine, lâcha Uriah à La Brute. On va devoir s’en assurer. On avance, je dois absolument lui parler.
    -Ils ont des armes lourdes avec eux, d’après mes gars, ajouta Haxton. Au moins un fusil à plasma et un multi-laser.
    -Alors dites à vos hommes de ne rien faire d’inconsidéré. Je dois juste m’assurer que c’est bien elle.
    -Et si ça devait mal se passer ?
    -Alors, je compte sur vous et vos démolisseurs pour nous tirer de là, lieutenant.
    Il se tourna vers la Brute.
    -Contacte la passerelle du Vanguard, qu’ils nous envoient des renforts. Et… Tâche aussi de contacter Djoko, je veux savoir ce qu’il en est du Morning Star.

    Ils reprirent leur progression jusqu’à la zone de tir qui se situait à moins de cent mètres, dans une vaste salle, sorte d’embranchement qui donnait vers d’autres coursives latérales. Les tirs fusaient en effet avec une rare violence et le vacarme résonnait, amplifié par les coursives comme dans des tunnels et cavernes. Mêmes les hommes d’Haxton durent trouver des abris où se mettre à couvert afin d’éviter de se prendre des tirs perdus. Ils devinèrent une bonne dizaine de silhouettes en armure et lourdement armées, de dos et retranchées dans cette vaste salle, occupées à faire feu devant eux, en direction de la passerelle.
    -On ne peut plus progresser sans entrer au contact, lâcha Haxton à Uriah.
    Ce dernier, osa un rapide coup d’œil, malgré le danger imminent. Parmi les troupes d’abordage qu’il identifia, il reconnut un colosse à la barbe brune et les robes d’une jeune femme blonde. Il demanda à Haxton et à ses hommes de patienter, armes pointées, tandis qu’il activait son microvox, composant la fréquence de la libre-marchande.
    -Ludivine ? Ici Uriah Goldberg. Besoin d’un petit coup de main ?
    Il y eu un blanc qui dura plusieurs secondes puis des grésillements avant qu’il reconnaisse la voix de la jeune femme.
    -Par Terra, Uriah, vous êtes ici ? Mais… comment… ?
    -Pas le temps de vous expliquer, je peux vous tirez de là mais il va falloir qu’on en discute sérieusement.
    -Où êtes-vous ?
    -Coursive sud, à une trentaine de mètres derrière vous.
    Elle coupa la connexion, se retourna et se mit aussitôt à courir, tête baissée dans sa direction, protégée par son solide maitre d’armes. Ce dernier en profita pour ordonner à ses hommes de les couvrir avec un tir de suppression vers la passerelle. Ludivine parcourut la distance en quelques enjambées et vint se plaquer contre une des parois de la coursive alors qu’Uriah lui apparut, sortant des ombres avec un grand sourire qu’elle lui rendit aussitôt. Il eut, l’espace d’un instant, cette impression qu’elle était presque sur le point de lui sauter dans les bras mais elle n’en fit rien, restant là, le souffle court, en nage, les yeux écarquillées et le cœur battant la chamade à cause de la poussée d’adrénaline et le choc du combat. Uriah avait beau avoir le même âge qu’elle, lui il avait grandi avec un père pirate puis avait traversé d’autres épreuves durant la croisade avec sa tante Isa sur le Morning Star. Ce qui était le plus important, c’est qu’il avait déjà participé à des batailles et vu la mort en face, en vrai. Ludivine était une jeune femme pleine de qualités et certainement très brillante, avec ses défauts aussi dus à l’âge. Elle avait traversé de cruelles épreuves, elle aussi, il n’en demeurait pas moins qu’elle devait vivre là, sa toute première bataille. Et cela changeait tout.
    -Que faites-vous ici ? Finit-elle par lui dire dans un souffle et avec une certaine prudence, voyant qu’il était accompagné d’hommes armés. Son sourire n’avait pas quitté son visage aux joues empourprées.
    Uriah prit alors un air navré.
    -Vous voyez dans quelle situation vous venez de nous mettre ?
    -Je compte prendre le contrôle de ce vaisseau…
    -Avec une dizaine d’hommes ? Je ne dirais rien de leurs qualités ni de leur courage, mais vous êtes dans une impasse, là.
    -Je devais recevoir des renforts, mais…
    -Mais ils ne viendront pas. Aux dernières nouvelles de ma passerelle, votre frégate est à la dérive et vous êtes, là, coupée de toute retraite et de tous renforts.
    Elle le toisa, cherchant à conserver un air fier et digne propre à la noblesse cherchant à ne pas montrer son accablement même dans la défaite.
    -Mais vous êtes là et ensemble, nous pourrions…
    Uriah lui sourit. Il aurait bien botté les fesses de sa fougueuse consœur mais il avait bien plus à gagner en se montrant meilleur stratège.
    Il reprit un air assuré et plein d’autorité.
    -Oui, comme je l’ai dit, je suis disposé à vous sortir de ce mauvais pas. Mais on va le faire selon mes conditions et ce ne sera pas négociable. Vous acceptez ?
    Elle prit une grande inspiration pour se redonner un peu de constance puis finit par hocher la tête.
    -Je vous suis.

    Ils décidèrent d’opter pour une diversion. Les troupes de Ludivine resteraient en position afin d’occuper les hommes d’armes de Kysnathian. Uriah, lui, allaient contourner avec ses officiers par les couloirs bâbord et tenter de prendre les défenseurs à revers. Ludivine demanda de l’accompagner, elle et son maitre d’armes, Corvin Vesuvio. Uriah accepta, la préférant derrière lui plutôt que le warp sait où. Il lui demanda cependant de rester en retrait et de suivre ses consignes. Vesuvio avait même l’air soulagé et se mit d’accord avec le Brute pour former la force de frappe de l’équipe. En forçant les portes de cabines, ils purent traverser une partie de la zone, totalement à couvert. Pendant ce temps, Haxton et son équipe allaient contourner par les coursives tribord, cherchant, eux aussi à prendre les adversaires en tenaille.
    Une fois en vue de la passerelle, ils purent constater à quelle point les défenseurs s’étaient retranchés et barricadés derrière des piles de caisses et autres containers. Une vingtaine d’hommes lourdement armés étaient là, embusqués avec des caisses de munitions derrière eux. Kysnathian était là, avec eux, en compagnie d’un psyker, sans doute un astropathe.
    Les hommes d’Haxton lancèrent une grenade fumigène afin de protéger leur progression et une volée de grenades antichar idée de contenir leurs adversaires.

    Pendant ce temps, Uriah et ses hommes cherchèrent une voie mais un tireur embusqué leur bloquait tout accès sur un des côtés. Il allait faire feu, mais la Brute pointa son pistolet bolter et d’un tir d’une rare précision, lui fit exploser le torse dans une détonation artérielle. Le corps sans vie s’écroula sur la barricade improvisée. Avant de se faire repérer par les autres hommes d’armes occupés par les troupes de Ludivine. La Brute et Vesuvio ouvrirent la marche et se faufilèrent vers un corridor menant droit vers un accès dérobé qui contournait la passerelle. Ils débouchèrent dans une salle et tombèrent nez-à-nez avec deux hommes d’équipage aussi surpris qu’eux mais terrorisés en voyant les pistolets bolter que pointaient les deux archimilitants.
    Les deux matelots bredouillèrent quelque chose au moment où Uriah et les autres apparurent. Jocasta crut alors qu’ils allaient donner l’alerte et souleva le bandeau qu’elle portait sur le front, dévoilant son œil warp et ordonnant à tous ses équipiers de reculer. Un éclair violet et des volutes rouge sang jaillirent alors de son troisième œil et frappèrent les deux matelots dont les yeux se mirent à frire à même leurs orbites comme deux blancs d’œuf plongés dans de l’huile bouillante. Ils se mirent à hurler alors que des flammes violacées jaillirent de leur bouche, de leur nez et de leurs oreilles alors que leur cerveau était porté à ébullition et que la chair de leur visage était consumée par un feu warp intense. Ils tombèrent à genoux en s’étranglant dans leurs propres fluides bouillants et alors qu’une odeur atroce de viande trop cuite emplissait leurs narines. Les deux corps s’affaissèrent, leur face ravagée contre terre, en silence.
    Jocasta remit son bandeau d’une main tremblante, totalement en état de choc, sidérée et pas encore tout à fait consciente de l’effet qu’elle venait de produire. La fois précédente où elle avait fait usage de son œil warp, c’était le jour où Uriah et ses hommes l’avaient secouru des assassins envoyés par la Maison Petrov. Ce soir-là, elle l’avait utilisé sur des agents des forces de l’ordre. Ils étaient tombés et elle n’avait rien vu des effets produits car ils portaient des casques intégraux. Elle avait juste cru qu’ils avaient perdu connaissance. Voilà pourquoi l’Imperium avait toujours craint les navigators…
    Uriah, Ludivine et leurs officiers s’étaient reculés, un peu pris de cours. Mais Jocasta resta là, le souffle coupé, prise soudain d’une crise de panique…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 07/12/2023 à 16:55 Citer ce message

    La Brute avait pris la tête de leur progression, appuyé par Corvin Vesuvio, le maitre d’armes de Ludivine. Elle-même et Uriah les suivaient, accompagnés d’Altaïr et Jocasta. Ils traversèrent un hall sombre aux hautes voutes, menant tout droit vers l’avant de la passerelle, là où des couloirs techniques menaient vers les fosses où se trouvaient les consoles de cogitation des opérateurs. Toutes étaient vides, sauf celles occupées par des servitors. La Brute s’arrêta soudain, faisant signe à tout le monde de faire halte. Il venait de déceler un léger mouvement dans les ombres, quelques bruits métalliques, des frottements de pas. Il se plaqua derrière une des colonnes de contrefort, le long d’une des parois. Uriah vint se tenir juste derrière lui. Vesuvio alla se plaquer le long de la paroi opposée, leur déconseillant de faire un pas de plus. Lui aussi venait de percevoir du mouvement et tenait son pistolet bolter paré. Ludivine venait de le rejoindre, dégainant un élégant pistolet à plasma modèle Courroux dont elle activa l’accumulateur énergétique qui se mit à bourdonner d’une lueur d’un bleu électrique. Uriah la dévisagea de l’autre bout du couloir tout en se sentant soudain un peu démuni avec son pistolet radiant pourtant déjà puissant. Derrière eux, Altaïr préféra sauter dans une des fosses en contrebas, afin de s’y dissimuler mais chuta lourdement deux mètres plus bas, au moment où les ombres se mirent en mouvement. Cinq soldats adverses, restés dissimulés derrière d’épaisses colonnes en plastacier ouvrirent le feu avec leurs mitraillettes compactes modèle Zayth qui relâchèrent un véritable déluge de balles éclatantes qui criblèrent les couverts où ils se trouvaient. L’un d’eux était équipé d’un lance-flammes et projeta une langue de feu en direction de la Brute et d’Uriah qui n’eurent d’autre choix que de rester à bonne distance. La Brute eut cependant un léger angle de tir sur un de leurs assaillants. Il pointa ses deux pistolets bolter et fit feu avec une véritable précision. Le premier bolt le manqua mais le second lui emporta la tête malgré son casque, dans une explosion sanglante.
    -Et de un !
    Uriah tenta un tir à son tour mais ne put que blesser un des tireurs, manquant de précision à cause du lance-flammes qui leur bloquait toute progression. Vesusio effectua un tir de couverture, forçant juste le type au lance-flammes à bouger. Cela fut suffisant pour Ludivine. Elle pointa son pistolet et fit feu. Le tir incandescent de plasma ionisé partit en sifflant et percuta le tireur qui s’embrasa aussitôt ce qui fit détonner son réservoir qui l’engouffra dans une boule de feu. Le malheureux se mit à hurler en battant des bras et en se heurtant aux parois ce qui illumina la zone de pénombre dans laquelle ils se trouvaient tous. Jocasta dévoila son bandeau et foudroya un autre garde à l’aide son troisième œil et lui grilla les yeux et le cerveau avec son feu warp en un instant. En quelques instants, il ne restait plus que deux soldats adverses qui n’en menaient plus très large mais qui voulurent tenir bon malgré tout, un peu comme si leur vie en dépendait. En quelques tirs, ils finirent par se faire blesser et tombèrent au sol. La Brute se précipita vers eux tout en dégainant sa lame monomoléculaire et les acheva à même le sol. Seule Jocasta et Uriah avaient été légèrement blessés par des tirs en grande partie arrêtés par leurs armures. Altaïr s’en sortait avec quelques égratignures aussi mais dans l’ensemble, ils avaient eu chaud et s’en sortaient plutôt bien.
    Pendant ce temps, Vesuvio et Ludivine étaient revenus sur leurs pas, surveillant leurs arrières car une quinzaine de gardes ennemis tenaient toujours la passerelle un peu plus loin et échangeaient des tirs musclés avec les troupes de Ludivine retranchées à une centaine de mètres de là dans une coursive.
    De là où ils étaient, Uriah et son équipe allaient arriver tout droit dans le dos des troupes de Kysnathian. La Brute voxa Haxton. Lui et ses hommes se tenaient prêts à les prendre de flanc. Ils attendaient juste le feu vert pour passer à l’action. Uriah et ses officiers se positionnèrent au bas d’un vaste escalier menant à la passerelle d’où venaient les tirs mais ne bénéficiaient malheureusement pas d’un bon angle de vue sur leurs adversaires. Changer de position allait forcément les exposer et là, les hommes de Kysnathian disposaient encore d’une formidable puissance de feu. C’est là qu’ils allaient devoir compter sur Haxton et ses commandos. La Brute attendit que tout le monde soit en position puis donna l’ordre de lancer l’assaut sous un tir de couverture. Praxa et Wade se précipitèrent vers une des barricades en lançant des grenades. Une grenade fumigène en plein milieu d’un groupe d’ennemis, ainsi qu’une krak sur les deux premiers tireurs. Sans laisser les gardes se ressaisir, Bjorn venait d’ajuster son tube lance-roquette et tira dans la brèche. La roquette détonna dans une boule de feu et de shrapnels, envoyant voler une partie des combattants en l’air. Les survivants furent pris dans un tir croisé de Bastonne et Haxton mais ripostèrent malgré tout de toutes leurs armes. Parmi eux se trouvaient des officiers mais aussi Kysnathian et un psyker protégé par une aura kinésique sur laquelle les tirs n’avaient que peu d’effet. Jocasta avait ressenti sa présence, même sans le voir. Elle voxa quelques indications qui permirent de le localiser plus précisément. Uriah chercha à abattre Kysnathian mais Ludivine l’appela dans le vox.
    -On doit le prendre vivant, on va avoir besoin de lui, lui dit-elle.
    A côté d’Uriah, la Brute hocha la tête.
    -Elle a raison. Les Kysnathian ont un véritable monopole avec les adepta dans le système Galen, on va avoir besoin de lui.
    A ce moment-là, le psyker relâcha une boule de feu qui percuta la Brute alors que ce dernier donnait l’assaut. Son armure pris feu mais il l’ignora en partie et continua d’avancer, tout en tirant des bolts sur tous les inconscients qui lui faisaient face. Le carnage était total. Wade et Praxa se firent blesser aussi mais sans trop de gravité. Un tir de Bastonne recula le psyker puis une rafale de bolts tiré par Haxton mirent fin définitivement à sa sorcellerie. Il bascula tandis que son aura se brisa et qu’une onde glacée traversa toute la passerelle. Les derniers gardes étaient soit morts, soit à terre, grièvement blessés. Vesuvio et Ludivine tenaient en joue Kysnathian. Il déposa ses armes, un air mauvais sur son visage.
    -Vous et votre bande dépenaillée de pirates, soyez tous maudits ! Lâcha-t-il entre ses dents.
    Uriah approcha, pointant son épée énergétique vers lui. Il vint se tenir aux côtés de Ludivine.
    -Ne soyez pas grossier face à une noble dame, Monsieur. Vous faites face à deux Maisons libres-marchandes. Nous avons une offre à vous faire et je vous conseille de bien y réfléchir avant de nous donner votre réponse, capitaine Kysnathian.
    Gregor Kysnathian le regarda avec défi mais son visage prit une tout autre teinte lorsqu’il vit Jocasta approcher dans ses robes sombres, appuyée sur son bâton de la Navis. Elle porta la main sur son bandeau. Même sans son œil warp, la jeune navigator avait un regard des plus troublants. Certains la trouvaient même effrayante avec ses cicatrices ésotériques qui couturaient son visage juvénile et qui lui donnaient des airs de jeune fille diabolique portant les stigmates du warp. Ce qu’elle était, en quelque sorte.
    Kysnathian eut un mouvement de recul accompagné d’un rictus de dégout mêlé à de la crainte. Il chercha à reprendre un semblant d’aplomb, constatant que ses soldats étaient tous, soit morts, soit captifs, comme une partie de ses officiers. Depuis l’autre côté de la passerelle, les troupes de Ludivine, lourdement armées, venaient de prendre position.
    Il toisa les deux jeunes libres-marchands.
    -Dans ce cas, peut-être aurait-il été moins… cavalier de nous retrouver tout simplement autour d’une tasse de tana afin d’en discuter ?
    Uriah rengaina son épée au fourreau et effectua son large sourire qui lui donnait ses airs de prince corsaire des anciennes légendes.
    -Nous avons peut-être mis un peu de bazar sur votre passerelle, j’en conviens. Mais j’aime les entrées fracassantes, ce serait dans mes gênes, parait-il. Et puis je tenais à vous rappeler que c’est vous qui avez déclenché les hostilités en envoyant vos assassins chez le capitaine Ashram Absilias.
    Uriah vit que Kysnathian feignit de ne pas comprendre, mais sa phrase venait de faire mouche.
    -Je… Commença à bredouiller Kysnathian.
    Uriah lança un grand sourire joyeux vers Ludivine avant de reporter son regard vers Kysnathian.
    -Sachez juste que nous venons de mettre fin aux interminables querelles commerciales qui vous déchiraient, vous, les Absilias et les Rasmusen. Finalement, après mûre réflexion, nous ne dirions pas non à une tasse de tana. Sortez aussi une de vos bonnes bouteilles, Gregor, nous avons quelque chose à fêter.
    -… A fêter… ? Lui répondit-il de façon incrédule.
    Uriah ouvrit les bras en grand, comme pour désigner tout ce qui les entourait.
    -Nous avons un nouveau contrat commercial à vous proposer. Vous êtes libre évidemment de l’accepter.
    -Ah, je… ?
    Uriah fit un petit signe en direction de ses officiers.
    -Accompagnez-le jusqu’à ses appartements, je ne voudrais pas qu’il se perdre en chemin. Mademoiselle Frae Spinaiser et moi allons vous rejoindre dans un instant. Il fit signe à Altaïr, lui indiquant discrètement de prendre contact avec le Morning Star, afin de connaitre sa position. Il vit que Vesuvio en faisait de même concernant leur propre navire.
    Il attendit que ses hommes s’éloignent avec Kysnathian. Leurs troupes restèrent en retrait mais prirent position afin de sécuriser totalement la passerelle. Une fois qu’ils furent seuls, Uriah se tourna vers Ludivine, sentant soudain qu’il perdait de nouveau ses moyens.
    -Je vous propose de… vous et moi… de tout partager.
    -Elle l’observa de ses grands yeux violets. L’adrénaline lui avait légèrement dilaté les pupilles et empourpré les joues. Elle avait encore le souffle court. Trône, mais pourquoi se retrouvait-il à ce point démuni face à cette fille ? Se dit-il.
    -Tout ?... Lui dit-elle en clignant des yeux. Par Terra, je… Il va falloir que j’y réfléchisse.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/12/2023 à 19:25 Citer ce message

    La journée qui suivit fut consacrée à rassembler les six vaisseaux éparpillés sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, à évaluer les dégâts subits et estimer les pertes en termes d’équipage. C’est là qu’Uriah et ses hommes réalisèrent que mettre la main de force sur de simples navires de commerce était loin d’être une opération sans risque. Quatre navires étaient endommagés et tous avaient perdu entre dix et trente pourcents de leur équipage. Seuls le Vanguard Avenger et l’Omnis Delictum, le Goliath, n’avaient pas subis de dégâts notables. Tous les autres avaient des trous énormes dans leur coque, perdant dans le vide des fragments, des volutes de gaz et d’eau en plus de corps figés dans une ultime agonie. Effectuer un décompte total des dégâts et les chiffrer leur prit une journée de plus. Les réparations prendraient entre deux et quatre semaines, en fonction des navires et il manquait en tout, près de cinquante mille hommes, à répartir sur les six vaisseaux. Le tout était colossal pour un simple accrochage qui aurait dû se régler sans avoir à faire parler la poudre.
    De son côté, Ludivine avait fait le même constat et pour l’heure, Uriah lui proposait de mettre leurs projets en commun. Tous devaient contacter le système Grief pour savoir où en était leurs navires. Si Ludivine avait demandé aux deux vaisseaux qu’elle avait acquis récemment auprès de la Maison Rasmusen de la rejoindre ici dans le système Galen, Uriah envoya un message astropathique à Livia Damael. Elle lui répondit par le même canal dans la journée, confirmant que le lourd transport de classe Universe était désormais sous leur contrôle même si pour cela, elle avait dû faire placer aux fers le capitaine Corvin Klovitz et ses principaux officiers. Elle attendait donc les ordres de son nouveau seigneur-capitaine.

    Un peu plus de trente jours venaient de s’écouler depuis qu’ils avaient quitté Fort Vengeance, bien qu’il ne se fût pas écoulé plus de deux semaines en comptant leur voyage warp. Cette distorsion temporelle était la clé qui permettait de raccourcir des voyages qui aurait pris des mois, voire des années en réalité.
    Pour l’heure ils n’avaient pas d’autres alternatives que de rejoindre Galen VI, le seul monde disposant d’infrastructures portuaires dans les vingt-deux années lumières à la ronde. Au-delà, se situait le système de Surngraad, là où se trouvait le Bastion noir de l’Inquisition, donc autant dire qu’il n’allait même pas être possible de tenter de solliciter l’aide des ordos.

    Le système Galen disposait lui, de deux mondes habitables. Et encore, habitable était un euphémisme car personne n’aurait eu envie d’aller vivre dans de tels endroits. Galen II était un monde pénitencier brutal et étouffant, un enfer carcéral où atterrissaient les pires criminels des trois sous-secteurs environnants. Ceux qui y survivaient étaient fréquemment recrutés dans les légions pénales car leur taux de survie en opération dépassait parfois leur première mission.
    L’autre monde était Galen VI et n’avait pas grand-chose à envier au premier si ce n’est qu’il s’agissait du monde natal de la Brute. Ce monde minier avait jadis été un centre industriel relativement important, du moins depuis le 38ème millénaire. L’exploitation intensive de sels de lithium, de lacs d’ammoniac et de radium avait eu raison de son environnement désormais toxique. Un siècle plus tôt, ce fut pourtant la guerre de Badab qui allait sceller le destin de ce monde. Pour avoir soutenu les sécessionnistes lors du conflit, Galen VI fut frappé durement et une partie de sa population exterminée ou faite prisonnière par les Marines du chapitre Sons of Medusa. Ce point de trahison fut confié à l’Adeptus Arbites et à l’Inquisition. Il n’était pas question de détruire un monde minier car ses ressources étaient indispensables à l’industrie lourde impériale. Après les purges, l’Inquisition trouva plus profitable de condamner la population à six générations de pénitence. Ainsi, durant plus de cent-cinquante ans, des générations de galéniens allaient servir l’Imperium sous le joug de la servitude, que ce soit dans les mines toxiques, dans les fonderies radioactives ou dans les troupes pénales. Leur sort était cruel mais juste et parfois guère différent des citoyens « libres » qui travaillement et mourraient dans exactement les mêmes conditions sur la plupart des mondes-ruches.

    La Brute n’avait pas grandi dans une famille esclave mais au sein d’une famille d’agents des adepta car plusieurs organisations impériales se partageaient le contrôle de Galen VI. L’Inquisition et l’Arbites, pour des raisons de contrôle et de sécurité, mais aussi le Departmento Munitorum et le Mechanicus pour la production et la gestion de la logistique. L’Ecclésiarchie disposait aussi d’un ordre complet de confesseurs et de prêtres qui s’assuraient du maintien en place du Credo et le tout était appuyé par une force locale de défense planétaire soutenue par des troupes de choc lourdes inquisitoriales. Le rang des parents de la Brute lui avait permis de s’élever de son statut de gladiateur des arènes de combat et d’intégrer la schola des élèves-officiers au sein des troupes de défense locale où il servit les années suivantes. Un mariage puis la naissance d’une fille seront les seules maigres consolations de cette vie brutale à cette époque.
    A la fin de l’année 999 du 41ème millénaire, la 13ème Croisade Noire d’Abaddon viendra sceller le futur précaire de l’Imperium, en commençant par la destruction de Cadia et de plusieurs systèmes planétaires de défense. Le cataclysme qui suivit déchira la galaxie en deux par une faille warp qui allait engloutir la moitié des mondes impériaux dans la Grande Nuit. Comme des centaines de millions d’hommes et de femmes, la Brute fut mobilisé et envoyé avec un corps d’armée pour combattre dans les Etendues de Golgotha, vers la frontière de la Grande Faille. La Croisade Indomitus venait de commencer et durerait encore un siècle de plus. C’est lors d’une bataille, à l’époque, qu’il croisa la route d’Isabella Goldberg et de Djokovitch Van Bergen, alors de tout jeunes officiers de la marine impériale. Il ne les reverra que des années plus tard. Il ne reverra jamais sa femme non plus. Il apprit sa mort, tuée lors d’une révolte sur Galen VI. Ce fut la dernière fois qu’il vit aussi sa fille, alors âgée de huit ans.
    Les années qui suivirent furent sans doute les pages la plus sombres de son épopée. De simple survivant d’un massacre total lors d’une campagne titanesque, il passa au rang d’esclave, lui qui avait cherché à s’élever dans un monde en servitude. Passant de mains en mains, il combattit pour des xenos, des pirates puis pour la pègre sur Pireaus. Plus de dix ans s’étaient écoulés quand une nuit, Isabella, surgit de nulle part, le fit sortir d’une arène de combat, les armes à la main, où il était retenu captif pour le compte de la Kasballica. Ce lien et cette dette resterons gravés en lui tels ces années de carnage. Isabella venait de mettre la main sur le Morning Star, arraché des mains de son hérétique de pirate de père et comptait bien en faire son propre vaisseau et reprendre la Lettre de Marque pour son compte. Elle avait besoin d’officiers de confiance à ce moment-là. Djoko serait son pilote, Altaïr, leur complice de toujours serait son sénéchal et forcément, la Brute serait son archimilitant.

    Pendant toutes ces années à combattre dans des fosses, il était juste devenu « La Brute », capable de tuer un drukhari avec une lame ou de démembrer un servitor de combat. Des décennies après, il en gardait encore des stigmates. Des muscles synthétiques sous ses cicatrices, un blindage sous-dermique et une résistance naturelle à certains polluants, en plus de facultés martiales hors du commun.
    Son nom ? Son véritable nom, seule Isabella le connaissait, parait-il, car son passé était mort et enterré de longue date. Djoko avait dû le connaitre aussi mais racontait qu’il ne s’en souvenait plus. Son nom n’avait fait que lui attirer la mort de toute façon, car il était synonyme de légende, de héros demi-dieu et de gloire. Or sa vie n’avait rien eu de glorieux. Que restait-il aujourd’hui ? A peine de cruels souvenirs qui n’auraient jamais dû remonter… Pourtant, là en approchant de Galen VI il ne put s'empêcher de repenser à la mort de sa femme des années auparavant et au fait que sa fille Alicia, si elle était encore en vie, avait eu vingt-trois ans le mois dernier.
    -Fais-nous préparer une navette, nous retournons sur le Morning Star, lui dit Uriah qui le tira de ses pensées. Appelle Djoko et dit-lui de préparer la passerelle, nous mettons le cap sur Galen VI.
    Ils avaient décidé de partir en avant, avec leur navire principal, comme il était un des plus rapides. De plus, Uriah voulait arriver en avance afin de négocier avec les autorités avant que les cinq autres navires ne suivent. Il craignait qu’arriver ainsi, en masse, risquerait de donner une image agressive et préférait clairement l’éviter. On parlait de l’Arbites et de l’inquisition, il n’était pas question de faire n’importe quoi.
    Il parvint à convaincre Ludivine de l’accompagner à bord du Morning Star, plus rapide que le Daughter of Tempest. Elle finit par accepter, tombant d’accord avec Uriah. Elle laissa cependant le commandement à d’autres officiers de sa passerelle, dont sa pilote. Ludivine voyagerait avec Uriah, en compagnie de Vesuvio et de Syulf Solimar son sénéchal.
    Elle et Uriah en firent de même sur les autres navires, y transférant une partie de leurs officiers et de leurs troupes afin de contenir tout risque de mutinerie. Mais même ainsi, l’équilibre allait rester précaire, raison pour laquelle ils laissèrent la frégate de Ludivine épaulée par le Vanguard Avenger. En cas de sédition des autres navires, ils auraient la puissance de feu de leur côté. Cette décision n’était pas la meilleure mais faute de mieux, elle serait la moins pire en attendant que de nouveaux capitaines soient nommés et un équipage reconstitué.

    Le Morning Star mit quatre jours à rejoindre Galen VI. Quatre jours pendant lesquels, ils eurent tout le loisir de se remettre de leur dernier combat. Altaïr, ce qui n’était pas habituel, passa du temps au stand de tir et s’entraina aux données balistiques et à mieux estimer son environnement en situation de combat, points qui lui avaient fait défaut jusque-là. De son côté, la Brute l’accompagna mais travailla sa souplesse et son endurance, comme c’était souvent le cas. Uriah avait délaisser les armes et se consacrait presque exclusivement à discuter avec Ludivine. Il s’était arrangé pour lui trouver une suite, pour elle et ses officiers et fit en sorte qu’elle soit traitée telle une invitée de marque afin d’agrémenter au mieux ces quatre jours. A plusieurs reprises il tenta de parler affaires, tout en mêlant des sentiments naissant en même temps. Mais force était de constater que les deux s’aventuraient sur un terrain de plus en plus glissant…

    Un soir, Ludivine et Uriah discutaient en privé sur un des canapés d’un des salons du stratégium, face à une des baies donnant sur l’espace.
    -Si c’est quand même pas malheureux, lâcha Djoko tout en les observant de loin. Ils étaient assis à la table de leur strategium tandis que Jocasta venait tout juste de s’éclipser. Elle avait prétexté devoir méditer et entrainer son esprit à mieux gérer les distorsions temporelles, ce qui les laissa perplexes comme toutes ses warperies en général.
    -Quoi donc ? Demanda la Brute qui se resservit un shot de raenka.
    -Leur petit manège à tous les deux, ajouta Altaïr.
    La Brute jeta un coup d’œil dans leur direction.
    -C’est une affaire qui roule, faut leur laisser le temps.
    -Oui, bin à ce rythme-là, Guilliman sera un vieillard impotent avant qu’Uriah ait pu conclure avec la petite, lâcha Djoko d’un air dépité. Non mais ils s’y prennent comme des manches aussi.
    Altaïr le regarda avec un large sourire.
    -Aaaah, mais venant de notre grand Djoko, je me dis qu’ils ont peut-être bien raison de prendre tout leur temps, vois-tu. On a arrêté de compter tes multiples conquêtes sans lendemain depuis bien longtemps. Ton histoire avec Montoya est finie ou elle a repris ? C’était avant ou après celle avec Alexia ? Je ne sais plus…
    -Va chier, avec tes vieux grimoires. Ça fait six ou… peut-être huit ans que je suis avec Bonnett, je te le rappelle. Morgane Montoya c’est de l’histoire ancienne et Alexia ça n’a jamais compté en plus. J’étais déjà avec Alisabeth Bonnett à l’époque.
    -Ah ! Qu’est-ce que je disais !
    -On va avoir un enfant d’ailleurs.
    Altaïr et le Brute se figèrent, se demandant s’ils avaient bien entendu. Ils connaissant trop bien Djoko pour savoir qu’il ne plaisantait pas avec ce genre de sujet.
    -Merde, toi et Bonnett ? Tu comptais pas nous le dire ?
    -Bin, là je vous le dis.
    -C’est une grande nouvelle… Djoko va devenir papa… Lâcha la Brute.
    -Ouais bin, je ne sais pas si c’est la meilleure idée du siècle, vu la gueule de la galaxie.
    -Arrête, Bonnett doit être ravie en plus. Et toi, tu devrais l’être aussi, espèce de tête de grox.
    Djoko pointa Uriah du menton.
    -N’empêche que les deux, là-bas, s’y prennent comme des manches. Regardez-moi ces empotés !
    -Ils n’ont que dix-neuf, d’un autre côté… Ajouta la Brute
    -D’ailleurs notre cher capitaine aura vingt ans dans une dizaine de jours, je vous le rappelle.
    -Bin heureusement que tu es là avec ton abaque pour nous rappeler les chiffres, Monsieur la Science, parce que les dates et moi, ça fait deux, lâcha Djoko.
    -Va falloir qu’on lui trouve un cadeau, compléta la Brute.
    -Je vous laisse y réfléchir, mes amis. Et soyez original pour une fois. Moi, je vais commencer à plancher sur le mariage à organiser. Il va nous falloir un cardinal aussi, je veux que ça marque les esprits.
    Djoko lâcha un petit rire.
    -T’as pas l’impression de t’emballer un peu, là ? Et pourquoi pas le Primarque aussi ?
    -Non, justement, je me dis qu’on a enfin là, l’opportunité de monter une vraie dynastie digne de ce nom et de jouer dans la cour des grands de ce secteur si les deux gamins ne me sabotent pas tout avant.

    Au quatrième jour, la passerelle les informa qu’ils étaient en approche de Galen VI. La station Purgatoria située en orbite du monde minier les contacta afin de demander de s’identifier. Ils furent autorisés à s’arrimer à un des docks de la petite station. Une fois la manœuvre d’amarrage effectuée, ils débarquèrent. Uriah demanda à Djoko de rester à bord et de prendre le quart sur la passerelle. Son passif avec les autorités et l’Inquisition risquait de leur jouer des tours. Officiellement il était toujours recherché pour vol, contrebande, désertion et insubordination. S’il était pris, il risquait la pendaison mais en un tel lieu, il risquait un sort bien moins enviable.
    Uriah décida de se rendre sur la station, accompagné de la Brute, Altaïr et Jocasta mais aussi de Ludivine et ses deux officiers. Mais en descendant de la rampe, ils virent le comité d’accueil composé d’adeptes et d’arbitrators équipés d’auspex genetor.
    Uriah tressaillit et conseilla aussitôt à Altaïr de remonter à bord. S’il était identifié, son passé de contrebandier et de faussaire n’allait pas jouer en leur faveur, là non plus.
    -Ils vont capter nos empreintes genetica. Toi aussi s’ils te trouvent…
    -J’ai compris, je remonte rejoindre Djoko. Je laisse mon microvox ouvert, au cas où.

    Ils se présentèrent au contrôle de la station et durent remplir chacun un formulaire, laisser leurs empreintes génétiques et fournir la raison de leur visite en un tel lieu de haute sécurité. Ils expliquèrent être des libres-marchands qui subirent une attaque de pirates dans les environs, demandant ainsi la possibilité d’effectuer des réparations mais aussi de pouvoir recruter de nouveaux hommes d’équipage parmi les prisonniers.
    Un marshal de l’Arbites, attentif à leur histoire de pirates, leur demanda qu’ils leur fournissent tous les détails, le plus rapidement possible, afin qu’il envoie des navires traquer une telle vermine. Devant son insistance, Uriah et la Brute décidèrent de tempérer et lui promirent qu’ils allaient évidemment répondre à sa demande dès que possible. Ils allaient évidemment devoir falsifier des preuves et cela ne les enchantaient guère.
    Un adepte du Munitorum du nom de Ghisbert Arnasher se présenta à eux et leur présenta rapidement la station, du moins les seules zones autorisées. Uriah lui fit part de sa demande de réparation ainsi que sa demande en main d’œuvre. L’adepte les convia dans un des bureaux afin de commencer à établir les chiffrages, les devis et les délais. Ils évoquèrent les cinq autres navires. Après une bonne demi-journée de travail, il fut estimé que les travaux, seuls, sur le Morning Star, prendraient deux semaines en tout. Près de quatre-cents mètres de surface de coque allait devoir être colmaté, sans parler des réparations internes à réaliser sur les ponts et coursives. Ces deux semaines allaient permettre aussi de recruter les dix-mille hommes nécessaires qui manquaient à son équipage. La somme a engager qui se chiffrait en millions, était conséquente mais parut des plus raisonnables, notamment à cause du coup de la main d’œuvre qui était quasiment nul. Ils n’eurent à engager qu’à peine plus que le coût des matières premières. Sur Fort Godwinne ou sur Pireaus ou même Fort Vengeance, ils auraient pu multiplier ces coûts par cinq ou six.

    Dans cinq jours, les cinq autres navires allaient arriver, eux aussi mais le sous-prefectus Arnasher parut moins confiant.
    -Comprenez bien que nous sommes une petite structure et Fort Purgatoria n’a pas vocation à effectuer les réparations de toute une flotte.
    -Nous paierons, bien évidemment, lâcha Ludivine qui fronçait un peu les sourcils, réalisant que sa frégate risquait fort d’être reléguée avec les simples transports.
    L’adepte leva une main augmentique en signe d’apaisement.
    -Nous sommes aussi limités par nos propres ressources. De plus nous ne disposons que de trois docks d’arrimage disponibles. Nous verrons ce que nous pourrons faire mais je vous recommanderai de prioriser peut-être certains navires.
    Uriah hocha la tête.
    -Nous ferons cela. Le navire de mademoiselle Frae Spinaiser fera partie des trois prochains dans ce cas.
    A la sortie de la réunion, ils décidèrent de retourner à bord du Morning Star. De toute façon, le cycle nocturne avait déjà commencé. Avant de remonter ils restèrent à discuter devant une des baies vitrées donnant sur le monde minier en contrebas. Ses étendus désertiques ocre rouge emplissaient presque toute la vue.
    Ludivine préféra se retirer avec ses officiers et remonta à bord dans sa suite. Elle les salua avant de leur fausser compagnie.
    -Je pense que j’ai fait économiser une jolie somme pour les travaux, c’est Altaïr qui va être content, souffla Uriah.
    -Je vais demander une accréditation pour faire un saut à la surface dès demain, si tu n’y vois pas d’inconvénient, lui glissa la Brute.
    -Pour ?
    -Par raison… Personnelle.
    Uriah se rappela qu’il avait laissé de la famille ici et hocha la tête.
    -D’accord, mais je préférerai que tu n’y ailles pas seul.
    Son regard fut alors attiré par un groupe de cinq individus vêtus de longs manteaux et escortant un navigator passant dans un couloir proche. Sans doute ses gardes du corps.
    Jocasta attrapa le bras d’Uriah et resta figée, les yeux écarquillés, le temps qu’ils passent.
    -Le navigator… je le connais, c’est un de mes cousins de notre Maison mais les… hommes qui l’accompagnent…
    -Ses gardes du corps ?
    -Ce ne sont en rien des gardes du corps, souffla la Brute, tout en effleurant les crosses de ses deux pistolets bolter.
    -Il a raison… Je reconnais leur blason. Ce sont des émissaires de la Maison Petrov.
    -Les même que ceux qui cherchaient à te tuer le jour où on t’a rencontré ?
    -Et pas juste me tuer. Ils cherchent à éliminer toute ma famille.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 21/12/2023 à 23:27 Citer ce message

    Uriah activa son microvox, tandis que la Brute suivait le petit groupe de loin. Il appela la passerelle du Morning Star.
    -Altaïr, Djoko est avec toi ?
    -Il est là, oui. Besoin de nous ?
    -Oui, on est bien certains qu’il n’y a pas d’autres vaisseaux dans les parages ? A part ceux de l’Arbites, je veux dire.
    -On va vérifier ça avec le Magos Coriolis, le maitre des auspex. On te rappelle.
    -D’accord, faites ça.
    Il coupa la connexion et reporta son attention vers la Brute. Jocasta le suivait, à ses côtés, visiblement soucieuse de voir que des agents d’une maison rivale étaient ici, sur la même station qu’eux. La Brute se tourna vers eux et leur fit signe de le suivre discrètement.
    -Ils se dirigent vers un des hangars à navettes, leur dit-il. On fait quoi ?
    Uriah interrogea Jocasta du regard.
    -Ton cousin… Vous êtes proches tous les deux ? Tu tiens à le sauver ?
    -Proches… Non, pas vraiment mais oui, nous aurions un certain intérêt à le sauver. Cela ferait un navigator de plus au service de la Maison Goldberg et croyez-moi, ce n’est pas rien. De plus, je ne peux rester indifférente au fait qu’ils cherchent à annihiler ma propre famille.
    -Et tu saurais le convaincre de travailler pour moi ?
    -Si nous le sauvons, cela ne devrait pas être trop difficile, à mon avis.
    -Alors hâtons-nous.
    Il fit signe à la Brute de passer devant. Ce dernier hocha la tête tout en dégainant ses deux pistolets bolter. Cinquante mètres environ les séparaient d’une écoutille qui s’était refermée sur le passage de leurs ravisseurs. Ces derniers venaient de les repérer et cherchaient à les distancer. Le couloir situé au-delà, menait tout droit vers une zone technique qui donnait vers des hangars à navettes. Ils s’y précipitèrent, ouvrirent la porte en enclenchant la rune d’accès et pointant leurs armes, vérifièrent que la voie était libre. Ce qui était bien le cas. Les couloirs et salles techniques situées juste après étaient faiblement éclairées et désertes, à l’exception de quelques servitors monotâches dédiés à quelques opérations de maintenance. Se montrant discrets, en suivant les indications de leur archimilitant, ils progressèrent de salle en salle jusqu’au moment où Jocasta les arrêta d’un geste. Elle venait de repérer à l’avance, deux hommes en armures intégrales noires et armés de fusils laser courts, qui les attendaient en embuscade. Il s’agissait bien de ces hommes de la Maison Petrov. Ils ouvrirent le feu en rafale, saturant le couloir de traits d’un rouge incandescent, qui illuminèrent les parois de façon stroboscopique. Ils se plaquèrent de chaque côté d’une coursive derrière des contreforts, pourtant un tir chanceux lacéra le mollet de la Brute qui se mit à grogner de douleur. Il riposta, appuyé par Uriah et fit mouche. Collant deux bolts sur un des tireurs et le réduisant en bouillie sanglante en un instant. Ses restes maculèrent une cloison de manière écœurante. Uriah avait touché le second tireur mais trop légèrement, ce qui ne lui occasionna que de légères blessures.

    Jocasta en avait profité pour se servir du warp pour plier l’espace-temps à sa volonté. Elle se projeta à travers une bulle temporelle et se matérialisa dans un des couloirs derrière le dernier tireur. Celui-ci prit ses jambes à son cou et détalla dans une étroite coursive adjacente. Elle en profita pour ressentir la signature warp de l’autre navigator dans cette même direction et s’y dirigea, pourtant le fuyard ouvrit la feu et la toucha de justesse. Les tirs de laser furent absorbés par son armure composite d’origine xenos, ce qui ne l’empêcha pas de tomber à la renverse dans le couloir en poussant un petit cri.
    Mais la Brute, ignorant sa blessure, l’avait déjà rejoint en quelques enjambée et chercha à charger le fuyard, Uriah sur ses talons, dégaina son épée et s’arrêta devant Jocasta, l’aidant à se relever, voyant qu’elle serrait les dents.
    -Pas trop blessée ?
    -Allez-y, ça ira…
    Une fois dans la coursive, la Brute repéra sa cible qui venait de passer une porte, il s’y engagea à son tour mais le type l’y attendait et lui sauta dessus, cherchant à le frapper avec son poignard monomoléculaire. Il évita la lame de justesse, dégaina sa propre épée, il chercha à le frapper en retour et à faire feu de son autre main, mais son agresseur l’en empêcha. Uriah arriva à ce moment-là et planta le type avec son épée énergétique. Touché grièvement, il tomba au sol, ce qui laissa le champ libre à la Brute qui se rua dans la salle suivante, un entrepôt où les trois derniers assaillants se repliaient avec leur prisonnier. Deux d’entre eux ouvrirent le feu à l’aide de leurs pistolets radiant mais même à cette distance, ils manquèrent leur cible. La Brute évita une des rafales et presque sans prendre la peine de viser, avait ressorti son deuxième pistolet bolter et les abattit sans la moindre sommation. Eux aussi furent démembrés par les bolts explosifs qui ne leur laissèrent aucune chance. Le dernier homme avait disparu, emmenant avec lui le navigator captif vers une navette Arvus. Il était en train de crier quelque chose au pilote. A travers les piles de caisses et les volutes de fumées et de vapeur, Il le chercha du regard, ses armes à la main. Uriah en fit de même mais se dirigea vers la rampe arrière abaissée de la navette Arvus dont les moteurs venaient de démarrer. Jocasta le suivait de près. Il vit le type en question avec le navigator, il était occupé à parler au pilote. D’une voix forte, Uriah lui cria de lâcher son arme tout en approchant. L’homme de main poussa le navigator, cherchant à le faire tomber sur Uriah mais n’y parvint pas. Il tira et manqua sa cible, du coup il dégaina sa dague et chercha à planter Uriah avec mais ce dernier d’un geste souple du poignet, sectionna la lame en deux avec son épée énergétique. Le pilote qui s’était retourné et qui venait de voir la scène, venait aussi de dégainer son pistolet laser et fit feu au moment où, anticipant son action, Jocasta venait de lui tirer dessus avec son canon poing. Elle avait chargé son élégant pistolet Kayer-Addin avec des balles électrostatiques capable de sonner un adversaire. Le projectile n’eut pas l’effet escompté, pourtant l’impact suffit à dévier la rafale de laser qui manqua la tête d’Uriah de peu, sectionnant au passage, une ou deux plumes de son couvre-chef.
    Les deux hommes allaient riposter mais en voyant la Brute qui approchait d’un pas décidé, ses bras épais maculés de sang et ses deux pistolets bolter menaçant parés à faire feu, tous deux déposèrent leurs armes et se rendirent. Uriah demanda à la Brute d’emmener l’homme de main et chargea Jocasta de s’occuper du navigator pendant qu’il rengainait son épée et vint s’entretenir avec le pilote.
    -Je vous laisse partir si vous me dites pour qui vous travaillez.
    -Je… Je ne suis pas censé être autorisé à…
    -Je sais, mais il se trouve que nous venons d’abattre quatre inconscients qui interfèrent dans mes projets. Je ne plaisante pas. Qui vous a envoyé ?
    -Je ne suis qu’un simple pilote… Leurs affaires ne me regardent pas.
    -Cette navette vient bien d’un vaisseau ? Si je dois vous abattre, je finirais assez facilement par retrouver son matricule et donc son navire. Parlez, ça vous épargnera la vie, croyez-moi.
    -L’Anacreon Decimus, un navire marchand de classe Orion. C’est de là que vient cette navette. Je n’en dirais pas plus.
    -Bien. C’est tout ce que j’avais besoin de savoir, de toute façon. Vous pouvez rejoindre votre navire.

    Uriah redescendit de l’Arvus et vint retrouver la Brute, Jocasta, le navigator et le captif.
    -Tâchons de dissimuler les corps et tournons sur le Morning Star.
    Il désigna l’homme de main que tenait la brute qui venait au passage de récupérer des pièces d’armures.
    -Je te laisserais le faire parler. Je vais contacter Altaïr, j’ai besoin d’informations sur un navire.

    Une heure plus tard, ils étaient dans le strategium en train de débriefer sur les derniers évènements et faire soigner les quelques blessures. Ils n’avaient pas eu le temps de se charger des corps car des hommes armés et des techniciens, attirés par les coups de feu venaient de faire irruption. L’alerte fut donnée et ils n’eurent que le temps de décamper pour remonter à bord de leur navire.
    Le navigator se nommait Josmane Jenassis et était bien le digne cousin de Jocasta. Lui aussi possédait un visage à faire des cauchemars et semblait bien plus terrorisé en réalité par la situation. Il était évidemment heureux d’être encore en vie et leur était reconnaissant. En revanche, il craignait pour les représailles. Il était très conscient que les Petrov avaient du poids et des relations. D’autant plus qu’Uriah venait d’apprendre par son sénéchal que les Petrov étaient très certainement en affaire avec la Maison Macritch, puisqu’un de leur navire, l’Anacreon Decimus mouillait en effet, en orbite basse au-dessus de Galen VI. Et cerise sur le gâteau, il se trouvait que cette peste d’Alexia Coligny, croisé quelques jours plus tôt sur Fort Vengeance était justement la capitaine de ce navire. Un autre navire était aussi dans les environs, un transport de classe Loki appartenant à la Maison du libre-marchand Arden Lang. Altaïr doutait cependant que ce dernier soit impliqué dans quoi que ce soit.
    -Les Macritch ? S’étonna Jocasta.
    -Oui, un puissant empire militaro-commercial. Ils possèdent l’Alliance Trygone, une grosse maison chartiste et le Groupe Aureus qui compte un conglomérat minier et une alliance bancaire. Autant dire qu’ils travaillent pour la plupart des maisons nobles et bon nombre d’adepta. On ne va clairement pas s’y frotter.
    -On a pourtant abattu quatre des leurs et on a un prisonnier, lâcha la Brute.
    -Techniquement, ce sont les hommes de main de la Maison Petrov, leur navigator, pas de la Maison Macritch.
    -Ça ne change rien.
    -Peut-être que si, ajouta la navigator. Une vendetta entre maisons de la Navis serait parfaitement tolérée, même pour les Macritch. Mais cette version devra être officielle sinon, c’est vous qui risquez bien d’être en guerre ouverte avec une puissante maison marchande.
    -A réfléchir, en effet, répondit Uriah, mais nous allons devoir marcher sur des œufs avec l’Arbites dans les parages…
    Altaïr fit alors son apparition dans le strategium, une missive à la main.
    -Je reviens de la passerelle, on a un autre problème.
    -Notre histoire d’attaque de pirates ? C’est vrai qu’on devait leur livrer notre version… Peut-être ferions-nous mieux de dire que nos deux maisons, celle de Ludivine et la mienne, se sont quelque peu querellées ?
    -Non, ça c’est surement le cadet de nos soucis…
    -Ils ont trouvé les corps ?
    Altaïr se contenta de lui tendre le document. Uriah blêmit en reconnaissant le i barré des Ordos. Il n’était pas sans savoir qu’ici-même sur Fort Purgatoria se trouvait bien un bureau de l’Inquisition.
    -Eh bien ? Lui demanda la Brute, après quelques instants.
    -L’inquisitrice Taria Shard sollicite ma présence ainsi que celle de Ludivine dans ses quartiers, séance tenante…
    -Nous voilà bien, souffla la Brute.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/01/2024 à 23:51 Citer ce message

    Pour les besoins de cet entretien, Altaïr demanda à Säde son assistance pour l’aider à se déguiser. Il allait accompagner Uriah mais sous l’identité d’un simple intendant, un de ces factotums à leur service. Ce qui lui permit de passer les contrôles sans problème. Uriah le présenta comme un simple adepte de sa suite. Cela parut convaincre les arbitratos. En revanche, ils prélevèrent ses empreintes rétiniennes. Altaïr allait devoir la jouer serré car tôt ou tard, leur base de données finirait peut-être par faire le lien avec son propre passé dans le commerce froid.
    Ils furent conduits jusqu’aux bureaux des ordos où des commandos des troupes de choc étaient en faction. Chacun était équipé d’une solide armure carapace intégrale noire et rouge et armé d’armes d’assaut. Leur physique, même sans armure ne devait avoir rien à envier à la Brute. Tout comme leurs prouesses martiales. Jouer aux malins avec eux était le meilleur moyen de finir d’une mort extrêmement brutale et rapide. Ils leur demandèrent de s’arrêter et de leur remettre toutes leurs armes à feu, ce qu’ils firent.
    Une fois chose faite, ils furent conduits vers une zone de haute sécurité jusqu’à une double-porte. On leur indiqua d’entrer. Deux autres commandos, identiques à ceux se trouvant dans les coursives étaient en faction, les scrutant de leurs optiques rouges.
    Uriah et Ludivine n’en menaient clairement pas large. Les suivaient Altaïr, La Brute et Jocasta. La pièce était vaste et plutôt profonde avec un bureau tout au fond, à vingt ou trente mètres de là, le tout élégamment décoré mais de manière assez sobre. Une femme d’âge mûr, aux cheveux courts et argentés était affairée à rédiger un document. Sous un plastron argenté, elle portait un uniforme gris d’officier comme on en trouve au sein de certains régiments de l’Astra Militarum. Son visage était sillonné d’anciennes cicatrices. Son seau des ordos pendait à une chaine en argent.
    Un gros félide au pelage bleu clair était posé nonchalamment sur un sofa à sa droite, il les scruta avec attention. Se pupilles se dilatèrent tandis qu’il observait Jocasta. A sa gauche, un homme à l’apparence sinistre et masqué se tenait là, dos à une bibliothèque avec ses mains dans le dos et une épée à la ceinture. Aussi immobile qu’une statue, il les observait lui aussi en silence et avec la plus grande attention.
    Uriah se pencha légèrement vers Altaïr tout en avançant.
    -C’est quoi cette bestiole ? Lui dit-il à voix basse.
    -Un gyrinx.
    -Un quoi ?
    -Une sorte de félide psychique.
    -Oh…
    Sans relever la tête de son bureau, l’inquisitrice effectua un geste de la main, dans leur direction.
    -Approchez.
    Une fois parvenus à moins de deux mètres de son large bureau, elle releva son visage vers eux. Désignant deux fauteuils juste devant son bureau, elle indiqua à Uriah et Ludivine de s’assoir. Ce qu’ils firent sans discuter. Elle les observa avant de poursuivre.
    -Savez-vous qui je suis ?
    Uriah s’éclaircit la gorge.
    -Vous êtes l’Inquisitrice Taria Shard.
    -De la Très Sainte Inquisition. De l’Ordo Hereticus pour être plus précise. J’ai la charge de ce monde et de cette station. Cela ne vous parle peut-être pas mais qu’importe. Même si vous me paraissez bien jeunes tous les deux, je sais que vous avez reçu une éducation et savez pertinemment ce qu’est l’Inquisition. N’est-ce pas ?
    -Oui, Madame, émit Ludivine dans un simple souffle.
    -Voilà qui me hôte un doute. Au moins par égard pour vos parents qui ont servi ces dernières années au sein de la Croisade Indomitus, je ne vous mettrai pas aux arrêts.
    Elle plongea son regard perçant comme une lame de force dans celui d’Uriah.
    -Je suis étonnée de ne pas voir votre tante Isabella. Que devient-elle ?
    -Elle a disparu. J’ignore actuellement où elle est.
    -Ceci explique donc cela… Même si la fougue de la jeunesse ne doit pas tout excuser, voyez-vous. Savez-vous pourquoi vous êtes ici ?
    Les deux jeunes capitaine répondirent non en même temps, visiblement très nerveux. Le gyrinx feula légèrement.
    L’inquisitrice se cala dans son fauteuil, joignant ses doigts bagués.
    -L’un de vous deux est sincère au moins. Commencez par me parler de la raison de votre venue ici, sur Port Purgatoria. En général, personne ne vient ici de son plein gré ou sans une excellente raison. Racontez-moi votre histoire de pirates qui vous ont attaqué. Et je ne veux pas entendre la soupe que vous avez cru bon servir à l’Arbites.
    Ludivine se prit sa visage entre ses mains alors qu’Uriah se râcla la gorge avant de répondre.
    -Nous n’avons pas tout dit, en effet…
    L’Inquisitrice l’encouragea à poursuivre, d’un geste de la main.
    -Il n’y avait pas de pirates. Il s’agit d’un simple différent commercial. Un point de désaccord avec la Maison Kysnathian. Nos navires ont tous été engagés dans cet accrochage aux abords du système. Six de nos navires en tout, avec celui qui est déjà à quai. A présent, nous sommes en passe de trouver un accord. Rien de plus… Nous sommes ici pour quelques réparations en réalité.
    Taria Shard hocha lentement la tête puis interrogea Ludivine du regard.
    -Je confirme ce que vient de dire mon… Confrère, répondit la jeune capitaine dans un léger murmure.
    L’inquisitrice les jaugea du regard tous les deux.
    -Ai-je l’air d’une réparatrice de navette Arvus ? Vos histoires de petite guerre commerciale que vous apportez ici, ne m’intéressent en rien, voyez-vous ?
    Uriah préféra ne rien répondre. Tout comme Ludivine.
    L’inquisitrice se contenta d’activer une tablette de données posée sur son bureau et leur montra l’écran. On pouvait y voir des coursives dans une petite séquence vidéopix. Quatre individus escortaient un navigator suivis quelques dizaines de mètres plus loin par Uriah et ses hommes.
    Ludivine fronça les sourcils, ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait. Et pour cause, elle n’était pas présente au moment des faits. En revanche, Uriah, la Brute et Jocasta comprirent aussitôt leur imprudence. L’inquisitrice reprit :
    -Cette station est un lieu de haute sécurité à cause de la population carcérale qui se trouve en surface mais aussi en orbite. Une partie de ces criminels sont des troupes pénales qui rêveraient de vous ouvrir la gorge si nous ne maintenions pas une sécurité maximale en un tel lieu. Raison pour laquelle une majorité de nos coursives est surveillée par des servo-pix. Cela me permet de toujours avoir un œil sur ce qui s’y passe. Alors, comprenez bien que mentir à l’Arbites pour mettre les pieds sur ma station et y abattre froidement quatre personnes, à peine une heure après, ça va peut-être me concerner.
    Elle reposa la tablette sur son bureau avec un geste sec dont l’écho claqua dans toute la pièce. Son regard ne quittait pas Uriah.
    -On y voit toute la séquence en détails. Pour l’instant, l’Arbites ne l’a pas encore visionné mais un mot de ma part et vous et vos as de la gâchette allez vous retrouver à casser des cailloux à la surface de ce monde irradié pendant les soixante prochaines années si vous survivez aux six premiers mois.
    Elle laissa passer quelques secondes, des fois que l’un d’eux décide d’ouvrir la bouche. Mais ils eurent au moins la sagesse de ne même plus oser respirer. Elle préleva des documents dans une des pochettes posées sur son bureau. Le premier était une affiche sur laquelle il était indiqué « Recherché mort ou vif » écrit en gras. Le visage de Djoko ainsi que son nom y figuraient juste en-dessous, accompagnés d’une forte somme d’argent. Bien que l’intéressé aurait été certainement déçu de ne pas valoir plus que cela. Elle posa l’affiche devant eux et en sortit une autre, cette fois-ci au nom d’Altaïr et la posa juste à côté.
    -J’en ai tout une petite collection comme ça. Je suis certaine que le Juge Carmeda serait soulagé de mettre la main sur cette petite bande de malfrats. Je continue ?
    Uriah hocha la tête en signe de négation. Ludivine avait son visage baissé, ses mains jointes et Uriah pouvait l’entendre réciter tout bas et en boucle, la Prière de l’Empereur.
    -Bien, continua l’inquisitrice. Puisque tout le monde est concentré, vous allez me parler de ce que l’on voit sur cette vidéo-pix. Nous sommes d’accord sur le fait que l’on reconnait bien votre équipe.
    Elle porta son regard sur Jocasta puis sur la Brute.
    -Je viens de réaliser que c’est vous… Vous avez abattu quatre hommes et aurez même pu abattre les six à vous tout seul. Vos talents doivent être appréciés, j’imagine ?
    La Brute était au garde-à-vous, posté derrière le siège d’Uriah. A ses côtés, Jocasta cherchait à se faire oublier derrière ses propres cheveux noirs comme la nuit. Altaïr espérait juste que ce maudit félide cesse de le dévisager.
    -Ils le sont, Madame, répondit la Brute de sa voix grave et non sans une pointe de fierté.
    -Je n’en doute pas. Mais nous ne sommes pas ici dans une kermesse des FDP. Il y a des règles à ne pas dépasser.
    Elle feuilleta les documents de sa pochette puis s’arrêta sur un des dossiers.
    -D’un autre côté, avec un tel nom de famille, il y a sans doute une certaine logique…
    Uriah fronça les sourcils à cette remarque, réalisant que la Brute avait un véritable patronyme qu’il ne connaissait toujours pas. La Brute n’avait jamais eu de nom et tout le monde s’en était accommodé et pourtant… il était vrai que tante Isa lui avait dit qu’elle seule connaissait sa véritable identité.
    -Je veux toute l’histoire, lui demanda alors l’inquisitrice.
    Uriah lui raconta tout. Le cousin de Jocasta captif d’hommes de main d’un rival de la Maison Petrov, leur tentative pour le libérer, les tirs, la riposte. Les morts et un des tireurs retenu encore captif.
    -Ce sont eux qui ont ouvert le feu en premier, ajouta enfin Uriah. Nous n’avons fait que riposter.
    -Vraiment ? Dit-elle d’un air dubitatif.
    Altaïr qui n’avait pas parlé jusque-là, désigna la tablette de données.
    -Les enregistrements doivent certainement le confirmer, dit-il.
    Elle déroula de nouveau la vidéo et s’arrêta au moment des premiers tirs. Elle repassa la séquence plusieurs fois. On y voyait clairement deux hommes embusqués dans une coursive, puis qui leur tiraient dessus à l’aide de carabines laser. Elle coupa l’alimentation et reposa la tablette, se calant de nouveau dans son fauteuil. Elle resta à observer Jocasta.
    -Une histoire entre maisons navigators, donc ?
    -En effet, Madame. Ils détenaient mon cousin et je ne…
    -Quand bien même ce serait le paternova en personne ! Vos histoires de vendetta de la Navis Nobilite m’ennuient sérieusement. Tout comme vos querelles commerciales m’exaspèrent. Savez-vous pour qui travaille vos rivaux ?
    -J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une maison marchande, les Macritch, Madame.
    -Justement et il ne s’agit pas de n’importe quelle maison commerciale. Je viens de m’entretenir juste avant, avec Alexia Covigny, la capitaine de l’Anacreon Decimus qui mouille quelque part en orbite de Galen VI. En signe d’apaisement, vous allez restituer votre prisonnier à leur navigator et eux en feront de même avec votre… Je ne sais quel cousin.
    Uriah hocha la tête.
    -C’est d’accord.
    -Je n’ai pas terminé. Parlez-moi de vos autres vaisseaux, ceux censés arriver ici dans cinq jours, dit-elle en reportant son regard vers Uriah et Ludivine. De quel genre de navires parle-t-on ?
    Ils lui firent un rapide résumé des navires en question.
    Uriah commença à deviner les filets dans lesquels il venait de s’engluer…

    -Ce monde miteux autour duquel nous gravitons compte vingt-six millions de pénitents dont le seul et unique crime est de porter les péchés des pères de leurs aïeux qui avaient soutenu jadis une sédition, leur répondit l’inquisitrice.
    Elle croisa les doigts tout en les dévisageant un à un.
    -Vous autres libres-marchands, vous imaginez être au-dessus des lois. Il n’en est rien. Vous l’oubliez même parfois mais vous avez des devoirs. Des serments qui vous lient de manière héréditaire à l’Adeptus Terra. Vous avez de la chance que j’ai d’autres hérétiques à fouetter en ce moment et que l’Imperium ait des besoins car je serais en droit de vous jeter aux légions pénales tous les cinq et de faire saisir votre petite flotte. D’un autre côté, votre désinvolture mérite une sanction mais pour cette fois, je resterai magnanime. J’ai besoin d’un vaisseau pour une mission classifiée et vous allez me le fournir avec son équipage. Je vous laisse décider quel vaisseau vous allez me remettre, alors autant vous montrer très raisonnables. Je veux un navire avant tout discret et capable de se défendre. Il devra être rapide au besoin. Je vous laisse y réfléchir entre vous, vous avez trois jours pour me donner une réponse. En attendant, je vous encourage vivement à ne pas quitter la station, il est possible que j’ai besoin de vous dans les prochains jours. Si notre accord me satisfait, je ferai en sorte d’oublier certains dossiers. Qui sait ? peut-être finiront-ils par se perdre. Pour le reste… A savoir les réparations et les besoins en recrutement, vous verrez cela directement avec l’adepte Arnasher. Vous pouvez disposer.

    Une fois de retour dans les coursives de la station, en direction du quai où était amarré le Morning Star, Uriah constata que Ludivine avait encore les mains qui tremblaient. Il décida de les réunir tous les cinq dans le strategium à bord de son vaisseau.
    Une fois tous installés, il demanda à Altaïr de leur servir un amasec à chacun. Ce qu’il fit.
    Ludivine était encore sous le choc, à mi-chemin entre furieuse et abasourdie. L’Inquisition. Rien que ça. Elle s’était crue morte, jetée dans le vide comme une vulgaire criminelle, ou pire encore, enchainée comme une esclave au fond d’une mine de radium. Elle lança un regard noir à Uriah.
    -Il est hors de question que je cède le Daughter of Tempest !
    Uriah effectua aussitôt un signe d’apaisement avec ses mains.
    -Il n’en a jamais été question, rassurez-vous, je ne le permettrai pas. Pas plus que je ne céderai le Morning Star. Nous ne céderons pas nos deux navires amiraux.
    Ludivine radoucit alors son ton, voyant qu’ils étaient d’accord.
    -Alors lequel allons-nous lui laisser ? Demanda Altaïr qui en profitait pour retirer ses postiches. La corvette ?
    -Quoi ? Le Vanguard Avenger ? Lui dit Uriah. Il n’en est pas question, c’est le plus rapide de notre flotte. Non, nous allons lui laisser un de nos transports. Elle veut quelque chose de discret ?
    -Ce ne sera pas le Vigor Invictus, le classe Universe dans ce cas, répondit Jocasta.
    -Ni l’Omnis Delictum, ajouta la Brute. Trop gros.
    Uriah demanda à Altaïr de leur projeter les données qu’ils avaient recueillis sur les autres vaisseaux depuis un écran holo. Ils passèrent en revue les schémas techniques des navires et finirent par tous tomber d’accord sur le Soul of Adamantium, le transport de classe Carrack, celui qui avait attaqué le navire de Ludivine justement, quelques jours auparavant. Il était suffisamment rapide et bien armé, ce qui devrait satisfaire l’inquisitrice.
    -Bien, et maintenant que nous voilà avec huit vaisseaux, j’imagine qu’il ne reste plus qu’à leur trouver des contrats commerciaux ? Ajouta Altaïr.
    -Nous allons d’abord les faire réparer. Il se fait tard, mais demain, j’aimerai que tu t’occupes de ces détails avec le type du Munitorum.
    -Votre sénéchal n’a pas tort, capitaine, ajouta Jocasta qui déploya une carte holo du secteur Maelstöm. Nous devrions mettre ces prochains jours à profit afin d’établir les possibles entreprises commerciales à répartir entre nos navires. J’ai déjà commencé à y réfléchir…
    Elle arrêta un instant son regard sur Ludivine.
    -Si la capitaine Frae Spinaiser n’y voit pas d’inconvénient concernant ses propres navires, bien évidemment.
    Cette dernière eut une petite moue, restant pensive. En plus de sa solide frégate, elle disposait de deux autres navires dans le système Grief voisin. Mais si elle suivait le plan initial d’Uriah, ensemble ils allaient aligner huit navires et pas des moindres. Cela pouvait les propulser au niveau totalement inattendu d’une puissante maison libre-marchande. Certes, encore loin de la dynastie des Princes McIntyre mais déjà au niveau de la flotte d’Arden Lang ou de celle de la Duchesse Tzarine-Zetkin. Toutes les autres maisons libres-marchandes avaient monté des alliances afin de se renforcer face à la concurrence et aux menaces dans la région. Les xenos avides et les séides des Sombres Puissances étaient partout au pourtour des frontières. Parfois s’infiltrant dans des systèmes pourtant réputés sûrs. Seule, dans cet univers de menaces permanentes, elle savait qu’elle aurait beaucoup de mal à garder plus de deux vaisseaux. Doubler Uriah avait été une option mais à présent, cela aurait été le signe d’un caprice puéril. Lui faire confiance après cette attaque imprudente sur la station ? Trône, mais qu’est-ce qui lui était passé par la tête ? Avec l’inquisition et l’Arbites juste à côté en plus ? Certes, le geste était honorable vis-à-vis de sa navigator mais cela n’aura-t-il pas des conséquences bien pires à termes ? Si elle devait s’engager commercialement avec Uriah, il était certain qu’elle allait devoir imposer des règles afin d’éviter de tels imprudences à l’avenir.
    Et si elle devait s’engager bien plus avec lui ?
    Bien sûr qu’elle y pensait et n’en finissait pas de se dire que c’était bien trop prématuré, sinon une pure folie.
    D’un autre côté…
    N’était-ce pas là, le seul choix logique ? Un calcul des plus raisonnables face à l’inconnu ?
    Folie ou raison ?
    Et pourquoi pas les deux, au final ?
    Cette nuit allait devoir assurément lui porter conseil.

    Elle sortit de ses rêveries et adressa un sourire charmant à Uriah.
    -Il se fait tard et je tombe de sommeil. Nous en rappellerons demain si vous le voulez bien ? Cette journée a déjà apporté son lot d’émotions.
    Il se leva pour la raccompagner à la porte. Une fois sorti du strategium, il lui effleura la main. Corvin Vesuvio l’attendait non loin de là, à côté d’un des élévateurs dont il tenait la porte ouverte.
    -Alors demain, vous et moi, nous parlerons de…
    Elle lui déposa un baiser sur la joue.
    -Bonne nuit, capitaine Goldberg, lui dit-elle juste avant de s’éloigner vers l’élévateur.
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    Illuminati

    le 11/01/2024 à 18:06 Citer ce message

    Le strategium fut transformé en salle de travail pour les deux jours suivants. Alors que Jocasta et Djoko cartographiaient les routes warp commerciales envisageables dans toute la Zone du Maelström, Altaïr, Uriah et Ludivine se chargeaient de négocier les besoins en main d’œuvre et en matériaux de réparation.
    Cinquante mille prisonniers allaient être transféré dans les deux semaines en cours, vers leurs vaisseaux où ils serviraient désormais de renfort aux équipages. Enfin, concernant les réparations, les deux frégates seraient prioritaires. Selon la Magos Theodix Argentus du Morning Star, les travaux sur les deux coques prendraient une semaine, ce qui serait suffisant pour appareiller. Le reste des travaux de maintenance des ponts internes pourraient parfaitement avoir lieu en route, alors que les navires se dirigeraient vers les confins du système, vers sa zone de saut. De plus, en se débarrassant du Soul of Adamantium, il ne leur resterait plus qu’un seul navire à faire réparer, le Lady of Defiance. Ce dernier en avait pour trois à quatre semaines de travaux, ils le laisseraient donc à quai pendant tout ce temps, ce qui leur permettra de regrouper leur flottille avant de partir à l’aventure.
    Le deuxième jour, Uriah transmit la nouvelle à l’Inquisitrice Shard, l’informant qu’ils lui fournissaient le transport de classe Carrack ce qui sembla lui convenir. Il en profita pour s’entretenir un peu avec elle puis il suivit la demande de l’inquisitrice, à savoir restituer le captif à la Maison Petrov. Il chargea Säde de s’en occuper.
    De son côté, la Brute avait toujours l’intention de descendre en surface dès le lendemain, aussi ils profitèrent de cette occasion.
    -Nous allons finalement t’accompagner, lui dit Uriah. D’après ce que m’a dit l’Inquisitrice, tout à l’heure, il y a une mission écclésiarchique en surface. Un détachement de confesseurs ou quelque chose de ce goût-là et nous pourrions en profiter pour négocier avec eux. L’Inquisitrice m’a parlé d’un cardinal, mais je pense que son diacre – un certain Otto Astrimov - devrait suffire pour lui proposer un contrat de transports de leurs prêtres sur le classe Jericho. D’ailleurs, informez notre propre missionnaire, Helleth de Shaad, je veux qu’elle nous accompagne, elle devrait savoir leur parler.
    La Brute hocha la tête et quitta la pièce. Uriah reporta son attention vers Djoko, Altaïr et Jocasta.
    -Où en sont ces histoires de routes warp ?
    -Seuls les navires disposant de navigators pourront voyager en dehors des routes connues. Le Morning Star, le Daughter of Tempest et le Vanguard Avenger. Les cinq autres devront restés sur des routes warp strictement tracées. Et encore, leurs sauts devront être très courts, répondit Jocasta.
    -Ce qui complique nos projets, non ? Lui demanda Altaïr.
    -Cela va rallonger les délais car ils devront suivre des routes warp qui… Comment dire ? Même si la notion de détour n’est pas applicable dans le warp, les faire emprunter des routes fiables, sera plus long, en effet.
    -Mais cela réduit considérablement le danger, non ? Demanda Uriah.
    -Oui, considérablement. Même si l’Immaterium n’est pas un environnement stable, de nature. Le danger reste permanent.
    -Bien. Inutile de perdre nos navires alors à peine acquis. Nous choisirons la prudence, quitte à prendre du délai pour cela. Vous avez pu avancer sur ces histoires d’entreprises à monter ? Ludivine a donné son avis ?
    -Nous avons déjà avancé avec Djoko et Jocasta. Ludivine est d’accord. Nous proposons de commercer sur trois sous-secteurs sur lesquels repartir six vaisseaux en trois binômes : Badab, Karthago et Khymara. Le Vigor Invictus et l’Invincible Horizon feront la route de Babab V vers le système Pireaus pour du transport de minerais principalement. L’Asidus Excelsior et le Lady of Defiance feront du transport de pèlerins et de dignitaires de Isin vers Vyaniah et inversement. Et enfin l’Omnis Delictum et le Vanguard Avenger feront le trajet Pireaus – Archaea – Sagan, le monde dîme, pour tout ce qui est vivres, matières premières et troupes.
    -Parfait, ce qui laissera toute liberté au Daughter of Tempest et à nous de partir explorer ces fameux mondes perdus.
    -Le système Morgan’s Reach ? Lui demanda Altaïr.
    -Lui et trois autres systèmes complets. Tartuga, Verkruz et Zathatetus, répondit Djoko. Il semblerait que l’Administratum n’ait plus aucun contact avec eux depuis plus d’un siècle maintenant. Les derniers échanges remonteraient même au début de la guerre de Badab, au début des années 900.
    -Et personne ne s’en est inquiété depuis ? S’étonna Jocasta.
    -Si. L’Administratum s’en inquiète, justement, répondit Altaïr.
    -Plus d’un siècle après ?
    -On connait la lenteur administrative, ajouta Uriah. De plus, l’Imperium est englué dans une guerre totale depuis cette période. Il y a eu des priorités à gérer entre temps et cela nous offre là une formidable opportunité de reconnecter ces mondes au reste de l’Imperium.
    -Oui, enfin, attendons de voir à quoi ces mondes ressemblent aujourd’hui avant de reconnecter quoi que ce soit, ajouta Djoko avec son habituel sarcasme.
    -On sait quoi d’ailleurs sur ces systèmes ?
    -Une poignée de mondes frontières vaguement habitables, dont certains avec des ressources exploitables. Qu’ils étaient en bordure de la Zone du Maelström, leur dit Djoko, quelque part entre les Etoiles livides et les Etendues de Khymara. Une route warp passaient par là mais elle a été coupée sans que l’on ne sache comment durant la guerre de Badab. Certains parlent d’une vague tyranide ou ork qui serait passé par là. On sait que des orages warp localisés sont apparus dans cette région, comme l’Astra Noctae, le Malefex Noctis ou les Rapides warp de Cataractae. Des marines de légions renégates y ont été signalé. Plus récemment, la Grande Faille n’aura rien arrangé. D’ailleurs, nous avons pu l’expérimenter nous aussi il y a quelques années de cela. Mym Feist, le précédent navigator nous avait parlé d’une corvette perdue quelque part dans cette même région. Nous avons mis une année avec ta tante et l’équipage a le rechercher mais en vain. La zone est dangereuse désormais.
    -Je connais cette histoire. Tante Isa me la racontait le soir pour m’endormir. Le Princess Disillusion, corvette du capitaine pirate Helstrom, une classe Havoc lourdement armée et perdue après un incident warp… J’étais encore gamin, c’était juste avant que je rejoigne le Morning Star. Mais cette corvette, elle existe vraiment ? C’est pas une légende ?
    -Mym en était convaincu en tout cas. C’était le navigator de cette corvette et selon lui, elle se trouvait à la dérive au sein d’un champ d’astéroïdes. Il était prêt à risquer sa vie pour cette quête, ajouta Altaïr. Le seul risque est qu’elle ait déjà été découverte ou que ce soit un navire fantôme désormais.
    Uriah eut alors un large sourire tout en pointant la carte stellaire.
    -Vu que nous allons retourner dans cette région, nous en profiterons pour reprendre les recherches et nous en assurer. Pour cela, je compte sur nos astropathes et nos navigators. Leurs capacités psychiques devraient nous aider. En tout cas, je ne passerai pas à côté de l’opportunité de récupérer une seconde corvette.
    Vita locus Mors ludus
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    le 18/01/2024 à 20:31 Citer ce message

    Uriah avait organisé une réunion avec certains de ses officiers. Les prochains jours étaient consacrés entièrement à la réparation de la coque du Morning Star ainsi qu’au recrutement de quelques milliers de manœuvres pour remplacer les pertes récentes. Il confia la supervision des réparations à son premier technaugure, la Magos Theodix Argentus qui s’attela à la tâche avec toute passion dont pouvaient faire preuve les technoprêtres. L’acheminement des nouveaux matelots, était organisé lui, sous la vigilance de son chef bosco, le taciturne Casper Arkhan, un colosse à la peau sombre qui avait la charge des équipes disciplinaires à bord. Si tout se passait bien, d’ici les deux prochains jours, leurs autres navires seraient là, eux aussi.
    Tandis que les travaux et l’arrivée des équipes de travail suivaient son cours, le lendemain matin la Brute avait planifié sa descente à la surface de Galen VI.
    -Tu es bien certain de vouloir mettre les pieds sur ce monde carcéral poussiéreux ? Lui redemanda Uriah.
    -C’est important pour moi, se contenta de répondre son archimilitant, avec son habituel air taciturne.
    -Si j’ai bien compris, tu es né ici… Tu y as encore de la famille, c’est ça ?
    -On verra bien. Je dois juste m’en assurer.
    Uriah se contenta de hocher la tête. Djoko qui passait par là pour se servir un amasec, leva les yeux au plafond.
    -Les réunions de famille chez la Brute, ça doit être quelque chose.
    Ce dernier lui lança un regard noir, aussi Djoko reposa la bouteille et esquissa un large sourire.
    -C’est bon, je retourne sur la passerelle, je n’avais rien d’autre à faire de toute façon…
    Uriah reporta son attention vers la Brute.
    -Si c’est important pour toi, nous allons t’y accompagner. De toute façon, il reste encore trois jours de travail sur la coque et les autres navires seront là d’ici deux jours, nous devons bien tuer le temps en attendant. Et puis, j’ai envie d’aller parler à ce diacre. Il n’est pas impossible que je parvienne à négocier un contrat de transport pour ses ouailles.
    Il se tourna vers Altaïr.
    -Trouve-moi Helleth, notre Missionnaire, je vais l’emmener avec nous, elle pourra toujours l’aider à la convaincre.

    Trois heures plus tard, leur navette Aquila se posait sur le petit astroport de Vieille-Ville, la capitale de Galen VI. Uriah avait donc accompagné la Brute, en plus d’Altaïr, Jocasta et Helleth, leur missionnaire.

    En réalité, capitale était un terme un peu exagéré, car elle était l’unique agglomération de la planète. Au plus fort de son histoire, vers le 38ème millénaire, Galen VI avait été un monde industriel de moyenne importance pour la région grâce à sa proximité avec le système forteresse de Surngraad et le port orbital du système Grief. Ce fameux triangle connu sous le nom bien célèbre de Silent Reach avait été le haut lieu d’une des plus grandes batailles navales un siècle plus tôt, lors de la guerre de Badab. Plusieurs chapitres furent impliqués et deux maitres de chapitres perdirent la vie dans le système Grief selon certaines archives interdites. Durant ce conflit, Galen était un des systèmes vassaux des Mantis Warriors, alors accusés de sédition car en soutien à Huron Sombrecoeur. Galen VI en subit de lourdes représailles avec un bombardement orbital qui rasa une majeure partie des infrastructures et un assaut terrestre des Sons of Medusa qui écrasa toute résistance. Cent ans plus tard, seule la capitale, Vieille-Ville avait été entièrement reconstruite et regroupait aussi bien la ville, les pénitenciers, les manufactura et les bâtiments des adepta, le tout sur une dizaine de kilomètres de diamètre. La logique impériale était avant tout pratique étant donné que sa population de vingt-cinq millions d’habitants purgeait une pénitence sur six générations.

    Ils durent laisser leur navette ainsi que le pilote à l’astroport à une dizaine de kilomètres de la capitale car le survol de la planète était interdit – pour des raisons de sécurité. Passés les formalités de douane, ils firent le reste du trajet dans un camion brinquebalant qui servait de navette et transport en tout genre entre l’astroport et la ville. Le lourd transport les déposa à une des portes de la ville, eux et une bonne douzaines d’adeptes en transit. Comme la majeure partie des villes industrielles ou des proto-ruches, la proximité étouffante de massives manufactoria parmi les blocs habs de toute taille avait fait de Vieille-Ville un agglomérat urbain dense où des chappes de brouillard ocre brun ne parvenaient jamais à se dissiper totalement. Ici le port de masques respirateurs était plus que conseillé, mais pas imposé. Ceux qui n’en avaient pas les moyens portaient un simple foulard sur le nez même si la majeure partie des habitants disposait de masque ou de filtres et de vêtements de protection. Ici toute la population était forcée de travailler pour les adepta, sans exception, tel était le poids de la servitude à vie. Raison pour laquelle chaque habitant naissait, vivait et mourrait dans Vieille-Ville. On y vivait de manière collective dans des dormitorium, on y mangeait dans des refectorium et les seules attractions étaient les arènes de combat. Devenir gladiateur était une autre façon de vivre sa servitude et d’en contrôler une partie grâce à l’espoir d’un affranchissement. Cela évitait l’enrôlement dans les légions pénales aussi mais surtout, cela permettait de tenir la foule et contrôlait en elle, un certain esprit de révolte. Disons, dans la plupart des cas. Au pire, l’Arbites savait reprendre le contrôle. D’ailleurs, la présence de l’Arbites était partout grâce à un réseau de tours panoptiques qui jalonnait la ville à intervalle régulier. Des vigies mais aussi des servo-crânes de surveillance venaient renforcer leur présence, appuyée par des soldats du 11e régiment d'infanterie légère Markgraf qui en gardaient les principaux accès. On pouvait les reconnaitre à leurs uniformes anti-corrosion et leur masque respirateur.

    -Tu sais où tu dois aller ? Demanda Altaïr à la Brute.
    Ce dernier était en train d’observer les rues tortueuses de la ville industrielle, encombrée de massifs gazoducs, d’immenses cheminées crachant des fumées épaisses et de tuyaux oxydés, de toutes tailles qui serpentaient sans que l’on ne sache où ils menaient réellement.
    -Je crois… Mais la ville a changé.
    -Cela fait combien de temps que vous n’êtes pas revenu ici ? Lui demanda Jocasta.
    -Quinze ans, au moins.
    -Et tu recherches qui, si c’est pas indiscret ? Lui demanda Uriah.
    -J’en parlerai plus tard… Je dois d’abord trouver un endroit, un bâtiment de l’Administratum, mais je ne sais plus. Il y a la Tour du cardinal dont je me souviens.
    -Bien, lui répondit Uriah, on doit justement rencontrer l’Ecclésiarchie. On te suit.

    Après une bonne heure à tourner en ville et à se perdre dans des dédales de habs collectifs austères à n’en plus finir, Uriah attrapa Altaïr par la manche et lui glissa tout bas.
    -On va l’aider, sinon j’ai bien peur qu’on soit encore là demain à tourner en rond dans ce goulag à ciel ouvert. Ce dernier hocha la tête et tous deux allèrent trouver un petit groupe de marchands moribonds et émaciés qui vendaient des pains de viande reconstituée contre des tickets de rationnement. Après avoir échangé avec eux quelques instants, ils eurent l’information recherchée et comprirent qu’ils faisaient fausse-route, en se dirigeant totalement à l’opposé. Au bout de quarante-cinq minutes de marche plutôt pénibles dans des rues encombrées d’engins de levages et de transport, ils finirent par aboutir devant la haute tour qui servait de bâtiment écclésiarchique. Ils furent notamment surpris de voir des sœurs de bataille en tenue martiale complète en garder l’entrée.
    -Cela n’a rien d’étonnant, rassurez-vous, leur annonça Helleth de Shaad. J’ai cru comprendre que le cardinal et l’ordre épiscopal qui l’accompagne ont besoin d’une certaine protection. Les sœurs ont ce privilège, par la grâce de Terra, fit-elle en effectuant le signe de l’Aquila.
    -Vous-même êtes une ancienne de la Sororitas, peut-être pourriez-vous nous… ?
    -Vous aidez à entrer ?
    -Notamment, oui.
    Helleth était un petit bout de femme qui avait conservé le physique d’une combattante. Ses cheveux courts et ses bras couverts de tatouages de dévotions ne démentaient pas la ferveur qui l’animait. Son histoire, voulait qu’elle fût une sœur supérieure de l’Adepta Sororitas qui combattit ces dernières années durant la Croisade Indomitus. Le reste de son passé restait cependant assez confus, rare rescapée d’une terrible bataille, elle se serait portée volontaire pour intégrer les sœurs Repentia mais force était de constater que son sacrifice ne dut pas se passer comme prévu puisqu’un jour, ce fut le Père Gibbs, feu l’ancien confesseur du vaisseau qui finit par la recruter dans les bas-fonds d’un monde moribond, faisant d’elle son successeur.
    Les véritables raisons qui l’avaient poussé à rejoindre un équipage libre-marchand restaient inconnues mais cela convenait à Uriah. Il savait qu’on pouvait la croiser le plus clair de son temps parmi l’équipage, là où elle était des plus appréciées selon Altaïr. Helleth avait un certain charisme qui passait particulièrement bien. De plus, ses discours, ses chants et ses prières étaient véritablement appréciés par les matelots, notamment lors des sauts warp, qui étaient toujours une grande source d’inquiétude pour l’équipage.

    Uriah approcha des deux sœurs en faction.
    -Je me nomme Uriah de la Maison libre-marchande Goldberg, je souhaiterai m’entretenir avec le diacre. Otto….
    Les sœurs lui barrèrent le passage, leur bolter bien en main.
    -Personne n’entre, citoyen.
    Helleth qui se tenait à ses côtés, lui fit un petit signe, désignant l’accréditation qu’il gardait dans une de ses poches, étant donné que les sœurs n’avaient pas l’intention de le laisser passer. Il déploya le document et le tendit à l’une d’elle, qui s’en saisit et le parcourut avant de lui rendre.
    -Fort bien, capitaine. Dans ce cas, veuillez me suivre.
    Elle les conduisit à l’intérieur du vaste et sombre bâtiment jusqu’à leur indiquer une salle dallée où se trouvaient des bancs en pierre. Elle leur demanda de patienter là, ce qu’ils firent jusqu’à ce qu’un sacristain vienne les recevoir. Il les conduisit jusqu’au bureau du diacre situé au dixième étage de la tour, qu’ils durent gravir à pied.
    Parvenus enfin à l’étage souhaité, tous étaient un peu essoufflé, mais ce n’était rien comparé à Uriah qui peinait à gravir les dernières marches, totalement à bout de souffle.
    -Vous n’avez jamais songé à faire installer un élévateur ? Finit-il par faire remarquer au sacristain. Ce dernier se tourna vers lui.
    -Par Sainte Terra, nous en avions un mais l’avons supprimé. Eprouver notre chair ne peut que renforcer notre foi, capitaine, lui dit-il avec un large sourire extatique sur son visage austère. Je vous laisse y méditer quelques instants, pendant que je vais prévenir le diacre de votre visite.
    Il se dirigea vers le couloir qui menait vers une porte bardée de fer. Il toqua puis y entra, les laissant patienter dans le couloir. Cela laissa le temps à Uriah de reprendre un peu son souffle tout en maudissant ce satané prêtre. Au bout de quelques minutes, le sacristain ressortit dans le couloir et vint les trouver.
    -Le diacre vous accorde cinq minutes. Un conseil, soyez brefs et allez à l’essentiel.
    Puis il leur fit signe d’entrer.
    Le diacre Otto Astrimov était à son bureau, occupé à rédiger une missive. Même assis, il donnait l’impression d’être grand. C’était un homme mûr, sec et au visage austère. Il releva son regard vers les nouveaux venus, sans pour autant cesser d’écrire à l’aide de son stylus.
    -Vous devez être le capitaine… Goldman ? Dit-il en dévisageant Altaïr.
    -Goldberg, lui répondit Uriah. Je suis le capitaine Uriah Golberg.
    -Ah. Vous paraissez si jeune. Et que me vaut cette visite ? Je n’ai que peu de temps à vous accorder.
    -Oui, votre… On nous a prévenu de… Hum… En tant que libre-marchand, je souhaitais vous apporter les services de mes navires. J’ai notamment un transport de classe Jericho disponible pour convoyer des pèlerins ou pour tout personnel écclésiarchique.
    -Vous disposez de plusieurs vaisseaux, dites-vous ?
    -Absolument. Une petite flotte. Enfin, huit vaisseaux, pour être exact.
    -Ce qui est impressionnant même si je n’ai pas de tels besoin… En revanche, votre transport pèlerin pourrait bien me servir. Il dessert la région ?
    -Il devrait effectuer un trajet entre Vyaniah dans l’Amas de Khymara et Isin dans le sous-secteur Badab.
    -Le système Vyaniah est très intéressant. C’est là où se trouvent les mondes chapelles et le siège de l’Ecclésiarchie du secteur, mais aussi plusieurs ordres de l’Adepta Sororitas en plus de deux lunes cimetières où se trouvent les mausolées d’illustres maisons impliquant de nombreux pèlerinages. Cela pourrait m’intéresser, j’ai besoin régulièrement de maintenir des contacts avec le système Vyaniah, en effet. Il ne vous aura pas échappé que nous disposons d’un détachement de la Sororitas, ici sur Galen VI. La palatine en charge de ses sœurs saurait apprécier un trajet régulier entre ici et les mondes chapelles. En revanche… le système Isin est vraiment très excentrée par rapport au système Galen, je ne vois pas bien comment en tirer un quelconque avantage.

    Jocasta se pencha vers Uriah et lui murmura quelques mots qu’il reformula ensuite à l’écclésiaste.
    -Eh bien disons que nous pourrions modifier quelque peu sa route et le faire passer plutôt par le système Galen.
    -Cela serait-il envisageable ?
    -Si cela permet de trouver un accord, j’en serais particulièrement satisfait.
    -Si vous avez la capacité de me fournir un trajet régulier entre ces deux sous-secteurs, nous pourrions trouver un accord dans ce cas. Et vos autres navires ? Avez-vous d’autres projets en cours ?
    -Des projets commerciaux mais aussi de l’exploration.
    -De l’exploration de quelle genre ?
    -Plusieurs systèmes perdus qu’il faudra recartographier.
    -Voilà qui est intéressant… Vous sauriez aussi retrouver des vaisseaux ?
    Altaïr et Uriah eurent soudain leurs yeux qui s’écarquillèrent.
    -Des vaisseaux ?
    -En réalité ils ont très certainement été détruits ou perdus depuis bien des années. En revanche, c’est ce qu’ils transportaient qui m’importe le plus.
    -Une cargaison ?
    -Des reliques.
    -Qui doivent donc avoir une grande valeur, murmura Altaïr.
    -Une valeur immense à nos yeux, vous pensez bien… Le Cardinal Ignatius est intimement convaincu qu’elles sont quelque part, toujours intactes mais sans doute entre des mains profanes qui ignorent de quoi il peut s’agir. D’où l’importance de les retrouver avant que des yeux impies ne se posent dessus. Que le Trône nous en préserve…
    -Nous sommes bien d’accord, lui répondit Uriah, tout en mettant un coup de coude à Altaïr au passage.
    -Comprenez bien que le Ministorum vous serait des plus reconnaissants si vous nous rendiez un tel service.
    -Considérez que je suis votre homme dans ce cas.
    -Parfait. Je dois cependant vous laisser car j’ai un autre rendez-vous. Je vous laisse me formaliser une proposition pour votre transport pèlerin. Nous pourrons alors reparler aussi de ces reliques. Voyez avec mon secrétaire, il vous proposera un prochain rendez-vous.

    Ils ressortirent et retrouvèrent le sacristain dans le couloir. Le rendez-vous fut fixé au lendemain matin à 8 heures. Ils ressortirent de la tour et la Brute les dirigea vers des marchands ambulants où ils achetèrent quelques pains de viande reconstituée. Uriah préféra ne même pas en goûter un, plutôt habitué à déguster de la véritable nourriture et non pas cette pitance infame dont la viande avait des origines plus que suspectes. Les autres, moins regardant, semblaient se régaler. Ils trouvèrent une petite place où ils se posèrent le temps de faire un point sur la situation. L’idée des reliques était tentante même s’ils devaient tout d’abord penser à monter des entreprises commerciales afin de renflouer les caisses qui se vidaient comme neige au soleil, surtout avec les dernières réparations.
    -Tu penses que Ludivine acceptera ce que le diacre nous propose ? Demanda Altaïr.
    -Je pense même qu’elle en sera ravie. Cette proposition commerciale justement, nous avons ce genre de document à bord du vaisseau ? Lui demanda Uriah.
    -Mieux que ça, lui dit-il tout en sortant sa tablette de données. J’ai un modèle déjà enregistré ici. Il me reste à entrer les dates, les noms et à l’imprimer sur du parchemin.
    -Les miracles de l’Omnimessie ! C’est excellent ! Tu peux faire ça ici ?
    -Si je me connecte à un des gros cogitateurs de l’Administratum, en moins de trente minutes, ça devrait être possible. Je crois que la Brute devait y passer, non ?
    Ils se tournèrent vers l’intéressé. Ce dernier hocha la tête.
    -Oui, allons-y, j’ai justement des questions à leur poser.

    Trente minutes plus tard, ils trouvèrent le bâtiment de l’Administratum. Altaïr y accompagna la Brute tandis que le reste de l’équipe les attendait dehors. Altaïr trouva un adepte qui accepta de lui imprimer les documents pour le diacre tandis que la Brute en profita pour interroger d’autres clercs sur les membres de sa famille.
    Ils ressortirent quelques minutes plus tard. Uriah était satisfait de voir que les documents étaient déjà prêts. En revanche, la Brute affichait une mine sombre.
    -De mauvaises nouvelles ?
    -Oui et non.
    -On ne peut pas dire que notre Brute est très prolixe lorsqu’il doit parler de sa famille, lâcha Altaïr.
    -Cela n’a pas trop d’intérêt. Je vous en parlerai peut-être une autre fois. Disons que pour moi c’était du passé. Je ne pensais pas remettre les pieds ici sur Galen VI. J’ai un frère écclésiaste qui servait ici. J’en toucherai peut-être un mot demain au diacre.
    -Tu as un frère ? S’étonna Altaïr.
    -Je le croyais mort lui aussi, mais apparemment certains sont toujours en vie.
    -Certains ? S’étonna Uriah.
    -Je dois passer à la Castra Exercitus, ils ont peut-être une autre piste.
    -La quoi ? S’étonna Jocasta.
    -La caserne. Les troupes que l’on a croisé en ville. Il y a un régiment d’infanterie en faction ici, le 11ème Markgraf.
    -Des FDP ? Lui demanda Uriah.
    -Non, Astra Militarum.
    -Et tu y cherches quelqu’un ?
    -Oui. Je dois juste leur poser la question.
    -D’accord, si c’est important pour toi, on t’y accompagne.
    La caserne était à une quinzaine de minutes de là. Ils trouvèrent le large bâtiment en question. Uriah voyait bien que la Brute n’avait pas l’air très à l’aise, aussi il décida de l’accompagner. Ils purent s’entretenir avec des gardes en faction à l’entrée. Un sous-officier vient alors échanger avec eux pendant quelques minutes. Ils le remercièrent et rejoignirent le reste de l’équipe.
    -Qui est cette Alicia Lysander que tu recherches ? Lui demanda Uriah. J’imagine que ce n’est pas ta mère ? Ta femme ?
    -Ma fille.
    -Tu as une fille ?
    -Il faut croire.
    -Comment ça ? Lui demanda Jocasta, vous ne saviez pas que vous aviez une fille ?
    -Elle avait sept ou huit ans la dernière fois que je l’ai vu il y a quinze ans. A ses yeux je suis mort il y a bien longtemps et je pensais que c’était le cas pour elle aussi.
    -Attends, mais… Lysander, c’est aussi ton nom ? Lui demanda Uriah, soudain tout fébrile.
    La Brute se contenta de hocher la tête, presque gêné.
    -Lysander, comme ce héros Space Marine de ces romans héroïques que me lisait tante Isa ? Tu as un nom qui est porté par un demi-dieu ! Lui dit Uriah tout en écarquillant les yeux.
    -Oui, enfin, Lysander est un nom commun dans l’Imperium, faut pas quand même s’enflammer, lâcha Altaïr avec un haussement d’épaules.
    -Quand même… Ce nom…
    -Si je préfère taire ce nom, justement c’est bien pour une raison, ajouta la Brute. Ce nom n’a apporté que la mort.
    -Et une fille qui est toujours là. Elle travaille ici ? C’est une militaire ?
    -Elle est lieutenant dans le 11ème régiment. Mais là, elle est de service dans une mine à quarante kilomètres au nord de la ville à ce qu’ils ont dit.
    -Comment fait-on pour y aller ?
    -Il y a un convoi qui part de la porte de la Miséricorde dans moins d’une heure.
    -Tu veux la voir ? Lui demanda Uriah.
    -On n’aura pas le temps… Demain matin, on retourne voir le diacre.
    Uriah lui tapa sur l’épaule, dévoilant un large sourire.
    -Si, bien sûr qu’on a le temps. Nous sommes en début d’après-midi. Si nous nous hâtons, nous y serons en fin d’après-midi ou tout début de soirée. On trouvera le moyen de dormir sur place, comme ça, tu vas pouvoir retrouver ta fille. Allons prendre ce convoi !
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 26/01/2024 à 16:41 Citer ce message

    Ils voyagèrent à bord d’un de ces lourds Cargo-8 jaunes poussiéreux du Departmento Munitorum. Uriah, Altaïr, la Brute, Jocasta et Helleth leur missionnaire montèrent à bord du véhicule. Ces énormes camions tractaient plusieurs containers qui sillonnaient la Route 95 en direction de Little Rock, situé à quarante kilomètres plus au nord. De là, la route menait à la mine d’Eta Magna et continuait même plus au nord vers d’autres mines et carrières. Le trajet leur prit moins d’une heure, brinquebalés dans un des containers passagers, sous un soleil de plomb et dans une chaleur et une poussière pénibles à supporter. Le chauffeur et son assistante étaient deux clercs du Minutorum, des logisticiens reconnaissables à leur tunique et leur uniforme gris et à leurs tablettes de données qu’ils ne lâchaient jamais. Les logisticiens du Munitorum constituaient la colonne vertébrale de toute la logistique impériale qui gérait le transport de prométhéum, de matières premières mais aussi d’armement, de véhicules, de troupes, en passant par les rations de combat, les fûts d’amasec, les crayons à papiers, les paquets de cigalhos et tout ce qui pouvait se transporter. Aucun monde ni aucun conflit ne pouvaient être approvisionné sans la logistique du Munitorum. Un adage bien connu, disait que dernière chaque soldat de l’Astra Militarum, se trouvaient au moins sept clercs du Minutorum pour assurer toute la logistique de guerre.
    Ces adeptes n’étaient pourtant pas des combattants mais ils possédaient un savoir encyclopédique impressionnant en matière de stratégie bureaucratique et de références de l’immense nomenclature de bordereaux colorés aux désignations des plus cryptiques pour le simple profane. Malgré cela, il était toujours tragique de constater que vingt pourcents des chargements convoyés se perdaient dans la nature, ce qui était totalement accepté par le Munitorum qui s’en remettait aux aléas de quelques causes inconnues ou à de simples bugs de cogitateurs. Auditer et réformer un système qui avait fait ses preuves aurait été bien trop couteux de toute façon.
    Les deux clercs en question portaient la même tenue grise marquée du logo stylisé de l’Administratum avec les patchs du Minutorum. Celui du chauffeur indiquait fièrement son statut d’ordonnateur, un grade de sous-logicien adjoint, un de ces obscurs titres qui ne signifiait strictement rien en dehors de leurs officio. Pour tout le monde, ce n’étaient que des clercs ou des adeptes de base. Mais pour eux, cela signifiait qu’armé de sa tablette de données, il avait le destin d’un monde impérial entre ses mains et ça, en général, les clercs du Munitorum aimaient le faire ressentir à tous les agents de l’Imperium, car sans eux, ils n’auraient aucune chance d’avoir dans leur besace, leur boite de hachis de grox en gelée. Ce simple pouvoir était là, toute la fierté du Departmento Munitorum.
    Le chauffeur s’appelait Enosh. Il n’était pas très grand, le crâne rasé, la cinquantaine. Il s’épongeait le front régulièrement avec un mouchoir et selon lui, l’attentisme était une grande vertu qui pouvait résoudre bien des situations. Son assistante, une certaine Agusta, était une jeune femme brune avec un air blasé, toujours à marmonner en lisant sa tablette et en mâchant une sorte de chique qui avait tendance à lui noircir les dents.
    Enosh leur confia qu’ils étaient plutôt contents d’avoir des passagers car il n’était pas rare que des pillards des sables attaquent parfois les convois. Il leur montra que le convoi était équipé, à l’avant et à l’arrière, de bolters jumelés montés sur pivot mais malgré cela et les patrouilles des troupes locales, il leur précisa que cela n’arrêtait pas toujours les pillards.
    Quoi qu’il en soit, le trajet à vide se déroula sans encombre. Le lourd transport s’arrêta finalement dans un crissement de pneus, de sifflement des condensateurs thermiques et dans un nuage de poussière qui masquait en partie, l’entrée fortifiée de la mine. Uriah et son équipe descendirent de leur container en sautant au sol, voyant que les deux clercs étaient descendus aussi, inspectant les larges roues segmentées et l’état du camion dont le moteur continuait de siffler pour tenter de se refroidir. La première chose qu’il aperçurent, étaient une étendue de désert d’un côté et des masses rocheuses de l’autre, dont des galeries avaient été percées. L’entrée principale était fortifiée par une enceinte défendue par des parapets d’où l’on devinait des gardes armés et des autocanons en batterie. Les deux adeptes du Munitorum se dirigèrent vers les portes de l’enceinte. Un des gardes leur ouvrit et vint vérifier leurs bordereaux tout en discutant avec eux. Visiblement, ils avaient l’air de se connaitre. Uriah approcha avec la Brute. Le reste de l’équipe les suivait. Le garde reporta son attention vers eux. Il jeta un regard aux deux adeptes.
    -Ces gens sont avec vous ?
    -Ils ont fait le voyage à bord, répondit le chauffeur. Ils veulent parler à votre officier apparemment.
    Le soldat se tourna vers la Brute. Ce dernier identifia un grade de sergent sur l’uniforme du garde.
    -Vous venez pour quoi ? Lui demanda ce dernier.
    -Je souhaite rencontrer votre officier, comme l’a dit l’adepte. Une certaine lieutenant Lysander. Je peux la voir ?
    - Ça dépend.
    -Ça dépend de quoi ?
    -De qui la demande. Je n’étais pas informé de votre visite et je n’ai rien sur mes registres. C’est réglementé ici. Vous avez un ordre de mission ou quelque chose comme ça ?
    -Non… Nous ne sommes pas là en mission, c’est… Comment dire… Une simple visite.
    -Vous savez où vous êtes, ici ? C’est un colonie pénale. Personne ne vient en simple visite.
    -Informez juste la lieutenant Alicia Lysander de notre visite, nous allons l’attendre.
    -Bien… Dans ce cas, je vais voir pour la prévenir, mais vous attendez dehors.

    Le sous-officier retourna à l’intérieur de l’enceinte et fit fermer les portes derrière lui, accompagnant les deux adeptes vers un bureau. Uriah et son équipe restèrent à l’extérieur et décidèrent de revenir vers le camion garé juste en face, afin de se mettre un peu à l’ombre.
    Vingt minutes s’écoulèrent sans que rien ne se passe. La Brute en avait assez de jouer à jeter des cailloux sur les lézards des sables, aussi finit-il par se lever et revenir vers la porte d’enceinte afin d’interpeler les gardes au-dessus du parapet. Personne ne semblait pour autant lui répondre, aussi Uriah décida d’intervenir pour donner de la voix. Les portes s’ouvrirent de nouveau et le sergent l’interrogea du regard.
    -Nous attendons depuis presque trente minutes, indiqua Uriah.
    -Et ? S’étonna le garde.
    -Et quitte à devoir patienter, j’aurai apprécié ne pas le faire adossé à un camion, voyez-vous.
    -Vous venez aussi parler au lieutenant ? Je n’ai pas retenu votre nom…
    -Je suis le Seigneur-Capitaine Uriah Goldberg, de la Maison libre-marchande Goldberg.
    -Par Terra… Mais il fallait me le dire tout de suite, Seigneur, je suis confus d’un tel malentendu… Voyons, ne restez pas ainsi, suivez-moi. Je me demande bien quel est le crétin qui vous a laissé ainsi dehors !
    Uriah lui lança un regard appuyé.
    -J’ai bien ma petite idée, croyez-moi.
    Alors qu’ils le suivaient à l’intérieur, ils eurent une idée de la structure même d’une partie de la mine en question. Des dizaines d’ouvriers y travaillaient, poussant des chariots emplis de cristaux d’un bleu clair. Chariots qui étaient ensuite vidés dans des caisses de transports, elles-mêmes empilées, répertoriées et étiquetées minutieusement par les deux adeptes en vue du chargement vers les containers du camion. Un peu plus loin, les bruits étaient couverts par le vacarme de marteau-piqueurs et autres engins de chantier.
    -C’est quel type de cristal ? Demanda Altaïr au sergent, en haussant la voix, tout en passant devant les caisses. Il semblait réellement intéressé.
    -C’est une mine de lithicarium, ici.
    -Ah ?
    Le soldat vit que cela ne lui disait visiblement rien. Il se contenta de hausser les épaules.
    -Je ne suis pas un expert comme les magos, mais, parait que ça rentre dans la fabrication des cellules énergétiques des armes laser. Me demandez pas comment ça marche, j’y connais rien aux arcanes de la Machine, je sais juste que ces foutus technoprêtres en ont besoin.
    Altaïr nota cela dans un coin de sa mémoire mais préféra ne rien ajouter.
    -La lieutenant Lysander serait-elle dans les parages ? Demanda Uriah.
    Le sergent se contenta de lui indiquer un couloir.
    -Juste au bout, sur votre droite, vous avez le quartier des officiers. Si elle n’y est pas, quelqu’un saura vous renseigner.
    Uriah le remercia et indiqua à son équipe de le suivre. Ils eurent une idée de l’étendue de la mine, voyant des tunnels et boyaux qui s’étendaient dans les parois rocheuses étayées et éclairées par des lumiglobes au phosphore. Des wagonnets montés sur rails étaient tirés ou poussés par des mineurs dans chaque tunnel. De-ci, de-là, des gardes armés surveillaient les mineurs. Ils empruntèrent le chemin désigné et tombèrent sur une petite salle où un magos était en pleine discussion avec d’autres soldats, tous gradés. Ils s’interrompirent et les regardèrent approcher. Un sous-officier les interpela.
    -Vous cherchez quelque chose ?
    -Oui, nous cherchons le lieutenant Alicia Lysander.
    -Elle est occupée en ce moment.
    ++Question : Nature de votre demande ? ++ Les interrogea le magos de sa voix métallique et monocorde. Il affichait toute la panoplie des prêtres de son ordre, avec ses robes rouges crénelées de blanc, sa hache omnissienne et ses implants mécaniques et autres mécadendrites.
    -Un sujet personnel. Je suis le seigneur-capitaine Uriah Goldberg, libre-marchand. Nous avons fait route vers ce monde pour affaires et il se trouve qu’un de mes officiers est un parent du lieutenant Lysander.
    -Vraiment ? S’étonna le soldat. Elle ne nous a rien dit.
    -Elle est ici… Je veux dire dans cette mine ?
    ++Affirmatif. Le lieutenant Lysander rempli ses fonctions actuellement dans les parties inférieures de la mine++ Répondit la magos.
    -Peut-on la contacter ?
    Le sergent fit un signe vers leur opérateur vox. Ce dernier haussa les épaules de manière navrée.
    -Le vox ne capte pas, vous savez… il y a trop d’interférences.
    ++Correction : Loué soit l’Omnimessie, l’esprit du vox fonctionne parfaitement. Précision : Il s’agit des ondes antirésonances générées par la nature piézoélectrique du lithicarium qui interfère sur l’élasticité des vibrations acoustiques. Un humain non modifié n’est pas en mesure de percevoir ces ondes, ce qui n’est en rien la faute du vox, mais la faute d’une biologie non augmentée. ++
    -Très bien, magos… Merci pour ces… précisions. Mais y aurait-il un moyen de nous conduire au lieutenant, tout simplement ?
    Ce dernier ne lui fournit aucune réponse, préférant échanger en binaire avec son servo-crâne. En revanche, le sergent fit un signe à Uriah.
    -Elle est tout en bas et ne remontera qu’en fin de journée. C’est urgent ?
    -Nous espérons repartir avec le camion du Munitorum, donc oui…
    -Ah oui… Il repart dans une heure. Eh bien, pour cela, il vous faudrait descendre dans la mine, je suppose. En théorie, vous n’êtes pas censé y descendre.
    -C’est dangereux ? Demanda Altaïr.
    -Si c’est dangereux ? Trône, c’est une mine à quelques six-cents mètres sous terre, donc oui. Si vous avez un problème en bas, on ne sera pas responsable.
    Uriah interrogea la Brute qui paraissait plus que déterminé. Les autres semblaient tous d’accord.
    -Bien. Si on doit descendre, on fait comment ?
    -Venez, je vais vous mener au monte-charge, mais je maintiens que c’est surement pas une bonne idée.
    Le monte-charge était une machinerie antique, grinçante et haletante comme une pièce archeotech rongée par les siècles. La descente était tout simplement oppressante et interminable. On eut dit qu’ils descendaient vers quelques enfers d’où ils n’allaient jamais revenir. Plus ils descendaient, plus Jocasta, restée silencieuse jusque-là, devenait nerveuse et agitée. Helleth, installée à son opposée, était concentrée à réciter des mantras, les yeux fermés, durant toute la descente.
    -Quelque chose ne va pas ? Lui demanda Altaïr.
    -Un mauvais pressentiment. Il y a des ondes… Répondit la navigator.
    -Le truc dont parlait le magos ?
    -Non… Un danger… Quelque chose s’est réveillé.
    -Quoi ? S’étonna aussitôt Uriah. Helleth se mit à se signer avant de détacher l’épée tronçonneuse qu’elle portait dans le dos. La Brute venait de mettre la main sur la crosse de ses pistolets bolter. Il les dégaina.
    -Des tirs… J’entends des tirs.
    Le monte-charge venait de décélérer avant de s’arrêter d’une façon un peu brusque. La porte grillagée s’ouvrit et ils se trouvèrent aussitôt face à un groupe de mineurs paniqués qui se ruèrent vers eux en criant.
    -Remontez ! Remontez vite !! Fermez cette grille par le Trône !
    La Brute en attrapa un au passage et le plaqua contre la parois.
    -Parle, par Terra ! Qu’est-ce qui se passe ici ?
    Le type avait les yeux écarquillés et semblait réellement paniqué.
    -Les monstres ! les monstres !
    Ils sortirent du monte-charge et Jocasta en profita pour se coller devant l’un d’eux, dévoilant son simple regard. Nul besoin de brandir son troisième œil pour tétaniser quelqu’un. Son regard pouvait déjà effrayer.
    -Quel monstre ? Où ça ?
    Le type leur indiqua une direction en criant. Il se dégagea à son tour et avec ses camarades, refermèrent la grille du monte-charge qu’ils remirent en marche.
    -On les laisse repartir ? Demanda Helleth.
    -Oui, avec un peu de chance, ils préviendront les secours en surface.
    -Espérons, leur répondit Altaïr.
    Uriah et ses hommes avaient sortis leurs armes et se tournèrent vers un des couloirs indiqués. D’autres mineurs refluaient en courant et en criant. Ils perçurent des tirs et virent les murs d’une parois en pierre trembler alors que des fragments de roche volaient en tous sens. Un créature de trois mètres, couverte d’une sorte de carapace bleutée émergea. Ses longs bras terminés par des pinces et se gueule munie d’une paire de mandibules immenses. Elle poussa un rugissement subsonique tout en terminant d’éviscérer un des mineurs qu’elle coupa en deux. La bête tourna sa tête insectoïde vers eux, faisant claquer ses mandibules dans une série de sons qui rappelait une sorte de langage inintelligible.
    Uriah en resta totalement tétanisé, incapable de bouger. Helleth s’interposa, son épée tronçonneuse brandie alors qu’elle enroulait son chapelet autour de sa garde, tout en récitant une litanie de détestation.
    -Par le warp, qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Me dites pas que c’est ça, ce qu’on appelle un tyranide ? Leur demanda Jocasta avec inquiétude, tout en pointant son pistolet mais réalisant que l’arme n’allait pas lui servir à grand-chose.
    -Non… C’est un ambull, lâcha Altaïr. Une bête des profondeurs qui vit justement dans ce genre de galeries.
    -Ça se tue comment, ces saloperies ? Lui demanda la Brute.
    -Avec une puissance de feu maximale, lui répondit Altaïr qui visa avec précision et ouvrit le feu avec son pistolet bolter. Il tira deux bolts qui firent mouche en pleine tête de la bête qui cherchait à les charger. Les bolts percèrent la cuirasse et éclatèrent avec une large giclée d’ichor, ce qui força la créature à reculer en poussant un rugissement, ses sens largement amoindris. Elle tituba et chercha à reprendre l’équilibre, loin d’être mortellement touchée.
    Elle allait s’apprêter à bondir mais la Brute ouvrit le feu en rafale de ses deux pistolets bolters et fit mouche, touchant la bête en plein torse, explosant sa cuirasse alors que quatre bolts détonnaient dans sa poitrine. Jocasta venait de découvrir son œil warp et foudroya la bête à son tour. L’ambull tituba de quelques pas en arrière puis s’écroula, tué sur le coup tandis que des fluides violacés et jaunes giclaient de ses plaies béantes et fumantes.
    Uriah venait tout juste de reprendre ses esprits, alors que la sœur s’occupait de la couvrir, s’assurant que nul autre danger ne surgisse de cette grotte maudite.
    -En avant ! Leur cria la Brute qui déjà, s’élançait vers les autres tunnels d’où venait le bruit des combats.
    Enjambant le corps de la bête et les quelques cadavres de mineurs éparpillés, ils se dirigèrent vers un ensemble de couloirs menant vers les tirs et les cris qu’ils percevaient plus loin. Ils empruntèrent une passerelle et finirent par déboucher dans une vaste caverne en cours d’excavation. Une poignée de gardes étaient retranchés là, derrière des colonnes de roche, occupés à dispenser un tir nourri sur deux autres ambulls. Les tirs combinés de laser et d’armes d’assaut légères ricochaient sur leur cuirasse sans leur occasionner beaucoup de dégâts, sinon les rendre encore plus furieuses. Les créatures semblaient avoir émergés d’une vaste cavité creusée tout au fond de la grotte et s’en était pris à des mineurs et d’autres gardes dont les corps démembrés gisaient là. Altaïr et la Brute ouvrirent le feu sur la première des créatures, relâchant une volée de bolts explosifs qui détonèrent dans le corps et la tête de l’ambull alors que ce dernier venait de se saisir d’un des gardes. Uriah ouvrit alors le feu en rafale de son pistolet laser radiant. Malgré la puissance de feu de l’arme, capable de traverser un adversaire, il réalisa que ses tirs n’eurent que peu d’effets sur la bête.
    Jocasta, comme précédemment, la foudroya de son œil warp. La bête, déjà grièvement touchée, poussa un hululement tandis que ses yeux explosaient en giclant. La frappe tua le malheureux garde déjà blessé, au passage. L’autre ambull en profita pour charger mais ils appelèrent les gardes restant, leur criant de les suivre et de se replier de toute urgence. Une jeune femme était parmi eux, une officier et la Brute ne put qu’être soudain saisi d’une joie mêlée d’inquiétude. Cette soldate devait très certainement être sa propre fille et elle ignorait tout de lui. Il n’avait pourtant pas le temps de s’éterniser sur ses pensées personnelles. Ils allaient devoir se sortir de là, sous peine de finir au menu de ces satanés bestioles.
    Ils couvrirent la retraite des derniers rescapés. Ils n’étaient plus que trois en comptant le lieutenant. Cette dernière, comme ses hommes, étaient étonnés de voir cet étrange équipe venir les sortir de là, mais préféraient garder leurs questions pour plus tard. L’urgence était de sortir de cette mine et de distancer l’ambull qui cherchait à les talonner. Les parois étaient étroites, pourtant il n’avait aucune peine à agrandir les accès à l’aide de ses puissantes pinces. Tout en rebroussant chemin, Uriah nota des caisses et barils dans un des tunnels et reconnut les symboles marqués dessus indiquant qu’il s’agissait d’explosifs. Tout en couvrant leurs arrières, il interpela la Brute.
    -Tu crois qu’on pourrait tout faire sauter ? Tu t’y connais en explosifs, non ?
    -Je m’y connais, oui.
    -Mauvais idée, leur cria Altaïr, tout en débouchant dans la première salle, celle où se situait le monte-charge. Si on fait sauter ces caisses, je crains que toute la caverne ne s’effondre et nous avec.
    -Alors ne perdons pas de temps, tout le monde au monte-charge et vite !

    Alors qu’ils rebroussaient chemin, une autre créature en profita pour jaillir d’un large puit inondé. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un ambull et ils ne surent dire de quoi il s’agissait. Son corps était serpentin mais tenait en même temps du mille-pattes géant. Enroulée sur elle-même, la créature était déjà grande mais elle devait faire plusieurs mètres de long, sans doute huit à dix mètres. Son corps était couvert d’écailles cristallines bleutées, elles aussi et même des gemmes de lithicarium semblaient pousser sur sa cuirasse. Enfin, c’était surtout sa gueule démesurée et garnie de crocs longs comme des dagues qui était la plus impressionnante. Ses crocs semblaient faits d’une sorte de cristal scintillant et extrêmement dur. La créature était étrangement capable de se déplacer dans un silence presque absolu. Elle bougeait avec une lenteur infinie et pourtant, l’instant d’après, elle frappa et happa un des malheureux mineurs qui n’avait pas pu fuir et qui était resté dans la grotte. Elle s’en saisit dans sa gueule immense, brisa son corps entre ses crocs de diamant et le goba tout cru.
    Depuis la tunnel adjacent, le dernier ambull était occupé pendant ce temps à se frayer un chemin vers eux. Le groupe de rescapés se mit à reculer tout en ouvrant le feu, se concentrant d’abord sur l’ambull, plus proche.
    Altaïr, Uriah et les gardes restant se précipitèrent vers le monte-charge qui était en train de redescendre et qui semblait mettre un temps interminable à arriver. Pour les couvrir, Helleth, Jocasta et la Brute continuaient de faire feu. L’ambull finit par tomber et malgré une attaque qui emporta un des gardes, les bolts de la Brute eurent raison de la créature cristalline dont une partie du corps explosa en milliers de fragments. La bête retomba, morte elle aussi non sans avoir effectué un carnage juste avant.
    -Pas de blessés ? Tout le monde va bien ? Cria Uriah qui venait de dégainer son épée énergétique, au cas où.
    -On a de la chance de bien s’en sortir, répondit Helleth qui inspectait les restes des créatures avec un certain dégoût.
    -On ferait mieux de remonter, leur répondit la lieutenant. Le monte-charge est là. A son bord se trouvait quatre soldats lourdement armés.
    -Tout va bien ? Lui demandèrent-ils. Vous n’avez rien.
    -Ça va, mais il vaudrait mieux remonter, je dois parler au magos de toute urgence.

    Pendant la lente remontée, elle porta son attention vers Uriah. Ce dernier ne pouvait s’empêcher de la dévisager. Il était difficile de voir dans cette jeune femme un quelconque lien de parenté avec la Brute. Lui qui était un colosse martial tout en muscles, au crâne rasé et le corps couvert de cicatrices alors que la jeune lieutenant était plutôt fine et non dénuée de charme, même si elle affichait une certaine froideur et une distance toute professionnelle, propre aux officiers de l’Astra Militarum. Son uniforme portait des décorations et une ancienne cicatrice lui barrait sa joue gauche, signe qu’elle avait déjà connu des combats. La Brute l’avait aussitôt noté non sans une pointe de fierté.
    -Au fait, je n’ai pas retenu votre nom ? Dit-elle à Uriah. Je vous dois une fière chandelle, qui que vous soyez d’ailleurs.
    -Capitaine Uriah Goldberg. Je suis libre-marchand et voici une partie de mes principaux officiers.
    -Pardonnez ma question indiscrète, capitaine, mais que fait un libre-marchand, ici au fond de la mine carcérale de Eta Magna au fin fond du monde perdu de Galen VI ?
    -C’est bien là toute la question, lieutenant. Une longue histoire à laquelle je ne saurai répondre… Du moins pas de ce monte-charge avec le warp sait quelle créature des profondeurs à nos trousses. Je préfère trouver un moment plus calme. Vous aurez peut-être besoin de boire un bon amasec avant.
    -On en a tous besoin, croyez-moi. Mais avant cela, je dois organiser la sécurisation de toute la mine et rendre compte à mon commandement.
    Elle soupira avant de poursuivre.
    -Vos hommes sont terriblement efficaces. Et bien équipé. Je paierais cher pour que le Munitorum nous fournisse des bolters comme vous avez, croyez-moi.

    Le monte-charge finit par arriver en surface. Là, un grand tumulte régnait dans toute la mine. Les gardes peinaient à maintenir un semblant d’ordre et tous les mineurs étaient au bord de l’émeute, reclamant des comptes et cherchaient à comprendre ce qui venait de se passer, combien y avait-il eu de victimes ? Où étaient les blessés ? Comment se faisait-il que personne ne venait les secourir. Alicia Lysander dégaina son pistolet laser Mk III et lâcha une rafale vers le plafond. Les traits d’un rouge vif zebrèrent la pénombre.
    -Il suffit ! cria-t-elle en direction des mineurs. Sa voix résonna dans toute la cavité. Elle pointa son arme vers un des mineurs. Un type musclés avec quelques augmentiques industriels.
    -Quelque chose à ajouter, Sharpe ?
    Il recula d’un pas, levant les mains en signe d’apaisement.
    Elle fit un geste vers le sergent, celui qui s’entretenait un peu plus tôt avec le magos, juste avant qu’Uriah et ses hommes ne descendent.
    -Sergent Kreel, que tout le monde retourne à son poste de travail et faites-moi condamner ce monte-charge.
    -A vos ordres, lieutenant.
    Le sergent ordonna à ses hommes de remettre tout le monde au travail.
    Elle rengaina son arme et interpela l’officier vox.
    -Où est le Magos Ogonax ? Je dois lui parler.
    -Il supervise le chargement du convoi, à l’extérieur. Comme il manquait du monde pour…
    -Evidemment…
    -Vous voulez que j’aille le chercher ?
    -Non. Contactez plutôt l’état-major, vous me les passez dès que vous aurez la liaison.
    -A vos ordres.
    Elle se tourna vers Uriah tout en le pointant du doigt.
    -Ah c’est vrai, vous aviez quelque chose à me dire, c’est ça ? Suivez-moi, je vous dois un amasec.
    Uriah lui désigna son archimilitant.
    -En vérité, mon second aurait… Quelque chose à vous révéler.
    Elle se retourna le dévisagea avec un air intrigué.
    -On se connait ?
    -Je m’appelle la Br… Je suis le premier lieutenant… Je… On peut parler en privé ?
    -Eh bien oui, suivez-moi, il y a un bureau juste là.

    Alors que la Brute suivait la lieutenant, Uriah se pencha vers Altaïr.
    -Tu crois qu’on pourrait se remonter quelques trophées ?
    -Comme quoi ?
    Uriah sortit un fragment de cristal d’une de ses poches.
    -C’est un morceaux de dent de la bête rampante cristalline ? Lui demanda Altaïr.
    -C’est ça. On dirait une sorte de diamant. J’en ferai bien tailler un morceau pour en faire une superbe bague pour Ludivine. Tu en penses quoi ?
    -Qu’elle devrait apprécier, sauf si tu lui dis d’où ça vient.
    -Je verrais bien aussi une tête d’ambull dans le strategium. Ça aurait du style. Tu penses qu’on pourrait en remonter une ?
    -Personne n’y verra d’inconvénient à mon avis, surtout pas la lieutenant.
    -Elle est très charmante, tu ne trouves pas ?
    -Qui ça ? La fille de la Brute ? Je te rappelle que tu es presque marié à Ludivine, mon cher.
    -Presque ? Allons bon, espèce de vieux marieur. Il n’y a rien entre elle et moi. Enfin si, mais c’est même pas encore complètement officiel. Et puis l’un n’empêche pas l’autre.
    -Je me disais bien aussi que l’éducation de Djoko allait laisser des traces sur toi…
    -Oui, bin j’y suis pour rien si sa fille est aussi charmante.
    -C’est une militaire.
    -Et alors ?
    -C’est bien ce qui m’inquiète, tu sembles n’être attirée que par des meneuses d’hommes, mon cher Uriah. Ce sont elles qui vont finir par te faire perdre la tête.
    -J’aime les femmes qui ont un fort caractère, voilà tout… Au lieu de débitter des énormités, tu crois que la Brute va s’en sortir avec elle ?
    -Peut-être pas aussi bien que face à trois ambulls, mais on va croiser les doigts pour lui.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 02/02/2024 à 18:20 Citer ce message

    Uriah et le reste de l’équipe se chargèrent des préparatifs pour le départ. Ils profitèrent du fait qu’une équipe redescende dans la mine afin de contenir toute nouvelle menace, pour les accompagner. Comme Uriah l’avait souhaité, ils remontèrent une tête d’ambull comme trophée. Il fallut deux hommes pour la porter tellement elle était massive. Ils purent remonter aussi quelques dents de l’horreur rampante, faites d’une sorte de diamant. Altaïr déplora le fait que les corps des ambulls ne puissent être conservés pour le voyage car leur chair était un mets des plus délicats et des plus appréciés au sein de la noblesse. Le kilo se vendait à des prix prohibitifs, aussi il en était à se demander s’il n’y avait pas un possible commerce à monter sur Galen VI.
    Ces derniers préparatifs leur prirent une bonne heure. Pendant ce laps de temps, la Brute se trouvait dans la petite pièce qui tenait lieu de bureau au lieutenant Lysander. La structure faisait partie d’un ensemble de blocs modulables qui servait de pièces de vie pour le personnel. Elle prit place dans son fauteuil, derrière son bureau, posant sa casquette d’officier à côté d’elle et indiquant d’un geste de la main à la Brute de prendre une chaise.
    -Je vous en prie, asseyez-vous, lui dit-elle. Ce qu’il fit. Elle attrapa une bouteille d’amasec dans son tiroir, en sortit aussi deux verres et en versa une rasade à chacun. Il prit son verre et la gratifia d’un signe de remerciement.
    -Je vous dois bien ça. Et je dois un verre au reste de votre équipe aussi, je n’oublie pas, dit-elle. C’est un beau bordel… J’ai perdu quatre de mes hommes en bas, sans compter le double de mineurs, je pense.
    -C’était un accident…
    -C’est exactement ce qui figurera dans le rapport. De toute façon, le Minutorum et le Mechanicus se contrefoutent de ce genre de détails, le reste n’est que de la paperasse qui sera archivée et jamais lue. De la paperasse et des soldats morts bêtement. Je dois écrire à leur famille qu’ils ont fait leur devoir envers le Trône et sont morts bravement.
    -Ce qui est le cas.
    -Bien sûr que c’est le cas, mais on aurait pu éviter ça, si vous voulez mon avis. Pas parce qu’ils sont morts par accident mais parce que ça fait des mois que je réclame des moyens au Munitorum et au Mechanicus et qu’ils font la sourde oreille. Bref, en tout cas, je dois bien avouer que vous êtes un sacré bon tireur.
    -Y a quelques années de pratique, c’est vrai. Mais deux pistolets bolter, ça aide aussi.
    Elle l’observa avant de poursuivre. Elle ne pouvait pas ignorer ses tatouages, son physique ni ses cicatrices. Certaines étaient anciennes.
    -Militaire, c’est ça ? Vous avez servi dans l’Astra Militarum, aussi ?
    -Officier dans la navale.
    -Oh… Sans vouloir vous offenser, vous êtes plutôt… costaud pour un officier de la marine. Les hors-mondes sont assez fins en général.
    -C’est parce que je ne suis pas hors-monde. Et parce que j’ai un long passé de combattant.
    -Je me doutais bien que vous étiez formé aux arts du combat. D’ailleurs, votre visage ne m’est pas inconnu étrangement. Votre accent aussi. Vous êtes galennien c’est bien cela ? On s’est déjà croisé, non ?
    -Justement, c’est ça le sujet. On s’est bien croisé mais c’était il y a longtemps.
    La Brute ne pouvait s’empêcher de l’observer. Il voyait la cicatrice qui courrait sur sa joue, comme la marque indélébile d’un coup qui aurait pu lui être fatal. Une lame. C’est la marque d’une lame qui lui avait fait ça, se dit-il. Une lame dentelée, vicieuse, faire pour étriper ou égorger salement, une arme d’hérétique. Il s’imagina un instant tenir le sale fils de grox qui lui avait fait ça pour pouvoir lui broyer le crâne à main nue.
    -Oh, laissez-moi deviner, répondit-elle… C’était lors des révoltes contre les troupes de Septimus Void, il y a quatre ans ? Ou le conflit de Silent Reach contre les Maelstrom Dogs ?
    -Non, c’était bien avant ça.
    La Brute laissa passer quelques instants avant de poursuivre. Il attarda son regard sur l’uniforme vert-de-gris qu’elle portait. Elle avait donc fait la seconde bataille de Silent Reach. Une guerre navale titanesque qui avait bien failli tourner au fiasco pour les troupes impériales. Elle parlait aussi de Septimus Void, le prince pirate qui tenait de la légende depuis des siècles. Bien des rumeurs courraient sur son compte car aucun humain naturel ne pouvait vivre aussi longtemps. Il attarda son regard sur ses grades, ses décorations. La Médaille écarlate pour blessure grave au combat, le Crâne ailé pour avoir mené une victoire décisive sous son commandement, la Citation de l’Ordre de l’Aigle écarlate, pour blessures et victoire lors d’un assaut aéroporté, ce qui en soit était une prouesse martiale. La Médaille du triple crâne pour avoir survécu à un assaut victorieux malgré plus de 66% de pertes, l’Aquila d’acier pour avoir vaincu un ennemi supérieur en nombre et ainsi avoir renversé le cours d’une bataille. Et enfin, non des moindres, il reconnut la Médaille d’honneur de Sainte Alicia Antiphonia arborant les doubles lauriers pour distinction au combat.
    Alicia avait participé à la croisade de la Sainte dont elle portait le même nom… La Croisade d’Endymion là où la Sainte serait morte trois fois face à la tricherie de l’Alpha Legion et au carnage des Night Lords et des Red Corsairs. Les pertes impériales y furent épouvantables et la Sainte, trois fois réincarnée ne dut sa survie que grâce au sacrifice des Sœurs de l’Ordre de la Rose Sacrée. L’ordre auquel appartenait Helleth de Shaad justement.
    La Brute en resta sans voix. Lui-même au même âge était loin d’avoir reçu autant de distinctions. Elle portait un Aquila en argent autour du coup… Médaillon qu’il reconnut tout de suite. Derrière elle sur une étagère, parmi les traités du Strategos et des mémoires historicae des conflits militaires de la région, se trouvaient des codes sur la Lex Imperialis ainsi que le Credo Imperialis. C’était un ancien missel avec sa couverture en cuir rappé mais il le reconnut lui aussi. Une icône de la Sainte était là aussi aux côté d’une représentation de l’Empereur-Dieu.
    -Vous m’intriguez. D’ailleurs, je réalise que n’ai pas retenu votre nom… Lui dit-elle, le voyant perdu dans ses pensées.
    Il s’était préparé à cette question depuis ces derniers jours. Son nom… Depuis combien d’années n’avait-il pas dévoilé son nom. Dix ans ? Plus ? Il en avait perdu le compte depuis le jour où ses geôliers avaient fait de lui une machine à tuer à qui ils avaient arraché son humanité. Les souvenirs remontaient et ils faisaient mal. A une époque, il en avait presque oublié son nom… Un nom qui renvoyait à un âge héroïque, à Terra et un possible aïeul légendaire. Un nom qui ne lui avait pourtant pas porté chance.
    -Lysander…
    -Oui, c’est mon nom, lui dit-elle.
    -Je m’appelle Lysander.
    Elle lui lança un regard mi-intrigué, mi-amusé, ne sachant pas bien si c’était là une sorte d’humour.
    -Handrick Lysander, finit-il par articuler, comme si ces syllabes étaient dures à sortir. Handrick Lysander, c’est mon nom.
    -C’est une blague ? C’était le nom de mon père…. Il est mort lors de…
    -Non. Et tu es bien ma fille.
    Pour toute réponse, elle vida son verre et s’en resservit un autre, qu’elle vida à nouveau mais avec une grimace au passage.
    -Trône… Mais… Je ne comprends pas… Mon père est mort il y a des années de cela, je n’étais encore qu’une enfant. Oui, il était officier dans la marine mais son vaisseau a été détruit par les Red Corsairs et il n’a pas survécu…
    -J’ai bien failli le croire moi aussi, à un moment et pourtant. Je suis là.
    Elle se calla dans son fauteuil, restant là à l’observer.
    -Qu’est-ce qui me prouve que… ?
    -Ta mère s’appelait Attia et tu as le bleu de ses yeux. Elle était sergent dans le 33ème régiment Volk Progenium, ici sur Galen. L’Aquila qui tu portes autour de cou, c’est moi qui lui avais offert, le jour où j’ai rejoint la Croisade Indomitus. Ta grand-mère Quintilla… Ma mère, était adepte ici, au bastion de l’Administratum. Ton grand-père Amos, lui, était abbé-instructeur, il enseignait à la Schola où tu as été formée. Ton oncle, Keghan est prêtre et c’est son livre de prières que tu as derrière toi. Enfin, je ne sais même pas s’il est toujours en vie.
    Elle porta sa main à sa bouche, commençant à réaliser.
    -Il est toujours en vie… Enfin, je crois, dit-elle dans un simple souffle. Il est parti en mission pour le cardinal. Mais alors… Vous êtes… ?
    -Je suis fier de te rencontrer, Alicia.
    -Mais pourquoi ?... Pourquoi toutes ces années ? Pourquoi…
    -Parce que comme tu l’as dit, j’étais mort. On a été une poignée à échapper au désastre de Golgotha. Après trois ans à lutter contre les forces hérétiques jaillis de la Grande Faille et à reprendre une poignée de mondes moribonds, toute notre flotte a été détruite par des barges de bataille des légions renégates. Ils n’ont même pas ralenti ni dévié de leur trajectoire lorsque nos navires furent atomisés à coup de torpilles cycloniques, comme s’ils n’avaient jamais existé. Nous n’étions que quelques miraculés à dériver à bord de navettes et de capsules de sauvetages pendant deux mois. Pour l’amirauté, nous étions tous morts à ce moment-là. Jusqu’à ce qu’une flottille de récupérateurs vienne piller les épaves. C’est là qu’ils nous ont ramassé. On n’était plus qu’un quart à avoir survécu à ce moment-là. On était moins d’une cinquantaine dont la plupart, en très mauvais état.
    -Mais vous n’avez pas pu rejoindre les forces armées ?
    -Malheureusement, ceux qui nous ont retrouvé faisaient partie du clan des technomades, des pillards et esclavagistes sans foi ni loi.
    Il vit sa fille lâcher un juron, à l’évocation de ce nom. Elle semblait les connaitre aussi. Il poursuivit.
    -Seuls les plus solides d’entre nous ont été récupéré. Les autres ont été laissé à leur triste sort, à crever à la dérive. Ce qui était peut-être une bénédiction dans un certain sens. J’ai fait partie des moins chanceux. Nous, on a été vendu comme esclaves à une organisation criminelle qui faisait partie de la Kasballica.
    -Ces enfoirés de barons du commerce froid…
    -Exactement. Ces fils de grox nous ont enchainé, torturé, marqué comme des bêtes et envoyé comme divertissement dans des arènes de combat pour nous étriper entre nous. Un an après, j’étais le seul à avoir survécu, forcé de combattre contre mes propres camarades.
    -Mais vous vous en êtes sorti finalement.
    -Oui mais ça, je ne le dois qu’à Isabella. C’est elle un jour qui a monté une équipe avec Altaïr et Djoko et un projet d’évasion.
    -Qui est cette… Isabella ?
    -Isabella de la Maison Goldberg. Une libre-marchande exceptionnelle à qui je dois ma vie. Je l’avais connu au début de la croisade quand elle servait elle aussi dans la navale.
    -La libre-marchande pour qui vous… enfin, pour qui tu travailles actuellement ? Cette équipe qui est avec toi ?
    -C’est ça. C’est une longue histoire. Là, c’est son neveu qui a repris la charge de leur Maison. J’ai une dette envers eux. Mais aujourd’hui je te retrouve aussi. Pendant toutes ces années… Je… Jamais je ne pensais revenir ici sur Galen…
    -Et à présent, j’imagine que tu vas devoir repartir à bord de ton vaisseau ?
    -Dans quelques jours, oui. On attend le reste de nos navires qui ont besoin de quelques réparations et de recrutement.
    -Le reste de vos navires ? Parce que vous avez plusieurs vaisseaux ?
    -Huit, en tout.
    -Je suis impressionnée… Ah, c’est donc vous qui recrutez parmi les forçats ? J’ai entendu parler de ça. Tu fais donc partie des officiers, j’imagine ?
    -Je suis le second du capitaine, en réalité.
    -Oh… J’imagine que cela doit être une sacrée responsabilité. Félicitations.
    -D’ailleurs, si un jour tu souhaites nous rejoindre, il y aurait une place pour quelqu’un comme toi, tu sais.
    -Ça me flatte que tu y penses. Mais vois-tu… J’ai des devoirs et obligations sur Galen. Je ne peux pas lâcher mon poste comme ça.
    -C’est tout à ton honneur. Tu n’es pas affectée qu’a cette mine, dit-moi ?
    -Non, en effet. J’y travaille qu’une à deux semaines par mois. Le reste du temps, je suis à l’état-major à la capitale, ou bien, envoyée en patrouille contre les gangs des pillards des sables qui harcèlent nos convois.
    -Eh bien, si un jour tu te lasses de cette routine, tu as une place déjà toute trouvée à bord.
    -Je ne connais rien à la vie d’un vaisseau, tu sais.
    -Tu apprendras vite, je ne me fais pas de souci. Si tu as accès à un astropathe, tu sauras me joindre.
    Quelqu’un toqua à la porte puis entra. Il s’agissait d’Uriah.
    -Pardonnez cette interruption mais nous allons devoir repartir. Les chauffeurs du convois nous attendent.
    La lieutenant se leva et fit un geste en direction de la Brute.
    -Nous parlions et je n’ai pas vu l’heure tourner, en effet. Elle lui désigna la bouteille d’amasec. Vous prendrez bien un verre avant de partir ?
    Uriah prit une mine faussement hésitante.
    -En temps normal, j’aurai décliné, mais là… je ne dis pas non.
    -Vous voulez qu’on appelle le reste de vos hommes ?
    -Allons, inutile de les déranger, ils ont des affaires à charger dans le camion de toute façon et puis, je ne comptais pas trop trainer sous peine de voir les deux adeptes filer sans nous.
    Il vida son verre et fit signe à la Brute de le suivre. Il allait pour saluer la lieutenant mais cette dernière leur indiqua qu’elle allait les accompagner jusqu’au camion, ce qu’elle fit.
    Le reste de l’équipe les y attendait, tandis que le moteur du lourd Cargo-8 ronronnait. La Brute et sa fille restèrent là, un moment à se dire au revoir, d’une façon un peu maladroite avec juste un petit signe de tête et un léger sourire gêné. Uriah en profita pour s’interposer et tendit sa main vers elle, paume vers le haut. Elle ne comprit pas le geste et naturellement lui serra la main, mais il la lui prit et effectua un baise-main qui la surprit.
    -Très chère, c’était un plaisir de vous rencontrer. Au plaisir de vous revoir prochainement.
    Puis ils montèrent à bord du camion dans la soute arrière et le véhicule démarra bruyamment, juste après, dans un vacarme et un panache de fumée.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 03/02/2024 à 00:35 Citer ce message

    Sur le trajet, la Brute leur raconta brièvement qu’il était heureux d’avoir pu voir sa fille. Il resta cependant assez peu loquace sur le sujet mais ceux qui le connaissaient bien, virent qu’il était réellement fier d’elle. Uriah, de son côté était satisfait aussi. Il était heureux comme un gosse avec son trophée, un peu comme s’il sentait que son prochain anniversaire approchait à grand pas et qu’il s’offrait déjà son cadeau en avance. De plus, il se sentait en veine en ce moment, dans moins de deux jours, leurs autres navires seraient là, un jour ou deux après, le Morning Star pourrait enfin prendre le large et partir pour l’aventure. Certes, il y aurait aussi toute la partie commerciale à gérer pour leur petite flotte mais pour cela, il savait qu’il pouvait compter sur les talents d’Altaïr mais aussi sur ceux de Jocasta et Djoko pour la partie navigation. Il restait Ludivine, bien évidemment. Avec elle, il allait devoir passer à des sujets très sérieux. Ce vieux malin d’Altaïr avait beau radoter, il avait raison sur un point, il n’allait pas pouvoir rester de simples partenaires, Ludivine et lui. Ils ne tenaient pas un petit négoce d’amasec en bas de la rue. Ils avaient la possibilité de bâtir une dynastie. De placer leur nom dans la carré de tête des Maisons libres-marchandes du secteur mais pour cela, il ne pouvait être question de partenariat. Une dynastie ne sa bâtissait pas sur un partenariat mais par un contrat, une alliance et un mariage. Et ce mariage engendrait nécessairement des héritiers. Voilà ce que signifiait bâtir une dynastie… Car jouer dans la cour des grands de ce secteur allait forcément attirer de l’influence mais aussi des convoitises et des inévitables guerres commerciales. Alors autant marquer le coup rapidement et imposer son style tout en affichant une certaine puissance. Mais pour commencer, il allait devoir épouser Ludivine et même si cela l’effrayait, il se disait au fond de lui, qu’il y avait véritablement pire dans la vie.
    Uriah fut tiré de ses rêveries par la voix d’Helleth qui les alerta. Elle s’était levée de son siège où ils étaient installés dans le container à l’arrière du camion et scruta l’extérieur depuis une des meurtrières. Les soubresauts et la poussière n’aidaient pas à la bonne visibilité.
    -Vous avez entendus ça ?
    -Quoi donc ? Lui répondit Uriah. Les autres donnaient cette même impression de n’avoir rien entendu de particulier en dehors du vacarme du convoi.
    -Des bruits de moteurs…
    -On est sur une route, lui répondit Uriah. On doit forcément croiser d’autres véhicules, non ?
    La Brute se leva à son tour et ouvrit une des écoutilles donnant sur le toit. Avant même de regarder dehors, il sût que l’intuition de la sœur ne devait pas la tromper.
    -Des pillards des sables en approche, dit-il en se hissant sur le toit.
    -Tu vas où ? Cria Uriah.
    -Il y a un bolter jumelé sur le container arrière, se contenta-t-il de répondre.
    L’instant d’après, ils avaient tous sortis leurs armes alors que le bruits de coups de feu s’entendaient déjà. Des impacts se mirent à tinter sur la coque du container et des cris parvinrent de l’habitacle. Ils reconnurent la voix d’Agusta, la conductrice qui les appela à l’aide. Helleth fut le deuxième à se hisser sur le toit en passant par la trappe, suivit par Jocasta qui retira le bandeau qu’elle portait sur le front et relâcha un feu warp de son troisième œil droit sur trois motards qui venaient droit sur eux. Ils furent tous les trois balayés par l’onde de choc qui les propulsa en arrière, le visage en feu tandis que leurs motos firent des embardés et des tonneaux. Altaïr ouvrit le feu à son tour, touchant un autre motard arrivant par le flanc droit de leur camion.
    Les pillards étaient un mélange de hors-la-loi et de déserteurs moribonds mais farouchement déterminés, équipés d’armes de récupération et de véhicules bricolés. Un assortiment de motos, de quads et de véhicules tout-terrain leur fonçait dessus alors que leurs occupants ouvraient le feu de toutes leurs armes. Certains des pillards s’apprêtaient même à sauter sur le camion qui filait toujours à toute vitesse droit devant sur la route. Uriah tenta de placer un coup d’épée énergétique sur un des types accroché au container mais le manqua de peu, pendant ce temps, la Brute tentait de passer de toit en toit de chaque container mais les soubresauts et surtout les tirs lui firent perdre l’équilibre et il progressait avec une grande difficulté, obligé de s’accrocher d’une main et de dégainer un de ses pistolets de l’autre. Il échangea plusieurs tirs sans succès. Depuis le container, Jocasta foudroya un autre pillard dont la moto vint percuter une des remorques avant de passer sous ses roues avec son conducteur et Altaïr parvint à en abattre un autre qui bascula de sa moto qui continua toute seule avant de percuter un rocher.
    Helleth, qui était au niveau de la cabine, avait basculé le corps d’Enosh, l’adepte criblé de balles, dans le vide sous les cris de protestation d’Agusta, toujours au volant. Helleth se moqua de ses hurlement et s’installa à la place du mort, arma d’un coup sec la double culasse du bolter jumelé monté sur pivot et le fit coulisser en direction d’un tout-terrain situé trente mètres devant. Elle commença à faire pleuvoir les bolts. Depuis les containers à l’arrière, d’autres pillards venaient de s’accrocher aux montants latéraux, alors que le convoi filait toujours à pleine vitesse. L’un d’eux lança un cocktail molotov qui explosa là où se trouvait Jocasta. Une partie de ses robes commencèrent à prendre feu et elle se mit aussitôt à hurler. Uriah qui était occupé à tirer avec son pistolet radiant, se précipita pour l’aider. Il attrapa un sac en toile dans le container et l’enveloppa aussitôt avec, cherchant à étouffer les flammes. Le pyromane se jeta alors sur Altaïr avec une lame à la main et lui fendit la joue gauche avec. Luttant en plein corps à corps, il chercha à lui tirer dessus mais manqua ses tirs.
    La Brute, en queue de convoi était dans la même situation, un des assaillants venait de lui sauter dessus et manqua lui asséner un coup d’épée mais la frappe, mal ajustée le manqua et rebondit sur la porte du container. Le pillard manqua son coup et perdit son arme qui vola dans les air. De son autre main, il dégaina un pistolet mitrailleur mais la Brute s’arcbouta et lui décocha un grand coup de botte en plein torse lui faisant perdre l’équilibre. Le pillard chercha à se rattraper, lâcha son pistolet, glissa entre les deux containers en hurlant et fut happé dans le vide avant de passer sous les roues de la remorque.

    Une rafale de gros calibre manqua la Brute de peu, pourtant il sentit deux impacts ou peut-être des éclats lui lacérer les jambes malgré ses protections. Il serra les dents, les blessures étaient mineures et il en avait vu d’autres. Il s’agrippa au toit du dernier container, pointa son pistolet bolter et commença à faire un carton sur les deux quads qui tentaient de les prendre par les flancs. Il tua le conducteur de l’un des deux, envoyant le petit tout-terrain et ses deux occupants d’écraser sous une de leurs remorques qui fit une violente embardée alors qu’elle broyait ferraille et os sans distinction.
    Depuis le container de tête, Uriah était parvenu à sauver Jocasta in extremis, elle avait ses robes déchirées et brûlés et s’en sortait avec quelques brûlures mais sans trop de gravité. Il la laissa et vint aider Altaïr qui peinait à se sortir du corps à corps avec son adversaire mais c’est à ce moment qu’une rafale de balles de gros calibre traversa tout le container. Uriah évita les tirs de peu mais Jocasta, encore en état de choc se prit une balle en plein plastron. L’impact la propulsa dans le container où elle s’écroula au sol, inconsciente.
    A l’extérieur la situation devenait tout autant compliquée. La conductrice venait de se prendre deux balles parmi celles qui avaient touché le container. Elle gisait désormais le tête sur le volant alors qu’Helleth criait que quelqu’un vienne l’aider. Le camion, lui filait à une folle vitesse et avait quitté la piste, continuant tout droit en plein désert. Seul la Brute savait conduire un camion mais Uriah décida de se précipiter vers la cabine. Lui et ses compagnons continuaient de faire feu et abattirent les derniers pillards. Jocasta était mal en point, une balle avait bien failli lui perforer un poumon et elle devait bien avoir deux ou trois côtes cassées. Altaïr avait le visage en sang mais s’en sortait déjà mieux, quant à la Brute, malgré ses blessures aux jambes, il restait encore combattif. Les deux derniers véhicules des assaillants finirent par rebrousser chemin et partirent dans un panache de fumée et de poussière.
    Uriah se glissa vers la cabine, attrapa le corps de la malheureuse pilote et la bascula dehors où elle percuta le sol du désert à pleine vitesse. Il chercha à s’installer aux commandes mais à part tourner le volant, il ne savait pas bien quoi faire. Il voxa la Brute.
    -Je fais comment pour arrêter cet engin de malheur ! Cria-t-il.
    La Brute peinait pour refaire le chemin en sens inverse, lui qui était enfin parvenu tout au bout du convoi.
    -La pédale du milieu, appuis sur la pédale du milieu !
    Uriah chercha entre ses pieds et ne vit que deux pédales.
    -Bordel, mais c’est laquelle la pédale du milieu ! Y a que deux pédales dans ce foutu camion !
    La Brute jura entre ses dents, préférant chercher à rejoindre la cabine. Mais en sautant de toit en toit, il vit le décor qui se profilait droit devant eux. A moins de trois-cents mètres se trouvait un large canyon qui donnait tout droit vers un précipice.
    -Freine ! Hurla-t-il à haute voix. La pédale de gauche ! Freine !
    Uriah, depuis la cabine, qui ne voyait pas vers quel danger filait le camion, n’arrivait pas non plus à entendre la voix de la Brute, à cause du bruit du moteur. Ce fut Helleth, installée juste à côté qui comprit ce qui se trouvait devant eux. Elle lui cria d’appuyer tout de suite sur le frein, ce qu’il finit par faire, faisant piler le convoi qui continua de glisser sur une centaine de mètres dans un crissement assourdissant tandis qu’ils se sentaient tous écrasés par la pression. L’engin finit enfin par s’arrêter, à quelques mètres du précipice. Uriah finit par souffler tandis qu’Helleth, à ses côtés, remerciait l’Empereur pour sa si grande clémence. Il se tourna vers elle.
    -Vérifie qu’il ne reste pas un de ces sauvages accrochés à un des containers, on sait jamais.
    Elle hocha la tête et sauta de la cabine, tout en dégainant son pistolet lance-flammes.
    Il descendit à son tour et vint retrouver les autres à l’arrière. La Brute était en train de s’occuper de Jocasta. Il sortit son medikit et commença à traiter sa blessure. Son plastron pare-balles avait été pulvérisé par l’impact.
    -Elle va s’en sortir ? lui demanda Uriah.
    -Oui, mais c’est pas passé loin. A deux centimètres près, la balle traversait un poumon et là, en plein désert, elle n’aurait pas tenu vingt minutes. Elle devra passer au bloc voir « l’amputeur », sa plaie n’est pas très profonde mais quand même, elle a des côtes cassées aussi.
    -Oui, bin vous y passerez tous les trois avec Altaïr, vous pissez le sang, il vous rafistolera.
    Au bout de quelques minutes, Helleth vint les rejoindre. Elle indiqua qu’il n’y avait plus de danger à l’horizon.
    -On fait quoi en attendant ? Lui demanda-t-elle.
    -Comment ça, on fait quoi ?
    -On a perdu les deux adeptes.
    -Quels adeptes ? On a deux containers emplis de minerais, moi c’est tout ce que je vois.
    Altaïr dévoila son grand sourire de malfrat mais le regretta aussitôt, à cause de sa joue qui le faisait souffrir le martyr.
    La Brute leur lança un regard noir, comme Helleth.
    -Non, mais vous n’êtes pas sérieux ? C’est pas comme si le munitorum n’attendait pas le chargement et puis la capitale est emplie de troupes et d’arbitrators.
    -Ah oui ? Moi je dis que le convoi est tombé entre les mains de pillards des sables, voilà tout, lâcha Uriah.
    -Et comment tu remontes tes containers en orbites depuis l’astroport sans que ça se voit ?
    Uriah tapota l’épaule d’Altaïr.
    -Il va nous trouver une idée, j’en suis sûr.
    La Brute les foudroya du regard.
    -Parce qu’on n’a pas eu déjà assez de problème en orbite avec l’inquisitrice. Ne compte pas sur moi pour finir aux légions pénales, tout ça pour des caisses de cristaux pour cellules laser, non mais sérieux ?
    Uriah tapa dans un pierre au sol, du bout de sa botte.
    -Non, mais je disais ça comme ça… Peut-être que juste un container pourrait disparaitre… après tout, on leur rend service, non ?
    -A qui tu penses rendre service ?
    -Je sais pas… Ta fille ? Tu comptes pas l’inviter un soir à bord d’ailleurs ?
    -Non, pourquoi ?
    -Alors, je vais l’inviter à diner, dans ce cas.
    Altaïr vint alors s’interposer.
    -Oui, mais non, en fait. Je crois qu’il est temps de rentrer et prendre un peu de repos. Rester trop longtemps sur une fichue planète, c’est jamais bon pour la santé de toute façon. La preuve, non ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 05/02/2024 à 23:09 Citer ce message

    Dans la soirée, ils laissèrent le Cargo-8 à la Porte de la Miséricorde, de là où ils étaient partis dans l’après-midi. La Brute se chargea des formalités. Là, il tomba sur un adepte identique à tous les autres clercs du Munitorum, vêtus de leur long manteau gris aux insignes noirs et blancs et aux cheveux rasés dévoilant leurs implants crâniens. Ce dernier approcha avec une tablette à la main tandis que la Brute sautait de la cabine.
    -C’est quoi tous ces impacts sur la carrosserie, par la Trône, les têtes de boulons vont encore nous facturer une fortune en réparation.
    La Brute approcha tout en lui désignant les dégâts.
    -Si vous regardez attentivement, vous verrez que ce sont des impacts de balles de différents calibres et non de laser. La signature typique des pillards des sables, mais une chance, le chargement est intact. Ce sont eux qui ont attaqué le convoi. Sur la route du retour, à mi-chemin je dirais, un peu avant la passe du canyon.
    L’adepte lui lança un petit sourire en coin.
    -Ça va, je sais reconnaitre ce genre de calibre, l’ami. La logistique c’est notre fonction et les armes ça nous connait, croyez-moi, dit-il tout en prenant des notes sur sa tablette. En effet, cela ressemble bien aux données relevées lors des dernières attaques. Salopards de pillards, j’te foutrai ça au bout d’une corde, moi…
    La Brute l’observa d’un œil perplexe. Certes, l’adepte devait connaitre les fiches techniques de la plupart des armes mais il doutait qu’il n’ait jamais tenu un fusil d’assaut entre ses mains, sinon juste pour l’inspecter. A l’arrière, Uriah et Helleth aidaient Jocasta à descendre tout doucement. Altaïr les suivait.
    -Et où sont Enosh et Agusta ? continua l’adepte tout en écrivant sur sa tablette. Je ne les vois pas.
    -Ils sont morts lors de l’attaque. Leurs corps sont là-bas, quelque part sur la piste, répondit la Brute sans plus de ménagement.
    L’adepte vacilla à cette annonce.
    -Quoi ? Vous êtes sûr qu’ils sont… ?
    La Brute se calla juste devant lui, le dominant de toute sa carrure.
    -Ils ont fait leur devoir envers le Trône, adepte. Vous seriez bien avisé de renforcer les équipages de vos convois à l’avenir. L’armement est suffisant, mais pas vos hommes.
    -Ça… Je suis bien d’accord avec vous, car on est en sous-effectif de partout. On fait avec, voilà tout. Pour autant… Leurs corps… Vous avez laissé les corps là-bas, dans ce maudit désert avec ces charognards ?
    -On était attaqués et on a eu des blessés aussi. Il désigna Jocasta du doigt.
    -Oui mais vous auriez pu ramener leurs corps… On parle là d’adeptes de l’Imperium… De bons et loyaux serviteurs du Trône… Oh, par Terra quel malheur, mais comment je vais justifier cela dans mon rapport, moi ?
    -Croyez bien que si nous avions pu les ramener, nous aurions tout fait pour.
    L’adepte eut un rictus amer.
    -Vous n’avez pas fait assez alors. Ils méritent une sépulture décente et de finir honorés en poursuivant leur devoir. Ils avaient toujours souhaité devenir un jour des servo-crâne et à présent… Mais quel malheur…
    L’adepte s’en retourna vers son bureau, profondément bouleversé, laissant la Brute à ses pensées. Uriah l’appela. Il finit par les rejoindre, ils retournèrent vers l’astroport en car et reprirent leur navette pour remonter en orbite.

    Sur la station Purgatoria, ils décidèrent de remonter à bord du Morning Star. De toute façon Jocasta avait besoin de passer au bloc et même Altaïr et la Brute y firent un saut rapide pour se faire recoudre, bien que cela ne prenne pas trop de temps pour ces deux-là. Altaïr avait du travail de toute manière, il allait devoir réunir ses équipes, celles de Maitre Aldorf et le concours de Djoko afin de préparer des contrats établissant des routes commerciales entre plusieurs systèmes. Ils allaient devoir contacter plusieurs maisons nobles, des adepta et des guildes marchandes afin de remettre en place certaines entreprises commerciales. Leurs navires chartistes, étant désormais leurs filiales, allaient devoir honorer ces nouveaux contrats, raison pour laquelle ils allaient devoir garder ou non, certains de leurs capitaine. Livia Damael se verrait confier le Vanguard Avenger, comme convenu. En revanche, Corvin Klovitz, l’ancien bras-droit d’Absilias allait devoir sauter. Altaïr ne le jugeait pas fiable, surtout selon les dernières informations astropathiques relayées par Livia. Ce dernier était près à prendre les armes contre eux et pour l’heure il était aux fers et c’était heureux. Il en était de même pour Gregor Kysnathian et son bras-droit, Rubot Ambrosius. Avec l’histoire de l’abordage, ces deux-là se rebelleraient tôt ou tard, ce qui n’était pas le cas de Nyxanne Morteval ni des capitaines du côté des Rasmusen qui eux, étaient déjà tout acquis aux Frae Spinaiser. Ils allaient donc devoir s’assurer de constituer des équipes solides si Uriah et Ludivine espéraient un jour voir fructifier leur flotte.

    Uriah en profita justement pour chercher Ludivine à bord. Il la trouva sur la passerelle occupée à analyser des données auspex.
    -C’est une bonne chose que vous soyez là, je souhaitais justement vous parler.
    Elle se tourna vers lui.
    -Moi aussi, voilà qui tombe bien.
    -Je vous en prie, fit-il d’un geste de la main.
    -Les données indiquent que le reste de notre flotte est en approche. Le gros des navires sera là dans deux jours, ils viennent de dépasser la bordure des Confins et devraient pénétrer dans la Zone de la Biosphère, entre les orbites de Galen VII et VIII apparemment.
    Les termes renvoyaient à un jargon naval désignant les différentes partie d’un système solaire. En bordure d’un système, c’est-à-dire à son point le plus éloigné de son étoile, se situait ce qu’on appelait le Point de Mandeville, là où les zones de saut warp étaient possibles sans le danger d’un puit gravifique ou toute collision avec des corps célestes mineurs. Ensuite venait la zone d’entrée dans le système, que l’on appelait les Confins. Là où se trouvaient souvent des géantes gazeuses, des mondes stériles et glacés mais riches en minerais rares. Venait ensuite la zone intermédiaire surnommée la Biosphère car c’était dans cette partie centrale d’un système où l’on pouvait trouver parfois de la vie. Certains mondes étaient habitables, voire habités par diverses espèces. On y trouvait donc de multiples ressources, ce qui ne rendaient pas ces mondes moins dangereux pour autant. Après la Biosphère venait enfin le Chaudron, le zone la plus proche de son soleil. Là, la vie était parfois possible mais sous des températures souvent torrides voire impossibles pour que le vie s’y développe. Entre chacune de ces trois zones se trouvaient inévitablement des ceintures d’astéroïdes, des nuages de gaz et de poussière, des puits gravifiques et tout un ensembles d’anomalies des plus mortelles pour les moins prudents.
    -Dans deux jours donc ? Lui répondit Uriah. C’est plutôt une bonne nouvelle.
    -En effet, j’ai hâte de retrouver le Daughter of Tempest, dit-elle avec un sourire un peu gêné… Non pas que je ne sois pas bien accueillie sur le Morning Star, bien au contraire et soyez assuré que votre présence me ravie, mais…
    -Mais le Daughter of Tempest est votre maison, rétorqua Uriah. Il était parfaitement conscient du fait que l’atmosphère du Morning Star était très particulière. Elle pouvait rendre mal à l’aise certaines personnes du fait de son passé blasphématoire et de l’affinité que l’esprit du vaisseau entretenait avec le warp. Antinoé et Jocasta ne le ressentaient que trop bien. Le Morning Star possédait un écho, une résonnance qui en avait toujours fait un navire touché par la warp qui était son élément.
    -Oui, sans lui, je me sens un peu plus orpheline. Si j’en crois donc les derniers relevés que je consultais, il devrait être là demain, en même temps que le Vanguard et l’Invincible Horizon. Ils sont parvenus à distancer quelque peu le reste de la flotte et devraient donc prendre de l’avance.
    -Excellente nouvelle, je vais en informer le reste des officiers.
    Il allait pour repartir, elle l’interpela par son prénom.
    -Oui ?
    -Vous dînez avec moi ce soir ?
    -C’est que… Je pense avoir pas mal de travail avec Altaïr et…
    -Oh, je me sentais un peu seule en ce moment…
    Il vit qu’elle semblait réellement déçue.
    -Mais, je pense qu’il saura se débrouiller tout seul, c’est un grand garçon. J’accepte volontiers.
    Elle le gratifia d’un grand sourire qui désarma Uriah une fois de plus.
    -Quand il sera là, il faudra que je vous présente Rollo, le chef cuisinier que j’ai à bord de mon navire, lui dit-elle.
    -Rollo ?
    -Oui, c’est un ratling. Ces petits abhumains savent cuisiner à merveille.
    -On en reparle ce soir, lui dit-il en lui faisant un délicat baise-main.

    En sortant de la passerelle, il attrapa la Brute au passage.
    -Ah, te voilà, lui dit ce dernier. On a reçu un message de l’Inquisitrice.
    -Qu’est-ce qu’elle me veut encore celle-là ?
    -Elle veut te voir, elle a à te parler.
    -Eh merde, j’avais vraiment besoin de ça.
    -Tu veux que je t’accompagne.
    -Oui, on ne sera jamais trop de deux. Allons-y.

    Ils passèrent les contrôles habituels dans la zone interdite, réservée à l’Inquisition sur la station. L’Inquisitrice Taria Shard les attendait dans son bureau. Elle leur fit signe d’approcher et de s’assoir.
    -Vos affaires se passent comme vous le vouliez ? Demanda-t-elle.
    -Oui. D’ailleurs merci pour le nom du diacre, cela s’est avéré très utile.
    -Allons, je vous en prie, si l’on ne peut pas se rendre parfois quelques petits services entre serviteurs du Trône de Terra…
    -En effet…
    -A ce sujet, où en est le vaisseau que vous m’offrez ? En approche, j’imagine ?
    -Absolument, Madame. Selon les derniers rapports, il sera là d’ici deux jours.
    Uriah manqua s’étrangler en entendant le mot « offrez » mais n’en montra rien.
    -Parfait. Vous ne comptiez pas repartir tout de suite, de toute façon ?
    -Disons… Si… D’ici deux ou trois jours mais je dois attendre les réparations du navire de Ludivine avant cela.
    -Ah, la petite Frae Spinaiser ? Voilà qui est éminemment touchant de votre part. Faites cela, quelques jours de plus devraient vous arranger.
    -Nous arranger ?
    -Vous allez comprendre.
    Elle activa une tablette de données et laissa l’écran afficher l’image d’un homme captif, en tenue carcérale orange. Le type avait une véritable tête de psychotique.
    -Je vous présente Merek Quintor, un agent de la Kasballica, actuellement détenu dans le penitarium IV, un astéroïde de haute sécurité qui orbite autour de cette planète. Inutile de vous demander si vous savez ce qu’est la Kasballica ?
    -En effet, répondit Uriah. C’est une vaste organisation criminelle spécialisée dans le commerce illégal d’artefacts interdits.
    Elle lui lança un regard sombre.
    -Vous en savez déjà beaucoup trop.
    -Je me renseigne, voilà tout… Mais rien de plus…
    -Je plaisante. Détendez-vous, capitaine. Il se trouve que je vais avoir justement besoin de vos services étant donné que vous proposez aimablement de vous rendre disponible ces prochains jours. Je vais permettre à Merek Quintor de s’évader et pour cela, j’ai besoin d’une équipe qui s’y connait dans ce genre de chose. L’évasion, voyez-vous ? Je tiens évidemment à ce qu’il pense que cette évasion est favorisée par quelques complices, auquel cas mes agents s’en seraient chargés. Malheureusement, Quintor les reconnaitrait, voilà pourquoi j’ai besoin d’inconnus. L’objectif est très simple. Vous passerez pour des agents de maintenance, mes hommes vont vous fournir des accréditations et des tenues. Vous entrez dans la prison. On ne peut y accéder qu’en navette. Je vais vous fournir aussi un plan de la prison. A l’intérieur se trouvent quelques cinquante détenus en confinement total, tous de dangereux criminels ou hérétiques. Mais seul Quintor m’intéresse. Vous le sortez de là et vous trouvez un moyen de le ramener à votre navette. Une quinzaine d’arbitrators lourdement armés sont en poste dans la prison. Avec eux se trouvent des technomécanos, des technoprêtres et quelques servitors. Il faudra évidemment éviter de les alerter. Vous le conduirez jusqu’au navire que vous me fournissez. De là, je compte sur lui pour me mener jusqu’à ses complices car finalement, ce sont eux qui m’intéressent. D’ailleurs, Vous étiez dans le système Grief, il y a encore quelques jours de cela, non ?
    -En effet, lui répondit Uriah.
    Elle afficha une nouvelle image sur sa tablette et la leur montra. Ils reconnurent la femme sur la capture pix.
    -Alors, peut-être avez-vous – par pur hasard, croisé cette femme ?
    Uriah fit mine de la regarder en détails.
    -Cela ne me dit rien. Nous avons croisé beaucoup de gens, là-bas.
    -Vraiment ? Je vous en prie, regardez un peu mieux. Prenez votre temps. J’insiste.
    Uriah comprit qu’il ne pourrait pas continuer de lui mentir plus longtemps, car elle savait déjà qu’il lui mentait, d’autant plus que la Brute à ses côtés était un bien piètre menteur.
    -Eh bien… Il se pencha en avant, faisant mine de plisser les yeux. Peut-être, oui. Il est possible que nous l’ayons croisé un soir dans un bar.
    -Elle s’appelle Livia Damael et travaillait récemment pour Ashram Absilias. Un nom qui vous est plus que familier à ce que j’ai compris. Il se trouve que Miss Damael est une de ces « baronnes » de la Kasballica. Une des têtes d’une puissante mafia locale qui s’intéresse de près à certains objets, disons… interdits. C’est elle qui nous intéresse et nous comptons sur Quintor pour la faire tomber, elle et sa cellule.
    -Eh, bien, Madame… Je vais devoir en parler avec mes officiers afin de nous organiser et voir ce qu’il est envisageable de faire.
    -Que l’on soit bien clair, capitaine Goldberg, des fois que je n’ai pas été bien comprise. Cette mission n’est pas une option, elle est d’une importance capitale pour le Trône. Sachez que je saurais alors m’en souvenir. Menez à bien cette opération pour moi et je saurais vous témoigner ma gratitude.
    -Bien entendu, Madame.
    Elle reposa sa tablette et sortit un petit objet d’un coffret en métal iridescent posé sur son bureau. Elle le posa sur son bureau, devant Uriah. Il s’agissait d’une balle. Une munition d’arme de poing.
    -Tenez. Présentez cela à Merek Quintor. Il saura alors que vous travaillez pour son organisation. Sur ce, vous pouvez disposer.

    Une fois sortis de la zone interdite, ils reprirent les coursives en direction des baies menant au Morning Star. Uriah desserra enfin les dents.
    -On est dans la merde…
    -C’est sûr que si on la trahit, Altaïr va nous en vouloir…
    -Il y a pire que ça… J’ai parlé avec Ludivine tout à l’heure, j’ai vu les rapports de la passerelle. Livia sera là dans deux jours, à bord du Vigor Invictus.
    -Le Classe Universe ?
    -Lui-même. Il va falloir qu’on la contacte et en urgence.
    -Mais du coup, on fait quoi ? Soit on trahit Livia, soit on double l’inquisitrice ?
    -Ou bien on tente un coup de poker. On va réunir tout le monde et on regarde nos options.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 10/02/2024 à 21:59 Citer ce message

    Ils passèrent une partie de la soirée dans le Strategium à élaborer un plan concernant l’exfiltration de Merek Quintor qui devait avoir lieu dans trois jours pour le compte de l’Inquisitrice. Le plan était audacieux mais non sans risque. Une chance, car le délai était très court, l’Inquisitrice Shard leur fournissait malgré tout, les éléments pour leur couverture, les tenues, les accréditations et le plan du penitarium. Il ne restait plus qu’à monter une petite équipe qui allait devoir se montrer crédible et être capable d’improviser en cas d’imprévu. Pour la mission, Uriah allait s’entourer des indispensables Altaïr et la Brute. Il devait cependant se passer une fois de plus de Djoko préférant le laisser à bord du Morning Star car il avait besoin qu’un de ses seconds soit en lien permanent avec la passerelle. D’une part, l’action n’était pas le fort de son maitre timonier mais surtout ce dernier était un peu trop dans le collimateur des autorités en ce moment. C’était aussi le cas d’Altaïr, bien sûr mais ce dernier avait modifié son identité et son apparence et parvenait à passer relativement inaperçu, à l’inverse de Djoko. Le plan allait être simple, du moins sur le papier. Ils auraient des tenues de technomécanos, une accréditation pour effectuer une routine de maintenance et des caisses à outils dans lesquels dissimuler un peu matériel parmi les pièces détachées. Ils ne comptaient pas emmener d’armes mais étaient parvenus, grâce à Edward Kenway, le principal informateur d’Altaïr, à dénicher un pistolet à aiguilles auprès du bloc medicae. Pistolet chargé de strixis, un puissant anesthésiant utilisé en cas de chirurgie. La Brute avait aussi pu mettre la main sur un détonateur à Krytron, d’une grande précision qui allait servir pour créer une brèche dans la coque après leur départ et ainsi détruire une zone technique bien précise de la prison afin de couvrir leurs traces. L’idée était aussi et surtout de faire disparaitre certains corps en même temps que Merek Quintor. Car toute la subtilité résidait dans le fait d’entrer à cinq dans la prison et de ressortir à cinq.
    Pour cela, Jocasta leur apporta une idée ingénieuse. Malgré le fait qu’elle n’était pas encore tout à fait remise de ses blessures. Ils se rendraient donc à cinq sur le Penitarium, dans trois jours. Cinq en tenue de technicien, dont Jocasta. Du Coup, Kenway devrait aussi les accompagner avec Uriah, la Brute et Altaïr. Une fois à l’intérieur, une partie d’entre eux feraient mine d’inspecter certaines zones isolées, comme les douches ou des alimentation en énergie. Jocasta, à l’aide d’un de ses pouvoirs lui permettant de replier le warp autour d’elle, pourrait alors se re-téléporter discrètement à bord de la navette par laquelle ils venaient d’arriver. Elle laisserait juste sa combinaison de technicien à ses camarades.
    Restait ensuite à prendre le contrôle de deux points : Un des techniciens qui contrôlait les servo-pix et portes sécurisées du bloc D où se trouvait Quintor, pour cela, le bagou d’Uriah et le pistolet anesthésiant de la Brute feraient l’affaire, puis accéder à un couloir technique. Là aussi, ils allaient devoir accéder à une seconde zone – un entrepôt technique - proche de la première zone mais contrôlée par un second accès. A l’intérieur, il faudrait neutraliser sans doute d’autres techniciens, le tout sans attirer l’attention des arbitrators en patrouille dans cette partie de la prison. Dans l’entrepôt, la Brute devra se débrouiller pour confectionner une bombe artisanale à l’aide des produits entreposés et de son détonateur. La bombe devra être assez puissante pour causer une brèche dans le coque toute proche mais aussi pour toucher les cellules adjacentes, là où se trouve Quintor – mais qui n’y sera plus lorsqu’elle explosera. Juste avant, ses camarades situés au niveau du poste du technicien de contrôle auront deux à trois minutes pour faire sortir Quintor de sa cellule, lui faire enfiler la combinaison et quitter les lieus comme si de rien n’était. Là aussi, il faudra déjouer l’attention des arbitrators, le véritable danger de ce plan. En cas de simple question, ils devront prétexter qu’ils allaient devoir revenir avec du matériel spécifique à la suite d’une possible fuite. Le tout étant de rendre crédible l’explosion accidentelle. Ce n’est qu’une fois à bord de leur navette Arvus, que la bombe devra alors exploser, effaçant toute trace de leur passage et accréditant la thèse d’un incident technique. Bien entendu, ils n’étaient pas dupes et se doutaient bien que les arbitrators se poseraient alors ce genre de questions à posteriori. Mais ils seraient loin et espéraient que l’Inquisition brouillerait les pistes.
    Evidemment, la crédibilité de leur couverture et un minutage précis seraient la clé de leur réussite. Les technomécanos étaient partout dans l’Imperium, ils n’attiraient pas l’attention et leur présence paraissait parfaitement légitime. C’était là, tout l’avantage qu’ils allaient devoir en tirer.

    Mais pour l’heure, Uriah se remémora qu’il devait retrouver Ludivine ce soir pour diner, ce qui tombait à point nommé pour lui changer les idées. Il avait encore un peu de temps devant lui, aussi décida-t-il de passer voir la Magos Argentus afin de lui demander un petit service à propos d’un fragment récupéré dans la mine, sur le serpent cristallin géant. Lors du dîner avec Ludivine, il avait pour idée de lui offrir une paire de délicates boucles d’oreilles réalisées à partir de ces éclats de diamants bleutés d’une pureté incomparable et qui scintillaient de mille éclats. En moins de deux heures, la Magos avait réalisé un superbe travail avec un laser de découpe de précision, deux ou trois fils d’or, quelques microsoudures et une incroyable maitrise artisanale. Le résultat était absolument divin, comme le prénom de la jeune libre-marchande. Uriah se sentait en veine ce soir-là, d’autant plus que la demoiselle semblait toute disposée, cette fois-ci à ne pas écourter leur soirée et à ne pas lui faire quitter sa suite avant le lendemain matin.

    Le lendemain matin justement, ils avaient rendez-vous avec le diacre à Vieille-Ville, à 08h00 précise. Uriah espérait aborder avec lui certains sujets à propos de services à rendre à l’Ecclésiarchie. Ils avaient ainsi pu en discuter la veille et le diacre Astrimov paraissait très intéressé par l’idée d’un navire qui relierait le système chapelle de Vyaniah à Galen, en passant par Sagan, le fief de l’Administratum. Il décida d’y aller avec Altaïr – qui s’était chargé des contrats, de la Brute et proposa bien évidemment à Ludivine de les accompagner, ce qu’elle accepta bien volontiers, comptant bien faire partie des accords à venir.
    Ils se rendirent comme convenu au bureau du diacre, escortés par une sœur de l’Adepta Sororitas. Cette fois-ci, elle les mena vers un autre étage où se tenait une réunion. Elle ouvrit les portes et leur indiqua d’entrer.
    Le diacre Astrimov, alors présent, était en compagnie de quatre autres personnes. Toutes, certainement importantes à en juger par leur allure.
    -Ah, voilà nos libres-marchands, dit-il. Je vous en prie, entrez.
    Une fois à l’intérieur, il fit les présentations.
    -Je vous présente le Cardinal Ignatius, le représentant de Notre bien-aimé Empereur-Dieu sur Galen VI, dit-il en désignant un imposant personnage vêtu de longues robes bleues, rouges et or. D’un certain âge, il était dégarni et était coiffé d’une calotte. Il était en pleine conversation plutôt enjouée au moment où ils entrèrent. On pouvait aisément deviner que le cardinal était habitué à se mettre en avant et savait jouer de son charisme. Astrimov leur présenta ensuite Grimwald Obadiah, le Prefectus et administrateur de Galen VI, le représentant de l’Administratum. Il était chauve, lui aussi mais contrairement à Ignatius, Obadiah était sec au point d’en paraitre austère, presque acétique. Ses implants crâniens et ses examinateurs oculaires donnaient aussi de lui, l’image d’un homme de savoir, sans doute très calculateur. Ce qui était renforcé par sa tenue tout aussi austère, sorte d’uniforme sobre d’un gris foncé avec pour seules décorations, un Aquila.
    Deux femmes complétaient le tableau, toutes deux aussi différentes que les deux premiers individus. La première qu’il présenta était le Premier Lieutenant Alis Ravenfield, envoyée de la Marine Impériale. Brune, la trentaine, présentée comme conseillère et tacticienne détachée auprès de Grimwald Obadiah, elle rappelait ces officiers de la navale affichant toujours un uniforme bleu impeccable et un air assuré. La dernière personne qu’il présenta n’était autre que Persepha Di Cavagni, de la prestigieuse maison du même nom de la Navis Nobilite. Sa tenue extravagante tenait de la robe élaborée et de l’exosquelette archéotech d’un raffinement inouï. Son visage était lui-même couvert par un masque animé qui reproduisait un visage délicat mais austère. Altaïr et le Brute se rappelèrent qu’une dizaine d’années auparavant, Isabella avait recruté une navigator de la Maison Di Cavagni. Une princesse, du nom de Donatella. Elle n’était restée que deux ou trois ans à leur service avant de rejoindre la Croisade du Primarque.
    Une fois les présentations terminées, le diacre confia à Uriah et Ludivine, qu’il souhaitait justement profiter de la présence des deux libres-marchands.
    -Je me suis permis d’en toucher à mot à notre éminent cardinal à qui j’ai…
    -Merci, mon cher diacre, le coupa Ignatius d’une voix grasse. Il prit sa place en se positionnant devant. J’ai pris justement l’initiative de convier à cette petite réunion, notre honorable Prefectus ainsi que… deux envoyées d’autres illustres organisations. Nous avons cru comprendre que vous souhaitiez partir à la recherche des systèmes perdus, autour de Morgan’s Reach, est-ce bien cela ?
    -Oui, tout à fait, éminence, lui répondit Ludivine.
    -Bien. Il se trouve que nous serions tous, très intéressés de renouer le contact avec ces mondes qui doivent désespérer de ne pas se retrouver de nouveau dans la lumière de Terra. Des navires ont bien été envoyé ces dernières décennies mais nous avons perdu le contact, là aussi, malheureusement.
    -Vous en connaissez les raisons, éminence ?
    L’émissaire de la Maison Di Cavagni prit alors la parole, ce qui donna l’impression d’agacer le cardinal. La navigator sembla même y prendre un certain plaisir. Sa voix était synthétisée par son masque et était accompagné d’une douce mélopée.
    -Nous en avons connaissance, bien entendu. Depuis une de ses bagues, un système holo miniature projeta une carte stellaire de la région. Comme vous pouvez le constater, au-delà des Rapides warp de Cataractae, se trouve une région interdite qui s’étend vers la zone stellaire dite du Bras de Déné en direction de la Frontière arrière. C’est dans cette région que se situait la constellation de Morgan’s Reach, composée de quatre systèmes solaires étendus sur plus de cent quatre-vingts années-lumière. Les systèmes Morgan’s Reach, Tartuga, Verkruz et Zathatetus qui comptent une dizaine de mondes habitables en tout et pour tout.
    -Mais ces mondes ne sont pas négligeables pour autant, compléta Obadiah, le Prefectus de l’Administratum. La région était surtout réputée, les siècles précédents pour son activité minière et certaines autres ressources.
    -Parlez-nous justement de ces systèmes et des navires envoyés précédemment.
    -Bien entendu, nous vous préparerons une note avec plus de détails, ajouta le Prefectus.
    -Une dizaine de navires ont bien tenté de localiser ces systèmes mais aucun n’a plus jamais donné signe de vie, compléta Alis Ravenfield, l’envoyée de la marine.
    -Quant aux mondes, nous vous donnerons aussi plus d’informations, en lien avec ce dont nous disposons, sachant que nos données ne sont plus à jour, ajouta l’envoyée de la Navis.
    -Seriez-vous disposés à travailler pour nous dans ce cas ? Leur demanda Obadiah.
    Uriah jeta un coup d’œil à Altaïr, la Brute et Ludivine. Ils lui répondirent par le même signe. Altaïr notamment avait toujours entendu cette légende à propos du système Verkruz dont les natifs étaient réputés pour vénérer l’or.
    -Nous sommes disposés à écouter vos propositions, répondit Uriah. En revanche, nous aurons besoin d’en discuter entre nous avant de vous fournir notre réponse.
    -Bien entendu. Parfait dans ce cas, leur dit le Prefectus Obadiah. Je parle bien évidemment au nom de l'Administratum et au nom de l’Adeptus Terra. Il est crucial pour l'Imperium de retrouver ces systèmes. La plupart sont des mondes miniers ou disposant de ressources dont l'Imperium a besoin, d'où les dernières tentatives de renouer avec la région. Nous vous demandons donc de monter une expédition et de retrouver la constellation des Etendues de Morgan’s Reach. Dans quel cas, vous serez officiellement mandaté, par vos Lettres de Marque, pour créer une nouvelle colonie de votre choix dans le système Tartuga et la possibilité de gérer vous-même cette colonie au profit des Adepta, ici présentes. Evidemment, l’Administratum saura se montrer des plus reconnaissantes.
    -C’est intéressant, répondit Uriah qui reçu l’approbation de ses officiers.
    -Il y a d’autres propositions, ajouta Obadiah. Je passe la main au Premier lieutenant Ravenfield.
    Celle-ci approcha et remercia le prefectus.
    -Nos services de renseignement du Strategos savent que des pirates disposent d’une base secrète au cœur du système Morgan's Reach depuis des années. Nous savons qu’ils ont une flottille de sept corvettes de classe Wolfpack disséminées dans tout le système. Il est très probable qu'ils utilisent aussi les ressources des locaux qui pourraient être pour vous, des alliés potentiels. Comment ils entrent et sortent de la région reste un mystère. La Marine vous demande de les éliminer et notamment de nous rapporter le capitaine Arioch Drake, mort ou vif et ainsi mettre fin à leurs activités illicites. En échange, la Marine vous laisse l'intégralité des ressources des pirates et saura se souvenir de ce coup de main. Je passe la main à notre éminent cardinal.
    -Merci, lieutenant. Comme notre cher diacre vous l'avait dit hier, le Ministorum souhaite remettre la main sur des reliques perdues à bord d'un des vaisseaux qui a disparu aux abords du système Zathatetus, avec d'autres navires. Ce sont les reliques qui m'intéressent le plus, je ne vous le cache pas, surtout la mythique Lame de Sainte Geneviève et la Hache du Châtiment, parmi plusieurs autres. Retrouver les dignitaires, serait bien aussi. Si vous faites cela au nom de l’Ecclésiarchie, je vous remettrais une des reliques, en gage de votre bonne foi.
    L'émissaire de la Navis prit alors la parole et leur dit :
    -Cartographiez la région de ces quatre systèmes, en répertoriant chaque monde, établissez des données à jour et la Navis Nobilite saura s'en montrer reconnaissante, elle aussi. Un contrat avec une des Maisons magistrales pourrait alors être envisagé.
    Le Prefectus Obadiah reprit la parole.
    -Eh bien, qu’en pensez-vous ?
    Uriah interrogea de nouveau Altaïr, la Brute et Ludivine du regard. Ils étaient d’accord sur le même point.
    -Tout cela est fort intéressant mais mérite néanmoins que nous en discutions entre nous.
    -Bien entendu. Nous vous laissons un délai de réflexion, disons de vingt-quatre heures ?
    -Cela nous convient. On revient vers vous rapidement.
    -Parfait, nous allons vous raccompagner et vous laissons y réfléchir.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 21/02/2024 à 18:57 Citer ce message

    Les jours suivants furent l’occasion de planifier enfin certaines entreprises commerciales mais aussi de nommer ou confirmer certains capitaines à leur poste. Ce fut aussi l’occasion de préparer leur départ vers les confins du secteur, vers une zone réputée hostile depuis plus d’un siècle, un lieu de perdition pour nombre de navires et sujet de bien des superstitions dans la région.
    Uriah, après s’être mis d’accord avec ses officiers, décida d’accepter la proposition du cardinal, en même temps que les propositions relatives à l’exploration de Morgan’s Reach. Il ne leur restait plus qu’à monter leur expédition.

    Au troisième jour, ils étaient prêts pour organiser l’exfiltration du prisonnier du pénitencier orbital. Ils suivirent le plan établi, à savoir s’y rendre tous les cinq, avec Jocasta et Kenway. S’assurer une fois à bord, que Jocasta se téléporte dans leur navette puis qu’Uriah et le reste de l’équipe neutralisent un des techniciens en charge des commandes. Pendant ce temps, la Brute devra se charger de piéger l’entrepôt, là où sont stockées les produits inflammables et dangereux.
    Le début de l’opération se déroula comme prévu, du moins jusqu’à ce qu’Uriah crée une importante fuite d’eau dans des douches adjacentes à la salle de contrôle. La fuite, devenue incontrôlable, commença à se remarquer.
    De son côté, la Brute qui venait de terminer de poser son détonateur au niveau du couloir technique, à présent piégé, parvint à s’introduire dans le local de contrôle, persuadant l’opérateur de lui ouvrir la porte blindée de la salle. Une fois à l’intérieur, il fit mine, sous l’œil scrutateur du technicien, de rechercher une possible infiltration d’eau. En réalité, il chercha surtout à repérer les commandes permettant d’ouvrir les cellules des prisonniers depuis la console. Il perdit cependant un temps précieux, lui aussi, à chercher et à tenter d’argumenter avec le technicien.
    A l’extérieur, la situation venait de déraper. L’inondation venait d’attirer l’attention de deux arbitrators en patrouille. Ces deux derniers, furieux, se mirent à invectiver Uriah et Kenway leur ordonnant de réparer la fuite de toute urgence. Altaïr fit son apparition et voyant que la situation était en train d’empirer, vu qu’Uriah semblait ne rien y entendre en plomberie, il décida de prendre sa place, cherchant à temporiser et à calmer les arbitrators. Pourtant les minutes passèrent et l’eau continuait de s’écouler, ce qui les énerva encore plus. Uriah voyant que leur plan prenait trop de temps, se dirigea vers le poste de contrôle, il voxa la Brute en chemin, voyant que les cellules n’étaient toujours pas ouvertes alors que les minutes passaient et que la situation était en train de déraper.

    Kenway en profita pour le suivre et tenta de neutraliser l’arbitrator qui venait de suivre Uriah. Il chercha à l’assommer mais il se prit en retour un coup de matraque à décharge qui le sonna net. Pourtant il parvint à retenir l’attention de son adversaire ce qui permit à Uriah de se faufiler en direction des cellules. Tout se passa alors très vite. La Brute qui avait trouvé les commandes d’ouverture des portes, attendait le bon moment pour agir. Le technicien s’en rendit compte et chercha à l’arrêter de son bras augmentique mais la Brute lui empoigna la nuque et lui fracassa le visage sur la commande d’ouverture. Le technicien, assommé et le nez en sang, s’écroula sur place. Dans le couloir adjacent, une douzaine de cellules s’ouvrirent en même temps. Le second arbitrator comprit que quelque chose se passait. Altaïr venait d’arrêter la fuite d’eau mais était clairement en trai de gagner du temps. L’arbitrator s’en rendit compte, il bascula son fusil à pompe et le pointa vers Altaïr, lui intimant de mettre ses mains sur la tête et de se mettre à genoux, ce qu’il fit. Depuis le couloir, son collègue venait d’assommer Kenway d’un coup de matraque à décharge et se mit à crier en voyant les prisonniers sortir dans le couloir. La Brute sortit à son tour du local de contrôle et lui fonça dessus, il le percuta et chercha à lui arracher son arme des mains au moment où une dizaine de prisonniers de l’aile D arrivèrent sur eux. Dans la confusion, la lutte fut acharnée, un des prisonniers se saisit d’un fusil à pompe mais se prit un coup de matraque à décharge pour que finalement, la Brute se saisissent de la matraque à son tour.
    Uriah en avait profité pour localiser la cellule de leur cible. Il reconnut Merek Quintor et lui présenta la munition que l’Inquisitrice lui avait donné.
    -J’espère que vous avez mis les moyens, les gars, parce que maintenant, va falloir sortir de là !
    Il fit pourtant interrompu par un des prisonniers qui se jeta sur lui en l’insultant. Uriah n’eut pas le temps d’agir que déjà le type avec une tête de véritable psychotique était sur Quintor, ses mains serrées autour de son cou, bien décidé à l’étrangler.
    Altaïr, toujours à genoux, était bloqué et ne pouvait pas agir. L’arbitrator le tenait toujours en joue. Il venait de détacher une paire de menottes de sa ceinture et les lui lança, lui ordonnant de s’attacher avec. Altaïr fit mine d’obtempérer et en profita pour discrètement voxer Jocasta, lui demandant de se re-téléporter immédiatement pour venir l’aider.
    Au niveau des cellules, au même moment, Uriah venait de se jeter sur le psychopathe mais ce dernier était toujours occupé à tenter d’étrangler Merek Quintor. Uriah eut beau chercher à le dégager de là, cela n’eut aucun effet.
    Altaïr faisait mine de mettre ses menottes tout en prenant soin de perdre du temps, ce qui commençait à passablement énerver l’arbitrator qui le tenait en joue. Au même moment, Jocasta fut projetée via l’Immatérium et se matérialisa juste derrière l’arbitrator, elle dégaina un pistolet laser et la pointa droit sur lui.
    Dans le couloir, la Brute était à présent entouré d’une bonne dizaine de prisonniers qui bataillaient contre une poignée d’arbitrators tandis que des renforts allaient arriver d’une minute à l’autre.

    Uriah se concentra alors sur le bras augmentique du psychopathe, empoigna les câbles d’alimentation et tira dessus de toutes ses forces, parvenant à en arracher un alors qu’un fluide noir se mit à gicler. Le type commença à lâcher prise mais continuait toujours de tenir fermement le cou de Quintor. Il enserra le câble et le passa autour du cou de son adversaire, se mettant à tirer et serrer de toutes ses forces. De son côté, Jocasta ouvrit le feu de son pistolet laser et blessa l’arbitrator juste au moment où il allait faire feu, lui faisant manquer son coup. Depuis le couloir un autre arbitrator ouvrit le feu à son tour mais Altaïr se jeta au sol de justesse. C’est le moment où Jocasta en profita pour retirer son bandeau de la Navis. Celui sur qui elle venait de tirer se retourna, pointant son fusil vers elle, mais elle relâcha un rayon d’un rouge ardent qui lui foudroya la tête. Malgré son casque, ses chairs brûlèrent et son cerveau grilla à même sa boite crânienne. Il s’effondra raide mort.
    L’alarme retentit alors dans toute la prison.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 23/02/2024 à 18:04 Citer ce message

    Les prisonniers libérés ajoutèrent à la confusion, au moment où plusieurs binômes d’arbitrators arrivèrent en renforts depuis trois couloirs différents en courant, cherchant à prendre les insurgés en tenaille. Boucliers répressifs en avant, ils avancèrent, couvrant leurs équipiers. Une grenade incapacitante fut lancée vers un groupe de prisonniers mais ces derniers se dispersèrent rapidement. Les arbitrators, armés de fusils à pompe de combat, de canons de poing, préférèrent faire usage en priorité de leurs matraques à décharge, cherchant à éviter les tirs alliés dans cette souricière.
    La Brute et Kenway étaient tous deux, au beau milieu d’un véritable scène d’émeute avec des prisonniers aux muscles saillants qui n’avaient plus rien à perdre et qui s’étaient jeté sur les arbitrators présents. Une partie d’entre eux tombèrent sous les coups des matraques mais étaient aussitôt remplacés par leurs camarades qui tentaient d’arracher les armes des mains des arbitrators. L’un d’eux parvint à se saisir d’un fusil à pompe, tandis que deux autres venaient de récupérer des matraques à décharge. La confusion et la fureur étaient totale, entre les cris, l’alarme, les coups et le sang versé. De son côté, Altaïr venait de rouler sur le côté, évitant un tir de canon de poing de justesse. Il ramassa le fusil à pompe au sol, laissé par l’arbitrator que Jocasta venait de foudroyer. Cette dernière venait d’en repérer deux autres qui approchaient. Elle dévoila de nouveau son œil warp et en abattit un second qui s’effondra au sol en hurlant, le visage brulé. Altaïr ouvrit le feu à son tour et finit par toucher celui qui le prenait pour cible.

    Uriah venait de débarrasser Merek Qintor de son agresseur, au prix d’un effort acharné pour l’étrangler avec un câble du bras augmentique de ce dernier. Il aida Quintor à se relever alors que ce dernier reprenait aussi son souffle. Il allait sortir de la cellule afin de rejoindre le reste de son équipe mais Quintor l’attrapa par le bras et le tira en arrière, lui intimant de ne plus faire de bruit. Il venait de repérer deux autres arbitrators en approche. Depuis le fond de sa cellule, il indiqua à Uriah de se cacher sous les plaques d’acier qui lui servaient de lit. Une fois en place, il tira le corps de son agresseur pour le placer juste devant lui, afin de le dissimuler. Lui-même, les mains en sang, se barbouilla le visage avec et s’allongea dans la cellule, faisant le mort, juste au moment où les deux arbitrators passaient devant en pointant les luminators de leurs fusils à pompe dans la pièce. Ils ne s’y attardèrent pas, voyant deux corps en sang qui ne présentaient aucune sorte de menace. Uriah préféra retenir sa respiration. Ils reportèrent aussitôt leur attention vers leurs propres camarades mis à mal, au bout du couloir par une horde de prisonniers. Ils voulaient faire usage de leurs armes à feu, mais hésitèrent dans le corps à corps, ne souhaitant pas toucher leurs propres camarades, ce qui risquaient de les mettre encore plus en position de faiblesse. Ils sortirent leurs matraques à décharge et se ruèrent dans la mêlée en faisant pleuvoir les coups. Pourtant en face, les prisonniers désormais presque tous armés, leur opposèrent une solide résistance et n’eurent pas la même retenue. Les arbitrators avaient l’avantage de leurs armures carapace mas le nombre des captifs et surtout la force de frappe de La Brute et Kenway allait faire la différence. A eux deux, ils ramassèrent un fusil à pompe et deux canons de poing. Kenway s’empara du fusil que lui lança la Brute, un Mastoff 812 à répétition, chargé de dix-huit cartouches à têtes blindées. La Brute ramassa deux canons de poing sur des arbitrators inconscients, il leur retira leurs casques et leur colla une balle dans la tête à chacun, au passage. Il appréciait ce type d’armes, de lourds et puissants revolvers, des Raffir modèle Caïd, une des armes de poing favorites de l’Arbites. Il aurait préféré les terribles Carnodons à répétition mais ces deux-là, chargé de balles éclatantes, feraient l’affaire, se dit-il en les prenant en main avec une certaine maitrise, sachant que lui, allait justement tirer pour tuer.

    Tandis que Kenway et Altaïr, armés tous deux de fusils à pompe, remontaient le couloir vers le bloc B pour tenter de sortir Uriah de là, alors coupé de leur position par quatre arbitrators, la Brute redescendit avec Jocasta vers les blocs D et F qui menaient vers la sortie, là où était amarrée leur navette. Il savait pertinemment, maintenant que l’alarme avait retentit qu’aucun arbitrator ne les laisserait sortit de là en vie. Ils allaient devoir tuer tout le monde ou bien y rester et cette première option était la seule qu’il envisageait. Il ouvrit le feu et abattit tout net un arbitrator qui pointait son nez alors que Jocasta foudroya les trois autres de son troisième œil, indiquant à la Brute de se détourner pour ne pas être pris dans son cône de feu warp dévastateur. Des tirs claquèrent et une balle effleura le bras de la Brute qui remercia son blindage sub-dermique renforcé. Au bout du couloir, un type venait de le prendre pour cible avec un fusil de précision. Il avertit Jocasta qui évita de justesse une rafale d’un second tireur mais se prit un tir qui la toucha légèrement, elle aussi. Elle se dissimula derrière lui, s’apprêtant à riposter en serrant les dents.

    Au niveau du bloc B, la situation tournait au massacre. Les prisonniers, armés de matraques à décharge venaient de mettre à terre deux des arbitrators, s’emparant de leurs armes. Altaïr et Kenway venaient d’en toucher deux autres qui gisaient désormais au sol mais des renforts venaient d’arriver. A présent, les arbitrators n’eurent plus aucune réserve et se mirent à faire feu dans le tas mais déjà les prisonniers prenaient leurs jambes à leur cou, cherchant eux aussi, à fuir vers la sortie, ayant bien compris qu’une navette était amarrée à la prison orbitale. Altaïr se prit alors un tir en plein torse, il pivota et s’effondra dans une giclée de sang, deux mètres plus loin. Kenway vint l’aider mais se prit à son tour une rafale de balles blindées qui le toucha au bras et à la poitrine, l’envoyant lui aussi mordre la poussière, le laissant là, immobile, comme Altaïr. A ce moment-là, les arbitrators avaient identifié leur stratégie et ne comptaient plus plaisanter.
    La situation devenait compliquée pour Uriah. Il était sorti de sa cachette avec le prisonnier et tous deux cherchèrent à prendre l’avantage sur un des derniers arbitrators. Les autres finirent au tapis, sonnés par des coups de matraques. Quintor se prit un violent coup de poing et alla s’étaler à terre alors qu’Uriah cherchait à arracher L’arme de l’arbitrartor de ses mains. Des tirs fusèrent et ce dernier, soudain seul, préféra rebrousser chemin, passa par une des portes blindées et la referma derrière lui. Uriah était blessé et à bout de souffle, il chercha Quintor mais ne le trouva pas. Lui et le reste des prisonniers venaient de décamper. La porte blindée s’ouvrit de nouveau au bout du couloir. L’Arbitrator apparut et ouvrit le feu, le manquant de peu. Deux technoprêtres étaient avec lui et firent feu de leurs armes laser. Cette fois-ci deux tirs touchèrent Uriah qui recula vers une cellule en poussant un cri. Il se maudit et voxa la Brute.
    -Quintor essaie de s’échapper, bloque-lui l’accès, ils vont chercher à prendre notre navette !
    -Reçu, on s’en occupe avec Jocasta. Ça va toi ?
    -Négatif… Altaïr et Kenway sont au tapis et je me suis fait salement toucher aussi, je ne pourrais pas les porter. Je suis coincé et y a une forte résistance en face.
    -Merde… Essaie de gagner un peu de temps, j’attrape Quintor et on va vous tirer de là !
    Il se rua vers les corps des derniers arbitrators et se saisit du fusil de précision. Un Pax Factorem des forces de l’ordre. Une arme à cinq coups mais d’une grande précision. Il vérifia le chargeur, la mire de visée et arma la culasse d’un coup sec.
    Un arbitraror ouvrit le feu dans sa direction. Il pointa son arme en retour et l’abattit d’un simple tir.
    Une dizaine de prisonniers leur passa devant en courant, tournant à l’angle du couloir en direction du Bloc F menant vers le sas de sortie. Il les laissa filer, se tourna et repéra Quintor qui les suivait. Il allait pointer son arme vers lui pour l’arrêter mais ce dernier ralentit aussitôt.
    -Hey ! Vous avez une navette ? C’est vous qui devez me sortir de là, non ?
    -Un instant…
    La Brute fit un signe à Jocasta qui dévoila de nouveau son œil en appelant le groupe de prisonniers qui leur passait devant. Seuls trois tournèrent leur regard et furent fauchés, tombant au sol en criant, la face en feu. Les autres continuèrent et se ruèrent droit vers le couloir menant au sas de sortie. Jocasta se mit à jurer entre ses dents.
    -Ils vont sortir et se dirigent vers notre navette.
    -Attend ! Lui cria la Brute, ils ne pourront jamais sortir de…
    Elle se concentra et se téléporta, disparaissant aussitôt aux yeux de la Brute, comme aspirée par un vortex.
    L’instant d’après, il perçut le vacarme métallique caractéristique d’une arme lourde qu’il ne connaissait que trop bien, crachant une longue rafale de bolts explosifs. Plusieurs corps démembrés de prisonniers furent propulsés vers le bout du couloir dans une brume rougeâtre…
    Jocasta venait d’apparaitre au début du bloc F, à quelques mètres du sas d’entrée. En se matérialisant, elle vit une dizaine de prisonniers se ruer vers elle, en riant et criant, pour finir hachés par une pluie de projectiles qui les transformèrent en fragments de viandes en un instant. Le rugissement de l’arme lourde projeta des flammes au-dessus de sa tête et fit trembler le sol et les parois illuminées de manière stroboscopique par les rafales.
    Des dizaines de douilles de gros calibres venaient de tomber sur le sol métallique avec un tintement sourd juste derrière elle, accompagnées de bruissements de lourds servomoteurs. La chose qui était derrière elle, sentait l’huile chaude et l’odeur rance de la mort. Mais surtout, elle était massive. Tellement massive qu’elle venait de faire feu sans la voir alors qu’elle était là, juste à ses pieds. Du moins, espérait-elle qu’elle ne l’ait pas encore vu, se dit-elle, saisit d’effroi, sans se retourner.

    La Brute venait d’empoigner Quintor par le col et le plaqua avec force contre la paroi, à l’angle du couloir, avec lui. Il voulait risquer un coup d’œil, espérant que la gamine était encore en vie.
    -Un bolter lourd… Ils ont un putain de bolter lourd…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/03/2024 à 01:25 Citer ce message

    Jocasta se retourna pour se retrouver face à un colossal servitor prétorien de deux mètres cinquante. Elle chercha à le foudroyer de son regard mais dut s’y reprendre à deux fois, tellement elle restait impressionnée. Le bolter lourd terminait de cracher ses munitions explosives en longues rafales, finissant de hacher les prisonniers dans le long couloir.
    Loin de là, au niveau du bloc B, Altaïr et Kenway venaient de se relever péniblement. En sang, blessés et mal en point, ils aperçurent cependant un arbitrator et deux technoprêtres approcher prudemment à quelques dizaines de mètres de là qui faisaient feu vers Uriah. Kenway riposta afin de les maintenir à distance alors qu’Altaïr ramassait un bouclier répressif et le fit glisser vers Uriah bloqué de l’autre côté du couloir. Il venait tout juste de parvenir à se débarrasser d’un technomécano en le frappant à coup de matraque. Il hocha la tête en direction d’Altaïr, empoigna le bouclier et s’apprêta à traverser le couloir à toute vitesse, malgré les tirs.
    Dans un des couloirs, la Brute était accompagné du prisonnier. Armé du fusil de précision, il plaça un tir en pleine tête du servitor de combat au moment où Jocasta le foudroya aussi de son œil warp. Le prétorien s’effondra sur lui-même, bloquant la porte par lequel il était passé. La Brute chercha à rejoindre Jocasta mais cette dernière lui fit signe de la main, l’assurant que ça irait. Il comprit en revanche que de l’autre côté, vers Uriah, la situation bardait sacrément. Il empoigna le prisonnier, prêt à se ruer vers eux. Quintor se figea alors que sa tête s’auréola d’une lueur violacée crépitante lui sortant des yeux et de la bouche. La Brute se recula d’un coup, grimaçant en ressentant le goût piquant du warp dans sa bouche. Du sang coula de son nez.
    -T’es un putain de psyker en fait !
    L’autre était en train de reprendre son souffle.
    -Oui… et je peux vous aider…
    -Non ! Tu arrêtes ça tout de suite si tu veux pas que je te colle une balle dans la tronche !
    Il l’empoigna par le col et le traina avec lui. Au bout du couloir, Altaïr, Kenway et Uriah se repliaient sous les tirs, protégés derrière leur bouclier et ripostant en retour. Quintor relâcha d’un coup deux boules de force qui fusèrent de sa main vers le couloir, en sifflant. Tous les lumens du couloirs s’éteignirent, les plongeant dans l’obscurité. Elles passèrent en sifflant devant eux tel un tir de plasma et percutèrent l’arbitrator qui bascula à la renverse. Les technoprêtres reculèrent à l’abri. Les ténèbres s’abattirent soudain dans le couloir.
    A tâtons, ils avancèrent. Il ne manquait que quelques mètres. Uriah parvint à rejoindre une des portes étanches et la franchit, cherchant des mains les commandes afin de la refermer au plus vite. Il appela ses camarades, leur demandant de vite le rejoindre. Ce qu’ils firent. Une fois tous passés, les lumières se rallumèrent en clignotant. Ils refermèrent la porte et brisèrent le boitier de commande.

    -Vite, cria la Brute, on rejoint Jocasta et on sort de là.
    Ils traversèrent le couloir jonchés de cadavres éparpillés et retrouvèrent Jocasta, posté à l’angle d’un couloir.
    -On y va ?
    -Négatif, leur dit-elle. Un second prétorien bloque l’accès vers le sas qui mène à la navette. Je peux me téléporter et…
    -Non, lâcha Uriah, ne bouge pas d’ici. Il se tourna vers la Brute.
    -Les explosifs, cria Uriah. Tu as le détonateur ?
    La Brute le sortit d’une de ses poches et lui montra le boitier.
    -Maintenant ?
    -Oui, maintenant !
    Il enclencha le rune et tout d’un coup, toute la structure de la prison s’ébranla violemment au point qu’ils furent tous projetés au sol et que la navigator resta sonné quelques instants. Tous les lumens s’éteignirent d’un coup tandis que le choc, d’une extrême violence leur donna l’impression que la structure tout entière, venait de se faire percuter par un croiseur. Les lumières se rallumèrent enfin puis se mirent à clignoter de manière erratique alors que des étincelles et courts-circuits surgissaient de ça de là. Des bruits inquiétants et grincements sinistres continuaient de parcourir toute la structure tandis que plusieurs alarmes se remirent à sonner. Des voix métalliques et monocordes, émanant de servo-crânes de contrôles se mirent à égrener la liste des dégâts critiques. Une partie de la prison était désormais éventrée, ouverte au vide sidéral, tandis que le reste de la structure était en perte totale d’atmosphère et de réserve d’oxygène.
    La Brute se redressa en grimaçant. Au loin, des poutrelles tombaient alors que des incendies devaient envahir certaines zones, au-delà des portes coupe-feu. La fumée commença à gagner certains couloirs et ils perçurent des dizaines de hurlements émanant des cellules.
    -Vers la navette, vite. La structure ne tiendra pas bien longtemps.
    Tandis que le reste de l’équipe reprenait ses esprits, il se dirigea vers le servitor mort et entreprit de démonter le bolter lourd qui était verrouillé à la place de son bras droit. Faisant sauter, un à un, les plots de connexion et arrachant les cables. Uriah dégaina son arme et en profita pour passer la porte en partie bloquée par le servitor, suivi de Kenway. Il avait noté que de l’autre côté de cette porte, devait se trouver le centre de commandement. Un technicien se jeta en brandissant son bras augmentique sur eux mais ils le maitrisèrent et l’assommèrent sans la moindre peine. Altaïr vint les rejoindre, mal en point, cherchant à reprendre son souffle, malgré ses blessures. Il se dirigea vers le centre de contrôle, cherchant à trouver les commandes d’ouverture des portes. Pendant ce temps, les autres l’avaient rejoint et la Brute brandissait le redoutable et massif bolter lourd, duquel pendait une bande de cartouches. Il hocha la tête vers Altaïr, tout en indiquant aux autres de se mettre à couvert.
    -Tu ouvres la porte à mon signal.
    Altaïr enclencha la rune de commande la seconde porte blindée. Elle s’ouvrit dans un chuintement pneumatique, laissant apparaitre la silhouette du second servitor prétorien. Ce dernier allait pour pivoter sur lui-même, mais il était très lent, comme tous les servitors.
    Trop lent.
    La Brute activa le bolter lourd et lui explosa la tête et le torse d’une dizaine de bolts.
    L’arme encore fumante, il cria à tout le monde.
    -Allez, on se bouge ! La structure ne va pas tenir bien longtemps maintenant.

    Le temps qu’ils retraversent le sas, emmenant Quintor avec eux, ils remontèrent à bord de leur navette Aquila qui décolla en catastrophe tandis que derrière eux, les batteries Hydra les prirent pour cible. Pourtant le pilote évita les tirs avec une rare habilité. L’instant d’après, toute la prison fut ébranlée par un flash lumineux qui vaporisa tout le petit astéroïde.
    -Cap sur la station à présent, lâcha Uriah. C’était vraiment moins une…
    -On appareille où ? Lui demanda la Brute ?
    -Dis au pilote qu’on se pose dans un des hangars du Soul of Adamantium, il est amarré au dock A. L’inquisitrice devrait nous y retrouver. Tu vas m’accompagner avec Quintor.
    Il se tourna vers Jocasta.
    -Je vous laisse emmener Altaïr et Kenway au bloc medicae du Morning Star, on vous y retrouvera après.
    -A vos ordres, capitaine.

    L’inquisitrice Shard les y attendait comme convenu. Elle était accompagnée de cinq commandos des troupes de choc inquisitoriales. Une fois qu’Uriah lui remit Merek Quintor, les commandos s’en saisirent, lui passèrent des menottes et un appareil sur le crâne puis l’emmenèrent avec eux, de force. Il eut beau se débattre, crier et les maudire pour leur trahison, il ne put absolument pas lutter.
    -Bien. Vous avez rempli la part de votre contrat, capitaine Goldberg. C’est une bonne chose. Pourtant… Détruire une prison orbitale de l’Arbites ne figurait pas au contrat.
    -Cela n’a pas été si simple, Madame, croyez-moi...
    -J’imagine… Finalement vos méthodes diffèrent assez peu de celles des ordos. C’est toujours bon à savoir. En revanche…
    -Oui ?
    -Le Juge Carmeda a quelques défauts mais c’est loin d’être un idiot. Une centaine de mort dont quinze de ses hommes, vous imaginez bien que cela va ouvrir une enquête officielle. La thèse de l’accident ne tiendra pas bien longtemps et ils finiront par faire un lien avec une certaine navette, des techniciens et que sais-je encore. Il serait alors opportun, dans votre intérêt, capitaine Goldberg, que vous et votre petite bande, soyez très loin d’ici à ce moment-là.
    -Nous comptions appareiller rapidement, justement.
    -Voilà qui est une sage décision.
    Elle fit un geste vers un des commandos qui leur apporta un coffret.
    -Comme convenu. Ainsi nous sommes quittes.
    La Brute le prit. C’était un coffre apparemment très ancien et richement décoré de scènes d’antiques batailles.
    L’inquisitrice se retira alors avec ses hommes. Uriah en fit de même. Ils ouvrirent le coffre et jetèrent un coup d’œil dedans, réalisant qu’il contenait une paire de bracelet ouvragés très anciens, eux aussi.
    -Qu’est-ce que c’est ? Demanda Uriah.
    -De l’archéotech. La Science pourra surement nous le dire.

    Quelques heures plus tard, ils s’étaient retrouvés au chevet d’Altaïr. Ce dernier était passé au bloc pour se faire recoudre de ses récentes plaies, tout comme Kenway. Uriah en profita aussi pour se faire soigner quelques plaies plus légères, comme Jocasta. Djoko était aussi passé les voir afin de s’assurer de leur état. Altaïr ne tenait plus, rien qu’en observant les bracelets.
    -Malheur, mais ce sont des bracelets à concussion, des artefacts incroyablement anciens et d’une technologie disparue. Selon d’anciens écrits, à une époque très anciennes, l’humanité savaient encore en fabriquer.
    -Quoi ? Des bracelets ? C’est une blague, lâcha Djoko.
    -Pas de simples bracelets… Ce sont des archéotechs, espèce d’inculte.
    -Oui, bin, ils font quoi de particulier tes antiquités ?
    -Ils intègrent un générateur miniature capable de générer un champ à concussion capable de repousser toute personnes proches à plusieurs mètres de là, voire, de les assommer.
    -Djoko leva les mains en signe de capitulation.
    -Ouha… Alors là, je suis impressionné… Des bracelets capable de repousser quelqu’un… Sérieux ? Elle s’est pas un peu foutu de vous, l’inquisitrice ?
    -Leur générateur est d’un modèle que les prêtres de Mars ne savent plus maitriser !
    -Comme si ça allait m’étonner… Ils maitrisent quoi ces charlatans de toute façon ?
    -On ne sait même pas comment ils se rechargent d’eux-mêmes ! Longtemps on a pensé que seuls les cognats en fabriquaient mais ces modèles sont clairement du début de l’Imperium.
    -Les cog-quoi ?
    -Les cognats… C’est le véritable nom des squats.
    -Oh…Tu m’en diras tant.
    -Ces bracelets sont donc des reliques du passé ? Demanda Uriah.
    -Un trésor qui vaut plus que la rançon d’un gouverneur planétaire.
    Djoko leva les yeux au plafond.
    -Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre comme âneries...
    -Il y avait autre chose dans le coffret ? Ajouta Altaïr.
    -Oui, un passe pour un hangar. La Brute est parti vérifier, justement.
    Son vox vibra. Il l’activa.
    -Tu as trouvé le container ?
    -Affirmatif. C’est plus gros que prévu…
    -C’est quoi ? Un véhicule ?
    -Mieux que ça… C’est une base modulaire de modèle Anphélion. Un modèle du Munitorum pour l’Astra Militarum. Des containers oubliés, apparemment. Une fois largué depuis l’orbite, les modules s’assemblent pour former une base capable d’accueillir un centre de commandement, un laboratoire, de quoi loger une quarantaine de personnes et tout un tas d’autres choses… Y a même des tourelles de défense, un périmètre de sécurité et une zone d’atterrissage pour navette.
    -Merde… ça c’est un sacré truc, lâcha Djoko.
    -On l’embarque, répondit Uriah dans son vox. D’autant plus que ça va vraiment nous servir sur les mondes qu’on va explorer.
    -Tu peux me rejoindre, là ? Lui demanda la Brute.
    -Là non, je dois passer voir la capitaine Frae Spinaiser, figure-toi.
    -Eh bien, ça attendra. J’ai besoin que tu viennes voir quelque chose, maintenant….
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 09/03/2024 à 23:01 Citer ce message

    Uriah ne s’y attendait évidemment pas mais ses plus proches officiers lui avaient organisé une petite fête pour son vingtième anniversaire. Tout le monde était là. Djoko, la Brute, Altaïr évidemment mais aussi Jocasta, Antinoé, Säde et les autres. Et bien entendu Ludivine.
    Il ne s’agissait pas tant de fêter ses vingt ans que de célébrer l’officialisation de leur seigneur-capitaine à la tête d’une nouvelle dynastie naissante.
    Ils lui offrirent tous des cadeaux aussi inattendus qu’incroyables afin de marquer cet évènement autour d’une coupe de dammassine. La Brute, le premier à s’avancer en tant que second, lui offrit un ancien mais néanmoins magnifique pistolet à plasma dans son beau coffret en acajou et laiton. L’arme était un modèle Ryza dont la crosse avait été décorée aux armoiries de la Maison Goldberg. Il était parvenu, par on ne sait quel miracle de persuasion à obtenir la contribution de la Magos Argentus pour ce travail impeccable.
    Jocasta avança timidement et lui remit un paquet emballé un peu maladroitement à la main dans du papier craft, le tout ficelé afin de ressembler à un vrai paquet cadeau. Uriah sourit en déballant un livre ancien, sachant que la jeune Jocasta ne possédait rien et avait certainement dû le dérober dans un de ses propres librarium. Cela le fit sourire car l’attention était touchante et il comptait en prendre grand soin, d’autant plus qu’il ne l’avait jamais lu. Elle lui précisa qu’il s’agissait là d’un Navis Prima censé relater les légendes perdues de la Zone du Maelström.
    Säde lui remit discrètement un petit paquet, elle aussi. A l’intérieur se trouvait une cape caméléoline neuve et encore empaquetée avec les numéros du Munitorum.
    -Tenez capitaine, pour vous… J’ai cru comprendre que vous auriez pu récemment en avoir besoin ?
    -Merci, lieutenant, ça me sera bien utile la prochaine fois que l’on aura à éviter des ennuis.
    Altaïr pour sa part, lui offrit aussi un petit coffret contenant une broche sertie de plusieurs diamants, les mêmes que ceux des boucles d’oreilles de Ludivine.
    -Et au cas où la cape ne suffirait pas, tu pourras toujours compter sur ça. C’est un champ réfracteur, un ancien modèle Mars, mais parfaitement fonctionnel.
    Uriah l’activa et le champ produit, donna l’impression que l’air autour de lui vibrait par intermittence.

    Ludivine, elle, lui offrit une boite dans laquelle quelque chose bougeait. Elle la lui tendit en lui déposant un baiser sur les lèvres tout en ajoutant qu’elle espérait qu’il allait lui plaire. Il ouvrit le couvercle et y trouva un petit primate poilu qui dévoila ses canines alors que son apparence changea pour devenir tout à coup humaine, avec même des vêtements.
    -Qu’est-ce que c’est ? Lui demanda-t-il, véritablement étonné.
    -C’est une espèce exotique originaire de Yamnan. On les appelle des singes mimétiques. Ils ont la capacité de modifier leur pelage pour changer leur apparence. Parait-il que ce serait là, un système de défense qu’ils auraient développé face à leurs prédateurs.
    -Il est incroyable, je n’en avais encore jamais vu…
    Le petit primate reprit son apparence, grimpa sur son bras et se jucha sur son épaule afin de jouer avec le plume du chapeau d’Uriah, ce qui amusa tout le monde.
    Quelques instants plus tard, Antinoé, discrète, lui glissa une carte dans la main. Il s’agissait d’une carte du tarot. La carte de l’Empereur.
    -Pour vous porter chance et pour qu’Il nous accompagne lors de notre odyssée. Nous en aurons bien besoin, croyez-moi.
    Djoko s’avança enfin, portant une longue housse.
    -Je crains que mon présent soit bien moins utile que ceux de tous mes compagnons. Néanmoins, je l’ai trouvé approprié vu ce que nous souhaitons tous, ici et maintenant.
    Uriah ouvrit la housse. Il s’y trouvait un manteau d’officier rouge et or.
    -Il s’agit de mon ancien manteau d’officier. Je l’ai fait retailler à tes mensurations. Merci à Ludivine, au passage, pour sa complicité dans cette affaire. J’y ai fait ajouter aussi quelques modifications afin de convenir à tes goûts – une idée de Bonnett… Tu la connais.... A la base c’était le manteau d’un amiral de la Marine impériale, que j’avais emprunté il y a bien des années de cela avec ta tante…
    -Je connais cette histoire, lâcha Uriah, dans un souffle, ému, tout comme la Brute et Altaïr. Je sais ce qu’il représente pour toi…
    -Il est temps qu’il te revienne et puis il t’ira beaucoup mieux à toi qu’à moi.

    Le lendemain, le Morning Star et le Daughter of Tempest appareillaient et mettaient le cap en direction du point de Mandeville, aux confins du système Galen. De là, ils allaient enfin entreprendre leur long voyage vers l’inconnu. Les quatre jours que prirent cette première étape, Uriah, Ludivine et leurs officiers les mirent à profit pour peaufiner les dernières étapes de leurs entreprises commerciales. Ainsi, leurs six autres navires de commerces allaient faire route en leur absence entre les sous-secteurs Badab, Khymara, Endymion et Karthago. Certains de leurs capitaines, fraichement promus, devraient faire leur preuves, comme Livia Damael, Sebastian Bowen, leur ancien timonier ou encore Borin Vormmark, un officier subalterne de Feronika Rasmusen. A l’inverse, cette dernière était plus aguerrie, tout comme Mattius Nixiom et Nyxanne Morteval, les anciens des compagnies chartistes récemment acquises.
    Un soir, Altaïr profita d’être seul avec Uriah dans le stratégium.
    -Dis-moi gamin, tu en es où avec la petite Frae Spinaiser ?
    -Comment ça ?
    -Est-ce que tous les deux, vous avez… ? Vous avez conclu ?
    -Tu veux savoir si on est ensemble ? Eh bien c’est oui… Il me semble que c’était assez clair à ma soirée d’anniversaire. Je croyais que tout le monde le savait, déjà à commencer par toi. Même la Brute et Jocasta sont au courant depuis des jours, c’est pour dire.
    -Non… Disons que je voulais juste être certain… Tu envisages toujours de l’épouser au moins ?
    -He bien… Oui, je crois.
    -Tu dois lui demander sa main, tu le sais ?
    -Oui, mais pas là… On appareille demain, je ne me vois pas faire ça entre deux coursives juste avant un saut warp. Ça peut attendre après, non ?
    -Si, bien sûr… Disons qu’il ne va pas falloir trop trainer non plus.

    Par mesure de sécurité et après en avoir longuement débattu avec ses proches officiers, ils décidèrent aussi de confier la jeune Gaia, la fille d’Isabella à Feronika Rasmusen afin de lui épargner un long périple vers l’inconnu et ses dangers. Mais surtout, Uriah préférait la savoir loin de lui. Il restait partagé car commençait à bien aimer l’idée de garder cette dynastie pour lui, d’autant plus s’il devait fonder la sienne et faire des enfants avec Ludivine. Pourtant, si un jour sa tante Isabella venait à refaire surface, comme l’espérait Djoko, il serait alors de bon augure que sa fille soit toujours en vie.
    Les quatre jours précédant l’arrivée au point de Mandeville du système furent occupés à préparer le saut warp vers l’inconnu. Les Etendus de Morgan’s Reach ne figuraient plus sur aucune carte viable et tentative de rallier cette constellation s’étaient toute soldée par des échecs depuis plus d’un siècle.

    Djoko, Antinoé et Jocasta s’attelèrent à analyser les meilleures options et routes possibles au travers de bouillonnants orages warp bien connus et plus ou moins stables dans les environs, comme le terrible Astra Noctae Daemonium Rex ou le Malefex Noctis. Ils espéraient cependant pouvoir bénéficier des Rapides warp du Nœud de Cataractae, entre les sous-secteurs Badab et Khymara, pour raccourcir le saut mais rien n’était garantie car le warp était capricieux, d’autant plus depuis l’ouverture de la Grande Faille. Selon le schéma proposé par son Tarot, Antinoé estima que leur voyage serait une odyssée telle qu’ils n’en avaient encore jamais connu. Le warp pourrait les y piéger durant des mois et seul le Trône savait s’ils s’en sortiraient. Mais surtout, d’après l’astropathe, nul ne saurait ni où, ni quand, ils ressortiraient de là…
    Le jour du passage dans le warp, tout le vaisseau se tenait paré. Les systèmes auxiliaires passèrent à l’arrêt, les volets blindés furent abaissés le long des baies vitrées et tous les lumens intérieurs passèrent au rouge, signalant à l’équipage de se tenir prêt et de prier le plus fort possible. Jocasta, connectée à son trône de navigation, était scellée dans son Sanctum Oculus, désormais seule face au warp, car elle seule possédait un dôme ouvert sur la Mer des Âmes, l’Ether, l’Immaterium ou qu’importe le nom qu’on lui donnait depuis la nuit des temps. Ici, seule face à ce gouffre insondable et peuplé d’horreurs qui allaient engloutir le vaisseau, elle pouvait ouvrir son troisième œil et voir ce que nul humain ne pouvait percevoir sans sombrer dans la démence la plus pure.
    Il parait que chaque navigator perçoit l’Immaterium selon sa propre expérience. Le warp était cette dimension située dans un autre plan d’existence. Une sorte d’Outre-monde ou d’Enfers dont parlaient les anciens de Terra. Ici, le temps et l’espace n’existaient plus, pas plus que les lois de la physique. Seuls nos émotions et nos cauchemars les plus profonds prenaient vie et cohabitaient avec les âmes perdues des défunts qui s’y trouvaient condamnés. Ils n’étaient pourtant pas seuls puisqu’ils coexistaient avec des entités malignes anciennes et des êtres à la nature étrangère à notre propre dimension. Pourtant, parfois, certains de ces êtres étaient capables, peut-être par accident, de percer le voile et de se matérialiser dans notre univers, tel un carnodon affamé serait jeté dans un poulailler.

    Pourtant, tous les navigators ne percevaient pas le warp comme un gouffre constitué de pure terreur. Tous le vivaient comme une expérience unique, presque onirique selon leurs propres termes, bien que restant particulièrement lucide sur sa nature corruptrice et pernicieuse. En ouvrant leur troisième œil et en se plongeant dans une transe profonde. Certains le percevaient comme une mer houleuse et tempêtueuse, jalonnée de récifs et de monstres marins, tandis qu’eux se tenaient à la barre de leur bateau pris dans la tourmente, fouettés pas les vents et les eaux déchainées. Ils hurlaient aux éléments, afin que l’équipage tienne bon. D’autres se voyaient aux commandes d’un aéronef d’un autre temps, prit dans un cyclone et contraint de lutter de toutes leurs forces afin d’éviter que leur engin précaire ne se disloque ou finisse aspiré par un vortex. D’autres encore se voyaient fendre les airs, tel un poisson fendrait les flots, traversant des champs infinis et multicolores sous des cieux et des soleils aux couleurs irréelles, louvoyant et sautant dans les hautes herbes avec une joie infinie mais toujours avec cette crainte d’être happé par un prédateur tapis là, juste en-dessous. Tous décrivaient des mondes imaginaires aux formes et couleurs chimériques, peuplés de créatures des enfers, de défunts bien réels mais rendus fous. D’autres y voyaient des châteaux antiques assiégés par des armées innombrables et de duels épiques, tandis que certains parlaient de labyrinthes infinis et d’êtres énigmatiques qui cherchaient à les duper afin de les y piéger de manière définitive.
    Le warp ne pouvait se décrire, il devait se vivre, ce qui impliquait de sombrer d’abord dans la folie.

    L’entrée dans le warp n’était jamais une expérience plaisante, surtout le première fois. C’était un peu comme se réveiller en plein sommeil pour réaliser que l’on était sous l’eau et qu’on n’avait plus pied. La sensation pouvait durer quelques secondes mais sur le moment, l’angoisse vous paraissait durer une éternité. C’était plus ou moins ce que ressentirent les quelques milliers de galenniens tout récemment recrutés à bord du Morning Star et du Daughter of Tempest qui naviguaient de concert. La plupart fut frappé de crises hallucinatoires collectives qui durent être réprimées par les boscos et par Helleth, l’écclésiaste. Les jours passèrent mais le mal du warp persistait d’autant plus que les grincements sur la coque n’y aidaient pas et ce, malgré les litanies diffusées à bord. On entendait toujours des voix, réciter les mêmes phrases en boucle, même dans les vox. Uriah et ses hommes durent user de toute leur persuasion afin de faire tenir l’équipage. Säde sombra dans une profonde dépression et une manie obsessionnelle, ne parvenant plus à dormir la nuit à cause des âmes de défunts qu’elle voyait dans les ombres et qui venaient la tourmenter. Tous ces visages, elle les connaissait… Ces voix… Tous issus de ses plus profonds souvenirs et pourtant si réels désormais. Certains se contentaient de la dévisager dans le noir tandis que d’autres lui susurraient de mettre le canon de son arme dans sa bouche et de se délivrer enfin de ses tourments.
    Un matin, Uriah se réveilla dans sa cabine, les draps maculés de son propre sang encore chaud et poisseux, un couteau à la main. Il avait dormi toute la nuit, rêvant qu’il menait une bataille incessante contre des mutants horriblement déformés par le warp qui se glissaient sans cesse sous ses draps. Il avait eu le sentiment de les combattre toute la nuit pour finalement réaliser qu’il n’avait fait que s’infliger des blessures à lui-même. Sa peau était couverte d’entailles et de coupures. Il relâcha la lame en tremblant, soulagé de savoir que Ludivine ne passait pas le nuit avec lui, car elle était sur son propre navire en ce moment-même.
    Même Jocasta, pourtant enfermée dans son Sanctum Oculus, devait lutter de toute ses forces pour repousser les démons qui la tourmentaient et lui tournaient autour. Il ne s’agissait que d’esprits, de simples voix, mais elles étaient tenaces et la harcelèrent sans discontinuer, des jours durant, lui disant qu’elle était épuisée, lui intimant d’aller se reposer, de fermer les yeux et de dormir enfin et de leur laisser son trône de navigation. Elle résistait de toutes ses forces tandis que du feu jaillissait de son troisième œil. Après des jours qui lui parurent des semaines – ou peut-être était-ce l’inverse, l’un des démons décida de changer de tactique avec elle. Elle sentit une main lui caresser ses cheveux collés de sueur, puis parcourir les cicatrices de son visage. Une voix ricana dans son esprit dans une langue inconnue mais qu’elle comprit sans le moindre mal.
    -C’est très bien… Tu résistes et tu te crois forte, petite abomination… Mes frères vont aller arpenter certains ponts de ton misérable vaisseau et nous verrons si à un moment tu ne finiras pas par te lever et enfin me céder ta place…
    Toujours crispée à son trône, les dents serrés et les yeux clos à l’exception de son œil warp, Jocasta activa son microvox et pria pour que son message parvienne à la passerelle.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 20/03/2024 à 18:12 Citer ce message

    Dès réception du message transmis par Jocasta, la Brute se coordonna auprès des boscos du chef Casper Arkhan ainsi que des escouades du lieutenant Haxton. Il allait falloir ratisser les ponts et les coursives et débusquer tout intru. Uriah sollicita l’aide de son astropathe justement, sachant qu’elle avait la capacité de détecter tout activité warp à bord. Elle se focalisa à l’aide de son bâton en psycurium qui se mit à luire dans la pénombre tandis qu’un feu blanc émanait de ses yeux. Au bout de quelques instants, des volutes de vapeur dessinant des arabesques sortirent de ses lèvres.
    -Je les vois… Grimaça-t-elle, comme ressentant une vive douleur. Une goutte de sang coula de son nez.
    Uriah reporta son attention vers Altaïr.
    -Affiche-nous un plan, je veux savoir où exactement, ensuite on scelle le compartiment.
    Il se tourna de nouveau vers son astropathe tandis que son sénéchal se hâtait de déployer les plans holo du navire.
    -Si on dépressurise le compartiment, on peut les tuer ?
    Antinoé lui retourna un regard sombre.
    -Ce qui vit dans le warp, se moque bien de l’air que l’on respire, capitaine. De plus, nous sommes en train de traverser l’Immaterium… Dépressuriser une partie du navire serait comme leur ouvrir une porte.
    -D’accord, on oublie. Trouvez-moi l’endroit où ils sont, vous allez nous accompagner. Nous allons devoir les débusquer à l’ancienne.
    Il vérifia la charge de son pistolet à plasma et alluma son champ réfracteur. Il activa son vox.
    -La Brute ? Trouve Helleth et rejoignez-nous, je t’envoie les coordonnées.

    Antinoé avait ainsi pu localiser deux zones du navire, bien distinctes. Une située à la proue, dans un compartiment de plusieurs cabines de matelots, non loin de la baie medicae. L’autre se situait dans les ponts inférieurs, au niveau d’une baie à navettes.
    Le petit groupe se hâtait en courant dans la coursive principale qui constituait l’épine dorsale du navire et qui courrait sur un bon kilomètre.
    -On commence par quelle zone ? Leur demanda La Brute. Altaïr suivait, sa tablette à la main.
    -Le hangar à navettes ! Lui répondit ce dernier. Il n’est pas question qu’on les perde.
    En approchant de la proue, ils empruntèrent un des élévateurs qui descendaient vers les sous-ponts. Cela leur laissa le temps de souffler un peu et de préparer leurs armes. Pour l’occasion, Helleth de Shaad, leur écclésiaste, avait pris le temps de bénir les épées de la Brute et d’Altaïr, le temps qu’ils détectent les menaces et fassent sceller les compartiments. Elle-même portait son épée tronçonneuse sanctifiée et son pistolet lance-flammes pyroacide sanctifié.
    Ils firent évacuer tous les compartiments attenants et se préparèrent. La Brute tenait ses deux pistolets bolter en main et avança, pressant la rune d’ouverture du sas, d’un coup de coude. Il progressa lentement parmi les volutes de vapeur et d’ozone, armes pointées et repéra rapidement les premiers corps au sol, gisant dans leur propre sang. Des matelots, des technomécanos mais aussi des sergents d’armes. Il planait une odeur acre de carnage mais aussi quelque chose d’autre, de plus piquant et métallique, comme un goût de cuivre dans la bouche. Il perçut des bruits, plus loin. Comme des murmures ou des jacassements, ce qui n’avait rien de naturel.
    Il se plaqua le long du contrefort d’une coursive et fit signe au reste de l’équipe, d’avancer prudemment. Helleth approcha vers lui, son lance-flammes et sa tronçonneuse en main, se plaquant de l’autre côté de la coursive tout en murmurant des versets de protection. Uriah et Antinoé vinrent se tenir de l’autre côté du couloir, menant vers la coursive bâbord. Ils avancèrent prudemment mais repérèrent tout de suite des bruits métalliques raclant au sol, qui approchaient. Ils ne tardèrent pas à voir des silhouettes massives de servitors de maintenance qui se dirigèrent droit vers eux. Malgré la pénombre, ils reconnurent tout de suite que ces servitors n’étaient plus ce qu’ils auraient dû être. Le warp les avait mutés au point que leur chair blafarde et nécrosée avait fusionné avec une multitude d’outils de maintenance et d’objets aussi dangereux qu’improbables. Ils se ruèrent de leur démarche lourde et mécanique, faisant cliqueter et vrombir leurs armes tranchantes ou perforantes. Uriah lâcha un tir de plasma sur le premier et fit mouche. La satisfaction de voir le projectile incandescent perforer le torse du premier, mourut rapidement. Il réalisa que cela venait de le ralentir mais sans pour autant le tuer net, malgré son tir à puissance maximale. Altaïr ouvrit le feu en rafale à son tour, à l’aide de son bolter mais manqua sa cible de peu. Un bolt toucha sans doute dans une gerbe d’étincelles mais sans effectuer plus de dommages. Antinoé invoqua la puissance du warp et commença à tracer une aura kinétique, à l’aide de son bâton de force, juste devant elle.
    Depuis le second couloir, partant vers tribord, la Brute venait de faire feu aussi, de ses deux pistolets bolter, en rafale et constata le même effet que pour Uriah. Malgré les dégâts colossaux encaissés, un servitor continuait d’avancer vers eux. Helleth raffermit sa prise et l’inonda d’un jet de prométheum pyroacide sanctifié. Le monstre de chair et de métal s’embrasa sans réagir, ce qui fit pester la missionnaire qui décida d’activer son épée tronçonneuse en entamant une litanie de détestation. Elle le chargea sans la moindre hésitation. Le feu n’allait peut-être pas le ralentir mais, d’une manière ou d’une autre, la foi finirait par lui régler son compte. En quelques secondes, le feu acide commença à lui dissoudre les chairs et la lame tronçonneuse le termina, lui ouvrant le torse en deux.

    Dans l’autre couloir, Antinoé se prépara au choc, s’arcboutant contre son bâton. Le servitor chercha à la tailler en pièces à l’aide d’une cisaille énergétique démesurée. Elle pivota sur le côté, faisant voler ses robes de l’Astra Telepathica et lui abattit en retour son bâton de force sur la clavicule, dans une auréole de feu d’un blanc incandescent. Des os et du métal craquèrent tandis que la tête cybernétisée pivota selon un angle improbable. L’arme de force broya sa cage thoracique par la même occasion, exposant des organes putrides et des composants augmentiques qui vomirent un flux de liquides nauséabonds. Le coup le tua net alors que le tir de plasma d’Uriah l’avait déjà passablement amoché. Le lourd servitor bascula sur le côté et s’écroula contre la paroi ans un bruit de ferraille. Une chose rose et informe, munie de nombreux bras et d’une gueule démesurée garnie de crocs et d’une langue bleue apparue alors depuis les ombres en ricanant et caquetant d’un nombre de voix improbables. Uriah ouvrit le feu mais le manqua d’un rien.
    -C’est quoi cette saloperie !
    -Par le Trône de Terra, une horreur rose… Un démon du warp ! Lâcha Antinoé dans une gerbe de vapeur alors que ses yeux blancs s’illuminèrent et qu’elle renforça son aura en se cramponnant à son arme de force. Une seconde horreur rose venait d’apparaitre, venant du tarmac où reposait la navette Aquila, ainsi qu’une troisième qui venait de faire face à Helleth et la Brute, accompagné d’un autre servitor. Les trois démons étaient en train de ricaner doucement, leur gueule démesurée déformant leurs traits immondes. Helleth dévoila un sourire carnassier se disant qu’enfin, elle allait affronter un adversaire à sa hauteur.
    Le second démon projeta une boule de flammes bleutées qui hurlèrent en direction d’Uriah. Il crut se trouver englouti par les flammes warp, alors incapable de bouger. Son champ réfracteur s’illumina soudain et le sauva in extremis, comme si l’Empereur en personne venait de s’interposer. Il loua son sénéchal pour cette brillante initiative.
    Les trois démons, fait de pure folie, prirent une seconde à les observer de leurs yeux emplis de malice puis se ruèrent sur eux en hurlant tels des déments tout en recrachant un feu warp rose et bleu.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 29/03/2024 à 16:33 Citer ce message

    Le feu sanctifié d’Helleth, couplé aux bolts dévastateurs de la Brute et aux pouvoirs aethériques d’Antinoé firent toute la différence. Même si les tirs combinés d’Uriah et d’Altaïr ajoutèrent clairement à la puissance de feu vengeresse, les démons furent purgés au bout de quelques minutes d’un combat acharné. Altaïr, Uriah et Helleth s’en sortirent avec quelques belles blessures causées par les griffes et le feu des démons. Une chance pour eux que la foi de la missionnaire soit parvenue à les protéger, tout comme les pouvoirs de l’astropathe car les démons et les servitors corrompus accompagnés d’un heretek furent particulièrement tenaces.
    Uriah et ses officiers se chargèrent alors de la seconde partie la plus touchée, un compartiment de cabines d’hommes d’équipage situé non loin du bloc medicae. Là, ils se heurtèrent à une bande de matelots horriblement mutés par les miasmes putrides du warp mais aussi à des démons de la pestilence, sorte de golems humanoïdes et cyclopéens en putréfaction, armés de lames rouillées et suivis de petits lutins grassouillets tout aussi horribles qu’eux. Partout autour d’eux régnait une épouvantable odeur de décomposition que même les recycleurs d’atmosphère peinaient à filtrer. Helleth et Antinoé leur demandèrent de rester près d’elles, ce qu’Uriah ne fit pas, pris soudain d’une violente crise. Il recula dans le couloir et alla vomir plus loin.

    Là aussi, le feu purificateur d’Helleth fit des merveilles, incendiant et carbonisant les démons du warp qui ne succombaient pas sous les bolts explosifs. La source du mal fut alors identifiée par Antinoé dont les pouvoirs gelaient sur pieds les démons et leurs séides mutants qu’Helleth n’avait pas incinéré. Elle parvint ainsi à faire taire un bolter lourd que les mutants avaient mis en batterie et qui leur bloquait le passage. Altaïr fut touché par du shrapnel et dût se mettre à couvert, sa veste éventrée par des éclats, passant à deux doigts d’une mort aussi certaine que brutale.
    L’astropathe ressentit alors la présence du possédé, celui qui était à l’origine de tout ce carnage. Ils reconnurent Waldek, le chef chirurgien du navire. Ce dernier était désormais contrôlé par une entité du warp et accompagné de mutant tout aussi déformé que les démons qui les accompagnaient. Un feu verdâtre brûlait de ses orbites vides et ses mains avaient désormais fusionnées avec ses scalpels et autres scies chirurgicales. Il ouvrit une gueule béante en grand d’où jaillit un flot de bile acide emplie d’asticots grouillants et voraces, gros comme un pouce, dont certains éclataient, libérant des sortes de mouches à la l’abdomen blanc et gorgé d’un pus acide. Le flot allait engloutir totalement Antinoé, mais la Brute, la projeta dans le couloir adjacent, lui sauvant la vie, in extremis. La masse infecte éclaboussa contre une des parois qu’elle fit fondre en un instant en bouillonnant. La Brute avait roulé sur le sol et se précipita pour se diriger vers le bolter lourd.
    Dans le sillage du possédé et des mutants, il n’y avait plus que des cadavres grimaçants et des immondices qui commençaient à corroder les coursives et à attaquer les câbles d’alimentation. Mêmes les lumens des couloirs qui ne grillèrent pas, prirent une teinte maladive et vacillante. Tandis qu’Helleth contenait les démons en approche, Antinoé se redressait et Altaïr alla aider la Brute à manœuvrer le bolter lourd abandonné dans le couloir. Ce dernier hurla aux filles de se pousser alors qu’il envoya une salve dévastatrice dans la coursive, explosant le possédé d’une rafale de bolts de gros calibre. Helleth, Altaïr et Antinoé détruisirent les horribles mutants restants, rechargeant leurs armes au passage et continuant de faire feu sur tout ce qui bougeait.
    Helleth inspecta les couloirs puis désigna Uriah qui se tenait plus loin, visiblement mal en point et jurant à propos de son medic en chef qu’il avait fallu tuer.
    -Emmenez le capitaine et mettez-le en lieu sûr en attendant. Je vais faire sceller ce compartiment et le purger par les flammes et la foi. Mais d’abord je dois m’occuper de vos blessures car le warp est à l’œuvre ici, dit-elle en sortant d’une sacoche des rouleaux de parchemins consacrés qu’elle enroula sur leurs plaies qui s’auréolèrent aussitôt d’une douce lueur.
    Il fallut deux jours de plus aux zélotes d’Helleth pour nettoyer le reste du navire de toute trace de corruption. Le bilan fut plutôt lourd. L’incursion warp et ses conséquences avait tué ou mis hors d’état plusieurs centaines de membres de l’équipage ce qui se ressentait sur le moral qui était plutôt maussade. Le pire était qu’ils avaient perdu leur chef chirurgien mais aussi la plupart des medics de bord. Waldek avait très certainement été possédé alors qu’il se trouvait au bloc medicae car c’est là qu’ils trouvèrent les traces des premières victimes. Le bloc et le stock de médicaments avaient été contaminé ce qui signifiait qu’ils ne possédaient presque plus de médecine à bord. Une simple épidémie à venir pourrait s’avérer catastrophique s’ils ne trouvaient pas rapidement un monde où s’approvisionner.
    Après soixante-sept jours passés à dériver dans le warp, Jocasta depuis son dôme de navigation finit par annoncer, d’une voix rauque et épuisée, qu’elle venait de localiser un point de sortie. Cela fut reçu comme une véritable bénédiction par l’équipage et les officiers. Sur les trente mille hommes que comptait le navire, la contamination warp fera quelques deux mille cinq cents morts en tout, principalement parmi les nouveaux arrivants, pour qui le mal du warp avait été le plus dévastateur.

    Le retour à l’espace normal parut soudain irréel. Comme sortir d’un cauchemar éveillé et ne plus vraiment savoir ni où ni quand on se trouve. Ce qui était le cas en réalité. Seuls les vrais hors-mondes étaient rompus à ce genre d’exercice et même ainsi, aucun d’entre eux n’était jamais parfaitement serein, prenant toujours les entrées et sorties warp très au sérieux. Se perdre dans une éternité de cauchemar n’était pas juste une légende. Et le warp n’était pas juste une autre dimension. C’était bien pire que cela, ils avaient pu le voir sur les malheureux qui avaient dû finir purgés par les flammes. Même Djoko qui aimait toujours plaisanter, savait que ce sujet ne pouvait être pris à la légère, comme le rappelait l’Aquila accroché à son cou et qu’il touchait du bout des doigts. Il surveillait les consoles depuis la passerelle plongée dans une semi-pénombre sépulcrale, éclairée seulement par les lumens rouges des consoles et quelques chandelles. Il enclencha la rune du vox interne.
    -Navigatrice ? Confirmation en attente.
    Il se passa quelques secondes interminables avant que Jocasta ne réponde dans le vox.
    -Sortie stable et confirmée, lieutenant…
    Djoko se permit de souffler un peu avant de répondre.
    -Merci, navigatrice. Beau travail. Tâchez d’aller vous reposer.
    Des murmures de soulagement et des prières parcoururent toute la passerelle.
    -Etat des systèmes ?
    -Pleine capacité, lieutenant, lui répondit la technaugure Argentus depuis ses affichages holo.
    -Parfait Magos. Calibrage des augures et redémarrage de tous les systèmes auxiliaires.
    Plusieurs voix confirmèrent ses ordres depuis les consoles des opérateurs. Il prit position à son poste de premier timonier.
    Les voyants passèrent du rouge au vert, tandis que les vibrations du navire montèrent lentement le long de la coque. Jamais de sa vie il n’avait vécu un saut warp aussi long.
    -Ouverture des volets, je veux un recalibrage des auspex qui nous confirme une position.
    Il reçut de nouveau plusieurs confirmations depuis les consoles des opérateurs. Pendant ce temps, les volets blindés protégeant les baies vitrées de la passerelle se relevèrent, dévoilant l’espace profond et la vue sur une amas d’étoiles.
    -Affichage des cartes stellaires, je veux savoir où nous sommes.
    -A vos ordres, répondit un des hommes d’équipage.
    Un des écrans laissa défiler un ensemble d’holocartes décrivant tous les systèmes solaires des environs. Au bout de quelques instants, Djoko arrêta une des vues.
    -Nous y sommes… Je confirme, Système Tartuga dans la constellation de Morgan’s Reach... Calibrage de notre position… Bordel, on a fait un bond de plus de six-cents années-lumière…
    Il fit un signe en direction du second timonier, une jeune enseigne de vaisseau.
    -Monsieur Blakemore, la barre est à vous. Cap au zéro quatre cinq. Vitesse lente. Activez les boucliers et lancez les augures, pleine puissance.
    -A vos ordres, mon lieutenant.
    Djoko remonta la passerelle et activa son vox, cherchant à appeler Uriah et les autres officiers en urgence mais Altaïr fit alors son apparition par le sas blindé de la passerelle et vint le rejoindre. Djoko tourna ses yeux augmentiques vers lui, ils brillaient de la même lueur que les chandelles disposées sur les consoles.
    -Ah tu tombes bien, la Science, j’essayais justement de savoir où vous étiez. Tu peux informer notre capitaine qu’on est au point de Mandeville, en approche du système Tartuga.
    -Notre capitaine dort en ce moment, ces derniers évènements l’ont pas mal affecté. La Brute et Helleth s’assurent que tout va bien.
    Djoko leva les yeux au plafond.
    -C’est bien le moment d’aller dormir, tiens… Pile au moment où on arrive.
    -La question n’est pas tant où nous sommes, mon cher Djoko, mais quand, lui répondit-il avec un petit sourire mystérieux.
    -Les systèmes sont en cours de recalibrage. Mais tu sais ce que c’est, toute cette foutue mécanique sacrée. Sans leur satanés rituels, la Machine ne parlera pas à la magos.
    Antinoé apparut soudain derrière eux, cramponnée comme toujours à son bâton ésotérique. Dans la pénombre, seuls ses yeux aveugles brulaient du même feu.
    -Stella sait parler à qui sait l’écouter, dit-elle dans un murmure.
    Ils se retournèrent. Avec les années, ils avaient presque pris l’habitude de s’attendre à ce que leur astropathe apparaisse comme ça, toujours de nulle part.
    -Qui est Stella, déjà ? Demanda Altaïr.
    -Ce serait le petit nom de l’esprit de notre cher vaisseau, mon vieux, rétorqua Djoko avec un clin d’œil. Il parait qu’elle peut lui parler. Toute cette warperie, c’est un coup à finir encore sur un bûcher…
    -Avec tout ce qu’on a vécu à bord, je crois qu’on peut assurément dire que le Morning Star est hanté, non ? Répondit Altaïr.
    Antinoé plaqua sa main sur un des montants en plastacier de la passerelle. Ses yeux se révulsèrent durant quelques secondes, ignorant sa dernière remarque.
    -Plus d’une année terrane vient de s’écouler…
    Ses yeux revinrent à la normale. Elle les dévisagea, restant pensive.
    -Cela aurait pu être bien pire. Pourtant…
    -Pourtant ? Demanda Altaïr, car le mot était resté en suspens.
    -Je vais avoir besoin de méditer. Le temps semble s’écouler différemment dans cette région. Une anomalie… Quelque chose ou quelqu’un interfère avec l’Ether.
    Elle s’inclina et se retira de la passerelle au moment où Jocasta entra à son tour, émaciée et boitillante.
    La navigator avait les traits creusés et le teint blafard, bien plus que d’habitude. Elle portait des bandages sur ses mains et ses avant-bras. Elle se dirigea vers eux et riva son regard sur la baie et les étoiles, au-delà. Djoko reporta aussi son attention vers la baie polarisée d’où il pouvait déjà voir l’étoile éponyme du système dont ils approchaient. Des alarmes retentirent depuis les consoles des auspex. Il se dirigea vers la timonerie tandis qu’Altaïr et Jocasta prenaient place aux cogitateurs de navigation.
    -Analyse des retours auspex ? Lâcha Djoko.
    -Aucune anomalie dans les vingt unités, selon les rapports, lui répondit Jocasta.
    -Tu devrais te reposer, glissa Altaïr à la navigator.
    -Après…
    -Non, maintenant.
    Il recalibra les augures et afficha des pics de signature énergétique, sans doute à l’approche d’une planète. Il les projeta sur les écrans.
    -Un champ de gravité ? Demanda Djoko qui avait l’œil pour lire de telles données.
    -Puits gravifique à cinquante unités de distance. Contact dans…. Cinq minutes, vingt-cinq secondes. Je suggère une déviation de trajectoire.
    -Négatif, Sénéchal, lui répondit Djoko, tout en prenant place à la timonerie principale. Il existe deux types de pilotes dans cette galaxie. Ceux qui évitent les puits gravifiques, sous peine de déchirer la coque de leur navire et il y a les bons pilotes qui savent utiliser un champ de gravité d’une puissance planétaire pour propulser leur vaisseau à cinq fois sa vitesse maximale.
    -C’est une folie…
    Djoko prit la main sur les commandes de la timonerie et commença les calculs de puissance des moteurs, ignorant les protestations de la magos Argentus.
    -Une chance alors, mon cher Sénéchal, car je fais partie de la troisième catégorie qui est composée de rarissimes mais néanmoins excellents pilotes que compte cette satanée galaxie…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/04/2024 à 22:13 Citer ce message

    La manœuvre de Djokovitch fut plutôt habile, bien que dangereuse à l’extrême. La force gravitationnelle était suffisante pour déchirer la coque du navire, pourtant il sut se servir des courants avec adresse afin de propulser le Morning Star comme une embarcation qui profiterait d’une tempête pour gagner en vitesse. La manœuvre était folle aussi, et contrevenait à toutes les règles de sécurité de la navale, mais Djoko n’en avait cure justement. Durant près d’une heure, la coque et toute la structure se mirent à grincer et à gémir sous les forces colossales en présence. Les effets cessèrent finalement tandis que la navigation confirma que la vitesse dépassait désormais largement la capacité de poussée des moteurs, ce qui allait leur faire gagner quelques jours avant de rejoindre le monde le plus proche.
    Etudiant les cartes avec l’aide de Jocasta, ils estimèrent parvenir en approche de Tartuga V dans moins de vingt-quatre heures. Durant ce laps de temps, Antinoé confirma un retour de message de la part du Daughter of Tempest. Le navire de Ludivine était parvenu lui aussi à franchir la warp, mais quatre jours plus tôt et elle et Uriah était soulagés de savoir qu’ils s’en étaient enfin sortis sans trop de casse. Eux aussi avaient perdu des hommes d’équipage à cause du mal du warp et avaient subi quelques avaries mineures mais finalement ils étaient parvenus à retrouver les abords du sous-secteur Morgan’s Reach. Au bout d’une journée de voyage sans encombre, ils finirent par rejoindre le Daughter of Tempest, en approche du monde gelé qu’était Tartuga V. Le corps céleste ne payait pas de mine, il s’agissait d’un petit planétoïde couvert de méthane gelé et de glace. Selon les augures, son atmosphère n’était pas viable pour une forme de vie classique. D’ailleurs, aucune forme de vie ne fut relevée par les auspex. Le Morning Star et le Daughter se placèrent en orbite haute et commencèrent à scanner la totalité de la surface pendant les heures qui suivirent. Ils eurent un retour des augures qui indiquait un léger pic énergétique en provenance d’un point de l’équateur.
    Ils décidèrent, d’un commun accord d’envoyer des navettes en reconnaissances, ne cherchant pas à exposer plus leurs navires. Des équipes furent donc déployées sur place en quelques heures afin de sonder ce type d’anomalie de plus près. Les premiers retours confirmèrent les premiers relevés, à savoir que rien ne vivant à la surface et qu’aucun signe d’activité n’avait été relevé. Cela confirma aussi des pics élevés de gisements adamantin en surface. La magos Argentus étudia de près les données qui s’affichait.
    -C’est quoi selon vous ? Lui demanda Uriah qui observait les images depuis la passerelle.
    -Sans doute du symantium, à en juger par la couleur bleutée.
    -Qu’est-ce donc ?
    -Un cristal adamantin que l’on emploie dans les couches de blindages de certains véhicules super lourds, capitaine.
    -Comme les Land Raiders ?
    -Et comme les Titans aussi.
    -Donc, ce gisement pourrait être des plus rentables, ajouta Altaïr.
    -Dans la mesure où il reste exploitable, compléta la magos. La surface est hostile pour tout organisme vivant non protégé.
    -Et ces formes, là… De quoi s’agit-il ? Demanda Uriah.

    Les premiers retours pix révélaient d’étranges structures qui n’avait rien d’impérial et qu’il était difficile à identifier même pour Altaïr et la magos. Cela ressemblait de loin à des sortes de structures minérales gigantesques mais à bien y regarder de plus près, on comprenait qu’il s’agissait là d’une construction artificielle très ancienne, endommagée et piégée dans les glaces depuis un temps impossible à estimer.
    -On va devoir aller sur place, finit par lâcher Uriah.
    -Et pourquoi cela ? Lui demanda Djoko.
    -Parce que, vois-tu… s’il y a la possibilité d’installer ici une exploitation minière, je préfère m’assurer avant qu’aucune saloperie xenos soit tapie dans le coin. J’ai besoin d’Altaïr et de ses connaissances mais aussi de Jocasta. Tu nous accompagnes ?
    -Je vais rester sur la passerelle. Altaïr c’est son truc les saloperies xenos justement. Pas moi…
    -Comme tu veux mais appelle le hangar 5, qu’ils nous préparent deux navettes Aquila. Et dit à Haxton de préparer une équipe et des scaphandres.
    Uriah se tourna vers Argentus.
    -Magos, vous allez nous accompagner, vos lumières devraient nous être utiles.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 15/04/2024 à 09:53 Citer ce message

    Quelques heures plus tard, leur navette Aquila les déposa aux coordonnées indiquant cette structure étrange située vers l’équateur. Là, les températures pouvaient varier mais n’étaient pas aussi extrêmes que vers les pôles où le froid dépassait très largement les -80° Celsius. Les relevés de leurs combinaisons affichaient quand même une température avoisinant les -50° ce qui aurait pu les tuer sans une protection adéquate. En descendant la rampe de la navette, ils se trouvèrent aussitôt confronté à un paysage irréel, constitué de glace, en partie composé d’eau gelée mais aussi de l’azote et d’autres gaz rares. Le méthane gelé, lui se trouvait plus profond. Il y avait des traces d’oxygène aussi mais en quantité insuffisante pour être respirable sans équipement. Très vite, ils ressentirent la pression atmosphérique qui rendait pénible chacun de leurs mouvements, un peu comme s’ils portaient une charge supplémentaire ou évoluaient sous l’eau. De plus, le scaphandre qui les isolait de l’environnement hostile et glacé renvoyait des flux de données en même temps que le rythme régulier de leur propre respiration rythmée par le recycleur interne de la combinaison. Les vox semblaient bien fonctionner, tout comme les retours auspex ainsi que le reste de leur équipement.
    Leur navette resterait au sol tandis que la seconde navette ferait un repérage des environs. De plus, Ludivine avait aussi envoyé ses propres aéronefs en soutien et reconnaissances, au cas où. Ainsi, en cas d’urgence, une évacuation était possible en moins d’une heure.
    Malgré cela, la Brute avait emmené avec lui un bolter lourd, harnaché à sa combinaison. Tous les quatre avaient revêtu une combinaison spatiale modèle Angström, sorte de scaphandre encombrant mais adaptée au vide et à l’environnement hostile de la planète. Tous étaient équipés de microvox, d’un auspex intégré et d’un lance-grappin en plus de quinze heures d’autonomie. Ce qui devait largement suffire, en espérant qu’il n’y ait pas de graves problèmes. Seule la magos Argentus portait son propre scaphandre, une armure segmentée du Mechanicus qui intégrait de multiples fonctions. Comme à son habitude, elle était accompagnée de son servo-augures pour qui l’atmosphère hostile n’était d’aucune gêne mais qui ne cessait de babiller dans son charabia binaire. Un second servo-crâne l’accompagnait et avait pour fonction la collecte d’échantillons en vue d’analyses.
    Le sol gelé crissait sous leurs pas pesant. Ils progressèrent ainsi en direction de la principale structure qui se dressait droit devant eux à quelques centaines de mètres. C’était une sorte de pic rocheux immense et à demi couvert de neige et de givre et qui selon la télémétrie, devait atteindre plus d’un kilomètre d’altitude. Les parois déchiquetées étaient d’un gris métallique, sans pour autant se distinguer d’une roche taillée ou d’un alliage composite. Il était pourtant clair que l’ensemble n’était pas naturel car présentait de nombreuses symétries bien que parfois tronquées. De plus, des sortes de cristaux d’un bleu électrique jalonnaient sa structure et lui donnaient des apparence de bâtiment, voire de navire interstellaire. C’était très étrange car les relevés auspex ne décelaient aucune forme de vie, ni rien de connu en dehors d’une source énergétique non identifiée qui provenait de ce seul endroit.
    Ils se mirent à inspecter le pourtour des parois, cherchant ce qui pourrait s’apparenter à une entrée mais n’en trouvèrent aucune. Ils continuèrent leur progression ainsi, pendant plus de trente minutes avant que la Brute finisse par entendre une sorte de craquement sourd. Le sol se déroba sous ses pieds et il se sentit soudain happé et chuter, avant de glisser sur une pente glacée sur une vingtaine de mètres, entrainant avec lui des fragments de glace, ainsi que tous ses compagnons qui chutèrent avec lui.
    Ils atterrirent ainsi, pêle-mêle, dans une sorte de grotte souterraine constituée de roche brute et de glace. Ils se relevèrent, vérifiant que tous allaient bien et qu’il n’y avait ni blessé, ni scaphandre endommagé, ce qui n’était pas le cas. La pente gelé et la neige avaient amorti leur chute. Ils se relevèrent et aussitôt les luminateurs de leurs casques s’allumèrent, projetant des raies de lumière crue dans une semi-pénombre d’un gris bleuté. A vingt mètres au-dessus d’eux, la voûte était constituée d’une glace d’un blanc bleuté. La Brute les appela dans un crachotement de microvox.
    -Venez voir…
    Ils approchèrent et virent qu’il leur montrait un squelette au sol, pris dans la roche et la glace depuis surement un bon moment.
    Jocasta se pencha pour l’inspecter, tout comme Altaïr et la magos.
    -Il est comme fossilisé, annonça cette dernière.
    -Vous pensez qu’il est là depuis combien de temps ? Demanda Altaïr, tandis que Jocasta venait de ramasser des fragments de métal oxydé, parmi les ossements, auxquels étaient encore accrochés des bouts de plastique composite qui tombèrent en morceaux.
    -Il faudrait ramener des échantillons à bord. Et avec quelques analyses, nous pourrions les dater correctement, répondit Argentus.
    -Nous verrons si cela est utile, ajouta Uriah. Déjà, voyons si nous pouvons sortir de là.
    -Oui, je pense pouvoir escalader la paroi, lâcha la Brute. De là-haut, je vous lancerai le grappin et vous aiderai à remonter.
    -On fera comme ça. En attendant, je vois deux tunnels qui partent de chaque côté et j’aimerais déjà étudier cette structure avant de remonter quoi que ce soit à bord.
    Il fit signe à la Brute de passer devant et le suivit, lui indiquant le tunnel de gauche. Les autres laissèrent le corps et les suivirent dans une obscurité presque totale, seulement zébrée par les raies des luminateurs. Au bout d’une cinquantaine de mètres à progresser dans un boyau très étroit, ils décidèrent de rebrousser chemin à cause d’éboulis. Finalement, ils tentèrent le tunnel de droite. Ce dernier était tout aussi étroit mais praticable et finit par déboucher, au bout d’une centaine de mètres plutôt sinueux, vers une paroi effondrée, sans doute de façon naturelle. Elle donnait sur un couloir façonné, lui-même effondré. Des dalles taillées et des inscriptions sur les murs en attestaient. Ils laissèrent courir leurs luminateurs sur les parois, dévoilant des signes géométriques complexes bien que tout soit entièrement recouvert de givre.
    -C’est quoi ces symboles ? Leur demanda Jocasta.
    Altaïr les inspecta de près et hocha la tête par la négative, malgré le fait qu’il s’y connaissait bien en xenologie.
    -Cela ne me dit rien.
    La Brute eut cette même impression. Il avait déjà vu des glyphes orks mais aussi aeldari ou drukhari et là, cela ne correspondait à rien de tout cela.
    Uriah interrogea sa magos.
    -On sait ce que c’était à l’origine ? Cet endroit, je veux dire ?
    Elle tourna sa tête casquée vers lui.
    -Négatif. J’aurais besoin d’obtenir plus de données afin d’en être sûre. Mais c’est ancien.
    -On sait que ce système n’a pas répondu depuis plus d’un siècle, non ? Demanda Jocasta.
    -En effet. Mais là, je doute que les occupants d’une telle structure aient tenté de nous contacter. Quand je dis que c’est ancien, je parle de milliers ou de dizaines de milliers d’années. Et peut-être plus, selon les premières analyses auspex.
    -Trône… Autant de temps, mais comment c’est possible ? Rétorqua Uriah, tandis que Jocasta vérifiait à deux fois, le chronospex de sa combinaison.
    -N’ayez crainte, leur répondit Argentus, avec son flegme habituel. Si le temps s’était écoulé aussi vite pour nous aussi, nos réserves seraient déjà vides et vous seriez tous morts d’hypoxie. Notons que nous sommes sur un monde de catégorie Delta et de classe G, il y a donc une certaine logique.
    -Un monde de… Quoi ? Demanda Uriah, un peu perdu.
    -C’est la classification standard de l’Administratum, répondit Altaïr. Ce qu’ils appellent l’Æstimare. La classe G désigne un monde mort, si mes souvenirs sont bons.
    -Exact, Sénéchal, rétorqua Argentus. Voilà la raison pour laquelle l’Imperium ne s’intéresse pas à un monde de classe G en général. A moins que son coefficient Æstimare soit inférieur à 400. Auquel cas, il pourrait avoir un quelconque intérêt, désignant de potentielles ressources exploitables malgré son environnement des plus hostiles à toute forme de vie.
    Jocasta profita que la magos et Altaïr échangeaient sur les potentiels ressources à exploiter sur la petite planète pour aller inspecter un couloir donnant sur un cul-de-sac à une dizaine de mètres. Une paroi en bloquait l’accès et comme elle ne trouva aucun moyen de la franchir, elle rebroussa chemin.
    -Il y a un autre couloir, les coupa la Brute qui tentait d’éclairer en direction de leur gauche.
    -Allons voir, lui répondit Uriah qui lui emboita la pas.
    Ils reprirent leur progression dans ce qui ressemblait à un couloir façonné dans une matière similaire aux structures externes. Une sorte de roche métallique indéfinissable qui semblait plus avoir été moulée ou déformée par fusion que taillée. Le temps en avait altéré les contours mais par endroits, Argentus s’arrêtaient pour prendre certaines mesures à l’aide de ses auspex et s’émerveillait de constater que la rugosité des surfaces était inférieure à celle du verre. Ce qui selon elle, prouvait que les parois avaient été façonné avec des moyens technologiques avancés malgré un âge qui prédatait nettement celui d’une civilisation connue.
    -C’est fascinant, finit-elle par dire, au moment où Uriah l’appelait. Elle vint les rejoindre. Jocasta et Altaïr étaient devant ce qui ressemblait à des niches dans la paroi dans laquelle se trouvait une sculpture en bas-relief représentant une sorte de tête non humaine.
    -Qu’avons-nous là ? Demanda-t-elle, tout en sondant les parois.
    -Nous pensons que ce sont des sortes de portes, annonça Altaïr.
    -C’est aussi ce que suggèrent les analyses de la Machine. Nous devrions trouver un moyen de les actionner.
    Ils se mirent à chercher pendant de longues minutes. Altaïr et la magos finirent par déceler des inscriptions qui s’illuminèrent en les touchant selon une séquence précise. Ils durent s’y reprendre à plusieurs fois mais au bout d’un moment, les portes coulissèrent dans un grondement sourd, dévoilant de petites pièces dans lesquelles se trouvaient des statues étranges et pulsant d’une lueur bleutée. Ils entrèrent prudemment et les inspectèrent.
    -C’est quoi ? Leur demanda Uriah.
    -Un dérivé de nanocristal dont l’énergie électrique est très active, lui dit la magos.
    -Je voulais dire… Cette chose… ça a des ailes…
    -C’est très abimé, lui répondit Altaïr. Des ailes, plusieurs pattes, une tête vaguement insectoïde…
    -Me dites pas que ce sont des… ? Commença Jocasta avec un rictus de dégout.
    -Non, les tyranides ne construisent pas ce genre de structure et on ne leur connait pas d’art non plus.
    -Je ressens quand même un écho psychique, leur dit-elle.
    -De quelle nature ? Répondit Uriah tandis que tous, se reculèrent d’un pas.
    -Juste de l’énergie résiduelle, rien d’actif ni de dangereux.
    -Le warp est toujours dangereux, lâcha la Brute entre ses dents. Tu le sais bien, gamine.
    Uriah ressortit de la pièce.
    -Bien, continuons. J’aimerai savoir dans quoi nous sommes, exactement.
    Ils finirent par suivre ce même couloir qui déboucha sur une vaste salle de forme polyédrique de laquelle émanait cette même lueur bleutée venant de deux vasques. A l’intérieur luisait une sorte de liquide pâteux. Au centre de la salle se trouvait une espèce d’estrade circulaire donnant sur un vaste portail entouré de ce qui pouvait ressembler à des consoles. Ils les inspectèrent avec une grande prudence.
    -Ce portail… Cela pourrait être un portail warp ou quelque chose comme ça ? Demanda Uriah.
    -Difficile à dire, répondit Jocasta. Mais il semblerait que ce soient des commandes psychiques pour activer quelque chose.
    -Je pense qu’elle a raison, ajouta Argentus. Il s’agit bien de commandes.
    -On ne touche à rien, surtout si c’est psychique, lâcha Uriah.
    -On pourrait contacter Antinoé et lui demander son avis ? Demanda Jocasta.
    -Bonne idée. Il se tourna vers Argentus. Magos ? Tâchez de contacter la seconde navette et voyez s’ils peuvent remonter à bord et revenir avec notre astropathe.
    -Je m’en occupe, capitaine, mais cela risque de prendre quelques heures.
    -Aucun souci. Nous aurons besoin de son expertise de toute manière. On continue.
    Les couloirs suivants donnèrent sur de petites pièces où se trouvaient d’étranges cristaux psychiquement actifs, là aussi, qu’ils préfèrent ne pas toucher malgré l’envie d’Altaïr d’en collecter des morceaux. Ils trouvèrent aussi ce qui devait être un ancien laboratoire, même si ce qui le composait était brisé en morceaux. Des restes de plantes se trouvaient figées dans des cristaux, un peu comme des insectes pris dans de l’ambre. Ils trouvèrent aussi deux squelettes momifiés, sans doute humains et figés là, depuis des siècles ou plus. D’autres corps, dans une pièce adjacente étaient eux, emprisonnés aussi dans du cristal et donnaient l’impression d’avoir été saisis dans l’instant, comme pétrifiés, leur face desséchée affichant encore un rictus d’horreur alors que du cristal sortait des orifices de leur visage. Ils quittèrent la salle, ressentant un frisson glacé leur parcourir le dos.
    Plus loin dans une autre salle, ce fut de nouveau Jocasta qui ressentit quelque chose. La salle devait être une sorte de chapelle ou de temple à l’origine, du moins selon leur compréhension. Soudain, sans prévenir, des voix se mirent à grésiller dans sa tête, formant des mots impossibles à identifier mais pourtant aussi audibles que si elle les entendait en vrai. Ces mots lui parlaient dans une langue non humaine. Elle se mit à sursauter et à pousser un cri, ressentant l’écho psychique d’une rare puissance.
    -Les morts ! Là !! Il y a des xenos morts qui me parlent ! se mit-elle à hurler tout en pointant son doigt vers une sorte d’autel.
    Ses compagnons sursautèrent tous, à l’exception de la magos. Ils se reculèrent, perdant tous leurs moyens. Dans la panique, la Brute activa la poignée de tir de son bolter lourd et se mit à arroser la paroi qu’elle désignait. Les bolts, projetés en rafale se mirent à pulvériser le mur et l’autel qui explosa en milliers de fragments. Il se ressaisit au bout de quelques secondes, haletant dans son casque couvert de buée. Les douilles de gros calibre continuant de tinter sur le sol. Les autres se relevèrent.
    -Tout le monde va bien ? Demanda Altaïr.
    Jocasta était toujours au sol tandis qu’un jet de vapeur s’échappait de sa combinaison. Elle les appela à l’aide. Argentus se précipita vers elle.
    -Sa combinaison a été déchirée et elle est blessée ! Dit-elle tout en sortant son medikit.
    La blessure était légère mais dans un tel environnement, c’était la mort assurée en quelques minutes. Un éclat de bolt lui avait déchiré sa combinaison et lui avait entaillé le flanc gauche. La blessure était peu profonde mais l’entaille saignait beaucoup. La magos agit rapidement, vaporisant un antiseptique en gel coagulant avant de refermer la plaie à l’aide d’agrafes, ce qui arracha un cri à Jocasta. Enfin, aidée de la Brute, elle déploya un ruban de polymère afin de refermer la combinaison. Il l’aida enfin à la relever.
    -Désolé… Je… Lui dit-il.
    Elle hocha la tête et lui tapota le bras, tout en grimaçant à cause de la douleur.
    -Pas de souci, je resterais derrière toi désormais.

    Ils continuèrent leur progression, plus prudemment encore pendant l’heure qui suivit. Argentus reçut un message de leur navette. Antinoé était en route et serait déposée dans un peu plus d’une heure environ. Il faudra encore refaire le chemin en sens inverse afin d’aller la chercher, pourtant, l’endroit semblait de plus en plus inquiétant. Ils tombèrent sur d’autres salles où parfois il fallait trouver le moyen d’ouvrir des accès dans les parois, en touchant là aussi des glyphes sur les murs. Altaïr semblait avoir saisi la séquence, ce que confirmait Argentus. Même Jocasta l’avait enregistré grâce à ses sens psychiques car toute cette technologie à base de cristaux, semblait comme résonner dans le warp.
    Argentus en avait prélevé quelques échantillons qu’elle avait placé dans des petits tubes que portait un de ses servo-crânes.
    -Cela me fait penser aux lames fractales, dit-elle au bout d’un moment.
    -Qu’est-ce que c’est ? La questionna Uriah.
    -Des sortes d’épées xenos en cristal, non ? Répondit Altaïr. Personne ne sait d’où elles proviennent.
    -En quelque sorte, oui. Ce sont des cristaux vivants, un peu comme ceux de ces étranges pistolets en cristal qui agissent sur le mental de leurs cibles.
    -Ça ne me dit rien qui vaille, en tout cas, lâcha la Brute.
    Ils trouvèrent d’autres salles très étranges. Dans l’une d’elle se trouvait ce qui ressemblait à une holoprojection au centre de la pièce, comme représentant un système solaire en mouvement. Après quelques analyses, Jocasta ne sut identifier le système en question.
    -Ce n’est pas Tartuga, en tout cas, ni un système de la région.
    -Parce que ce n’est pas un système solaire, ajouta Argentus.
    -Qu’est-ce donc ? Demanda Altaïr.
    -C’est un schéma moléculaire. Voilà pourquoi cela ressemble à un système solaire. Nous avons un neutrons autour duquel gravitent des électrons.
    -Et ce serait un atome ?
    -Oui. Reste à savoir de quoi… Je ne connais pas cette structure… Je vais devoir en garder un schéma pour analyse.

    Ils poursuivirent vers d’autres couloirs et trouvèrent une salle emplie d’appareils ésotériques complexes et figés depuis un temps impossible à estimer, là aussi.
    -On ne touche à rien, répéta Uriah. C’est psychique, j’imagine ?
    -Je confirme, souffla Jocasta. C’est une machine…
    -Une machine pour faire quoi ? Lui demanda Altaïr, toujours curieux.
    Jocasta observa le tout avec intérêt. Notamment un cristal en forme de lotus mais aussi une sphère qui devait être une matrice immaterium.
    -J’en ai déjà lu une description dans un livre de ma famille, un jour.
    -Si vous l’avez toujours, j’aimerai bien y jeter un coup d’œil, à l’occasion, lui dit Altaïr.
    -C’est un livre interdit.
    -Raison de plus…
    -Et ce serait quoi ? Les coupa Uriah.
    -Pour le cristal, je ne suis pas sûre, mais je pense que la sphère permet de créer des artefacts chargés aethériquement.
    -Des artefacts psychiques ? Demanda Argentus.
    -Oui, ce qu’on appelle communément malifica.
    -Abomination ! Hereteka Maxima ! Cracha la magos qui s’apprêtait à brandir sa hache omnissienne vers la sphère. Altaïr retint son bras.
    -On ignore ce qu’il pourrait se produire si on y touche !
    -Il a raison, ajouta Uriah. Ces quoi ça, de la malifica ?
    -Des artefacts, qui une fois chargés psychiquement, sont implantés dans un corps et confèrent des pouvoirs psychiques à son porteur, lui répondit Jocasta, tandis qu’Altaïr observait le tout avec la plus grande attention.
    -Sortons d’ici, avant qu’il n’arrive un malheur, conclut Uriah qui indiqua à la Brute de prendre des escaliers menant vers un autre couloir.
    Parvenu au bout, ce dernier les appela. Ils s’approchèrent mais Jocasta leur demanda à tous de reculer.
    Ils venaient de déboucher dans une immense salle traversée de passerelles qui surplombaient un vide insondable. A l’autre bout de la passerelle qui leur faisait face, se trouvait une sorte de plateforme suspendue dans le vide et reliée par un ensemble de ponts. Dessus, se trouvaient deux immenses vasques qui diffusaient cette lueur bleu électrique et au centre se trouvait un immense cocon. Jocasta approcha, passant sur la passerelle au centre de la salle et jeta un regard vers le bas, en se tenant à la balustrade. Sous ses pieds, le noir était total et il était impossible d’en estimer la profondeur. Elle continua en direction du cocon. Il était allongé sur le sol, entre les vasques et devait être plus grand qu’un humain adulte. Selon les relevés auspex de sa combinaison, s’il contenait quelque chose, cette chose devait être morte depuis longtemps. Elle rebroussa chemin sentant un frisson lui parcourir le dos. Les autres étaient à peine engagés sur la passerelle, avançant lentement vers elle, tandis qu’elle leur fit signe de ne plus bouger. Elle se concentra, ferma les yeux et ouvrit son œil warp. Malgré le scaphandre, elle pouvait toujours percevoir l’éther avec son troisième œil. Elle se cramponna à la balustrade alors que ses sens vacillèrent. Elle sentit un liquide chaud et métallique lui couler du nez alors que les agrafes de sa blessures se détachaient une à une. Son pouls s’accéléra alors qu’elle perçut les premiers remous dans les tréfonds des profondeurs. Elle ne les avait pas juste réveillés, elle venait de les attirer à elle, comme une chandelle attirait des papillons dans la nuit noire. Elle rouvrit ses yeux alors que son rythme cardiaque venait de s’emballer. Malgré la buée qui troublait sa vue, elle vit les gueules béantes et les griffes des entités warp remonter du vide.
    Elle recula et commença à courir du plus vite que sa combinaison pouvait le permettre, tout en hurlant aux autres de reculer.
    -Des umbras !! Courrez !!
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 20/04/2024 à 22:44 Citer ce message

    Une des créatures émergea des profondeurs alors qu’autour d’eux la température chuta et leurs luminateurs vacillèrent. Des ombres s’allongèrent tandis que les lumières diminuaient. Jocasta chercha à courir, mais ralentie par sa combinaison et sa blessure, elle ne put distancer la gueule béante, garnie de crocs et de griffes qui l’engloutit entièrement, comme un mégalodon avalerait sa proie en jaillissant des flots. La Brute empoigna son bolter lourd et allait se mettre à ouvrir le feu au moment où, depuis les ombres, une griffe démesurée le frappa dans le dos, déchirant sa combinaison et lui lacéra le flanc. Il sentit la morsure glacée le saisir alors que tout vacillait autour de lui. Il s’écroula face contre terre. Altaïr, Uriah et Argentus ouvrirent le feu en riposte. Le sénéchal tenait son bolter à deux mains et fit pleuvoir une grêle de bolts dans une longue rafale sur une des entités. Malgré sa résistance, cette dernière se mit à exploser en de multiples fragments. Uriah tira au pistolet à plasma, à pleine puissance sur la seconde créature qui encaissa le tir. Il se prit alors une violente attaque lancée par des griffes mais, par la grâce de l’Empereur, son champ réfracteur dévia les coups. La Magos venait de déployer, depuis son bras gauche, une puissante arme laser qui tira des stries incandescentes en rafale et toucha à son tour la créature qui vacilla et manqua ses prochaines attaques, forcée de reculer.
    Altaïr tira alors de nouveau avec son bolter et finit par l’exploser, avec l’aide d’un dernier tir d’Uriah. Le dernier umbra se rua sur eux, mais ils hésitèrent à tirer, sachant que Jocasta était à l’intérieur et espérant qu’elle soit toujours en vie. Altaïr et Argentus délaissèrent leurs armes de tir et sortirent leurs armes de corps à corps. Une épée monomoléculaire pour le sénéchal et sa lourde hache omnissienne pour la magos. Au contact, ils parvinrent à éviter les attaques de la créature et finirent par la mettre hors d’état de nuire en l’ouvrant en deux. L’entité poussa un cri psychique en mourant, leur glaçant le sang et s’effondra au sol comme un sac. Uriah et Altaïr parvinrent à extraire Jocasta qui ne bougeait plus et dont la combinaison était entièrement recouverte d’un mucus sombre et huileux. La magos la scanna tout en sortant son medikit pour la prendre en charge. Derrière eux, dix mètres plus loin, la Brute avait repris conscience et tentait de se relever.
    -Elle est en arrêt cardiaque et souffre de multiples fractures et d’une grave hémorragie, on la perd... Je vais tenter de la stabiliser mais il va falloir une évacuation de toute urgence pour elle et le Commandant Lysander. Et allez lui dire qu’il ferait mieux de ne pas bouger en attendant que je m’occupe de lui.
    C’était encore étrange pour Uriah d’entendre la Brute se faire appeler par son véritable nom et titre. Altaïr venait de se relever et se recula pour activer son microvox, espérant qu’il capte une des navettes à l’extérieur. Il se dirigea vers la Brute mais ce dernier s’était déjà relevé et lui indiquait que ça allait. Il avait la peau dure ce qui n’était pas le cas de la petite navigator. La perdre ici alors qu’ils se trouvaient aux confins de nulle part serait vraiment la pire des solutions.

    Les jours qui suivirent permirent à l’équipe de souffler un peu et de s’organiser. Ludivine, par la grâce de l’Empereur, leur transféra depuis son vaisseau, vers le Morning Star, une partie de ses meilleurs medics et de son stock de médecine. Depuis l’attaque par des démons de la peste, le Morning Star avait non seulement perdu son chirurgien et ses adjoints mais aussi l’intégralité de son stock de médicaments avait été contaminé et forcé d’être détruit par les équipes de décontamination de Montoya, leur maitre Infernus.
    Jocasta avait pu être évacuée et se trouvait en ce moment-même alitée au bloc medicae. Elle était restée une semaine complète dans le coma mais avait pu être opérée et stabilisée. Selon les chirurgiens, elle s’en sortirait mais allait devoir prendre du repos et ne pourrait pas remarcher avant une autre semaine, et encore, pas sans aide. Il lui faudra un bon mois afin de ne plus ressentir les séquelles de ses blessures.
    La Brute s’en était mieux sorti, grâce notamment à son physique de colosse mais aussi parce que ses blessures étaient bien moindres. En quatre ou cinq jours, il était déjà sur pied et s’entrainait de nouveau dans la salle de combat.

    Uriah mit ce délai à profit pour monter une nouvelle équipe et pour retourner explorer la structure xenos sur le petit monde glacé. Il demanda l’assistance d’Antinoé qui confirma le danger que représentait un tel lieu pour tout psyker ou personne connectée au warp comme l’était aussi Jocasta. Le fait que des umbras se manifestent en un tel endroit en était une des preuves. Ces entités étaient bien souvent attirées par des émanations warp et il était hors de question d’en attirer d’autres. Uriah décida de terminer l’exploration, en compagnie de son sénéchal, de la magos et d’Helleth. Ils trouvèrent d’autres conduits et de nombreuses pièces, toutes aussi étranges les unes que les autres, contenant parfois d’antiques laboratoires en ruines, parfois des corps humains pour la plupart, pris dans du cristal comme des insectes dans de l’ambre. Ils trouvèrent des restes humains desséchés et au moins le squelette d’un drukhari selon Altaïr, identifié grâce à quelques fragments de sa tenue. A de nombreux endroits ils trouvèrent ces cristaux étranges.
    Cette fois-ci, ils furent beaucoup plus prudents et Argentus put prélever de nombreux échantillons. Selon les études qui suivirent, elle indiqua que les nanocristaux vivants trouvés sur place pourraient être une source d’énergie qui pourrait intéresser l’Astra Telepathica, car psychoactifs. Mais cela allait nécessiter des études plus poussées, une extraction massive et donc une possible destruction de la structure. Ils allaient donc devoir y réfléchir. Certains voyaient en ces lieux des ressources exotiques et rares qui allaient pouvoir se négocier mais d’autres y voyaient aussi des dangers à peine voilés et aussi anciens et mystérieux que l’univers.
    D’ailleurs, au cours de ces jours d’exploration, les équipes de Ludivine découvrirent sur plusieurs points de la planète, des anciens sites d’extraction minière totalement abandonnés depuis des années. Ils ne trouvèrent que les restes décrépis d’anciens abris modulaires ainsi que des fragments de matériel industriel totalement rongé par le temps. Rien d’utile ne put être récupéré mais cela confirma bien la présence, jadis d’une exploitation minière locale, sans pour autant savoir quelle organisation avait la charge de ces opérations.
    Uriah et son équipe retournèrent à la dernière salle, celle où ils avaient été attaqués et où Jocasta avait bien failli perdre la vie, mais cette fois-ci, rien ne se produisit. La magos envoya un de ses servo-crânes afin d’explorer le puits sans fond, malheureusement ce dernier ne remonta pas et fut perdu à jamais. Uriah s’intéressa au cocon qui se trouvait sur la plateforme tout au fond. Ses compagnons ne souhaitaient pas y toucher mais comme Argentus confirma que ce qu’il contenait était mort depuis des lustres, il décida de l’ouvrir avec son épée énergétique. Le cocon desséché se liquéfia alors qu’il l’ouvrait en deux. Sa structure devenue gélatineuse était une sorte de polymère selon Argentus. A l’intérieur se trouvait bien les restes momifiés d’une sorte de scarabée humanoïde. La créature était clairement xenos et appartenant à une espèce certainement avancée étant données les runes et les décorations qui enveloppaient encore son exosquelette. Cette chose, de son vivant, avait dû être plus grande qu’un humain adulte.
    -On va le ramener à bord.
    -Vous n’y pensez pas ? Lui dit Helleth qui aurait bien tout brûlé, si ça ne tenait qu’à elle.
    -Bien sûr que si. Je suis sûr que nous pourrions l’étudier en apprendre plus sur cette… bestiole. Et puis c’est un très beau trophée, non ?

    Dans les jours qui suivirent, Altaïr trouva peut-être quelques informations à bord, dans le librarium, à propos du xenos momifié. Il déboula dans le stratégium, tard dans la soirée avec une pile de vieux grimoires et tablettes qu’il déposa lourdement sur la table du conseil.
    Uriah était seul avec Ludivine, sur un des sofas face à une des baies vitrées donnant sur le vide stellaire, il ne les vit qu’au dernier moment. Uriah vida sa coupe de dammassine et la déposa sur une des consoles, se disant que son moment d’intimité venait juste de s’envoler. Ludivine rajusta sa tenue, se retenant de ne pas pouffer de rire. L’alcool qu’ils avaient bu n’allait pas aider.
    -Ah, vous êtes là tous les deux ? Parfait, j’ai peut-être fait une découverte. Approchez !
    Uriah approcha, tout en toussotant, ne cherchant même pas à rajuster sa chemise défaite.
    -A quel sujet ?
    Altaïr, extatique, le nez dans ses livres, effectua un geste vague en direction d’une des alcôves de la vaste salle, là où Uriah avait décidé d’y installer son inquiétante momie xenos à la manière de ces muséums sur Isin ou Eshunna.
    -Et donc, tu sais de quoi il s’agit, mon cher Sénéchal ?
    Ludivine vint le rejoindre et se colla derrière, tout contre lui tout en lui passant ses bras autour de son cou.
    Altaïr les dévisagea tous les deux, un large sourire barrait son visage barbu. Il attrapa la bouteille de dammassine qui trônait encore sur la table, dans un sceau à glace, vérifia qu’il en restait encore un peu et versa le fond dans une coupe avant de lever son verre.
    -Ce ne sont que des rumeurs, à peine des légendes laissées par-ci, par-là par des explorateurs dont la plupart ont été déclarés à moitié fous car ils les tiennent d’histoires venant d’aeldari ou de légendes hruds, donc d’autres races xenos qui les remontent à l’époque de leurs anciens dieux. On parle peut-être là de centaines de milliers d’années ou plus encore… Certaines de ces légendes ont été collectées dans des ouvrages classés comme interdits qui finissent dans les flammes, mais par chance… Le librarium ici est très ancien et plutôt bien fourni…
    -Si tu en venais au fait ? Lâcha Uriah qui avait hâte d’aller se coucher, d’autant plus que les baisers de Ludivine ne l’aidaient pas à se concentrer.
    -Ces rumeurs parlent d’une ancienne race insectoïde appelés les bourdonneurs, qui aurait jadis vécu dans des complexes souterrains qu’ils avaient édifiés sur différents mondes. Ils ont été appelés bourdonneurs à cause du bruit qu’ils faisaient à l’aide de leurs énormes élytres. Selon ce qui est raconté, ces xenos utilisaient des cristaux et auraient disparu bien avant que l’on ne colonise cette région, donc il y a des dizaines de milliers d’années. En revanche, et c’est là le plus intéressant… Ils auraient été les détenteurs de grands secrets et de la vérité sur les origines de notre univers que seuls des êtres éveillés pourraient appréhender et quoi qu’il en soit, jamais personne n’a retrouvé leurs traces ni leurs technologie. Je crois qu’on tient quelque chose de grand, là !
    Uriah laissa passer quelques instants avant de répondre. Il n’avait pas envie de casser l’enthousiasme de son sénéchal. Cela était peut-être fondé alors qu’en vérité, tout cela reposait sur les divagations de fous ou les témoignages de xenos des plus alambiqués. Il tourna son visage vers celui de Ludivine.
    -Tu en penses quoi ?
    -Qu’on n’est peut-être pas assez éveillés, toi et moi, pour appréhender toute la vérité sur les origines de notre univers, non ?
    Ils se mirent à pouffer de rire, alors que Ludivine l’attrapait par la main pour le faire sortir de la pièce et aller vers leurs chambre.
    Juste avant de sortir, Uriah se tourna vers lui avec un grand sourire tout en levant son pouce en l’air.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/04/2024 à 00:55 Citer ce message

    Deux jours plus tard, alors qu’il travaillait dans le stratégium sur différents ouvrages de xenologie, Altaïr reçut une missive que lui remit Säde en mains propres.
    -De qui est-ce ?
    -Un message privé venant du Daughter of Tempest, Sénéchal. De la part de leur missionnaire,
    -Leur missionnaire ? Vous m’intriguez, Lindholm. Vous avez pris les précautions d’usage ?
    -Tout à fait, Monsieur.
    Il la remercia et lui demanda de patienter avant de s’installer dans un des fauteuils puis ouvrit le courrier. Il le parcourut, non sans un certain étonnement. Alexia d'Alsimar, la missionnaire de Ludivine, lui indiquait qu’elle souhaitait s'entretenir avec lui en privé, lui proposant un entretien à bord du Morning Star. Il resta quelques instants à réfléchir avant de saisir un stylus et du parchemin puis se décida à lui répondre. Une fois chose faite, il cacheta la missive et la confia à Säde.
    -Faites transmettre cette réponse à l’expéditrice du courrier, en toute discrétion.
    -A vos ordres, Monsieur. Et…
    -Oui ?
    -Pensez-vous que je doive placer un de mes informateurs à bord du Daughter of Tempest, Monsieur ?
    -C’est une bonne question… Pas tout de suite, mais je vais y réfléchir.

    Le lendemain, profitant que le reste des officiers étaient occupés, il décida de la recevoir. Elle vint avec un des aéronefs de leur navire, sans escorte, en dehors d’un pilote. Il alla l’accueillir lui-même dans la baie à navettes. Altaïr se surprit de constater qu’il s’agissait là d’une femme brune d’une trentaine d’années, pas très grande et vêtue d’une combinaison noire ajustée sous des robes martiales. La Fleur de Lys de la Sororitas ainsi que des sceaux de pureté complétaient son tenue. A l’inverse d’Helleth, qui était très physique et marquée par les stigmates des combats, celle-ci présentait plutôt une silhouette svelte et un visage noble et délicat. Elle était accompagnée d'un servo-crâne qui flottait à ses côtés, la lentille rouge de son œil, aux aguets.
    Elle se présenta comme étant sœur Alexia, de l'ordre Famulus. Il se présenta en retour et lui indiqua de le suivre vers une salle appropriée, à l'abri des oreilles indiscrètes. où ils s’installèrent. Le servo-crâne scanna la salle avant qu'elle ne poursuive.
    -J'imagine que vous devinez la raison de ma présence, Sénéchal ?
    -Eh bien, pas tout à fait, ma sœur. Je vous écoute.
    Elle prit un des fauteuils et s’installa.
    -Je suis au service de la Maison Frae Spinaiser depuis maintenant plusieurs années, ayant eu la charge de l'éducation de notre maitresse, Ludivine depuis son enfance. Mon rôle est de m'assurer que sa noble lignée se perpétue selon certaines règles édictées par le Crédo. Aussi… J'ai cru entendre parler d'un futur mariage ? Je ne vais pas y aller par quatre chemins, monsieur Altaïr. Quelles sont vos motivations qui vous pousse à envisager une telle possibilité ?
    Altaïr parut surpris, ne s’attendant absolument pas à cette tournure de la conversation, lui qui pensait se confronter à une écclésiaste revêche qui allait le sermonner à propos d’il ne savait quelle xenotech ou histoire de fausses reliques.
    Non seulement elle venait de le surprendre sur ce point, mais de plus, Altaïr lui trouvait même un certain charme.
    Il se racla la gorge avant de répondre avec un large sourire.
    -Eh bien, ma sœur, nos deux maisons sont actuellement en train de se relever d'une période difficile et restent fragiles individuellement. Ce mariage pourrait sceller une alliance bénéfique pour les deux parties. J'ai une vision sur le long terme. Le but ici est de créer une nouvelle dynastie de libres marchands capables de rivaliser avec les plus grandes maisons.
    -Ce sont là de louables intentions. Je dois reconnaitre que j'en suis arrivée aux mêmes conclusions. En revanche... Je reste réservée sur un point...
    -Lequel ?
    Elle laissa quelques instants avant de répondre, pesant chacun de ses mots.
    -N'y voyez nulle offense, Sénéchal, mais… La Maison Goldberg n'est pas le genre de parti qui semble convenir à une noble lignée. Voyez-vous... la génétique ne trompe pas et des parents au passé aussi dévoyé et corrompu que ceux d'Uriah, ont de quoi m'inquiéter si un jour, par la grâce de Notre Bien-aimé Empereur, Ludivine devait porter des... enfants... Voilà pourquoi j'ai besoin que l'on en discute très sérieusement, au préalable, vous et moi.
    Altaïr laissa échapper un petit sourire.
    -Je comprends tout à fait votre inquiétude, ma sœur. Il est vrai qu'une partie de la famille Goldberg a laissé de mauvais souvenirs et une bien sinistre réputation. Mais ces temps sont révolus et Isabella, la tante d'Uriah, a commencé à racheter les fautes passées et à redorer le blason de cette Maison. Notre participation à la croisade et les sacrifices que nous y avons subis en ont été l'une de ces étapes.
    Il prit alors une mine compatissante.
    -Croisade qui vous a également apporté votre lot de calamités et amené à votre actuelle situation.
    Il laissa passer quelques secondes avant de poursuivre. Uriah est jeune, tout comme votre maîtresse, mais il est le digne héritier de sa tante et ne souhaite qu'une chose : faire perdurer la maison Goldberg et continuer à rendre son honneur à celle-ci. Nous sommes et restons, sous nos airs, quelque peu "canailles", de fidèles serviteurs de l'Imperium, n'en doutez point. Lui dit-il avec un air d’innocence incarnée.
    -Justement. Avant que j'en arrive à valider une telle union, je tiens à clarifier certains points. Les lignées des libres-marchands constituent des généalogies complexes mais pour autant, très documentées. Isabella Goldberg a su racheter en partie les fautes de sa lignée et c'est tout à son honneur. En revanche et c’est fâcheux, Uriah n'est pas son descendant biologique mais celui de Sebastian Goldberg, frère d'Isabella. Ce dernier n’était qu’un obscure pirate recherché pour hérésie et fils, lui-même d'Abdul Goldberg, un hérétique notoire, exécuté sur ordre des Ordos. Et malheureusement pour lui, votre jeune maitre a toujours une part de son héritage en lui. Le terme de "canailles" est peut-être approprié pour certains membres de cet équipage, mais c’est un doux euphémisme quand on connait les risques que pourrait faire planer le nom des Goldberg sur un mariage noble. Certes, les Frae Spinaiser ont connu quelques déconvenues au cours de la croisade, mais leur nom et leur lignée ne sont entachés d'aucune manière par de sombres histoires.... Vous me semblez sincère, Sénéchal, aussi, je pense qu'il est dans notre intérêt à tous d'œuvrer dans un sens commun. Votre jeune maitre Uriah va devoir être soumis, dans un premier temps, à un test genetica. Je dois m'assurer que sa lignée génétique n'est en rien corrompue ni déviante.
    Altaïr, tout en se posant plusieurs questions lui retourna un sourire des plus charmeurs.
    -Je ne doute pas un seul instant que de tels tests sauront vous rassurer, aussi, vais-je en parler au seigneur capitaine afin de connaître ses disponibilités.
    -Fort bien. Faite-moi savoir au plus tôt ses disponibilités. Les tests ne seront pas bien long. Quelques analyses, tout au plus.
    Puis elle se leva et alla pour partir, avant d'ajouter, en levant un de ses doigts gantés.
    -Ah, bien entendu, si vous avez des points particuliers sur lesquels m'informer au préalable, je reste à votre écoute. Sur ce, une bonne journée, Sénéchal.
    Ce dernier se leva et lui effectua un baise-main, ce qui ne la surprit pas plus que cela ne l’affecta.
    -Si besoin, je n'hésiterai pas. Ravi de vous avoir rencontré ma sœur. Je vais vous raccompagner à votre navette.
    Elle leva la main.
    -Inutile de vous déranger, je connais le chemin.
    Altaïr la laissa partir puis décida qu’il allait devoir trouver Uriah de toute urgence mais tout d’abord, il allait devoir dégoter une bouteille de dammassine, deux coupes et son plus beau sourire de bonimenteur.

    -Bordel de ... Quoi ? S’esclaffa Uriah. Passe encore pour cette histoire de mariage, même si pour toi je trouve que ça devient une véritable obsession mais que tu aies entraîné cette sœur, là, cela ne m'étonne absolument pas de ta part. Va falloir que tu m'expliques, lui dit-il tout en prenant une coupe. Vas-y, sers-moi, j'ai bien l'impression qu'il va m’en falloir quelques-unes pour faire passer la nouvelle.
    -Sache, mon jeune capitaine, que je viens d'avoir une conversation fort intéressante à ce sujet, avec cette sœur Alexia, qui est la préceptrice de ta fiancée.
    -Et donc ?
    -Disons qu'elle est d'accord avec moi sur le sujet de fonder une dynastie profitable à nos deux maisons et qu'elle n'est pas non plus contre une alliance formelle. Il y aurait juste cette une formalité de rien du tout à remplir. Il faudrait te soumettre à un petit test genetica. Au demeurant, elle est charmante pour quelqu’un qui vient de l’Adepta Sororitas.
    -On s’en fout ! C’est quoi ces histoires de tests ?
    -En fait, c'est elle qui est venue me chercher. Elle m'a dit vouloir me parler seul à seul et moi, en général lorsqu'une femme me fait cette proposition, c'est soit pour passer un bon moment avec moi, soit pour me faire la peau. J'ai d'abord pensé qu'elle voulait sortir du placard cette vieille histoire de reliques et je commençais déjà à préparer mes arguments défensifs, tu vois ? Elle m'a alors pris au dépourvu en parlant mariage et voulait, en quelque sorte, que je lui prouve que tu étais un bon parti malgré ta réputation familiale. Je l'ai rassurée au mieux et elle a donné son accord, exigeant juste que tu te soumettes à un petit test genetica de rien du tout, pour qu'elle soit sûr que tu ne portes pas en toi des trucs… Comme des cellules corrompues par le warp ou la folie qui touche certains Goldberg.
    Uriah vida sa coupe d'un trait.
    -On va dire que je te crois à moitié, je commence à connaitre tes magouilles… Et aux dernières nouvelles, il ne me semble pas qu’il y ait des mutants dans ma famille, vieux brigand…. Enfin, ça se verrait, non ? Si je comprends bien, c’est surtout mon propre sénéchal et sa préceptrice qui ont envie de voir ce mariage aboutir…
    Uriah se resservit une coupe et en fit de même à Altaïr.
    -J’ai le temps de m’organiser, au moins, pour faire une déclaration décente à Ludivine ?
    -Bien entendu, répondit ce dernier, tout en trinquant avec Uriah.
    -Bon, ça implique quoi ce test ?
    -Je dois envoyer un message à sœur Alexia pour la prévenir que nous acceptons. Et puis, comme ça, je pourrais voir avec elle comment on organise la suite et de quoi il en retourne.
    -Par le warp, vous voulez absolument me passer la corde au cou…
    -Y a pire, crois-moi…
    -Bin, je préfère pas savoir, tu vois…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 26/04/2024 à 20:25 Citer ce message

    Les jours qui suivirent leur permirent de terminer l’exploration et la cartographie de Tartuga V. Il fallut aussi prendre une décision quant aux ressources mais aussi au danger que représentait la structure xenos. Les cristaux psychoactifs pourraient fortement intéresser l’Astra Telepathica pour leurs matrices psychiques mais aussi pour la confection des lames de Tarot, selon Antinoé. Mais leur exploitation – qui pourrait s’étaler sur plusieurs mois – allait nécessiter toute une logistique qu’ils n’avaient pas actuellement. Uriah et Ludivine décidèrent alors de laisser cela pour plus tard et de poursuivre l’exploration de ce système. Selon les dernières estimations, trois autres planètes devraient présenter un certain intérêt. Au bout d’une bonne semaine, ils firent route en direction du prochain monde dont la trajectoire allait passer à plusieurs jours de voyage.

    Tartuga IV était une planète massive assez sinistre, un monde mort, la aussi, sans atmosphère, composé en grande partie de silice et de roches métamorphiques instables, présentant assez peu d’intérêt, sauf par des moyens d’extraction lourds. Pourtant en approchant, leur maitre vox leur indiqua l’émission d’un signal. Après décryptage il apparut que le signal employait des protocoles impériaux et semblait provenir d’une station de recherche basée en surface, la station Septumus Magna 8, une station d’écoute, pour être plus précis. Le message indiquait une activation de l’évacuation d’urgence à la suite d’une brèche dans le protocole de confinement, que leur astropathe était mort et que des choses essayaient de rentrer.
    Depuis son trône de commandement sur la passerelle, Uriah se tapota le menton puis se tourna vers son officier vox.
    -Maitre Bonnett, de quand date ce message ?
    -Il est programmé pour être diffusé en boucle, et pourrait aussi bien avoir une semaine qu’un siècle, lui dit-elle. Dois-je répondre, capitaine ?
    -Affirmatif. Contactez-les et voyez s’ils répondent et contactez aussi la passerelle du Daughter of Tempest, qu’ils restent en écoute maximale.
    -Reçu, capitaine.
    -Il y a un écho warp émanant de ce monde, capitaine, je le sens, lui dit, dans un murmure, l’astropathe qui se tenait un peu en retrait. Si nous approchons d’assez près, je pourrais tenter d’en apprendre plus.
    -Justement, inutile de trop s’exposer, d’autant plus si nous avons encore à faire à des créatures du warp. Il se tourna alors vers la Brute.
    -Lancez les augures, pleine puissance, je veux savoir d’où provient ce message, exactement.
    Il reçut des confirmations en retour au moment où Jocasta fit son entrée sur la passerelle. Vêtue de longues robes noires, elle se déplaçait péniblement, appuyée sur une béquille tandis qu’elle était branchée par des tubes multicolores à un servo-medicae qui flottait à ses côtés, lui prodiguant des soins en continu. Sa respiration était sifflante et elle avait le teint livide, encore plus qu’à l’accoutumé. Une partie de son corps était couvert de bandages. Aux dernières nouvelles, elle allait devoir se faire opérer et recevoir un implant augmentique greffé à même sa colonne vertébrale et sa moëlle épinière afin de stimuler certains de ses organes gravement endommagés.
    Uriah se tourna vers elle.
    -Ne deviez-vous pas rester alitée, sur ordre des medics en vue de votre prochaine opération ?
    D’une de ses mains bandées, elle lui montra trois lames de son tarot.
    -Cela ne peut attendre, capitaine…
    -Qu’est-ce donc ? Une lecture de vos augures ?
    -L’astropathe a raison… Des choses ont pris le contrôle de ce monde, lui dit-elle en lui désignant une des lames majeures de la suite de Discordia, d’une main tremblante.
    -Qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Lui demanda Uriah.
    -La carte du Xenos, associées de manière cardinale à deux lames d’Executeria descendantes, autant vous dire que le schéma est doublement symbolique.
    -En clair ? C’est pas bon ? Lança Uriah qui, même s’il n’y comprenait rien, avait du mal à y voir un bon présage.
    Antinoé s’approcha, reconnaissant la bête sur la carte.
    -Des krells… lâcha-t-elle, entre ses dents, avec une pointe de dégoût.
    -Aussi appelés asservisseurs ou psyrènes, compléta la navigator. Des xenos répugnants qui voyagent par le warp et qui utilisent les psykers comme portail afin de faire passer d’autres de leurs congénères. Une fois dans le matérium, ils contrôlent les habitants à l’aide de leurs pouvoirs mentaux, les manipulant à leur guise.
    -Pourraient-ils être à l’origine de ce message vox ?
    -Assurément, ajouta Antinoé. Je le sens… Ils nous appellent…
    -On va vitrifier ces saloperies… Voilà tout ce qu’ils vont appeler, par Terra. Communiquez les coordonnées du message vox aux postes de tir et qu’on nous place à portée. Messieurs, à vos postes ! Je veux qu’on me nettoie cette planète de ces horreurs.
    -A vos ordres, lui dit la Brute, qui transmis l’information aux artilleurs et à la timonerie. Toutes les batteries… Pointez sur l’objectif. Calcul de solutions de tir.
    En quelques minutes, il reçut en retour, les confirmations des postes de tir.
    -Cible verrouillée. Batteries parées, capitaine.
    -Informez le Daughter of Tempest de la raison de nos tirs puis Feu à volonté, lui répondit Uriah.
    Le vaisseau tangua légèrement alors que les batteries dorsales faisaient feu à l’unisson de leurs canons à plasma. Sur les baies bâbord, des traies de lumière incandescentes fusèrent droit vers la surface de Tartuga IV. Quelques dizaines de secondes plus tard, l’impact au sol vitrifia tout sur vingt-cinq kilomètres carré, creusant un cratère de cent mètres de profondeur qui éclaira comme un levée de soleil. Rien ne pouvait survivre à un bombardement orbital, mais par acquis de conscience, la Brute ordonna un second tir, au cas où.

    Le calme était revenu à bord dans les jours qui suivirent, ce qui permit à tous les hommes d’équipage et aux officiers de souffler enfin un peu et de vaquer à leurs occupations pendant le reste du voyage. Jocasta fut opérée pendant ces jours-ci, ce qui était déjà un véritable sujet car il était impensable de la perdre. Plus loin dans le système, il leur restait à approcher de Tartuga I et III. Un imposant nuage de glace et de débris leur barrait une route directe vers le premier des deux mondes, aussi décidèrent-ils de bifurquer et de continuer vers la seconde, Tartuga III qui était une planète habitable et sans doute habitée. De concert, toujours avec le Daughter of Tempest, ils décidèrent de procéder à une approche lente et prudente, ne sachant pas à quoi s’attendre. La planète en question possédait une atmosphère respirable, de l’eau et de la vie. En approchant, ils décelèrent un continent habité. Du moins, possédant des traces d’urbanisation sommaire, comparable à celle de mondes frontières.
    -Tous les auspex, pleine puissance, je veux savoir qui habite sur ce monde et quels sont leurs intentions. Lâcha Uriah depuis la passerelle.
    -Niveau technologique ? Demanda Altaïr à ses côtés.
    -Niveau faible, répondit la Brute, tout en consultant les données. Aucun aéronef ni installation énergétique visibles. Traces limitées de combustion de carburants fossiles. Agglomérations mineures et nombreuses ruines datant d’une ère préindustrielles. En plus de plusieurs épaves de vaisseaux.
    -Ils ont régressé… Que s’est-il passé ?
    -Une guerre, je dirais. Ce monde en porte encore les anciennes stigmates.
    -Isolés comme ils le sont depuis plus d’un siècle, il n’est pas certain que ses habitants aient vu un vaisseau voler en vrai. Leur dit Altaïr.
    -Sans parler d’un retour de l’Imperium, compléta Uriah, pensif. Contactez le Daugther of Tempest, réunion dans quinze minutes dans le stratégium, je veux que l’on étudie les possibilités d’approche d’un tel monde.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/05/2024 à 00:10 Citer ce message

    Le continent habitable en question était une immense terre de quelques centaines de kilomètres, composée de valons, de lacs, de rivières et de forêts de conifères, le tout, ceint de chaines montagneuses abruptes et mortelles. Un climat hivernal semblait tout recouvrir en cette saison. Le reste de la planète paraissait bien plus hostile, avec des toundras glacées ou des étendues polaires à pertes de vue ou composée de montagnes infranchissables. Pourtant, les forêts du continent principal semblaient indiquer une alternance de saisons, signe qu’à d’autres moments de l’année, le climat devait être plus doux.
    La Brute avait pu identifier trois sites sur ce continent où il était possible d’atterrir en navette sans attirer l’attention. Tous se situaient dans des régions distantes d’un cinquantaine de kilomètres et plus. Selon lui, l’opération devrait s’effectuer de nuit afin de maximiser leurs chances de discrétion. Sans connaitre les intentions des natifs, il était impensable d’arriver en se dévoilant mais comme les étendues à couvrir étaient vastes et les villages plutôt clairsemés, ils décidèrent de monter trois équipes, une pour chaque zone d’atterrissage.
    Ludivine qui se languissait de participer à un peu plus d’action, se proposa pour composer la première équipe, accompagnée d’une partie de ses hommes. La seconde équipe allait être dirigée par Säde, accompagnée de Helleth et de quelques hommes d’armes d’Haxton, en cas de grabuge. Enfin, le dernier groupe serait dirigé par Uriah, accompagné de la Brute, Altaïr et Kenway. Il ne s’agissait là que d’une simple mission de reconnaissance sur le terrain mais la Brute préféra anticiper toute éventualité et prépara les opérations comme s’il s’agissait d’une véritable expédition militaire. Il réquisitionna des fusils d’assaut, un fusil de précision, des tenues polaires, un porte-vox longue portée, des rations, un kit de survie, des cordes et grappins, des magnoculaires et tout un tas d’équipement pratique en terrain hostile, ne sachant pas à quoi s’attendre.

    Ils descendirent de nuit, à bord d’une de leurs navettes Aquila pilotée par Kenway, survolèrent des chaines de montagnes et après quelques turbulences, se posèrent dans une clairière, au sud du continent, au pied de montagnes et au cœur d’une forêt de conifères enneigés. La nuit allait durer une quinzaine d’heures en tout et le premier hameau devait se situer à une bonne dizaine de kilomètres au nord, ce qui allait leur prendre cinq à six heures de marche dans la neige, au minimum. Ils prirent le temps de dissimuler la navette à l’aide d’un filet et de branchages. De nuit, dans la végétation, elle était ainsi relativement bien cachée. De jour et de près, c’était sans doute moins évident. Une navette Aquila avait de quoi attirer l’attention, raison pour laquelle ils avaient privilégié une région aussi reculée.
    En sortant de l’habitacle, chargés de leur matériel, ils réalisèrent à quel point le froid était mordant, affichant -15° accompagné d’un petit vent et de neige qui tombait par intermittence. Cette sensation, était toujours un peu étrange pour des hors-mondes. Vivre le plus clair de leur temps à bord d’un navire de guerre voguant dans le vide le plus profond, faisait qu’ils n’avaient que peu l’habitude d’arpenter des paysages sauvages. La neige, les océans, les jungles ou les montagnes étaient, pour la plupart d’entre eux, des environnements aussi exotiques que pouvait l’être les coursives exigües d’un croiseur pour le natif d’un monde barbare.
    Ce qui les frappa, dans un premier temps, en dehors du froid et de marcher dans la neige était le fait qu’en une quasi-absence de clarté, leur environnement n’était pas aussi obscur qu’il n’y paraissait. La Brute leur expliqua que la blancheur immaculée de la neige qui recouvrait tout, de nuit, était suffisante pour renvoyer le peu de lumière venant du ciel, même faiblement étoilé. Aussi, il recommanda de ne pas se servir de leurs luminateurs, tant que cela était possible. Il entreprit de chercher des traces mais n’en trouva aucune, réalisant que la neige finissait par vite tout recouvrir, de toute façon. Au moins, leur dit-il, ils n’auraient pas trop de mal à dissimuler leur propres traces.
    Sans leur combinaison environnementale thermorégulatrice, leurs chances de parvenir en vie jusqu’au prochain village auraient été drastiquement raccourcies, mais ainsi équipés, le froid ne leur était d’aucune gêne. Ils progressèrent ainsi, péniblement dans une neige leur arrivant aux genoux et dans un silence quasi-total avec une forêt à perte de vue. Sans la boussole et la direction indiquée par la Brute, ils n’auraient eu aucune chance de s’y retrouver alors que la visibilité ne devait guère dépasser les vingt ou trente mètres, dans les zones les moins boisées. Et moins de la moitié en pleine forêt.
    Uriah demanda un premier point vox avec les deux autres équipes dénommées Tempestus et Obscurus, respectivement celles de Ludivine et de Säde. Les deux groupes étaient aussi au sol et se dirigeait vers leurs objectifs. Il leur demanda de faire un point vox toutes les quatre heures.
    En attendant ils suivirent la Brute qui les dirigeait plein nord. Si les données auspex étaient corrects, une route devait se trouver à quatre kilomètres de leur position. Le chemin leur pris déjà deux heures. La route en question était plutôt rudimentaire, sans doute une voie en terre certainement sans le moindre revêtement. La Brute se contenta de déblayer un peu la neige afin de chercher le sol et d’éventuelles traces de passage de pas ou de véhicules mais ne trouva rien.
    -On va la suivre. A dix kilomètres au nord, se trouve une sorte de hameau, on devrait y trouver des natifs à interroger. Leur dit-il.
    -D’autant plus que selon les relevés, on voit une forêt en partie déboisée et des trous qui pourraient être des cratères à l’est de ce hameau, leur précisa Kenway qui consulta la tacticarte affichée sur sa tablette. La Brute acquiesça.
    -Ce peut aussi bien être un site de prospection minière et de la déforestation, ajouta Altaïr.
    -Pas faux, leur dit Uriah. Mais mineurs ou pas, on va rester prudent. On ne sait rien de ces gens-là.
    Ils décidèrent de remonter le long de la route, en direction du nord. Ils ne croisèrent pas âme qui vive durant les heures suivantes si ce n’était que quelques hululements d’oiseaux de nuit furtifs et aux aguets, telles des sentinelles de cette nature sauvage. A mi-chemin, Altaïr demanda à faire halte, le souffle court et exhalant des volutes de buée tel un Cargo-8 recrachant sa fumée d’échappement. A bout de souffle, il peinait à suivre l’équipe. Il se posa sur un rocher pour boire quelques gorgées d’eau, grimaçant en se disant que ce n’était malheureusement que de l’eau puis chercha à reprendre son souffle.
    La Brute et Kenway allèrent surveiller les abords à l’aide de leurs magnoculaires tandis qu’Uriah se posa à côté de lui.
    -Ça va aller ? On a à peine fait dix kilomètres depuis la navette. Il en reste encore quatre apparemment.
    -Je ne pensais pas que ça allait être aussi pénible en fait… Toutes ces années à bord entre librarium et strategium et voilà que je manque d’exercice. On aurait peut-être dû se poser plus près, non ?
    Il allait s’allumer une barrette d’obscura mais voyant la mine désapprobatrice d’Uriah, il abandonna l’idée.
    -Ouais… Je sais, faudrait peut-être aussi que j’arrête de fumer, mais pas là.
    -C’est surtout que la fumée de cette saloperie risque bien de se sentir à des centaines de mètres à la ronde, lui dit la Brute qui revenait vers eux. On fait une pause de trente minutes et on repart. La zone est claire et le jour devrait se lever dans sept heures d’après mon chrono.
    Passé les trente minutes, ils reprirent la route et continuèrent en direction du nord, suivant toujours la même route. Parfois ils croisaient quelques petits animaux sauvages, comme des sortes lièvres aux pattes arrière développées, leur permettant de faire des bonds de plusieurs mètres. Ils croisèrent aussi des sortes de coyotes au pelage tacheté et au long corps sinueux comme ceux de reptiles, poussant des sortes de caquètement et chassant en petits groupes. Ces espèces leur étaient inconnues et Altaïr ne manqua pas de les consigner dans son carnet.
    Après trois kilomètres, ce fut Kenway qui leur signala de faire halte.
    -On approche du premier hameau. Je propose qu’on quitte la route et qu’on le contourne vers l’est, à travers la forêt. On arrivera juste derrière.
    -Il a raison, ajouta la Brute. On sera moins visible en cas de rencontre.
    Ils suivirent son idée et après cinq-cents mètres, ce fut de nouveau Kenway qui leur demanda de ne plus faire un bruit. Il avait perçu quelque chose devant. Ils se figèrent et se tapirent derrière des troncs et des fourrés couverts de neige. Tous firent glisser leur fusil qu’ils portaient en bandoulière. Il s’agissait de fusils d’assaut courts, des modèles Courroux fréquents parmi les troupes d’abordage. Il s’agissait d’armes robustes et anciennes qui n’avaient pas été conçu pour être précises mais pour délivrer une puissance de feu suffisante afin de nettoyer les coursives d’un navire à coup de balles à fragmentation en cas d’abordage. C’était une bonne alternative aux Griffes d’acier, les fusils à pompe qui équipaient une partie de leurs fusiliers, pourtant la Brute aurait largement préféré mettre la main sur des Mastoff M4, bien plus fiables ou même de solides Armageddon Mk II. Pourtant, il allait devoir s’en contenter et au pire, ses pistolets bolter mettraient tout le monde d’accord, en cas de vrais problèmes.
    Altaïr était parvenu à leur dégoter des silencieux et même à récupérer un fusil de précision à lunette, un excellent Tronsvasse équipé d’un silencieux, lui aussi et équipé de balles à têtes blindées.
    Ils se déployèrent et observèrent, ne voyant rien, pourtant ils perçurent des bruits et des voix. Du monde approchait depuis la route devant eux, peut-être à moins de cent mètres.
    -On va les contourner, souffla la Brute. Ils ne nous ont surement pas repéré.
    A ce moment-là, ils entendirent un chien aboyer. Les voix donnèrent quelques ordres qu’ils ne purent identifier.
    -Merde, maintenant ils vont nous repérer ! Ragea Uriah, tout en ordonnant à son équipe de se disperser. Kenway partit vers la droite, suivi par la Brute alors qu’Altaïr chercha à trouver une cible depuis la lunette du fusil de précision. Uriah bifurqua vers la gauche, à leur opposé. Le chien venait d’être lâché et filait maintenant droit vers eux. Uriah le vit lui foncer dessus mais ce fut la Brute qui se dressa sur sa trajectoire. Au loin, ils entendaient des voix et Kenway vit les premières silhouettes. Une dizaine tout au plus, qui devaient être à une cinquantaine de mètres. Certains braquaient les faisceaux de luminateurs, cherchant dans la forêt. Ils ne les avaient pas encore vu, apparemment.
    Le chien sauta sur la Brute mais ce dernier roula au sol pour l’éviter, pourtant le chien de la taille d’un gros loup, était déjà sur lui, ses mâchoires prêtes à se refermer sur sa gorge. Cherchant avant tout à rester discret, la Brute lui asséna un coup de poing, un coup sec et extrêmement rapide en pleine tête. La bête bascula, sonnée net. Il retint son souffle avant de faire basculer le corps du canide sur le côté, il ramassa son fusil d’assaut et se coula dans la neige en rampant jusqu’à une souche. Altaïr était à quelques mètres, ayant calé son Tronsvasse en position de tir. Kenway était un peu plus loin sur sa droite, en position aussi. Il chercha Uriah du regard et se maudit de voir qu’il s’était écarté du groupe, se trouvant à une quinzaine de mètres sur leur gauche. Trop loin pour le couvrir en cas de grabuge. Il arma la culasse d’un geste lent, sans le moindre bruit et ajusta sa visée, percevant les premiers types en approche. Tous étaient armés de fusils et portaient des casques ainsi que des uniformes. Troupes locales se dit-il. Restait à savoir à présent quelle était leur allégeance.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 15/05/2024 à 18:19 Citer ce message

    Kenway et la Brute continuaient de contourner les soldats en approche, profitant de la pénombre et du couvert des arbres pour progresser. Malheureusement, ce satané chien que la Brute venait d’assommer, finirait par trahir leur présence, qu’il soit encore en vie ou non d’ailleurs. Ils allaient devoir mettre le plus de distance possible entre eux et leurs poursuivants, avant de se faire définitivement repérer. Altaïr, lui, restait en arrière et les couvrait, immobile et invisible, depuis la lunette de son fusil de précision. Les militaires qui approchaient, à quelques dizaines de mètres à peine, continuaient d’appeler le chien tout en balayant les alentours à l’aide de leurs luminateurs. Tôt ou tard, ils finiraient par retrouver leur bête ou l’un d’entre eux. Uriah était parti à l’opposé, bifurquant vers l’ouest mais se retrouva isolé. Seul, il allait devoir compter sur sa furtivité, mais malheureusement, il fut pris dans le faisceau de deux lampes. Des voix lui crièrent quelque chose alors qu’il se mit à courir pour leur échapper. L’instant d’après, un objet le frappa et le propulsa en arrière. Un projectile venait d’éclater sur la cuirasse de son armure, tout en libérant une sorte de gel collant qui, au contact de l’air, libéra des sortes de filaments dans lesquels il s’englua avant de tomber dans la neige. Solidement maintenu par les fibres en polymère, il ne parvint pas à se dégager et pesta contre le mauvais sort, loin de ses hommes et dans l’incapacité de voir ce qu’il se passait alentours.
    De leur côté, voyant qu’un groupe lui arrivait dessus, armes pointées dans sa direction, Kenway se trouva rapidement encerclé et préféra lever les mains en l’air, en leur précisant qu’ils étaient de l’Imperium. Il leur parla et effectua le signe de l’Aquila mais visiblement aucun des militaires ne semblaient parler Gothique. Deux des soldats approchèrent et le désarmèrent aussitôt en lui parlant dans leur langue gutturale, dont les intonations étaient encore plus accentuées par leur masque respirateur. La Brute, furtif malgré sa masse, se coula entre les arbres tout en pointant son fusil d’assaut. Il bascula le sélecteur en mode semi-automatique et pressa la détente. L’arme émit le clac sourd caractéristique d’une culasse qui s’enraille. Il pesta, regrettant d’avoir dû emmener de telles armes aussi médiocres et jeta le fusil d’assaut un peu plus loin dans la neige, préférant dégainer ses deux pistolets bolter. Il continuait d’approcher alors que les deux gardes qui désarmaient Kenway ne l’avaient pas encore vu. Presqu’à bout portant, il tira et colla un bolt en pleine tête à chacun d’eux. Leurs casques et masques à gaz explosèrent en même temps que leur contenu. Il ordonna alors à Kenway de se baisser, ce dernier avait le visage couvert du sang de leurs adversaires mais obtempéra. La Brute allait pour prendre pour cible les deux prochains gardes en approche mais sentit un projectile le toucher. L’impact n’était pas très violent et il pensa sourire sur le moment. Il n’en eut pas le loisir, la charge électrostatique de la munition à décharge remplit son office et libéra une impulsion électrique qui le sonna tout net. Tout devint noir alors qu’il bascula en arrière.
    De son côté, Altaïr n’eut même pas le temps de les couvrir à l’aide de son fusil de précision. Tandis qu’il se concentrait sur une cible, le chien avait repris connaissance et se jeta sur lui, le faisant basculer sur le dos dans la neige. Il dût lutter avec lui pendant de précieuses secondes, se faisant mordre au passage à plusieurs reprises mais finit avec beaucoup de peine par dégainer son sabre et à lui planter la pointe dans la gorge pour la faire ressortir par la nuque de l’animal, le tuant sur le coup. Il bascula la bête sur le côté et allait pour se relever au moment où deux fusils équipés de baïonnettes se pointaient droit vers son visage. Il ne comprit aucun mot de leur langue barbare mais devina sans peine leur message. Il mit les mains en l’air et se laissa désarmer.

    Tous les quatre furent ligotés et conduits vers un chariot tiré par des chevaux de guerre d’une souche génétique assez proche de ceux employés par certains régiments de l’Astra Militarum. Une fois installés à l’intérieur, un des gardes leur plaça une cagoule, ou sac en toile opaque sur la tête. Les soldats crièrent quelques ordres et le chariot se mit en branle. Ils purent à peine chuchoter entre eux durant le trajet car les gardes ne répondirent à aucune de leurs questions.
    -C’est quoi leur langue ? Tu en as une idée, Syl ? Demanda Uriah, à voix basse.
    -Pas le moins du monde. Je penche pour un dialecte local. C’est là qu’il nous aurait fallu Djoko.
    -Pourquoi cela ? Demanda Kenway sur le même ton.
    -On ne dirait pas, comme ça, mais cette tête de grox comprend presque tous les dialectes des sous-secteurs environnants.
    -Oui, eh bien nous allons devoir faire sans lui, en attendant, répondit Uriah. On sait au moins si ce sont bien des impériaux ?
    -A ce stade, nous ne pouvons rien écarter, je pense, souffla Altaïr.
    -Au moins s’ils avaient voulu nous tuer, ils ne prendraient pas tout ce mal, ajouta la Brute.
    -Sauf s’ils ont d’autres sinistres projets en tête.
    -Bon, espérons que l’on rencontre une personne qui parle note langue, ainsi nous seront avisés.

    Après une petite heure de route, ils firent halte à proximité de ce qui leur parut être un vaste bâtiment. Des roues sur de la pierre au sol, des bruits métalliques, des échos de voix, des feux et une impression de plusieurs édifices massifs. Sans leur retirer leur cagoule ni leurs liens, on les conduisit vers un bâtiment jusqu’à des escaliers menant vers un niveau en sous-sol. Encore un sol en pierre, des bruits métalliques et des éclats de voix qui résonnaient, rendant toute localisation difficile. Ils passèrent plusieurs portes métalliques puis on les aligna dans un couloir avant de leur retirer leur cagoule. Ils se tenaient tous devant la porte munie de barreaux d’une cellule aux murs de pierre. Les gardes retirèrent leurs liens et les placèrent chacun dans une cellule avant de refermer les portes à clef. Les gardes s’éloignèrent et les laissèrent ainsi, sans plus de réponse. Ils prirent le temps de faire le tour de leur propre cellule. Des murs solides, une porte blindée et aucun outil ou élément leur permettant de bricoler une serrure. Leurs armes, équipements et matériel avaient tous été collectés et ils ne portaient plus que leurs vêtements sur eux. Ils purent, au moins communiquer de cellule à cellule, à travers les barreaux des portes. Le temps défilait, aussi, Uriah avait bon espoir que l’équipe de Ludivine ou de Säde cherche à les joindre aux prochains points vox prévus toutes les quatre heures. Dans ce laps de temps, il leur restait à définir le discours qu’ils allaient tenir à leurs ravisseurs et tout d’abord, parvenir à définir quelles étaient leurs intentions.
    -Leur technologie m’intrigue, leur dit Altaïr. Ils disposent de chariots mais ont des armes sophistiquées.
    -Ils ont des munitions non conventionnelles pour un peuple aussi isolé, ajouta Kenway.
    -Ce n’est pas rare, cela se voit sur la plupart des mondes frontières… Un mélange de technologies anciennes et parfois plus exotiques, répondit la Brute. Leur isolement a fait qu’ils ont développé une culture sans doute hybride.
    -Je peux l’entendre, mais ce qui nous intéresse est de savoir si nous avons bien affaire à des citoyens impériaux et non à je ne sais quels hérétiques, leur dit Uriah.
    -Si nous avions affaire à des hérétiques, ils nous auraient sans doute déjà éliminés, non ? Répondit Kenway.
    -Pas nécessairement, ajouta La Brute. Ils ont bien compris que nous n’étions pas du coin, il est possible qu’ils cherchent, d’une manière ou d’une autre, à nous interroger avant.
    -Et rien ne prouve non plus que nous n’ayons affaire qu’à une seule faction, leur dit Altaïr. Les relevés pix et auspex depuis les augures du vaisseau nous montrent clairement des forteresses isolées et des villages épars. Nous ne savons pas s’ils sont en guerre ni contre qui ou contre quoi…
    -La Science a raison, on a bien vu sur les captures pix, les signes d’une forêt rasée où se trouvent des cratères. Drôle de méthode pour de simples bûcherons…
    -Donc s’ils nous posent des questions – en admettant que l’on parvienne à communiquer – nous allons d’abord devoir déterminer leurs intentions, leur dit Uriah.
    -Et en admettant que ce soient des hérétiques ? Lui demanda Altaïr.
    -On s’évade, on remonte en orbite et on vitrifie tout. N’oubliez pas qu’on a encore deux autres équipes qui devraient nous tirer de là.

    Les heures passèrent sans que les moindres réponses ne viennent. Fourbus et frustrés par les derniers évènements, ils finirent par s’installer du mieux qu’ils le purent sur les bancs de leur cellule spartiate et s’assoupirent quelques heures. Seul la Brute resta éveillé, guettant les moindres bruits. A un moment, sans doute vers le matin, des gardes passèrent pour leur apporter un bol de soupe avec un morceau de pain noir mais encore une fois, sans le moindre échange intelligible que leur dialecte incompréhensible.
    Quelques heures passèrent de nouveau pendant lesquelles ils estimèrent que plus de huit heures venaient de s’écouler depuis leur capture. De nouveaux bruits métalliques puis des bruits de pas en approche. Deux hommes au style différent apparurent. Un officier, à en juger par ses grades et sa casquette, accompagné d’une sorte d’adepte, un vieil homme armé d’un grimoire et d’un stylus. L’officier se posa devant la cellule d’Altaïr et leur parla dans sa langue puis l’adepte se mit aussitôt à traduire en bas Gothique, avec le même fort accent.
    -Qui est votre officier ?
    -C’est moi, répondit Uriah depuis la cellule voisine. Les deux hommes s’y dirigèrent et se positionnèrent devant les grilles de sa porte. L’officier répondit et l’adepte traduisit de nouveau, chacune des phrases.
    -Vous êtes bien jeune.
    -Je suis Seigneur Capitaine, lui dit-il, un peu piqué à vif.
    L’officier marqua un temps d’arrêt.
    -Votre langue et votre accent nous indiquent que vous n’êtes pas d’ici. Vous parlez le Gothique.
    -Nous parlons Gothique comme tout loyal serviteur de l’Empereur-Dieu.
    L’officier émit un petit rire.
    -L’Empereur-Dieu est mort et il y a un moment de cela, comme tout le reste de l’Imperium.
    -Blasphème ! L’Empereur n’est pas mort et l’Imperium encore moins.
    -Alors vous avez vécu isolé de tout et dans l’ignorance la plus totale, comme tous les traitres de votre espèce.
    -Traitres ? C’est vous qui nous parlez de traitrise ?
    -C’est vous qui venez nous espionner et qui avez tués deux de mes hommes, sans parler de mon fidèle chien. Où sont vos psykers ? De quel village venez-vous ?
    -Je pense qu’il y a une confusion… Nous ne venons pas d’un… Village. Nous n’avons pas de psykers avec nous mais des astropathes et je viens pour ramener la lumière de l’Empereur-Dieu sur ce monde perdu.
    L’officier eut un petit rire sincère.
    -L’Imperium a disparu et nous le savons tous très bien. Rien de tout ceci me prouve que vous n’êtes pas des agents au service des rebelles.
    -Qui vous a dit que l’Imperium a disparu ? Nous en venons justement. Et de quels rebelles parlez-vous ?
    Le capitaine prit un temps de réflexion et s’entretint avec son adepte dans leur langue avant que ce dernier ne réponde.
    -Comment êtes-vous arrivé ici ?
    -En navette.
    -Impossible… Il n’y a plus aucune navette sur cette planète depuis la guerre.
    -Nous venons de l’orbite, depuis notre vaisseau.
    -Où est votre navette ? Je veux la voir.
    -Je ne peux pas vous le dire.
    -Vous dites que vous avez encore des astropathes ? Pas des psykers ?
    -Non, des astropathes. Et des navigators aussi. Mais de quelle guerre parlez-vous ? Celle contre Lufgt Huron ?
    -Gloire à Huron, notre seigneur à tous. Qu’il puisse nous protéger éternellement.

    Uriah pensa naturellement, à l’instar de ses compagnons, se trouver face à de purs hérétiques, étant donné qu’Huron était aujourd’hui l’actuel commandant des redoutables marines renégats Red Corsairs. Pourtant, il se remémora les cours d’histoire peu orthodoxe d’Altaïr qui lui conta qu’Huron, avant d’être un traitre de renégat, avait été un des meilleurs commandeurs militaires de la région, quelques siècles plus tôt. Il dirigeait non moins de quatre chapitres Astartes, désignés comme chapitres gardiens de la Zone du Maelstrom, couvrant ainsi les sous-secteurs Endymion, Badab, Khymara, Magog et les Etoiles livides. À la suite d’états de service impressionnants lors de plusieurs campagnes, Lufgt Huron avait été désigné comme étant le plus jeune Maitre de Chapitre de l’Imperium et un de ses meilleurs stratèges, devenant protecteur et seigneur d’un fief stratégique courant sur quatre sous-secteurs.
    L’histoire restait encore obscure mais au tout début du M41, soit un siècle plus tôt, Huron était entré en conflit avec les seigneurs marchands du sous-secteur Karthago voisin pour une histoire de dîme qu’ils refusaient de payer au Maitre de Chapitre tandis que ces derniers souhaitaient justement le taxer. L’affaire s’envenima à un tel point qu’un casus belli éclata entre les deux factions et que les seigneurs marchands de Karthago usèrent de leur influence pour rallier à leur cause un chapitre rival des Astral Claws de Huron pour le contraindre. Ils en appelèrent aussi à l’Administratum et au Mechanicus pour les aider à soumettre Huron. Les premiers pour réclamer la dîme et les seconds pour auditer les souches génétiques du chapitre. Face à une telle volonté d’humiliation des karthagiens, Huron renforça ses positions au sein de ses secteurs. La situation était réellement tendue à la suite des réelles menaces venant de renégats et de pirates qui harcelaient sans cesse les convois chartistes locaux et les mondes miniers de la région. Huron, ordonna à ses troupes d’ouvrir le feu sur toute intrusion et avertit alors les karthagiens qu’il avait autre chose à gérer que des histoires de dîme. Il les prévint que le blocus ne pourrait être franchi sans son ordre, sous peine de tirs après sommation.
    Les vaisseaux karthagiens accompagnés de l’Administratum et du Mechanicus rejetèrent ce qu’ils perçurent comme de simples menaces, à peine sérieuses, et forcèrent le blocus.
    La dizaine de vaisseaux fut alors pulvérisée, après la sommation d’usage.
    Karthago apprit la nouvelle et informa le Senatorum Imperialis sur Terra d’avoir été agressés par Huron et demandA réparation. Les Hauts Seigneurs dépêchèrent non moins d’une dizaine de chapitres Astartes pour soumettre Huron et ses chapitres vassaux, alors désignés comme rebelles à l’Imperium.
    Mais Huron avait mis des années à fortifier la région afin que personne ne passe.
    La guerre dura huit ans, ravagea la majeure partie des sous-secteurs impliqués, causa la mort de plusieurs milliers d’Astartes des deux côtés et celle de millions de troupes et de civils. A l’issu de ce conflit resté dans les annales sous le nom de Guerre de Badab, Huron et ses marines, défaits furent déclarés Excommunicate Traitoris pour avoir défiés les Hauts Seigneurs de Terra et pour avoir causé une telle escalade. Il fut notamment reproché à Huron d’avoir aussi autorisé, à l’époque la création de huit mille space marine pour son propre chapitre, ce qui était une trahison envers le Codex Astartes à ce moment-là, même si de nos jours, une telle pratique était de nouveau autorisée par le Primarque Guilliman.
    Certains mondes vassaux de Huron furent condamnés à six génération de servitude. Uriah ne le savait que trop bien, un mois plus tôt, ils étaient encore sur Galen IV, un de ces mondes pénitentiaires. Les seigneurs karthagiens de leur côté, furent tous exécutés pour avoir été à l’origine absurde de ce conflit, pour une simple question d’ego.

    Uriah réfléchit un instant avant de répondre à l’officier. S’il voyait juste, ce dernier faisait sans doute référence à Huron d’avant la guerre de Badab. Sans doute étaient-ils tous des traitres ou peut-être ne savaient-ils rien de ce conflit réellement et pensaient-ils être de loyaux serviteurs d’un Imperium disparu selon eux.
    -Et contre qui êtes-vous en guerre à présent ?
    -Les rebelles.
    -Qui sont-ils ?
    -Ils protègent des psykers. Ce sont des terroristes, une bande de dangereux psychopathes.
    -Et où sont-ils
    -Je ne peux vous communiquer de telles informations. Rien ne me prouve que vous ne travaillez pas avec eux justement.
    -Je vous l’ai dit, nous ne sommes pas de ce monde, vous le voyez bien à notre langue. Je suis un seigneur libre-marchand, nous ne sommes pas des psykers.
    -Vous avez tué deux de mes hommes.
    -C’était un accident…
    -Je ne crois pas. Comment êtes-vous venus sur ce monde ?
    -Avec notre vaisseau, par le warp.
    -Par le warp… Voilà qui expliquerait votre confusion. Personne ne parvient plus à passer par le warp. Nous n’avons plus aucun contact avec le moindre monde depuis près de cent-vingt ans, depuis le début de la guerre.
    -Pourtant, je peux vous assurer que nous venons de l’Imperium et que ce dernier existe toujours.
    -Dans ce cas, je veux voir votre vaisseau.
    -Ce n’est pas possible tant que nous serons vos prisonniers.
    L’officier réfléchit un instant puis hocha la tête et ordonna à l’adepte de le suivre vers la sortie, les laissant seuls de nouveau.

    -Vous y croyez à son histoire de rebelles et de monde coupé du reste de l’Imperium ? Leur demanda Kenway, une fois qu’ils furent de nouveau seuls.
    -Son histoire peut se tenir, ajouta Altaïr. Ils ne savent sans doute rien de ce qui s’est passé depuis les cent-vingt dernières années.
    -Possible qu’il dise vrai, répondit Uriah. Dans tous les cas, nous allons devoir la jouer avec prudence. Nous ne savons rien d’eux et de leurs rebelles.

    Vingt minutes plus tard, l’adepte vint de nouveau leur rendre visite. Il se posa devant la cellule d’Uriah.
    -Demain nous vous transférons dans un autre lieu. Notre gouverneur souhaite s’entretenir avec vous.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 19/05/2024 à 19:51 Citer ce message

    Huit heures auparavant.

    La navette de Ludivine Frae Spinaiser s’était posée, comme prévu, au nord-ouest du continent, au pied d’une chaine montagneuse et en bordure d’une forêt. Corvin Vesuvio, son archimilitant l’accompagnait, ainsi que Syulf Solimar son sénéchal et sœur Alexia, sa famulus. Eux aussi avaient revêtu des combinaisons pour le froid ainsi qu’un peu d’équipement pour de la reconnaissance. Ils avaient repéré l’épave d’un navire un peu au sud, ainsi que quelques villages mais aussi un bourg fortifié donnant sous une montagne, plus à l’ouest. Après le premier point vox effectué avec les deux autres équipes, celle d’Uriah et celle de Säde, ils se mirent en mouvement droit vers le sud. Leur objectif était d’atteindre justement l’épave située plus au sud. Cela allait nécessiter de traverser une route à deux ou trois kilomètres de là et de passer sur une vaste zone à découvert, mais de nuit et dans la neige, en restant prudents, le petit groupe avait bon espoir de passer relativement inaperçu.
    Vesuvio et la sœur ouvraient la marche tandis que la jeune libre marchande suivait, en compagnie de son sénéchal. Ce dernier pestait et continuait de penser qu’il aurait mieux fait de rester à bord de leur frégate. La nature et les environnements sauvages n’étaient clairement pas ces éléments de prédilection.
    -Tu sais bien que j’ai besoin de toi et de tes connaissances ici, lui dit-elle. Et puis tu es sans doute le plus observateur de nous tous.
    -Je sais, mais j’ai quand même une sainte horreur de ce genre d’endroit. Non mais qui aurait envie de vivre dans un pays couvert de neige à se les geler toute l’année ? Qui a envie de vivre entouré de montagnes ?
    -Je trouve ce paysage plutôt joli, en fait.
    -Moi ça me stresse les montagnes, lui dit-il tout en toussotant. C’est comme voir une ruche mais de loin.
    Syulf Solimar était né sur un monde-ruche ce qui faisait qu’il était naturellement casanier et mal à l’aise en pleine nature. Il n’avait pas juste une sainte horreur des montagnes, il craignait aussi les forêts, la mer et la nature en général. Ludivine se contenta de lever les yeux au ciel, sans rien ajouter. Ah oui, si… Il détestait aussi la nuit et il donnait toujours cette impression d’avoir de la toux à cause d’une ancienne affliction qu’il avait contracté sur sa ruche natale. D’ailleurs son teint pâle et sa silhouette plutôt mince lui donnaient parfois des airs de hors-monde, ce qui était encore plus accentué par sa manie de porter des vêtements d’origine clairement xenos. C’était aussi ce qui faisait son caractère un peu excentrique. Il faisait aussi plus âgé que son âge mais ne devait avoir que trente-cinq ou quarante ans, ce qui en aurait fait un vieux sur son monde natal, ayant atteint la limite de l’espérance de vie moyenne. En dehors de cela, Syulf était un savant et un véritable puits de connaissances dans tous les domaines et l’avoir à ses côtés était tout simplement inestimable pour Ludivine. Elle ne comptait même plus toutes les choses qu’il lui avait enseigné et elle s’émerveillait toujours de voir tous les sujets qu’il maitrisait.
    -Pourquoi n’as-tu pas demandé à Sinsin de t’accompagner à ma place ? Tu sais que cette fille est une vraie casse-cou, pas comme moi. Dit-il, presque en gémissant.
    -Parce que Sinsindra est notre pilote et je préfère la savoir sur la passerelle du vaisseau. Et puis tu la connais, elle c’est une pure hors-monde, je crois qu’elle est encore moins à l’aise que toi sur le sol des terreux.
    D’un certain point de vue, Syulf était aussi l’exact opposé de Vesuvio, leur archimilitant et premier officier. Corvin Vesuvio était natif d’un monde sauvage du sous-secteur Endymion et n’était guère plus âgé que Syulf même si lui aussi, faisait plus que son âge. Son monde natal, couvert de steppes était peuplé de farouches cavaliers nomades pour qui les grands espaces et la nature étaient leurs éléments. Là, Ludivine savait qu’il se retrouvait quelque peu chez lui, prenant ses marques sur le terrain et retrouvant certains reflexes de chasseur. C’était aussi, selon ses dires, un ancien soldat de l’Astra Militarum, capturé par des pirates puis évadé avant de devenir mercenaire puis chasseur de primes. Vesuvio avait la guerre dans le sang, c’était un colosse tout en muscles à la barbe épaisse, pour qui, la technologie était toujours une sorte de magie à laquelle il n’accordait pas toute sa confiance. Lui aussi était superstitieux à sa façon et ne parlait jamais des morts, sous peine de voir revenir leur esprit. C’était avant tout un redoutable combattant et Ludivine appréciait de le savoir à ses côtés. Plus d’une fois, il lui avait sauvé le vie et elle savait qu’il n’hésiterait jamais à la protéger. Ses fidèles bras-droits avaient tous juré fidélité à la Maison Frae Spinaiser quand son défunt père la dirigeait encore et à sa mort, ils firent le serment de suivre sa fille et de la protéger au péril de leur vie.
    C’était aussi le cas de sœur Alexia qui faisait office d’écclésiaste à bord. A peine plus jeune que Syulf et Vesuvio, c’était une sœur famulus de la Sororitas. Cet ordre non militant était composé de sœurs versées dans l’art de la diplomatie, de l’espionnage et des affaires politiques entre les adepta et les nobles maisons impériales. Elles ne servaient pas juste d’ambassadrices ou de conseillères, elles étaient aussi et avant tout les préceptrices des jeunes rejetons de la noblesse, qu’elles formaient à la politique, à l’historiographie, aux lettres et à l’étiquette nobiliaire. De manière moins officielle et bien plus secrète, c’étaient aussi les sœurs du famulus qui se chargeaient des mariages entre maisons ainsi que de la sélection génétique des progénitures à venir au sein de la noblesse. Il était parfois plus que nécessaire d’orienter ou de « corriger » certaines branches familiales afin d’en créer de bien plus saines afin d’assurer une certaine stabilité au sein du jeu des alliances et du pouvoir.
    Aux yeux de Ludivine, sœur Alexia avait toujours été plus qu’une préceptrice pour elle et ce, depuis sa plus tendre enfance. C’était une véritable confidente en plus d’être une tutrice avisée, intelligente et dotée d’un charisme incroyable, même avec les plus hautes autorités. Ses liens avec l’Empereur-Dieu, à l’instar des sœurs de la Sororitas en faisait, de surcroit, une allié d’une puissance inégalée. Elle s’était entretenue avec elle durant leur descente en navette. Ludivine ne cachait pas son excitation mais aussi certaines inquiétudes à l’approche de ce futur mariage avec Uriah.
    -J’ai encore du mal à me faire à cette idée, Alexia… Tout cela me parait encore si soudain. Je n’ai même pas vingt ans, je ne sais pas, je ne me vois pas déjà mariée et maman. Pourtant, d’un autre côté j’en ai envie, mais…
    -Votre mère, Dame Elanore était déjà mariée et mère et votre âge. Nous ne parlons pas d’envie, mais de devoir envers le Trône de Terra et envers votre lignée.
    -Mais j’ignore si Uriah le souhaite aussi… Peut-être ne le veut-il pas ?
    -La véritable question à se poser, Ludivine, n’est pas de savoir s’il le veut, mais s’il le peut.
    -Comment cela ?
    -Ne vous souciez de rien, ma chère enfant. Je me charge de cette étape. D’une façon ou d’une autre, votre lignée sera on ne peut plus assurée.

    Après trois heures de marche à travers une forêt de pins, ils débouchèrent comme convenu sur le bord d’une route. En face, à quelques centaines de mètres se dressait l’immense silhouette d’un navire couché sur le flanc et partiellement détruit. L’atteindre signifiait de passer à découvert, aussi, Syulf et Alexia passèrent devant, étant les plus furtifs de l’équipe. Ils se tapirent à couvert dans la neige et restèrent à observer. Au moment où ils pensèrent être seuls, Syulf leur fit signe de rester cacher. Un groupe de cavalier était en approche. Une petite troupe d’une dizaine d’individus passa à une centaine de mètres de leur position sans les voir. Ils s’arrêtèrent non loin et restèrent là, quelques minutes à observer en direction de l’est avant de bifurquer vers le sud. Une fois hors de vue, Vesuvio leur fit signe de traverser rapidement et de rejoindre l’épave, ce qu’ils firent.
    Les restes du vaisseaux, à en croire Ludivine devaient être ceux d’un ancien transport de classe Jericho. A l’origine le navire devait bien dépasser les deux kilomètres de long et trois-cents mètres de haut, mais il était difficile de s’en faire une idée précise aujourd’hui. Ce qu’il en restait était éventré et des fragments de sa coque gisaient sur des centaines de mètres. De plus, il était clair que l’épave avait servi de matériaux de récupération depuis des décennies. En dehors du squelette de la coque rouillée et des portions de ponts corrodés, il ne restait plus grand-chose d’exploitable.

    -De là-haut, nous aurons un meilleur point de vue, leur dit Vesuvio tout en sortant un lance-grappin et un filin.
    -Vous voulez escalader ce tas de ferraille ? S’étonna Alexia avec un air dubitatif.
    -Oui, ma sœur. Plus à l’ouest se trouve un village au pied de la montagne. De là-haut, nous devrions avoir une vue sur toute la vallée.
    -Il a raison, ajouta Syulf. Venant d’une ruche, l’escalade, ça me connait un peu, je vais l’accompagner, on vous laisse la radio, tâchez de trouver un abri en attendant.

    Ils escaladèrent une partie de la structure, ce qui n’était pas sans risque ni sans peine car les surfaces étaient traitresses à cause du givre et du vent qui soufflait. Par chance, leur équipement aidait et Vesuvio connaissait bien son affaire.
    Moins d’une demi-heure plus tard, Syulf était en train de redescendre en rappel et sans l’aide de Vesuvio, il aurait bien pu se rompre le cou. Une fois en bas, il alla retrouver les deux jeunes femmes, installées dans un abri de fortune entre des cloisons blindées. Elles n’avaient pas allumé de feu afin de ne pas attirer l’attention.
    -Alors, ça donne quoi ce village ? Lui demanda Ludivine, toujours aux aguets.
    -Vesusio est resté là-haut. On ne voit pas grand-chose, mais il espère que le temps se dégage un peu. Impossible de savoir ce qui se passe là-bas.
    -Mais il y a de l’activité ? Ces cavaliers de tout à l’heure, devaient venir de là-bas, non ?
    -Oui, certainement. Mais sans s’approcher de plus près, impossible d’en savoir plus.
    -D’accord, je vais lui dire de redescendre. En attendant, c’est l’heure du point vox, tâche de vérifier si tout le monde va bien.
    -A tes ordres…
    Après plusieurs minutes, il parvint à s’entretenir avec l’équipe Obscurus, celle de Säde, mais pas de nouvelles de l’équipe Primus, celle d’Uriah. Ludivine était de retour et fronça les sourcils.
    -Tu es sûr ?
    -Certain. Obscurus n’arrive pas à les joindre non plus. Mais eux, sont en position. Ils sont aux nord d’une mine à ciel ouvert situé tout à l’est et là ils remontent vers ce qui ressemble à une sorte de ranch.
    -Il a pu leur arriver quoi ?
    -A l’équipe Primus ? Demanda Syulf tout en se grattant la tête. Une panne du porte-vox semble plausible. Ou bien des interférences, mais je n’y crois moins, sinon Obscurus serait dans le même cas.
    -Et s’il leur était arrivé malheur ?
    -Inutile de vous inquiéter. Attendons le prochain point dans quatre heure, ajouta Alexia. Si leur radio est vraiment morte, ils retourneront à leur navette et sauront nous contacter. C’est la procédure.
    -La sœur a raison. Il nous est impossible de faire plus pour l’instant, on doit s’en tenir au plan établi.

    Ils levèrent le camp, effacèrent leurs traces et reprirent leur route en direction de l’ouest, vers ce qu’ils avaient identifié comme étant un village au pied d’une montagne. En réalité, selon les observations de Vesusio, il devait plutôt s’agir d’un ville dans la montagne, ce qui les intrigua. Ils contournèrent par une petite forêt et toujours à la faveur de la nuit, commencèrent à se rapprocher. Ils se firent alors de plus en plus silencieux. Vesuvio et Syulf étaient en tête, quelques mètres devant, lorsque tout à coup, un filet de corde se souleva de sous la couche de neige, les enveloppa et les souleva tous les deux dans les airs. Ils restèrent ainsi, suspendu à trois mètres du sol, emmêlés pêle-mêle dans ce qui ressemblait à un piège rudimentaire mais terriblement efficace. L’effet de surprise avait été tel, que Ludivine et la sœur se retrouvèrent les fesses dans la neige car à deux doigts de finir elles aussi dans le piège.
    Des silhouettes approchèrent, fusils pointés droit dans leur direction, parlant une langue qu’ils ne purent identifier. Les deux jeunes femmes firent mine de ne pas bouger mais se tenaient malgré tout sur leurs gardes. Elles n’avaient aucunement l’intention de se rendre aux premiers barbares locaux venus. Depuis le piège dans lequel il était retenu, Vesusio parvint à atteindre le manche de sa lame monomoléculaire. Il la fit sortir lentement du fourreau et en profita pour trancher quelques liens, juste assez pour parvenir à se glisser de là. Tandis que leurs adversaires échangeaient entre eux et que l’un d’eux allait visiblement couper un lien pour libérer le piège, Vesuvio arracha les cordes et sauta sur un des gardes, sa lame en avant, en poussant un cri de guerre. Le type eut à peine le temps de bouger et se retrouva blessé grièvement par la lame. Chancelant, mais encore en vie, il recula en criant, tout en pissant le sang. Les autres pointèrent leurs armes mais déjà, vive comme l’éclair Ludivine avait dégainé son pistolet à plasma et ouvrit le feu alors que la sœur venait de décrocher son épée tronçonneuse et bondit sur un des hommes en activant sa lame. Leurs deux attaques manquèrent car, trop rapides et mal préparées, pourtant deux des adversaires tombèrent dans la neige, les yeux écarquillés en voyant le tir de plasma qui venait d’illuminer la pénombre tel un soleil miniature. Leurs adversaires étaient cinq ou six et les autres réagirent aussitôt. Des coups de feu claquèrent et Vesusio se prit un méchant tir dans le ventre puis tout à coup, la voix d’une enfant résonna en criant. « Baissez vos armes, nous n’allons pas vous faire de mal ! »
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/05/2024 à 22:10 Citer ce message

    Après s’être débattu avec le filet, Syulf parvint enfin à se libérer et chercha à se redresser alors que Vesuvio, en sang, salement blessé et titubant mais visiblement en rage chercha à flanquer un coup de lame à son adversaire, tout aussi amoché que lui. Il le manqua d’un cheveu aussi dégaina-t-il son pistolet bolter mais, avec sa main poisseuse de sang, l’arme s’enrailla et il pesta de plus belle. Il allait lui bondir dessus mais la voix de l’enfant retentit de nouveau.
    -Cessez immédiatement où nous serons obligés de tirer !
    Cinq fusils se braquèrent aussitôt vers eux avec un bruit métallique de culasse qu’on armait. Ludivine se dit qu’ils pourraient certainement en venir à bout, mais leurs armes, bien que rustiques, pouvaient assurément leur causer de gros dégâts et ce n’était ni le lieu ni le moment. Elle connaissait Vesuvio. Il avait un caractère de grox parfois et il n’aimait pas lâcher un combat sans s’assurer une victoire.
    Sa voix impérative retentit et elle fit sursauter tout le monde.
    -Il suffit, Corvin ! Baisse tes armes, au nom du Trône !
    Avec un regard mauvais vers son adversaire, il obtempéra sans même discuter. Elle fit un pas en avant et donna de la voix à nouveau, ne voyant pas leur interlocuteur mais avait bien ressentit qu’il leur parlait par télépathie. A ses côtés, elle pouvait percevoir la sœur en train de murmurer une litanie de détestation afin de renforcer sa foi contre la sorcellerie.
    -Baissez vos armes et nous en ferons de même, lança Ludivine à voix haute.

    Les secondes suivantes restèrent figées dans le temps. Comme dans une bulle de stase. Les armes étaient pointées, presque à bout portant, les regards déterminés, concentrés et farouchement parés à ne rien lâcher. Quelques flocons de neige tombaient lentement en virevoltant, comme au ralenti. C’était à peine si on entendait la brise dans les sapins alentours. Une ambiance, tout à coup, sinistre se mit à planer. D’un coup, ils baissèrent leurs armes à l’unisson. Une enfant approcha alors. Elle devait avoir douze ou peut-être treize ans et semblait déjà sûre d’elle, pas intimidée le moins du monde par la situation. Du moins, elle ne le montrait pas. C’était sa voix qu’ils entendaient. Alexia glissa tout bas, à l’attention de Ludivine :
    -Elle ne peut pas être assermentée…
    -J’imagine… Mais nous ne sommes pas l’Inquisition. Nous allons juste rester prudents.
    Elle ordonna à ses officiers de baisser aussi leurs armes, ce qu’ils firent.
    -C’est vous leur chef ? Demanda la jeune fille, toujours en employant la télépathie.
    -Je suis le seigneur-capitaine Ludivine Frae Spinaiser, libre marchande et capitaine du Daughter of Tempest.
    La gamine lui lança un regard où pointait l’incompréhension.
    -C’est vous qui êtes venu ici avec un vaisseau ? Il est dans le ciel ?
    -Oui, en effet.
    -C’est quoi un… libre marchand ?
    -J’ai toute autorité, par la grâce de l’Empereur-Dieu de l’Humanité, pour ramener ce monde dans l’Imperium et la sainte lumière de Terra.
    -L’Imperium ?
    -Oui. J’espère que ce concept t’évoque quelque chose, petite.
    -C’est que… L’Imperium n’est plus… Comme l’Empereur…
    Ludivine sentit Alexia se crisper sur ses armes à cette évocation, elle fit un geste de la main, en signe d’apaisement. Elle avait bien conscience que ce genre de déclaration était perçu comme du blasphème, voire de l’hérésie par les autorités. Mais, ici, en l’absence d’Imperium, c’était justement elle qui incarnait la flamme qui devait repousser les ténèbres de l’obscurité. Sa lettre de marque lui donnait toute latitude pour analyser ce genre de situation et en tirer les conclusions qui devait s’imposer.
    -Ce n’est pas le cas et nous en sommes la preuve. Pourquoi penser une telle chose ?
    -C’est ce que tout le monde dit depuis le temps de mes… arrière-grands-parents… depuis la guerre.
    -C’est bien ce que je pensais, murmura Syulf à Ludivine.
    -Leur isolement les a coupés de l’Imperium.
    -Oui et ce, depuis la guerre de Badab. Depuis près de cent-vingt ans.
    La libre marchande rengaina ses armes et fit signe à ses officiers d’en faire de même.
    -L’Imperium existe toujours et ne vous a pas oublié. Nous venons rétablir le contact avec vous. Tu parles de guerre… Etes-vous toujours en guerre ?
    -Oui.
    -Et…. Contre qui ?
    -Le nouveau gouverneur.
    -Pourquoi cela ?
    -Il tue les gens comme moi.
    -D’accord… Et des gens comme toi, il y en a beaucoup, ici ?
    -Plus maintenant.
    -Tu dis nouveau gouverneur… Il est récent ?
    -Cela fait… Vingt ans qu’il a est en place, je crois.
    -Ah, quand même… Et avant lui ?
    -Je ne sais pas, je n’ai pas connu.
    -Des gens pourraient nous en dire plus ?
    Elle s’entretint avec les chasseurs dans leur langue et en profita pour utiliser un de ses pouvoirs sur leur blessé afin de le soigner.
    Ludivine en profita et prit ses officiers à part et s’entretint avec eux à voix basse. Alexia récupéra le medikit de Vesuvio et en fit de même pour soigner sa blessure, tout en gardant la gamine à l’œil.
    -Vous en pensez quoi ? Leur demanda la libre-marchande. Ces citoyens m’ont l’air d’avoir vécu dans l’isolement et la perte de certains repères mais une fois ramenés dans le giron de l’Imperium, ils ne devraient pas poser de problème. En revanche, ce gouverneur…
    -Il traque les psykers, quoi de plus normal ? S’étonna Alexia en haussant les épaules.
    -Il les tue, surtout.
    -Comment faire autrement en l’absence de vaisseaux noirs ? C’est miséricorde que de leur accorder une fin libératrice.
    -Sans doute. Mais l’Imperium et Terra ont besoin de psykers. Ce gaspillage de ressource ne peut plus être toléré désormais.
    -Alors il nous faut rencontrer ce gouverneur, ajouta Syulf. Je suis sûr que l’Astra Telepathica apprécierait grandement de recueillir de nouvelles recrues pour ses vaisseaux noirs… Et sans doute cela nous vaudrait-ils quelques faveurs au passage ?
    -D’abord, tâchons d’en apprendre plus sur le bonhomme. On ne sait pas où on fourre les pieds, compléta Vesuvio.
    Ludivine hocha la tête et reporta son attention vers la jeune fille.
    -Tu pourrais nous mener à ton village et nous présenter un de vos chefs, on aurait à lui parler.
    -On comptait vous y mener justement.
    -Au fait, quel est ton nom ?
    -Je m’appelle Aerin.

    Ils les suivirent et Ludivine en profita pour discuter avec Aerin tandis que Syulf prenait quelques notes, notamment à propos de la technologie locale et des ressources. La planète s’appelait Tartuga mais aussi Xutania dans leur dialecte local. Jadis il s’agissait d’un monde minier mais avec la guerre, les ressources manquèrent, les derniers vaisseaux furent détruits ou partis. Plus jamais le niveau de technologie d’antan ne put être retrouvé faute d’importation de certaines ressources. Ils durent réapprendre à maitriser leur environnement et certains carburants fossiles solides ainsi qu’une longue isolation. Malheureusement, la guerre qui s’était arrêtée, avait repris localement. Certains mondes s’en étaient tiré bien moins bien dans des conditions similaires. Entre les invasions de cruels xenos, de pillards du Chaos ou de sombres entités prédatrices, bien des mondes avaient péris ou vivaient encore mille tourments.
    Ils finirent par arriver dans un petit village fortifié au pied de ce qu’ils avaient bien vu comme étant une entrée dans la montagne. L’entrée d’une ancienne mine fortifiée, visiblement. Aerin les conduisit vers une vaste maison construite en pierre et en bois, comme tout le style local. Ils entrèrent et trouvèrent une grande pièce où un feu brulait dans l’âtre de la cheminée. Le reste de la pièce était une sorte de salle commune où plusieurs personnes étaient attablées, occupées à boire et à discuter. Dès leur entrée, tout le monde se leva et les observa avec un mélange de crainte et de curiosité. Certains des regards étaient même un peu plus hostiles. Aerin alla leur parler et une discussion animée s’engagea dans leur propre langue.
    Pendant ce temps, Ludivine et ses hommes profitaient un peu de la chaleur de la cheminée. Elle fit un petit signe à Vesuvio. Pas besoin de lui en dire plus, il connaissait son affaire et était déjà en train de jauger le situation, les possibles menaces et les types à éliminer en premier. Elle se tourna vers Syulf.
    -Tu en penses quoi ?
    -Leur histoire semble se tenir. En revanche cette guerre m’intrigue.
    -En quoi ?
    -Eh bien je ne saurais dire dans quel camp nous sommes tombés, capitaine.
    -Raison de plus pour garder profil bas. On observe, on apprend et ensuite on avisera. Dans combien de temps ce prochain point vox ?
    -Dans un peu plus de deux heures trente, répondit Syulf qui consulta son horologium.
    -Vous croyez qu’ils vont nous présenter un chef ou quelque chose comme ça ?
    -C’est même une certitude, répondit Alexia qui observait le groupe avec la plus grande attention.
    Ludivine savait que la sœur était habile pour déceler les fortes personnalités ou les meneurs-nés.
    -Qui ?
    -La jeune femme, là-bas.
    Celle avec les tresses et le tatouage sur le côté du visage ?
    -Elle-même. Des gens plus âgés viennent l’interroger.
    La femme en question devait avoir quelques années de plus que Ludivine, peut-être vingt-cinq ans. Elle affichait, à l’instar des locaux, un style fréquent que l’on retrouvait sur la plupart des mondes frontières ou féodaux. Un mélange fait d’archaïsme tribal et de récupération technologique en tout genre. Elle donnait cette impression de sortir des anciennes légendes de mondes farouches comme Fenris. D’autant plus qu’un certain charisme naturel se dégageait d’elle, au milieu de visages burinés par les éléments, l’isolation et l’alcool de mauvaise qualité.

    Aerin revint vers eux, juste à ce moment-là.
    -La femme là-bas, c’est bien votre cheffe ? Lui demanda Ludivine.
    Aerin l’observa avec étonnement.
    -Comment vous savez ?
    -C’est donc elle ?
    -Oui, enfin… En attendant.
    -En attendant quoi ? Lui demanda Alexia.
    -Il faudra lui demander.
    -C’est une psyker ? Elle est comme toi ? Lui dit Ludivine.
    Aerin hocha la tête par la négative.
    -Comment s’appelle-t-elle ?
    -Elle s’appelle Wilona.
    Ludivine fit un signe à son équipe.
    -Bien, allons parler à cette Wilona.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 30/05/2024 à 20:31 Citer ce message

    Ils discutèrent pendant deux bonnes heures, dans une salle à part, autour d’une table. Aerin, la petite psyker continuait de faire la traduction, même si Wilona leur avoua comprendre le bas Gothique mais mal le parler. Elle leur demanda tout d’abord les raisons de leur venue ici, sur Tartuga et se montra très intéressée par ce qu’était cet « Imperium » que personne ici n’avait jamais rencontré. Leur peuple descendait de mineurs, des colons impériaux dévoués à l’Empereur-Dieu même si tout cela s’était dilué avec le temps. La guerre de Badab avait tout dévasté et leur monde n’avait pas été épargné. Les infrastructures, les autorités, tout avait été détruit ou presque. Le monde avait été laissé exsangue, dévasté, presque mort puis finalement oublié, ses rescapés abasourdis, livrés à eux-mêmes. Survivre, lutter sans cesse et tenter de s’accrocher à l’espoir. Voilà, le quotidien de ces survivants. Les décennies passèrent et l’espoir s’amenuisant, les luttes reprirent de plus belles, chassant la paix et l’espoir aux fonds des abimes.
    Les adepta n'étaient plus représentés ou juste par une poignée d’individus qui avaient vaguement repris une fonction mais sans en avoir ni la formation ni les compétences. L’un des chasseurs faisait d’ailleurs figure de prêtre, pour qui le Credo et les saintes écritures en haut Gothique devaient être des concepts bien lointain et sans doute remaniés. Quoi qu’il en soit, le retour de cet Imperium intriguait grandement Wilona, voyant dans cette occasion, une opportunité de faire basculer le conflit local à leur avantage. Elle devait donc avancer prudemment avec ses interlocuteurs et surtout Ludivine, cette libre-marchande. Elle ne comptait pas passer à côté de cette possibilité de disposer d’une petite armée en plus de vaisseaux qui pourraient alors s’allier à leur cause.
    En revanche, elle ne semblait pas naïve non plus et savait qu’ouvrir la porte au retour de l’Imperium allait avoir un prix. Mais quel choix se présentait à elle, désormais ? Tourner le dos à cette proposition au risque de les voir partir vers le camp adverse ? Celui de l’actuel gouverneur, leur propre ennemi et là, finir par se faire définitivement écraser ? Non, c’était tout vu et il ne lui manquait plus qu’à convaincre ses compagnons d’armes.
    Ludivine et ses officiers voulurent justement en savoir plus sur ce gouverneur. Cela faisait une bonne vingtaine d’années qu’ils étaient en guerre contre lui. Wilona déploya une carte de la région et leur montra les villes et sites principaux. Cela les éclaira car ils disposaient de pix mais de moins bonnes qualité et enfin, ils purent établir une légende des différents lieux, mais aussi cartographier la région aux mains des rebelles, soit un tiers de la totalités des terres habitées. L’actuel gouverneur se nommait Hector Kane et tenait l’armée avec lui, notamment certains officiers de haut rang qui lui étaient totalement dévoués. Cependant, selon Wilona et ses hommes, il avait pris le pouvoir, un jour par la ruse et un tour de force avec l’aide de troupes, une vingtaine d’années plus tôt, remplaçant l’ancien gouverneur Gorden Ratshen, mort dans des circonstances non élucidées à l’époque. Elle-même était trop jeune et ne s’en rappelait pas, mais son père avait toujours eu des soupçons sur Kane qu’il suspectait être à l’origine de cet assassinat et avoir des liens avec des alliés secrets. Actuellement son père était retenu captif et elle tentait d’échafauder un plan afin de le libérer.

    Pourtant, l’histoire restait confuse, car à partir de la prise de pouvoir de Kane, les évènements changèrent sur Tartuga. Jusque-là, les habitants, vivaient dans l’espoir – encore faible - d’un retour de l’Imperium, même si certains redoutaient le pire, entendant que les Dieux Sombres avaient pris le contrôle et que Terra était tombée. Ils vivaient alors dans l’angoisse d’être découverts à leur tour pour finir massacré ou pire encore, finir entre les mains de xenos sadiques et buveurs d’âmes. Certains proches de Ratshen haranguaient les foules et leur intimaient de garder la foi.
    Malgré cela, des années de guerre, d’isolation et de doute, finirent par créer une dissension forte au sein de l’élite. Kane était sorti de nulle part, mais il profita de son charisme et d’une ère de trouble pour renverser le pouvoir au nom de la liberté et le tenir désormais par la terreur. Une chasse aux dissidents fut lancée, des purges furent menées, des opposants emprisonnés ou tués par milliers, en commençant par les voyants… les psykers. Avec les troubles ambiants, en cette ère troublée, leur nombre augmenta et des phénomènes inquiétants se produisirent, ajoutant à la panique au sein de la population. Les pro-Ratshen renforcèrent leur position autour de certaines villes et sites, mais avaient perdu du terrain et des ressources. Afin de compenser ces pertes, ils se réfugièrent pour la plupart dans des montagnes et lieux inaccessibles et facilement défendables. De son côté, Kane et ses troupes de choc disposaient de ressources et de moyens de pression sur le population qui, pour la plupart, se soumit au pouvoir en place.
    -Si je ne me trompe pas, vous avez donc un lien de parenté avec l’ancien gouverneur ? Lui demanda Ludivine.
    -Mon père surtout et donc oui… Moi aussi, naturellement. Mais c’est surtout lui, notre chef.
    -Et vous dites qu’il est retenu captif ?
    -Ils nous font croire qu’il est mort, mais nous savons que c’est faux.
    -Comment cela ?
    -Aerin le sait. Et je crois en elle. De plus, mon père sait des choses et je pense que Kane veut obtenir justement ces informations.
    -De quel genre ?
    -Du genre qui pourrait faire changer la nature de ce conflit. D’un côté ou de l’autre.
    -Vous m’intriguez, là….
    Wilona se pencha en avant.
    -Il y a quelques semaine, il a organisé une opération avec ses meilleurs hommes pour infiltrer le manoir de Kane. Mon père avait eu connaissance d’anciens réseaux de tunnels qui menaient jusqu’au palais. Il comptait s’y infiltrer, lui et ses hommes, afin d’éliminer Kane et sa garde.
    -Comment avait-il eu ces informations ?
    -Par son père, qui le tenait de son grand-père, ils ont trouvé ces tunnels et sont remontés jusqu’au palais, mais là, ils sont tombés dans une embuscade. Ils les attendaient et à présent ils les retiennent captifs.
    -Une trahison ?
    -C’est possible, mais je n’y crois pas. Ils savent bien souvent des choses à l’avance.
    -Comme vous et vos psykers ?
    -Exactement. Pourtant nous savons qu’ils les tuent.
    -Vous en êtes certaine ?
    -Aerin le ressent et cela la terrifie. Mais je la crois.
    Ludivine ne préféra même pas s’aventurer sur ce terrain-là, sachant que les psykers portaient de toute manière une terrible malédiction. Finir à bord d’un vaisseau-noir était la seule solution logique pour ces jeunes psykers et elle doutait que cela ne fut pas moins terrifiant au final. Tous les astropathes qu’elle avait croisé, étaient finalement des êtres brisés.
    -Où sont-ils captifs, au palais ?
    -Non, dans leur prison.
    -Où est-elle sur le plan ?
    Wilona lui indiqua une structure à l’est de leur position, à environ quatre-vingts ou quatre-vingt-dix kilomètres.
    -C’est une ancienne manufactorum qui a été reconverti.
    -Elle est défendue à l’extérieur ?
    -Oui, ils disposent de canons.
    -Quel genre de canons ? Automatiques ? Des armes anti-aériennes ?
    Wilona haussa les épaules et Ludivine échangea avec ses officiers. Ces derniers doutaient que les locaux disposent de telles armes étant donné que plus aucun aéronef n’avait volé depuis un siècle. Pourtant, il était fort possible qu’ils aient récupéré des batteries d’autocanons depuis les épaves des navires échoués. Elle préférait éviter les mauvaises surprises comme perdre des navettes et des hommes inutilement.
    -Nous tâcherons de nous renseigner, dans ce cas.
    Elle fit signe à Syulf de vérifier ce point avec l’équipe Obscurus qui devait se situer dans les parages.
    -Une idée de leurs effectifs dans cette prison ?
    -Au moins une quarantaine de gardes, je dirais. Peut-être plus.
    -D’accord.
    -Combien de vos combattants peuvent se joindre à cette offensive ?
    -Je dois en discuter avec nos hommes.
    -Votre père… Il dispose d’autres informations que juste une connaissance de quelques tunnels, je me trompe ?
    -Non, en effet. Il sait des choses.
    -Des choses ?
    -Il existe une base secrète d’avant la guerre. Seule une poignée de personnes était au courant à l’époque et ce secret est resté bien gardé.
    -Votre père a hérité de ce secret et Kane le sait ?
    -Il semblerait, oui.
    -Et si ce secret venait à tomber entre les mains de Kane ?
    -Alors c’en serait finit de tout ceci.
    Ludivine lui lança un regard interrogateur.
    -Cette base renferme des armes de destruction massive qui ne devaient plus jamais être utilisées. Des ogives nucléaires. Voilà pourquoi elles ne doivent pas tomber entre leurs mains…
    Ludivine échangea un regard interdit avec ses compagnons. Ces armes ne sont plus censées être utilisées par l’Imperium depuis des âges reculés, car elles ont, par le passé causées bien trop de destructions. Pourtant, bien utilisée, une seule ogive avait de quoi vaporiser un navire telle que le sien. Il allait falloir bien y réfléchir…
    Wilona l’observa pendant quelques instants depuis son regard sauvage.
    -Vous voulez attaquer cette prison, à vous quatre, c’est bien ça ?
    -Non, sourit Ludivine. Mais nous disposons de troupes et de navettes et pouvons les utiliser pour un assaut terrestre. De plus, nous avons deux autres équipes au sol dans la région, comme nous, en reconnaissance. D’ailleurs… Une de nos équipes devrait se trouver ici et nous avons perdu sa trace.
    Elle lui montra le dernier point où Uriah et son équipe devaient être.
    Wilona observa la carte et échangea avec ses hommes.
    -Cette zone est dangereuse. Elle se situe au niveau d’une forêt qui sépare nos deux frontières. Une de nos patrouilles est tombée dans une embuscade il y a quelques jours et nous savons qu’ils ont renforcés leur surveillance dans le coin. Vos hommes sont morts ou se sont fait capturer.
    -Et… Disons qu’ils se sont fait capturer ?
    -Il y a des chances. Les troupes locales vont vite comprendre qu’ils ne sont pas d’ici. Ils ont dû les emmener pour les interroger.
    -Ils les auraient emmenés où, selon vous ? A la prison ?
    -Ils auraient été capturé quand ?
    -Il y a cinq ou six heures, tout au plus.
    -Alors, je ne pense pas qu’ils soient à la prison dans ce cas. Elle est trop loin. Ils les y emmèneront peut-être, mais pas tout de suite. Là, ils doivent être à Vieille Garde.
    -C’est quoi ?
    -Une ville où ils ont une garnison.
    -Vous comptez y aller ?
    -On doit y réfléchir avant.
    -Combien de vos vaisseaux vont venir ici dans le ciel ?
    -Deux pour l’instant. Plus tard, sans doute plus.
    -Tout votre Imperium ?
    -Non, se mit-elle à sourire. Mais beaucoup de monde, je pense. Vous êtes combien d’habitants, en tout ?
    -Je ne sais pas vraiment.
    -Combien sont dans votre camp ?
    -Peut-être vingt-mille.
    -Et en face, par rapport à vous ?
    -Cinq fois plus, je dirais.
    -Donc, oui, plus de monde devrait venir.
    -Avec des vaisseaux ?
    -Oui, avec des vaisseaux.
    -Alors vous pourriez nous aider à reprendre le pouvoir…
    -On le pourrait, oui, mais avant cela, je vais avoir besoin d’en parler en privé avec mes hommes. Nous avons des décisions à prendre.
    -Je comprends. Nous devons en faire de même et savoir si nous acceptons de vous faire confiance.

    Ils les laissèrent seuls, à discuter alors que Wilona et ses hommes se retirèrent dans la salle d’à côté.
    Syulf en profita pour sortir la radio. L’heure du point vox approchait, aussi durent-ils prendre une décision mais très vite, ils tombèrent d’accord sur le fait de soutenir cette rébellion et de tenter faire pencher la balance en leur faveur. Selon Ludivine, il serait bien plus aisé de rétablir des autorités impériales avec une population déjà acquise. Malgré tout, ils ne disposaient pas de tous les éléments et Kane pouvait tout aussi bien être un gouverneur tout à fait acceptable s’il se soumettait aux lois impériales. Après tout, qu’avaient-ils à lui reprocher pour l’instant ?
    Syulf en profita pour effectuer le point vox. Obscurus leur répondit et confirmèrent leur position. Ils étaient en effet à quelques kilomètres de la prison et n’avaient toujours aucun contact avec l’équipe Primus ce qui commençait à inquiéter Ludivine.
    -Ils n’ont pas rejoint leur navette, il a dû leur arriver quelque chose…
    -Doit-on bifurquer au sud et nous diriger vers leur position, madame ? Lui demanda Säde, depuis le vox.
    -Combien de temps, il vous faudrait ?
    -Huit ou neuf heures, je dirais.
    -Et à combien êtes-vous de la prison ?
    -Deux, trois heures, tout au plus.
    -Vous avez croisé des patrouilles ou des engins lourds ? De l’artillerie ?
    -Nous avons vu des véhicules, oui. Des camions mais aussi des chariots. Des transports de troupes pour l’essentiel. Ils ont l’air de disposer d’artillerie aussi. Des canons mobiles.
    -Ils ont donc bien des véhicules et de la puissance de feu. D’accord, restez sur votre position, Obscurus, on vous recontacte d’ici vingt minutes pour aviser, terminé.
    Elle coupa la connexion et se tourna vers ses officiers.
    -On va devoir décider de la priorité à suivre, mais laisser l’équipe Primus entre les mains ennemies risque bien de tourner à notre désavantage. Ils vont savoir que nous disposons de vaisseaux.
    -En même temps, libérer leur chef et ses hommes nous donnerait aussi un avantage, ajouta Vesuvio. Ils connaissent le terrain et ont des informations cruciales, sans compter cette histoire d’ogives.
    -Nous disposons de combien de navettes ? En tout, demanda sœur Alexia.
    Syulf effectua un rapide calcul.
    -Seize en tout, en comptant celles du Morning Star. Quatre Aquila et douze Arvus. Nous sommes descendus avec deux Aquila, il en reste donc deux, et avec une Arvus, il en reste donc onze.
    -Elles peuvent embarquer combien d’hommes de troupes de marine en tout ?
    -Et bien, si on ne compte que celles restées à bord et que l’on en compte dix par Aquila et douze par Arvus, on arrive à cent-cinquante hommes environ. Vous voulez lancer un assaut terrestre ? Lui demanda le Sénéchal.
    -Et pourquoi pas ? Un assaut sur la prison et un autre sur Vieille Garde. Bien entendu.
    -L’idée me parait intéressante, mais je tiens à ce que ces rebelles y participent. Hors de question de n’exposer que nos hommes sur cette mission.
    -Nous pourrions lancer deux assauts successifs, dans ce cas, ajouta la sœur. Une première vague dépose une première partie des troupes, les navettes repartent en arrière, récupèrent le reste et les déposent sur zone. En plusieurs minutes d’aller-retour, je pense qu’on doublerait rapidement nos effectifs.
    -Avec la nuit, nous pourrions, en effet, planifier plusieurs assauts, ajouta Ludivine.
    -Oui, mais seul le premier aura l’effet de surprise, pas les suivants, compléta Vesuvio.
    -Qu’importe, on aura déjà la surprise et la puissance de feu, on devrait y arriver.
    Elle se tourna vers Syulf.
    -Recontactons l’équipe Obscurus et la passerelle, j’aimerai que l’on lance les préparatifs sans tarder.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/06/2024 à 18:47 Citer ce message

    Il leur fallut plusieurs heures pour collecter les troupes nécessaires et réunir les navettes en vue de préparer l’assaut. La cible prioritaire était le pénitencier, à quatre-vingt-dix kilomètres à l’est, là où étaient retenus des rebelles mais aussi le père de Wilona, Clovis Henborg. Selon elle, il aurait des informations sur un site secret où seraient dissimulées des armes anciennes de grande puissance. Il serait aussi informé de codes permettant d’accéder, entre autres, au champ de force protégeant le palais de l’actuel gouverneur. Et toujours, selon Wilona, toutes ces raisons faisaient que le gouverneur Kane comptait obtenir ces informations le plus rapidement possible. Si jusque-là les rebelles n’avaient pas été en mesure de le faire libérer, faute de moyens, à présent il en était tout autre. L’arrivée providentielle de la libre-marchande, de ses troupes et de ses navettes allait enfin faire pencher la balance en leur faveur.
    Ludivine et ses officiers se chargèrent de monter toute la stratégie pendant que les préparatifs techniques étaient en cours. Ils décidèrent de lancer deux opérations en quasi simultané, la première serait centrée sur le pénitencier où ils allaient y concentrer le gros des troupes, une centaine de rebelles, appuyés par une bonne cinquantaine de troupes de marines descendues spécialement du Daughter of Tempest. Ils comptaient avant tout sur une reconnaissance minutieuse du terrain, effectuée par les lieutenants Säde Lindholm et Edward Kenway. Les deux informateurs et leur groupe avait été redirigé sur place dans ce but. Une fois l’estimation des forces en présence, ils allaient devoir fournir le maximum de données au groupe d’assaut qui lui, arrivant en navette, aurait pour objectif de faire taire toute résistance comme l’artillerie, mais aussi de brouiller les communications et d’occuper les troupes au sol dans une tactique de diversion. Il s’agissait là, d’une véritable attaque commando visant un seul but : permettre à Ludivine et ses hommes, accompagnés de Wilona, de s’introduire rapidement dans la prison et en faire évader les prisonniers.
    L’autre groupe, lui, était composé essentiellement de troupes de marine qui devraient se rendre plusieurs kilomètres en amont, entre le bourg fortifié de Vieille-Garde et la Forteresse, là où le gros des troupes était cantonné. Une route reliait les deux sites avant de prendre vers l’est en direction de la prison. Mais avant de bifurquer, la route passait sur un pont. C’est donc là que les troupes allaient se positionner et piéger le pont, afin de ralentir toute arrivée de renforts. Enfin, Ludivine ne perdait pas de vu le fait qu’Uriah avait disparu et par la grâce de l’Empereur, sans doute était-il retenu captif dans les parages.
    Trois heures avant l’aube, Ludivine ordonna de déclencher l’assaut. A bord de navettes, filant en rase-mottes, ils lancèrent leur attaque. Le premier passage permit de faire taire une partie de l’artillerie à coup d’autocanons, puis de déposer les troupes. Le reste de l’attaque, prit les défenseurs au dépourvu et malgré une forte résistance, une partie d’entre eux prit la fuite, leurs escouades submergées par les assaillants. Une fois le gros des défenses hors d’état de nuire, ils concentrèrent leur assaut sur les poches de résistance retranchées. Ils subirent des pertes dans l’opération mais rien qui risquait de compromettre leur attaque. Ludivine et ses hommes en profitèrent pour suivre Wilona et un de ses hommes qui les guida vers une porte d’accès au bâtiment. Syulf parvint à la forcer sans le moindre mal et l’équipe, lui passant devant, s’engouffra aussitôt dans un vaste corridor. Là, quatre gardes armés de fusils tenaient leur position mais furent aussitôt chargés par l’équipe. Les soldats réagirent rapidement, employant leur baïonnette, préparés au fait que la prison subissait un assaut et un combat mortel s’ensuivit. Wilona et Vesuvio furent blessés mais ce dernier parvint à éliminer son adversaire en deux coups de sabre. Le premier lui fendit le casque en deux, lui labourant le crâne et le second coup lui ouvrit le torse. Celui qui venait de toucher Wilona allait se charger de l’achever mais Syulf fut plus rapide, pointant son fusil radiant d’assaut, il ouvrit le feu presqu’à bout portant. Le garde fut soulevé de terre alors que les trais de laser à pleine puissance, lui traversaient le torse, carbonisant ses organes en un instant et le tuant net, mouchetant de sang, le mur derrière lui. Les deux soldats restants se savaient submergés, ils allaient juste pouvoir tenter de gagner du temps. L’aide de camp de Wilona vint l’aider, voyant qu’elle était blessée. Vesuvio aussi, était bien plus blessé qu’il n’y paraissait, ayant cherché à dissimuler sa précédente blessure reçue tandis qu’ils étaient en forêt quelques heures plus tôt.
    A quelques kilomètres de là, les troupes de marines venaient de piéger le pont avec des charges de démolition et s’étaient répartis dans la neige de chaque côté des talus qui jouxtaient un petit bois, le long de la route, sur le bord d’une rivière. Au bout de quelques dizaines de minutes, tapis dans la neige, ils perçurent depuis leurs magnoculaires deux convois en approche. Le premier venant du sud et composé de deux camions devait se situer à guère plus de cinq cents mètres. Le second, descendant du nord n’était pas encore facile à distinguer mais se voyait déjà depuis les pentes qui descendaient vers la vallée. Ce convoi ne devait inclure quatre ou cinq camions, encore distant de deux kilomètres. L’officier qui encadrait l’unité, le lieutenant Hastings, effectua quelques signes en direction de son opérateur vox. Ce dernier lui passa le combiné.
    -Branchez-moi sur la fréquence de notre seigneur-capitaine, vite !
    -Oui, Monsieur.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 22/06/2024 à 13:32 Citer ce message

    Ludivine et son équipe éliminèrent les deux derniers gardes avant que ces derniers ne repartent donner l’alerte. Ils eurent cependant le temps de crier à l’aide avant que Vesusio embroche le premier et qu’Alexia ne tranche le bras du second, les laissant se vider de leur sang en rendant l’âme. Syulf et Alexia se chargèrent ensuite des blessures de l’équipe. Vesusio, sans que cela ne semble l’affecter, pissait le sang de partout et Wilona avait pris une blessure au bras, qui ne paraissait pas très sérieuse mais qui continuait de saigner. Ils trouvèrent un trousseau de clés sur un des gardes et s’en servirent pour débloquer une des portes, celle menant vers leur gauche. Ils pénétrèrent dans un couloir menant vers une autre porte un peu plus loin. Syulf l’ouvrit à son tour et comprit que cela donnait vers un bureau plutôt bien meublé. Il repéra des documents sur le bureau et s’y précipita mais ne prêta absolument pas garde à un adversaire dissimulé dans un coin et qui lui sauta dessus, lui assénant un coup de sabre. L’attaque était un peu improvisée et manqua cependant de précision, la pointe de la lame lui déchira tout de même le haut de la cuisse avec une sensation de brûlure fulgurante. Il se retourna, bien décidé à riposter à l’aide d’une des dagues ramassées sur un des gardes juste avant. L’adversaire en question devait être une sorte d’officier. Dans son autre main, il tenait un revolver qu’il pointa vers Syulf au moment où Vesuvio lui fonça dessus en le percutant de toute sa masse en lui plongeant son sabre monomoléculaire dans le torse jusqu’à la garde. L’homme bascula par-dessus son bureau et s’affala au sol avec un grand fracas. Le reste de l’équipe fit irruption dans la pièce à ce moment-là.
    Wilona et son second se mirent à échanger quelques mots dans leur langue alors que Ludivine leur pointa les documents épars.
    -De quoi s’agit-il selon vous ?
    Ils s’en saisirent et les parcoururent rapidement.
    -Liste prisonniers, leur répondit Wilona avec son fort accent. Lui, ici officier. Capitaine prison.
    Ludivine jeta un regard noir à Vesuvio.
    -On aurait pu l’interroger et en apprendre un peu plus si tu ne l’avais pas tué tout net.
    Ce dernier se contenta de hausser ses larges épaules.
    Elle reporta son attention vers les documents, cherchant le nom d’Uriah dans les listes mais ne le trouva pas.
    -Il y a le nom de votre père ?
    -Pas trouvé… Mais beaucoup documents.
    Syulf venait de trouver une pièce attenante dont il ouvrit la porte. Derrière se trouvait une sorte de remise emplie de bouteilles d’alcool et diverses fournitures sans plus d’intérêt. Il ressortit du débarras et se dirigea vers la dernière porte tandis que les autres terminaient d’inspecter le bureau et les documents. Au passage, il ramassa le sabre de l’officier, se disant que dans un tel lieu, cela pourrait être plus efficace à manier que son fusil radiant. Il ouvrit la dernière porte au moment où une horde compacte d’individus blafards et frénétique se jetèrent sur lui et ses compagnons, déferlant dans la pièce comme une vague submergeant une digue qui venait de céder.

    A des dizaines de kilomètres de là, Uriah et ses trois officiers se trouvaient à l’arrière d’un camion sécurisé qui roulait sur une petite route. Il ignorait où ils étaient précisément et encore plus où on les emmenait. On les avait sortis de leurs cellules, passé des menottes et mis une cagoule sur la tête afin qu’ils ne voient pas l’endroit où ils étaient. A l’arrière du camion, les gardes leur avaient retiré leur cagoule mais pas les menottes. Ils étaient tous les quatre assis sur un banc, séparés les uns des autres. Trois gardes armés étaient avec eux dans le compartiment qui paraissait blindé et doté de fines meurtrières en verre blindé. Il n’y avait aucune autre issue que le sas blindé par lequel ils avaient pénétrés dans ce compartiment. Le sas communiquait avec la motrice, la cabine de pilotage du camion, là où se situait le seul moyen d’entrée et sortie du véhicule. Là, se trouvaient trois autres gardes. Le chef de bord et deux hommes d’armes. Se libérer et sortir de là avec leurs menottes n’allait pas être simple pourtant, Uriah et la Brute étaient en train d’y réfléchir très sérieusement depuis les quelques dizaines de minutes depuis qu’ils étaient partis de leurs cellules. Et puis Kenway était un expert en combat autant qu’Altaïr était expert en technosciences, ils avaient donc des chances de leur côté.
    Avec un regard entendu, Uriah se tint prêt. La route était parfois traitresse et le camion subissait quelques soubresauts. La Brute tenta sa chance à ce moment-là et en profita pour se retourner et balancer ses deux énormes poings dans le visage du garde. Ce dernier se les pris en pleine face, ce qui fit craquer son nez et le projeta en arrière. Ce fut le signal qu’attendait le reste de l’équipe. Kenway se jeta littéralement en avant, fonçant droit sur le garde devant la porte. Il lui enfonça son genou dans le ventre, le forçant à se plier en deux et lui écrasa le visage sur son même genou. Sonné net, le garde s’effondra au sol. D’un geste expert, Kenway récupéra son fusil, le fit pivoter malgré ses mains menottées, colla fermement le canon sous le menton du garde et tira sans le moindre ménagement. La détonation, étouffée par le tir à bout touchant et par le bruit du moteur émit malgré tout un bruit sourd en plus d’une giclée rouge qui macula la paroi juste derrière le garde. Kenway arma la culasse et récupéra une broche métallique sur le corps du garde. En pliant l’épingle, il s’en servit alors pour chercher à se débarrasser de ses menottes. Il se doutait bien que les gardes depuis l’habitacle avant n’allaient pas tarder à rappliquer, aussi, allait-il devoir se mettre en position de tir le plus vite possible.
    Derrière lui, au fond du compartiment, la Brute venait d’achever son adversaire en lui ayant pris son poignard pour le lui enfoncer dans les côtes. Uriah et Altaïr mettaient plus de temps pour venir à bout du dernier aussi Kenway allait se hasarder de jeter un rapide coup d’œil dans leur direction, juste au moment où une violente déflagration secoua le camion, presque au point de le renverser. Durant un bref instant, ils eurent cette sensation irréelle de ne plus toucher terre. Tous se retrouvèrent projetés au plafond avec plus ou moins de force, jetés en l’air tels des fétus de paille avant de retomber au sol, l’instant d’après, comme des sacs de noix de cassam.
    La Brute était le seul à être encore conscient. Tous les autres étaient là, par terre, en vrac, pêle-mêle, complètement sonnés ou déjà morts. Par une des meurtrières, il vit qu’ils se trouvaient sur ce qui restait d’un pont, au-dessus d’une rivière en contrebas. Il y avait des flammes et le véhicule émettait des grincements sinistres.
    Il appela ses compagnons. Uriah et Altaïr répondirent mais visiblement encore groggy, comme le dernier garde. Kenway ne répondait plus et c’est là qu’il entendit une série de cliquetis venant du sas…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 27/06/2024 à 23:15 Citer ce message

    La Brute, un poignard à la main, ramassa un des fusils qui trainait sur le sol tandis qu’Altaïr et Uriah reprenaient leurs esprits. Il arma le fusil, avança et logea une balle en pleine tête du garde qui tentait, lui aussi de se relever.
    -Ils vont rentrer, leur dit-il tout en désignant la porte blindée située à l’autre bout du compartiment où ils se trouvaient. Altaïr, de son côté, venait de récupérer des clés sur le garde abattu. Il en profita pour se défaire de ses menottes puis lança les clés à Uriah.
    -Kenway ne bouge plus, annonça ce dernier.
    -Pas le temps de s’occuper de son cas, on a plus urgent, leur dit la Brute alors qu’il se dirigeait droit vers la porte.
    Celle-ci s’ouvrit d’un coup et des tirs fusèrent dans leur direction. La Brute avait à peine eu le temps de se mettre à couvert et se fit toucher par une balle qui lui effleura la cuisse. Uriah évita un tir de justesse mais les balles pleuvaient dans l’habitacle. Il parvint cependant à ramasser un autre fusil, profitant des banquettes en bois pour se mettre à couvert. Altaïr en fit de même. Ils allaient riposter tous les deux mais la Brute fonça et se jeta, malgré les tirs, sur leurs assaillants. Un poignard à la main et le fusil dans l’autre, tenu à l’envers comme une matraque, il frappa le premier garde de toutes ses forces, lui assénant un coup puis un second coup, manquant de briser le fusil en deux. Le garde, blessé et sonné, perdit l’équilibre et s’écroula dans la cabine,en plein sur le poste de conduite. Les deux autres réagirent aussitôt. Le premier planta un coup de lame sur la Brute tandis que le second se précipita sur les commandes de fermeture des portes et scella de nouveau le compartiment. La Brute se retrouvait ainsi piégé, face à deux gardes armés et leur troisième compagnon sonné et au sol.
    Derrière la porte, dans l’autre compartiment, Uriah et Altaïr venaient de se précipiter eux aussi vers les commandes d’ouverture mais ces dernières étaient à présent verrouillées, ce qui venait de les piéger dans l’habitacle.
    -On doit trouver quelque chose, n’importe quoi, lui dit Uriah alors que Kenway venait tout juste de reprendre ses esprits. Ils fouillèrent le compartiment et tentèrent de débloquer l’accès au sas mais en vain. D’un coup, avec une série de grincements sinistres, le véhicule et sa remorque se mirent à pencher vers avant, tout en avançant. Uriah jeta un regard via une des meurtrières.
    -Le pont devant nous a été détruit… La motrice est en train de pencher vers le vide !
    -A l’arrière, tous ! cria Altaïr. On doit faire contrepoids ! Ils sont quatre à l’avant, c’est ce qui nous déséquilibre !
    Ils se reculèrent mais d’un coup la porte du sas s’ouvrit de nouveau. La Brute était parvenu à se débarrasser brièvement de deux de ses trois adversaires et venait d’enclencher la rune d’ouverture. Uriah se précipita dans sa direction afin de l’aider mais la Brute le força à reculer car le surpoids était en train de faire basculer la motrice. De plus un des gardes venait de lui tirer dessus et la Brute lui évita de se prendre le tir. Uriah tira et recula, touchant le garde en question alors que la Brute se débarrassait du second au moment où le troisième lui fonçait dessus, dans un assaut désespéré.
    Un âpre combat dura quelques instants et la Brute eut même quelques frayeurs à un moment mais un tir bien placé d’Altaïr élimina définitivement son adversaire.
    En équilibre précaire, leur camion menaçait de basculer dans la rivière située quinze mètres plus bas, encore maintenu par les morceaux d’un pont qui risquaient de s’effondrer à tout instant. Ils reculèrent tous vers le fond de l’habitacle arrière puis la Brute tira les corps des trois gardes un par un et les ramena aussi à l’arrière. Enfin, Uriah avait repéré deux lourdes malles à l’avant et lui demanda de vérifier leur contenu. Il s’agissait bien de leurs armes et équipement. Tout était dedans. Tandis qu’il leur transférait leurs armes et armures, Kenway avait pris le temps d’étudier la situation.
    -Ce camion est équipé de roues motrices. Si je parviens à le redémarrer, nous devrions peut-être le désengager du pont en marche arrière.
    -Vous sauriez faire ça, lieutenant ?
    -Oui, c’est dans mes cordes, capitaine.
    -Alors, allez-y, sortez-nous de là avant que ce maudit pont ne nous entraine tous au fond de la rivière. Il fit signe à Altaïr en lui désignant le porte-vox. Contactons la passerelle du Morning Star, je veux savoir où en est la situation. Des gens ont fait sauter un pont et aux dernières nouvelles on devait parler au gouverneur de cette satanée planète.

    Pendant ce temps, Kenway s’installa seul au poste de pilotage et après une grande inspiration, lança les procédures d’éveil de la machine. Il enclencha la rune et le moteur démarra en crachotant. Il bascula la manette vers la marche arrière puis enfonça légèrement la pédale d’accélération, ce qui mit le moteur en branle ainsi que toutes les énormes roues motrices du véhicule. Jouant avec habileté entre l’accélération et le volant, il parvint à désengager le camion et à le faire reculer, le plaçant alors hors de danger. Il se fallut de peu qu’il ne manque sa manœuvre et risque de les faire basculer pour de bon. Uriah et les autres le félicitèrent. Il arrêta le camion un peu plus loin et ils prirent alors quelques minutes pour se rééquiper.
    -On sait où nous sommes ? Leur demanda Uriah.
    -Quelque part au nord, je dirais, lui répondit la Brute qui voyait que le jour était sur le point de se lever.
    -Le vox, ça donne quoi ?
    -Pas de réponse pour l’instant, lui dit Altaïr.
    -Continue d’appeler et cherche aussi à joindre Ludivine.
    Il entendit alors la voix de Kenway qui les appelait depuis la cabine. Il approcha. Ce dernier était parvenu à ouvrir l’écoutille de l’habitacle qui donnait sur l’extérieur. Un vent glacé s’engouffra dans la cabine.
    -Vous voyez quelque chose, lieutenant ?
    Kenway lui fit signe de ne pas s’exposer. Lui-même s’était reculé et scrutait l’extérieur, en parti à couvert.
    -J’ai vu du mouvement. Lui dit-il dans un murmure. Cent cinquante mètres, à onze heures. Derrière les gros rochers.
    -Des rebelles, vous pensez ?
    -Trop bien équipés, je ne pense pas.
    Uriah retourna vers l’habitacle et ordonna à la Brute et Altaïr de se hâter.
    -On a de la visite, prenez vos armes.
    Il revint au niveau de l’écoutille ouverte et interrogea Kenway du regard.
    -Troupes de marine, lui dit ce dernier.
    -Quoi ? Des hommes à nous ?
    -Ils portent les couleurs du Daughter of Tempest.
    -Les troupes de Ludivine ? Le Trône soit loué, mais qu’est-ce qu’ils font ici ?
    Déjà, Kenway venait de sortir du véhicule et plaça ses mains en l’air, bien en évidence.
    Un groupe de six hommes sortit du couvert et approcha, équipés d’armures carapace légères et de lourds fusils d’abordage. Il s’agissait bien des troupes de marine portant les armoiries des Frae Spinaiser.
    -Lieutenant Kenway, ne tirez pas ! Leur dit-il. Nous sommes du Morning Star.
    Un des marins ordonna aux autres de baisser leurs armes. Ils approchèrent. Ce dernier retira son casque.
    -Lieutenant Hastings, 3ème bataillon de troupes de marines de la maison Frae Spinaiser, compagnie Echo. Qui est avec vous ?
    Uriah apparut sur le seuil de l’écoutille.
    -Le Seigneur-capitaine Uriah Goldberg.
    Le lieutenant le salua, comme le reste de ses hommes.
    -Veuillez nous pardonner seigneur, nous n’avions pas reçu l’information que vous étiez dans les parages…
    -Que faites-vous ici, vous et vos hommes, lieutenant ? Le pont, c’était vous ?
    -A… Affirmatif. Mon unité est ici en reconnaissance et avait pour objectif de neutraliser tout envoi de renfort en direction du secteur Quatre. Voilà pourquoi nous avons pris l’initiative de faire sauter ce pont.
    Uriah plissa les yeux, peinant à comprendre à quoi jouait Ludivine.
    -Sur ordre de qui et pourquoi, par le Trône ?
    -Nous sommes ici sur ordre de la Seigneur-capitaine Frae Spinaiser. Un assaut est en cours actuellement et un convoi de renforts converge depuis le secteur Deux vers notre position.
    -Où ça, vous auriez une foutue carte ? Je ne sais même pas où nous sommes, là !
    Hasting activa une tablette qu’il portait sur l’avant-bras gauche et laissa apparaitre une carte de la région.
    -Nous sommes ici, au niveau de ce pont.
    -Le convoi est où par rapport à nous ?
    -A moins de six ou sept kilomètres au nord, sur cette route. Ils seront là d’ici dix minutes.
    -Et vous disiez qu’un assaut est en cours ? Où ça ?
    -A une trentaine de kilomètres à l’ouest, ici dans ce qui leur sert de pénitencier.
    -Pour quelle raison ?
    -Pour y libérer des otages, de ce que je sais.
    -La seigneur-capitaine Frae Spinaiser est-elle sur place ?
    -Affirmatif, Seigneur. Elle mène l’assaut avec une partie de nos troupes.
    -Eh bien, je propose que nous allions la retrouver dans ce cas. Elle pourra nous en dire plus sur cette situation.
    Hastings observa le camion blindé et sa remorque.
    -Le convoi est en approche, nous pourrions utiliser ce véhicule. C’est vous qui… ?
    -Oui, montez, nous étions en route pour parler diplomatie avec le gouverneur.
    Hastings monta à bord, faisant signe à ses hommes de le suivre. Il finit par trouver les corps des six gardes à l’arrière. Il releva un sourcil.
    -De la diplomatie, dites-vous ?
    -Oui. Une chance qu’il nous reste la violence, cela nous évite bien des palabres.
    -Je vois… Vous ne verrez pas d’inconvénient à ce que nous débarrassions les corps.
    -Non, faites, je vous en prie.
    Altaïr, depuis le porte-vox, attira son attention à ce moment-là.
    -Tu as pu joindre Ludivine ? Lui demanda Uriah.
    Altaïr secoua la tête.
    -Non, mais nous avons la liaison avec le Daughter of Tempest.
    Uriah s’entretint pendant quelques instants avec la lieutenant Vendenrisch sur la passerelle du Daughter qui lui confirma les dires d’Hastings mais sans pour autant parvenir à joindre la seigneur-capitaine Frae Spinaiser.
    Il coupa la connexion et demanda à Altaïr de joindre la passerelle du Morning Star. Pendant ce temps il demanda à tout le monde de monter à bord et indiqua à la Brute de prendre le volant assisté de Kenway. Il reporta son attention vers Hastings.
    -Le convoi qui approche, vous auriez une idée de ses effectifs ?
    -Huit camions, seigneur.
    -Une centaine d’hommes, donc ?
    -Au minimum, oui. Peut-être cent-cinquante.
    -Vous avez ses coordonnées, on va tenter de les arrêter.
    -Oui, je vous donne ça.
    Altaïr lui signala qu’il était en liaison avec la passerelle du Morning Star.
    -J’ai Djoko, en ligne.
    Uriah lui demanda de patienter et reporta son attention vers Hastings.
    -Transférez les coordonnées directement sur cette unité vox. Le lieutenant acquiesça. Uriah demanda le combiné à Altaïr.
    -Djoko, on te transmets des coordonnées, je veux un bombardement sur cette position, maintenant.
    -Reçu, cap’taine. Quelques minutes, le temps de calculer la solution de tir et de positionner les batteries et c’est comme si l’Empereur allait déchainer ses foudres.
    -Parfait, l’Empereur protège !
    Il coupa la connexion.
    -En route, pleine vitesse vers le pénitencier.
    Quelques minutes plus tard et à des kilomètres de là, ils virent soudain des traits de lumière incandescente tomber du ciel, tels des éclairs qui illuminèrent l’aube naissante. L’instant d’après, cinq kilomètres carré furent littéralement incinérés par un feu apocalyptique lâché par les batteries à plasma du Morning Star. Qu’importe qui se trouvait dans cette zone, personne ne pouvait survivre à un bombardement orbital.

    Une horde venait de déferler dans le bureau où ils se trouvaient et se jeta de manière frénétique sur chacun d’eux, sans la moindre raison apparente. Tous étaient décharnés et avaient l’air blafard, totalement dément, cherchant à mordre ou à étrangler toute personne se trouvant dans la pièce. Vesuvio, le souffle court, n’arrivait plus à bouger, sans doute en état de choc. Ludivine tira avec son pistolet à plasma et en manqua un de peu, Syulf ouvrit le feu avec son radiant d’assaut et en abattit deux, à bout portant, leurs torses transpercés de multiples trais d’énergie incandescente. Ils basculèrent à la renverse, sans un mot. Alexia trancha le bras d’un autre mais la horde continuait inexorablement d’avancer…
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/07/2024 à 19:36 Citer ce message

    Ils luttèrent durant des minutes qui semblèrent une éternité. Le chaos était total, dans une simple pièce de cinq mètres sur cinq, une quinzaine de forcenés, totalement déments, se jetèrent sur eux, renversant le mobilier, brisant tout sur leur chemin. Ils n’avaient ni armes ni armure et ne répondirent à aucune de leurs injonctions, continuant de se jeter sur eux, sans la moindre crainte pour leur vie. Alexia se mit à crier, alors qu’elle tranchait bras et têtes avec son épée tronçonneuse que ses assaillants cherchaient à lui arracher des mains.
    -Sorcellerie ! Ces prisonniers doivent être sous les effets du warp !
    -On fait comment pour les arrêter ? Cria Ludivine, qui continuait de tirer avec son pistolet à plasma, incinérant les uns à bout portant et tranchant les autres, de son sabre.
    Syulf, submergé et dans l’incapacité de se servir de son fusil radiant, le retourna afin de l’utiliser comme une matraque, frappant tout ce qui s’approchait de trop près. Vesusio se débarrassa, d’un coup de lame, d’un agresseur qui venait de lui sauter sur le dos. De son côté, le garde du corps de Wilona, la protégeait à coup de fusil. Chacun d’eux, eut toutes les peines du monde à éliminer leurs assaillants mais le déséquilibre était clairement en leur faveur même si certains des forcenés étaient parvenus à arracher les armes de certains, espérant les retourner contre eux. Mais en vain. Vesusio élimina le dernier, lui plantant sa lame dans le dos alors que ce dernier tentait de retourner le pistolet à plasma de Ludivine contre elle.
    Le carnage avait été total. Le bureau était jonché de corps et maculé de sang. Même Ludivine et son équipe étaient en nage, couverts de sang et haletants.
    -Il y aurait donc un psyker, ici ? Souffla Ludivine tandis que Wilona inspectait les corps, aidé de son garde.
    Alexia lui lança un regard où brûlait un courroux intérieur.
    -J’en ai la certitude.
    -Je croyais qu’ils étaient contre les psykers, ajouta Syulf.
    -Faut croire que non, compléta Vesuvio.
    -Ces hommes devaient être des prisonniers, lança Syulf qui inspectait les corps. Ils auraient donc été sous contrôle mental et nous avons dû les tuer alors qu’ils étaient sans doute innocents.
    Alexia vint se camper devant lui, tout en essuyant scrupuleusement sa lame tronçonneuse avec un morceau de tissu ramassé dans le bureau. Elle riva son regard dans le sien.
    -Nul n’est innocent, sénéchal. Et encore moins celui qui se laisse succomber aux maléfices du warp.
    -Espérons juste que le type que l’on cherche n’en faisait pas partie. Ajouta Vesuvio.
    -Pas être le cas, leur répondit Wilona avec son accent en désignant les corps. Lui pas ici.
    Ludivine désigna Alexia et Vesuvio en leur montrant la porte par laquelle les prisonniers étaient arrivés.
    -Passez devant et assurez-vous que le passage est clair, on doit le retrouver et vite.

    Leur progression dans un dédale de couloirs et de pièces les amena à traverser les quartiers des gardes, même si Vesuvio avait un doute, pensant être déjà dans celui des captifs. Pourtant les signes étaient là. Le réfectoire et les chambrées contenant des uniformes et quelques équipements, étaient sans appel. Ils progressèrent avec beaucoup de prudence et sans bruit, passant les portes et couloirs, les uns après les autres. Parvenus à un embranchement, Vesuvio proposa de diviser le groupe en deux.
    -Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de se séparer, lui dit Ludivine, dans un murmure.
    -Je pense que si. Ce couloir-ci et l’autre qui continue sur la droite, doivent se rejoindre vers une sorte de corridor central ou de sas qui doit communiquer directement avec la zone des cellules. Ils doivent avoir laissé un comité d’accueil, donc en les contournant, on aura une chance de leur tomber dessus.
    -Comment tu peux être sûr de ça ?
    -C’est comme ça que je le sens et que je mettrais ma stratégie en place, cap’taine.
    Elle se tourna vers Syulf.
    -Je prends à droite avec Vesuvio et Wilona. Tu prends le second groupe. On reste en liaison vox. Espérons que l’Empereur sera avec nous.
    Le sénéchal se contenta de hocher la tête et désigna Alexia et le rebelle pour qu’ils le suivent.
    -L’Empereur protège, ajouta la sœur famulus.

    Vesuvio emprunta le couloir et passa une porte, puis deux, toujours à l’écoute de ce qui se passait juste avant de les ouvrir. Ils progressaient le plus prudemment possible car il savait que l’alerte avait été donné dès leur arrivée et même si les combats faisaient toujours rage à l’extérieur, l’ennemi savait qu’ils étaient entrés. Leur microvox crachota. C’était Syulf.
    -On est devant une porte qui est barricadé. Il y a du monde derrière et…
    Un coup de feu claqua dans le microvox à ce moment-là. Il entendit Syulf riposter et la sœur faire jouer sa tronçonneuse. Syulf et les autres venaient de tomber sur des ennuis. Vesuvio ne chercha pas à attendre plus longtemps. Il mit un grand coup d’épaule dans la porte devant lui et déboula dans la pièce qu’il avait bel et bien anticipé, mais quatre gardes armés pointaient leurs armes, droit sur lui et ouvrirent le feu. Il évita une première balle mais se fit cueillir de plein fouet par la rafale d’une mitrailleuse légère. Le plastron criblé, il bascula en arrière et s’effondra au sol, au moment où Ludivine ouvrit le feu en criant, incinérant la tête d’un des tireurs d’un tir de plasma.

    Devant Alexia, la porte s’ouvrit violement et une langue de feu, crachée par un lance-flammes, menaça de tous les engloutir. Elle se jeta de côté, tandis que Syulf et le rebelle en firent de même, manquant de peu de finir incinérés.
    De l’autre côté, Ludivine continuait de faire feu et Wilona vint lui prêter main forte. Elle visa le porteur de lance-flammes qui s’apprêtait à se diriger vers ses autres compagnons pour les rôtir vivant. Il ouvrit le feu et visa son réservoir. Touchant pile dans le mélangeur. L’explosion la surprit autant que les gardes qui d’un coup, se retrouvèrent tous, enveloppés de flammes ardentes qui les consumèrent tandis qu’ils se mirent à hurler. La pièce s’embrasa aussitôt. L’un d’eux en réchappa et se précipita in extremis vers une autre porte, situé sur la droite de la pièce, il s’engouffra dans un couloir mais Ludivine, bravant les flammes, était déjà sur ses talons.
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    Illuminati

    le 12/07/2024 à 12:04 Citer ce message

    La libre-marchande ouvrit le feu et son tir de plasma le toucha entre les omoplates, l’envoyant au sol, le dos en partie brûlé. Alexia vint la rejoindre, couvrant à l’aide de son pistolet bolter, le couloir dans lequel elles progressaient toutes les deux, inspectant les pièces suivantes.
    Au niveau de la pièce centrale, Syulf et les deux rebelles étaient affairés à soigner les blessures de Vesuvio. Il avait été sérieusement touché mais l’archimilitant était un solide gaillard. C’était une chance car les impacts qu’il avait reçu dans son plastron, désormais ravagé, avaient dû lui fêler quelques côtes et lui laisser plusieurs plaies mais peu profondes. A sa place, un homme de plus faible stature aurait été tué tout net.
    Tandis que Syulf était en train de lui suturer ses plaies, une porte s’ouvrit dans un grand fracas et deux gros bras armés de longues haches se jetèrent sur eux en hurlant. Cela les déstabilisa pendant un instant, mais Wilona et son garde du corps abattirent le premier. Syulf évita un coup de hache de justesse et chercha à dégainer son pistolet laser alors que Vesuvio cherchait déjà à se relever. Finalement, le type à la hache restant, comprit que sa manœuvre désespérée venait d’échouer, face à quatre adversaires, il préféra s’enfuir par une seconde porte. Ils le suivirent mais ayant perdu du temps, le gros bras les distança. Ce fut Vesuvio qui, à peine remis de ses blessures, en trouvant des traces de sang à terre, parvint à le suivre dans un dédale de pièces pour finalement constater que Ludivine et Alexia qui venaient de les rejoindre par l’aile est, en face, lui avaient réglé son compte au passage.
    Tous se réunirent, inspectèrent les salles en question, trouvant des cuisines, des salles de repos, un petit librarium et une salle de torture ainsi que quelques cellules vides mais rien qui put les mettre sur la piste du père de Wilona. Ils rebroussèrent chemin et trouvèrent un autre passage. Là où le lance-flammes avait explosé et incinéré les gardes dans la même pièce, le feu avait fini par réduire à cause de la salle en pierre. Les corps calcinés de quatre ou cinq gardes se trouvaient là, dégageant une odeur absolument écœurante de viande brûlée. Les flammes leur avaient pourtant masqué la double portes qui se trouvait juste derrière et qui désormais était dégagée bien qu’encore léchée par quelques flammes résiduelles. Syulf se chargea du mécanisme complexe et parvint à l’ouvrir en quelques instants. L’accès débouchait bel et bien sur une vaste salle dont on accédait par des escaliers descendants tandis qu’un parapet entourait en surplomb toute la salle.
    Vesusio et Alexia comprirent rapidement que des hommes armés pouvaient s’y dissimuler et les attendre en embuscade, du moins c’est exactement ainsi qu’ils auraient procédé. En restant prudents, ils avaient eu aussi, la possibilité de se dissimuler derrière le début du parapet qui jouxtaient les escaliers. Ainsi, si l’ennemi était embusqué à l’autre bout de la salle, de la même manière, ils allaient au moins bénéficier d’un solide couvert. Tous d’eux allèrent s’y dissimuler, le plus discrètement possible, aussitôt suivis de Ludivine et Syulf. Wilona et son garde restèrent en arrière, dans la salle, décidant de couvrir leurs arrières car des gardes ennemis pouvaient parfaitement arriver depuis leur dos, à cause du dédale dans lequel ils avaient évolué.
    A peine Ludivine et ses officiers furent-ils en position, dissimulés derrière le muret en lithobéton qu’ils ressentirent une forte vague d’électricité statique jaillir autour d’eux tandis que des volutes violacées les enveloppèrent. Totalement pris au dépourvus, ils se mirent à suffoquer, privés soudains d’oxygène. Alexia, en tant que sœur de la Sororitas, identifia immédiatement ce sale tour comme étant le sortilège impie employé par un sorcier. Elle raffermit sa prise sur son chapelet et son pistolet bolter et entama une litanie de détestation, afin de la protéger des effets méphitiques du warp.
    Tous vacillèrent tandis que des tirs se mirent à claquer et à fuser dans leur direction, criblant les balustrades en pierre derrière lesquelles ils s’étaient retranchés, faisant voler des éclats en tous sens. Les tirs risquaient peu de les toucher mais ils les forçaient au moins à rester bloquer là. Au bout de quelques instants, toujours sous un feu nourri, Ludivine riposta et en toucha un à deux reprises, de tirs de plasma, le mettant aussitôt hors combat. Syulf, Vesuvio et Alexia tirèrent à leur tour, mais à part gaspiller des munitions, ils ne parvinrent pas à atteindre le moindre tireur. Un tir bien placé toucha pourtant ce qui ressemblait à un psyker mais ce dernier n’était qu’une illusion créée par le warp. Le sorcier lança un nouveau sort et cette fois-ci, Vesuvio, déjà affaiblit, succomba à ses effets. Ses yeux se mirent à luire d’un reflet violacé alors qu’il se retournait et tenta d’embrocher sa propre seigneur-capitaine qui pivota de justesse mais se fit entailler le bras. Elle allait tenter de le maitriser mais Vesuvio se prit une balle perdue qui le toucha dans le dos. Il s’écroula, en perdant connaissance. C’est là que Ludivine succomba à son tour aux maléfices du sorcier. Perdant le contrôle de sa propre volonté, elle se tourna vers ses compagnons.
    -On se replie, maintenant !
    Elle empoigna Vesuvio, toujours au sol et entreprit de le tirer afin de le mettre à l’abri, dans la salle où Wilona et son garde étaient toujours. Ils vinrent l’aider. Alexia se replia à son tour et finalement, Syulf fut le dernier à sortir, tentant un ultime tir sur le sorcier mais le manqua de peu. Il pesta puis ressortit au moment où ses compagnons activaient le lourd mécanisme afin de refermer les double portes derrière eux.
    A peine furent-il à l’abri que Ludivine, les yeux brillant d’un éclat peu naturel, pointa son pistolet à plasma sur Syulf et tira. Ce dernier évita le tir de justesse, alors qu’Alexia lui sauta dessus afin de la maitriser, il vint l’aider et tous deux purent la désarmer et l’immobiliser.
    -Vous pouvez tenter quelque chose ? Cria Syulf à l’attention d’Alexia.
    -Elle est sous les effets d’une puissante sorcellerie, à part la maitriser, je ne peux rien faire de plus. Le seul remède en ma possession est de faire brûler ce sorcier. C’est la seule façon de mettre fin à ce sortilège !
    -D’accord, je la tiens en attendant, lui dit-il tandis qu’il récupérait les menottes que portait toujours Vesuvio à sa ceinture. Tâchez de nous remettre sur pieds notre archimilitant. On va avoir besoin de lui.
    Tandis que Suylf menottait leur capitaine et qu’Alexia déballait le médikit et traitait l’énième blessure de Vesuvio, leur microvox vibra. Uriah et son équipe étaient en approche et cherchaient à joindre Ludivine. Ils venaient de rejoindre les troupes de marine qui avaient sécurisé l’extérieur du pénitencier où une forte résistance les avait retardé. Ils durent combattre des gardes mais aussi des dizaines de prisonniers évadés et apparemment rendus totalement fous furieux. A présent la situation était sous contrôle et les gardes, tués ou capturés. Quant aux prisonniers, aucun n’avait pu en réchapper.
    Suylf prit la communication et leur donna leur position, expliquant la situation critique dans laquelle ils étaient. Uriah et ses hommes, encadrés des fusiliers du lieutenant Hastings vinrent les rejoindre. Ils demandèrent une évacuation medicae pour Vesuvio et sécurisèrent les salles et couloirs du pénitencier en envoyant plusieurs groupes de leurs troupes. Ludivine avait perdu connaissance et un medic vint la prendre en charge sous l’œil attentif d’Alexia.
    Hastings reçut une confirmation vox de ses chefs de groupes. Il se tourna vers Uriah.
    -Seigneur Goldberg, mes hommes viennent de me confirmer que le bâtiment est désormais sous contrôle. Il n’y a plus un seul ennemi en vie.
    -Et le sorcier, vous l’avez trouvé ? Lui demanda Alexia avec impatience.
    -Négatif, ma sœur. Il n’y a plus personne debout dans ce bâtiment à part nous.
    Cette dernière poussa un juron, frustrée de ne pas avoir sa vengeance. Elle croisa le regard d’Uriah.
    -Vous disiez que les troupes gouvernementales combattaient les psykers, c’est bien ça ?
    -C’est du moins ce qu’ils nous ont affirmé.
    -Alors, ils se sont bien foutus de vous, sauf votre respect.
    Hastings venait de recevoir un autre message vox. Il attira l’attention d’Uriah.
    -Seigneur, un homme a été retrouvé en vie. Un prisonnier apparemment. Il était passé pour mort.
    -Retrouvé où ?
    -Dans une cellule.
    -Soit le warp ne l’a pas touché, soit il se joue de nous, lâcha Alexia.
    Uriah hocha la tête.
    -Dites à vos hommes de sécuriser la zone, il doit être considéré comme potentiellement dangereux.
    Il désigna la Brute, Altaïr, Kenway mais aussi la sœur.
    -Venez avec moi, lui, on va devoir l’interroger.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/07/2024 à 21:13 Citer ce message

    Ludivine avait repris tout juste ses esprits et n’avait aucun souvenir de ce qui venait de lui arriver durant ces dernières minutes. Ils étaient tous à l’extérieur du pénitencier, face à une véritable scène de guerre. Alentours, des dizaines de corps gisaient dans la neige rougie par le sang. Les corps de soldats locaux dans leur uniforme gris-bleu, reposaient parmi les carcasses de canons de défense, encore fumantes et les dépouilles des prisonniers, abattus sur place. Plusieurs escouades des troupes de marines tenaient le périmètre alors que certains des soldats s’occupaient des blessés. Säde et son équipe étaient à l’intérieur avec quelques fusiliers, à la recherche de la moindre menace ou de survivant. Ils s’assurèrent notamment de retrouver le psyker mais n’en trouvèrent aucune trace. Selon sœur Alexia il était probable que ce dernier se soit servi de maléfices du warp pour s’enfuir.
    Les équipes d’officiers d’Uriah et de Ludivine se répartirent les ordres puis commencèrent à échanger sur les derniers évènements, afin de recouper leurs informations.

    Ludivine venait tout juste de se remettre du dernier contre coup psychique, elle secoua la tête et se releva en voyant Uriah, un peu plus loin et en oublia instantanément tout le reste. Elle courut vers lui et se jeta dans ses bras, pressant sa tête contre sa poitrine en le serrant fort contre elle.
    -Loué soit le Trône, je te croyais mort !
    Uriah, quelque peu surpris, eut un moment d’hésitation avec un petit sourire, cherchant à reprendre son souffle.
    -Mort ? Par le warp, à me serrer aussi fort, c’est sûr que je risque bien de le devenir !
    Elle releva son regard vers le sien, avec une petite moue désapprobatrice.
    -Je m’inquiétais pour toi, idiot. Ce bombardement à l’ouest, c’était bien toi, non ?
    Il eut un geste désinvolte de la main.
    -Une petite armée allait t’arriver dessus. Que veux-tu, que ne ferait-on pas par amour ?
    Elle jeta un regard à la Brute qui était couvert de bandages tâchés de sang. Altaïr était blessé lui aussi.
    Elle posa un baiser sur les lèvres d’Uriah.
    -Tu es bien conscient que l’on vient d’ouvrir les hostilités sur Tartuga ? Lui dit-elle dans un murmure. On vient de leur déclarer la guerre.
    Il observait les hommes en armes qui étaient autour de Wilona, un peu plus loin.
    -On dirait bien. Je vois que tu as pris le parti des rebelles. J’imagine que tu as une bonne raison ?
    -Eh bien, n’étaient-ce pas les troupes du gouverneur qui vous retenaient prisonniers ? Au moins ces gens ne nous ont pas attaqué.
    -J’étais sur le point de négocier avec ce gouverneur, justement.
    -Ah oui ? Tu l’as rencontré ?
    -Pas exactement, mais j’étais sur le point de le faire.
    Elle se recula brusquement, les sourcils froncés.
    -Eh bien parfait, désolée de t’avoir interrompu en plein dans tes négociations ! J’imagine que bombarder toute une région faisait partie de ton arsenal diplomatique !
    -Je te l’ai dit… On… Oui, ils ont cherché à négocier avec nous mais en route, nous sommes tombés sur tes troupes et… et de toute façon, les hostilités étaient déjà engagées. Juste que…
    -Que quoi ?
    -Que toute cette affaire prend soudain des proportions totalement inattendues. J’ignore encore laquelle de ces deux factions pourrait être encore loyale à l’Imperium.
    -Tu en doutes ? lui dit-elle, d’un ton plus adouci.
    Il riva son regard dans le sien avant de répondre, faisant un petit geste vers les rebelles.
    -Ce monde est longtemps resté isolé. Rien ne nous garantit qu’aucune de ces factions n’ait l’intention de nous être loyale. Si elles devaient présenter la moindre menace, il serait alors de notre devoir de nous en assurer.

    Ludivine resta songeuse tandis que Wilona était justement en train d’approcher, accompagnée du seul rescapé. Un vieil homme blessé qui venait d’être pris en charge par un medic des fusiliers. Il marchait en boitant, aidé d’une canne. Elle sourit à Ludivine et Uriah en approchant.
    -Uriah, je te présente Wilona, c’est elle et ses hommes que nous avons rencontré à l’est, dans la ville qui s’appelle la Porte de Fer.
    Wilona les salua.
    -Je vous présente mon père… Il a survécu grâce à vous.
    Le vieil homme leur sourit à son tour et s’exprima dans un bas gothique, presque sans accent, contrairement à sa fille.
    -Merci à vous. Je me nomme Clovis Henborg et je suis le chef de cette communauté. Ma fille me dit que vous êtes des… Libres-marchands. Vous venez d’où ?
    -De l’Imperium, lui répondit Uriah. Je suis le seigneur capitaine Uriah Goldberg et voici ma compagne, le seigneur capitaine Ludivine Frae Spinaiser.
    Henborg inclina légèrement la tête en signe de salut.
    -L’Imperium ? C’est incroyable… Nous qui pensions que l’Imperium n’existait plus, voilà qui est inespéré…. Des libres-marchands ? Je n’avais encore jamais vu de libre-marchand. Des marchands et des voyageurs donc… Vous avez donc un vaisseau avec vous ?
    -Absolument, il est en orbite, s’empressa de répondre Uriah, omettant volontairement de mentionner le fait qu’il y en avait deux. Ludivine joua le jeu.
    -Je vous dois la vie, continua le vieil homme, mais avant cela… Nous ferions bien de ne pas trop tarder, des renforts risquent d’arriver.
    -Certains étaient en route, en effet, mais n’ayez crainte, ils risquent d’être, quelque peu retardés, répondit Uriah.
    -D’autres viendront dans ce cas. Ils sont nombreux. Je vois que vous disposez de véhicules… Des engins volants aussi…
    -Nous pourrions repartir en orbite.
    -Je pensais à autre chose.
    Uriah l’interrogea du regard.
    -Il existe un endroit secret quelque part dans les montagnes. Un endroit capable de mettre fin à tout ceci. Mais il nous faut faire vite.
    Ludivine se tourna vers Uriah.
    -Wilona m’en a parlé. Ils disposent d’armes restées dissimulées depuis des lustres.
    -Pourquoi ne pas les avoir employées dans ce cas ? s’étonna Uriah envers le vieil homme.
    -Parce que personne ne sait exactement ce que c’est…
    -Et pourquoi maintenant ?
    -Quel autre moment, dans ce cas ?
    Uriah tourna son regard vers Ludivine, l’interrogeant du regard. Elle aussi, possédait ce mélange de curiosité et d’étonnement.
    -Et où se trouve cet endroit ? Dit-il à Henborg.
    -Dans un temple, dans la montagne.
    -Un temple ? C’est ce que les hommes du gouverneur cherchaient à découvrir en vous interrogeant, c’est bien cela ?
    -C’est exact.
    -Et y sont-ils parvenus ? Ils connaissent cet emplacement à présent ?
    -Aucunement.
    -Ils disposent de psykers, c’est bien cela ? L’un d’eux vous a interrogé, non ?
    -Oui, mais ils n'y sont pas parvenu, vous êtes arrivés à temps apparemment.
    -Je croyais que le gouverneur était contre l’emploi de psykers.
    Henborg eut un petit rire.
    Uriah n’ajouta rien mais resta perplexe. L’homme était le seul survivant et comme par hasard, il était aussi le seul à connaitre ce fameux temple, empli d’armes merveilleuses. C’était presque trop beau pour être vrai, pourtant le vieux avait l’air sincère mais Uriah allait avoir besoin du regard avisé de ses officiers, rompus eux aussi aux techniques de roublardise.

    Avant d’embarquer dans la navette Aquila, en compagnie de Ludivine et de son équipe, Uriah eut le temps d’échanger brièvement avec La Brute et Altaïr. Ils restaient perplexes, pourtant tous étaient curieux de voir ce que se cachaient dans les cryptes de ce temple. Sans être entièrement confiants, ils décidèrent cependant de suivre Henborg et sa fille. Aucun ne parvint à savoir si le vieux disait vrai ou non. Il paraissait sincère.
    Säde, le reste des troupes et les rebelles se répartirent entre les navettes restantes et le camion. Les troupes restantes allèrent à pied. De toute manière, il était aussi question d’aller récupérer les trois navettes initiales avec lesquelles les premières équipes s’étaient posé la vielle. Ce fut le cas d’Uriah. La navette de Ludivine les déposa au sud de leur position, à moins d’une centaine de kilomètres de là, ce qui fut assez rapide en navette. Là, ils purent retrouver leur propre aéronef et chaque groupe redécolla afin de faire route, ensemble en direction de l’immense chaine montagneuse de Terminus Mons, plus au nord. La neige venait de se remettre à tomber et la visibilité chuta de nouveau, malgré l’aube qui pointait son regard timide.
    En moins d’une heure, ils furent en survol de la chaine montagneuse qui culminait à plus de trois mille mètres d’altitude. L’air était glacial et le blizzard faisait trembler les appareils. Henborg leur donna pourtant les indications et des coordonnées précises qui donnaient sur une sorte de plateforme aménagée au sommet d’une des montagnes.
    -Quel genre de temple est-ce là ? Des prêtres officiaient ici ? Le questionna Altaïr.
    -Des prêtres, oui.
    -Et à quoi ressemblaient-ils, ces prêtres ?
    -Je l’ignore, je ne les ai jamais vu. Ce temple est bien plus vieux que moi.
    -Et ils vénéraient qui ?
    -Des machines.
    Le sénéchal hocha la tête, voyant que ces compagnons pensaient la même chose que lui. Si un temple du Mechanicus était dans le coin, ils pouvaient s’attendre à tout et à l’importe quoi.

    Les deux navettes parvinrent à se poser sans trop de difficulté malgré les conditions météo plutôt mauvaises. Ils analysèrent la structure à l’aide de leurs auspex mais ne trouvèrent pas le moindre signe de vie. Uriah et ses hommes sortirent, accompagnés de Henborg et sa fille. Ludivine vint les rejoindre, suivie, elle aussi de son équipe.
    -On s’organise comment ? Lui demanda-t-elle.
    Uriah la prit à part et attrapa Kenway au passage.
    -Je n’ai pas confiance en ce vieux. On va entrer avec lui dans ce soi-disant temple. Vous deux, je veux que vous couvriez nos arrières.
    -Quoi ? Je reste ici, avec les navettes ? Fulmina Ludivine.
    -Non, on ne sait jamais ce qui pourrait se passer. J’aurai besoin de toi, si on doit être exfiltrés rapidement ou si nous avons besoin de tirs de soutien. Tous les deux, prenez les Aquilas et restez dans les parages discrètement, à portée de vox.
    Elle lui posa un baiser sur les lèvres et hocha la tête, un peu moins certaine à présent des tournures que prenait la situation. Kenway se dirigeait déjà vers leur navette. Uriah se dirigea alors vers l’entrée qui se trouvait sur une petite plateforme en lithobéton qui ressemblait à un bunker accolé à la paroi de la montagne. Henborg, sa fille, mais aussi Altaïr et la Brute les y attendaient.
    -Les autres ne viennent pas ? Demanda Altaïr.
    -Non, pas besoin d’être aussi nombreux.
    Il se tourna vers Henborg.
    -On vous suit.
    Ce dernier se dirigea vers un boitier situé sur le côté d’une lourde porte blindée. Il souleva un capot qui dévoila un pavé numérique surmonté d’un crâne enchâssé dans le panneau. Un de ses yeux était une rune rouge. Henborg tapa une séquence de chiffres et attendit quelques instants. La rune passa alors au vert puis un grondement commença à s’entendre depuis la porte qui coulissa en grinçant. Henborg eut un petit rire et entra dans un vaste hall depuis lequel des lumens au sodium s’enclenchèrent, éclairant l’intérieur d’un vaste hangar où se trouvaient des rails, des engins de levage et une sorte d’élévateur. Le tout était ancien, vieux sans doute de plusieurs siècles mais apparemment toujours en bon état, malgré la patine du temps et la couche de poussière et de givre qui recouvraient tout. Il se dirigea vers la gauche, en direction d’une volée d’escaliers en métal, suivi de sa fille, qui elle, paraissait tout bonnement émerveillée par tout ce qui l’entourait.
    -Vous connaissiez le code d’accès ? Comment ? Lui demanda Uriah.
    Henborg eut un geste désinvolte.
    -Un ancien héritage. J’avoue que je n’y croyais pas véritablement jusqu’à maintenant. Nous devons descendre, leur dit le vieil homme.
    -Attendez ! Lui dit Uriah. Nous n’avons pas inspecté tout ce niveau.
    -Un hangar technique, rien de plus. Le plus intéressant est en bas, croyez-moi.
    Déjà la Brute était parti inspecter une autre pièce, dévoilant un simple atelier. Uriah fit mine de ne pas entendre Henborg. Il attrapa Altaïr à part.
    -Ce code, dis-moi que tu l’as noté !
    Altaïr se contenta de lui retourner un large sourire. Uriah lui tapota l’épaule en retour. Ils suivirent Henborg et sa fille qui étaient déjà dans les escaliers, en train de descendre. Ils les rejoignirent au niveau inférieur, une vingtaine de mètres plus bas. La salle où ils se trouvaient donnait sur un couloir d’un côté, une grande porte blindée en face et une volée d’escaliers de l’autre qui descendait encore plus bas.
    Uriah et son équipe cherchèrent à ouvrir la porte blindée mais en vain.
    -Inutile de perdre du temps. C’est en bas que ça se passe, leur dit Henborg qui déjà se dirigeait vers les autres escaliers.
    -Attendez… On devrait d’abord sécuriser ce niveau, on ne sait jamais. Lui dit Uriah.
    -Inutile, il n’y a plus personne ici depuis longtemps. Vous l’avez vu sur vos augures. Et s’il y avait eu du monde, il nous aurait déjà accueilli dès l’entrée, non ?
    -On préfère s’en assurer.
    -Bien, parfait. Je vous laisse inspecter. Nous, on descend, c’est en bas que ça se passe.
    Uriah et ses deux officiers se jetèrent un regard perplexe, les voyant disparaitre dans les escaliers. Pendant ce temps, Altaïr leur montra une série de runes peintes sur la porte.
    -Vous avez vu ça ?
    -C’est quelle langue ? Lui demanda Uriah.
    -Techna Lingua. C’est bien un complexe du Mechanicus.
    -Tu saurais la déchiffrer ?
    -Malheureusement, non. Il nous faudrait Argentus pour cela.
    -Bon, on verra plus tard, j’ai pas envie de laisser les deux autres seuls en bas, je ne sais pas ce qui peut se passer.
    Ils les rejoignirent, à nouveau une vingtaine de mètres en-dessous. Henborg venait de s’engager dans un couloir, sourd aux suppliques d’Uriah qui décida finalement de le suivre. Le vieil homme entra dans une vaste salle et les appela, toujours en compagnie de sa fille. Ils entrèrent, voyant un ensemble de cylindres rouillés et de vieux containers posés le long des murs. L’ensemble ressemblait à un vieux stock au rebus, guère plus. La Brute et Altaïr se mirent à les inspecter de plus près et attentivement, soudain perplexes, ne voyant absolument rien d’exceptionnel ni même d’intéressant dans cette salle. Au bout de quelques instants, Uriah se tourna vers Henborg pour avoir des explications mais ne le trouva pas, pourtant la salle ne faisait guère plus de trente mètres carrés. Il se tourna vers Wilona qui semblait un peu perdue, observant tout avec la plus grande attention.
    -Votre père, où est-il ?
    Elle se retourna, étonnée.
    -Hein ? Il doit être là… Il était ici, il y a juste un instant.
    Les autres se mirent aussitôt en alerte, se dirigeant vers la porte située derrière eux mais réalisèrent qu’elle était déjà fermée et verrouillée.
    -Il nous a bien eu ! Pesta la Brute qui flanqua un grand coup de poing dans la porte.
    -J’en étais sûr, il nous a doublé, lâcha Uriah.
    -Attendez… Ce n’est pas possible, mon père ne ferait jamais cela.
    -Est-ce bien votre père au moins ? Lui dit Altaïr qui déjà, cherchait à trouver le boitier électrique de la porte.
    -Comment cela ? Je connais mon père quand même…
    -Oui, mais peut-être est-il lui aussi sous l’emprise d’un sorcier ? Lâcha Uriah.
    -Ou peut-être qu’un sorcier l’a tué et a pris sa place, ajouta la Brute.
    -Mais vous êtes horribles ! Cria Wilona.
    -Le fait est qu’il est en train de nous doubler. Uriah se tourna vers la Brute mais ce dernier était déjà en train d’utiliser le vox mais en vain. Au bout de quelques instants pourtant, Altaïr parvint à créer un court-circuit, contournant au moins quatre règles majeures prohibées par le Mechanicus. La porte s’ouvrit péniblement, en chuintant, indiquant clairement sa réprobation envers une telle transgression des lois mécaniques. Altaïr s’en moquait allégrement, ils avaient plus urgent à gérer que les états d’âme de l’esprit de la Machine.
    -Suivez-moi, on remonte. Tâchez de voxer tout de suite les navettes, je veux qu’elles nous rejoignent et se tiennent parées à toute éventualité.
    Ils remontèrent jusqu’au hangar, au tout premier niveau mais ne trouvèrent nulle trace de Henborg, là aussi.
    -Il est encore à l’intérieur, lâcha Altaïr. Pendant ce temps, Wilona n’arrêtait pas d’appeler son père avec une certaine inquiétude.
    -Les navettes approchent, ajouta la Brute.
    -Qu’elles lancent un contrôle auspex, je veux savoir où il est et ce qu’il trame. S’il active quoi que ce soit, on va devoir le découvrir. Et tâche de contacter Djoko, qu’il place le Morning Star en approche, pareil pour le Daughter of Tempest.
    Au bout de quelques instants, sourds aux appels de Wilona, ils reconnurent la voix de Kenway dans le vox, tandis que les deux navettes Aquila étaient en visuel.
    -J’ai un pic d’activité énergétique sur les retours auspex, vous avez activé quelque chose ?
    Uriah prit le combiné.
    -Quel genre d’activité ? Que disent les augures ?
    -Un instant… Je recalibre les mesures… Il y a un pic de radiations en augmentation rapide.
    -Il va lancer des ogives nucléaires, cria Uriah. Vite, que nos navires se tiennent hors de portée. Kenway, posez la navette et rejoignez-nous. Ludivine, restez hors de portée. On redescend, on va devoir arrêter ce fou furieux.
    -J’ai un appel du lieutenant Säde Lindholm, ajouta Kenway. Elle cherche à vous joindre depuis tout à l’heure. Son message n’est pas très clair… Elle dit qu’ils ont retrouvé et identifié le corps de Clovis Henborg parmi les prisonniers. Dois-je lui demander une confirmation ?
    Pour toute réponse, Uriah vit soudain les yeux de Wilona qui se mirent à luire d’un éclat violacé tandis qu’elle pointait son revolver droit vers son visage.

    Sa voix n’était plus la sienne, mais celle d’Henborg, ou du moins, de celui qui se faisait passer pour Henborg. Grave, avec un léger accent trainant et rocailleux, impossible à identifier, bien qu’en bas Gothique. Cette voix contrastait totalement avec la jeune femme qui les prononçait, très certainement malgré elle.
    -Grace à vous, je viens d’activer une douzaine de sites de lancements, dit la voix. Tous répartis sur différents points du continent. Ces sites sont tous programmés pour lancer plusieurs ogives et actuellement, elles sont verrouillées sur vos navires, en orbite. Ces derniers pourront vous le confirmer. Il était vain de chercher à nous dissimiler les intentions de votre Imperium belliciste, capitaine Goldberg. Nous les avons parfaitement devinées. A présent, vous allez faire exactement ce que l’on vous a proposé et suivre nos ordres. Si vous ou vos navettes deviez tenter quoi que ce soit d’hostile, nous serions contraints de les détruire et d’ouvrir le feu sur vos navires et croyez-moi, peut-être éviteront-ils deux ou trois ogives mais pas une dizaine en même temps. Les anciennes épaves qui jonchent ce continent, sont le preuve que nous ne plaisantons pas.

    Depuis le couloir, une des portes automatiques s’ouvrit. Wilona, d’un geste de son revolver, leur intima d’avancer.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 22/08/2024 à 20:12 Citer ce message

    Uriah chercha à dégainer son pistolet à plasma mais quelque chose brouilla soudain ses pensées, il vacilla. Il tenta de bredouiller quelque chose, tandis que ses trois officiers l’interrogeaient du regard. Altaïr était prêt à intervenir mais soudain, Uriah se redressa et leur indiqua de le suivre. Il passa devant, la tête un peu comme dans du brouillard. Il ne comprenait pas pourquoi il avançait dans le couloir, mais il savait juste qu’il devait le faire. Les autres le suivaient et la Brute vint se tenir à sa hauteur.
    -On fait quoi, là ?
    -Suis-moi… On verra bien…
    Le couloir les mena vers un grand librarium, aux étagères emplies de livres anciens, du sol au plafond. Altaïr n’eut pas le temps de s’y attarder, Wilona continuait de leur demander d’avancer, ce qu’ils firent. Ils traversèrent le librarium qui les conduisit vers une pièce suivante où trônait en son centre, un vaste appareillage ésotérique, composé de mécanismes complexes, d’engrenages et de sphères, le tout en mouvement perpétuel. Wilona leur indiqua d’entrer dans la pièce suivante. Altaïr s’y refusa, bien que ses compagnons s’y dirigeaient déjà. Il sentit alors ses membres bouger d’eux-mêmes, en en perdant totalement le contrôle tandis qu’il vint les rejoindre, incapable de prononcer le moindre mot. Ils étaient dans une salle plongée dans l’obscurité, à l’exception d’un miroir sur le mur du fond. Un miroir qui ne semblait rien refléter… Ses compagnons s’interrogeaient et posaient des questions à Wilona. Ils n’avaient pas compris de quoi il s’agissait en réalité. Seul Altaïr venait de comprendre, pourtant il était là, dans l’incapacité de parler ou de maitriser le moindre de ses gestes.

    Le portail s’ouvrit et ils disparurent…

    Une sensation de froid glacé et une sorte de tournis, comme sur ces jeux d’enfants, sur lequel on fait la toupie. Le monde devient flou autour de vous, tout va trop vite et on en perd absolument tous nos repères. La sensation ne doit durer qu’un instant, pourtant ce n’est jamais le cas. Elle dure encore de nombreuses minutes, même après. Et encore, c’est bien souvent l’effet le moins pire lorsque l’on passe par un portail…

    Uriah était au sol, en train de vomir sur un tapis. Ses compagnons, eux, peinaient à se relever.
    -Tout le monde va bien ? Demanda la Brute, tout en grimaçant. Ses blessures, à peine bandées, venaient de se rouvrir. Altaïr commençait tout juste à retrouver son équilibre et la pleine possession de ses membres. Kenway avait l’air de mieux s’en tirer.
    -Non… ça va pas du tout, bordel… Lâcha Uriah entre deux renvois.
    -Qu’est-ce que c’était que ce truc ? De la sorcellerie ? Leur demanda la Brute qui inspectait la pièce sous tous ses angles. La salle était vaste et épurée, plaquée de bois et flanquée de portes coulissantes.
    -C’était un portail, lâcha Altaïr dans un simple souffle.
    -De la sorcellerie ?
    -Je n’y connais rien, mais je sais que les navigators et certains psykers maitrisent ce genre de chose, ajouta Kenway.
    -Oui, bin justement tu n’y connais rien, répondit la Brute. C’est Antinoé qui s’y connait et peut-être la petite Jocasta, aussi.
    Uriah allait ajouter quelque chose lorsqu’une des portes s’ouvrit, laissant apparaitre un sinistre individu, entre deux âges, tout de noir vêtu et affublé d’une longue barbe du même ton.
    -Veuillez me suivre, se contenta-t-il de leur dire avec un très léger accent.
    Uriah venait soudain de dégainer son pistolet à plasma mais eut toutes les peines du monde à faire feu. Voyant son trouble, la Brute se rua vers l’individu bien décidé à l’occire. Il lui flanqua son poing en pleine figure pour le mettre déjà hors d’état de nuire, bien que ne décelant aucune arme sur lui. L’homme encaissa le coup. Son visage partit en arrière puis il reprit sa position initiale, un air stoïque sur ses traits austères.
    -Cette démonstration de force est-elle bien nécessaire ? Vous êtes attendus.
    -Je n’aime pas que l’on se joue de moi ainsi ! Fulmina Uriah. De quel droit vous nous forcez à vous suivre ? A… A passer par de la sorcellerie ou je ne sais quel sortilège ?
    L’homme se retourna lentement vers lui.
    -Vous étiez attendus depuis des heures. Pardonnez notre insistance, capitaine Goldberg.
    Uriah était clairement en rogne et s’apprêtait à faire ravaler sa morgue à cet oiseau de mauvais augure mais la Brute posa une main sur son épaule. Kenway se tourna vers Uriah.
    -Bien, nous vous suivons.
    L’homme en noir les conduisit dans un ensemble de couloirs où ils croisèrent des gardes armés, les mêmes que ceux qu’ils avaient affronté depuis leur arrivée. Il les mena jusqu’à une double-porte qu’il ouvrit, les introduisant dans une vaste salle où siégeait, tout au bout, un homme qui ne pouvait être que ce fameux gouverneur. D’un âge indéfini, il affichait un air noble et un certain charisme. Deux hommes et une jeune femme l’accompagnaient.
    -Gouverneur, le capitaine Uriah Goldberg, annonça l’homme en noir.
    Il leur fit signe d’approcher.
    -Je suis Hector Kane, l’actuel gouverneur de Tartuga.
    Kane s’exprimait presque sans accent mais avec une voix basse et plutôt calme. Il poursuivit.
    -Pardonnez nos méthodes qui ont pu vous paraitre peu élégantes, mais il n’a pas été aisé de vous faire parvenir une invitation convenable depuis les derniers… troubles que vous avez occasionné.
    -Vos troupes nous ont capturé et emprisonné…
    -Oui, car vous avez tué plusieurs de mes hommes, je pense que c’est une réaction plutôt mesurée.
    -Je me permets d’en douter.
    -Bien… A part tuer mes hommes, qu’êtes-vous venu faire ici, sur Tartuga ?
    -Je suis ici pour revendiquer ce monde, au nom de Terra et du Senatorum Imperialis.
    -Voyez-vous cela ? Vous ne manquez pas d’ambition, jeune homme. Une qualité rare, de nos jours. Mais nous reparlerons de ce sujet un peu plus tard. Alors, cet Imperium existe donc toujours ?
    -Absolument, lança Uriah en le toisant. Kane n’en parut pas plus impressionné que cela.
    -Et il est toujours en guerre ?
    -La guerre est éternelle, lâcha la Brute.
    -Oui… Une certaine constante dans l’Humanité, j’en conviens… En guerre contre qui de nos jours ? Ou… contre quoi ?
    -Contre les xenos, ajouta Altaïr.
    -Les xenos, bien sûr… Et le Chaos ?
    -Contre le Chaos aussi…
    -Evidemment. Cela nous fait donc un point commun.
    -Comment cela ?
    -A notre échelle, notre combat pourrait paraitre bien modeste mais voyez-vous, les rebelles que vous avez croisés présentent le réel danger. Ils sont une nuisance qui menace l’existence même de ce monde. Sa stabilité… Leurs psykers incontrôlés seraient en train de proliférer, attirant à eux les pires danger du warp si nous n’y mettions pas un terme. Vous ont-ils parlé des entités que certains de ces malheureux ont fait apparaitre sur ce monde ? Tuant des centaines de citoyens ? J’en doute.
    Kane affichait un réel rictus de dégoût.
    -Pourtant, vous-même disposez de psykers, non ?
    -C’est vrai. Mais avec une réelle mesure. Une petite poignée, toujours sous contrôle et n’usant de leurs pouvoirs qu’en extrême nécessité. Ce qui est très rare car nous connaissons le danger.
    -J’ai pourtant l’impression qu’ils en font un usage plutôt fréquent.
    -Seulement depuis votre arrivée. Ce qui nous pose quelques soucis, d’où l’urgence de cette entrevue.
    -Bien, nous sommes là, vous vouliez nous parler ? Parlons.
    -Permettez-moi d’abord de vous présenter mes principaux conseillers. Vous avez déjà rencontré Gorski. C’est mon intendant et mon principal bras droit pour les affaires courantes.
    L’homme en noir inclina légèrement la tête. Kane désigna le suivant. Ce dernier était affublé d’un uniforme d’apparat, le désignant comme un officier de haut rang. D’un certain âge, il avait le visage marqué et austère avec des cheveux blonds et blancs plaqués à l’arrière.
    -Je vous présente le colonel Raditch, à la tête de nos troupes. Il vous en veut sans doute d’avoir corrigé quelque peu ses troupes mais n’y voyez rien de personnel. Le colonel est un véritable professionnel.
    Il présenta enfin les deux plus jeunes. Un jeune homme, sans doute guère plus âgé qu’Uriah, ainsi qu’une jeune femme, peut-être du même âge.
    -Mes enfants. Cole et Merelda.
    Les deux jeunes gens étaient, tout de noir vêtus, selon une élégante mode gothique bien qu’un peu désuète. Les deux n’étaient cependant pas dénués de charme, ni d’une certaine beauté, malgré leur allure presque macabre. Ils effectuèrent un léger signe de tête à l’évocation de leur nom.
    Kane observa Uriah et ses hommes qui n’avaient pas l’air plus à la fête que cela.
    -Avez-vous faim ?
    -Pardon ? S’étonna Uriah.
    -Nous allions passer à table, si vous veniez vous joindre à nous ?
    -Je n’ai pas faim, comme je vous l’ai dit, je suis ici pour revendiquer ce monde.
    Kane se leva et eut un geste désinvolte de la main en levant les yeux au ciel.
    -Oui, au nom de Terra et du Senatorum Imperialis, vous l’avez dit. Mais rien ne presse, allons d’abord manger, nous parlerons affaires ensuite.

    La salle à manger était fastueuse, même si Uriah avait connu des restaurants huppés bien plus luxueux sur certaines ruches. Les mets, tous exquis étaient un mélange de viandes rôties, de crustacés et de poissons d’eau douce, le tout servi dans des sauces veloutées et des légumes sautés. Plusieurs vins complétaient la table. Uriah picora à peine, à l’inverse de la Brute et de Kenway qui se régalèrent de tout. Altaïr, prudent, préféra piocher là où les hôtes s’étaient déjà servi. Il n’hésita pas à vider quelques verres de vin, au passage.
    Ils évoquèrent des sujets et d’autres à propos des récents événements dans l’Imperium, du moins depuis la fin de la guerre de Badab. Au bout d’un moment, Uriah situé à une des extrémités de la longue table, interpela leur hôte, situé à l’opposé.
    -Vous avez évoqué des affaires à aborder ?
    -En effet. Je me disais que l’opportunité d’avoir un libre-marchand à ma table était une véritable aubaine.
    -Je rectifie… Un libre-marchand à votre table et ses vaisseaux en orbite.
    -Oui, cela va de soi. Vos vaisseaux sont une formidable opportunité pour le commerce.
    -Ou une formidable opportunité pour raser toute résistance.
    Un silence parcourut soudainement toute la table
    -Dois-je insister sur le fait que nous disposons de sites de lancement d’ogives ? Voyez-vous, il ne s’agissait pas du site de lancement que vous avez eu la primeur de visiter mais de son centre opérationnel. Nous disposons de douze sites, disséminés un peu partout sous la surface. Chaque site peut lancer plusieurs ogives en même temps. Je vous laisser faire le calcul. Nous ne risquons aucune menace. Les reste des navires qui ne nous ont pas pris au sérieux jadis, gisent un peu partout dans la région.
    -Vous nous détruisez et d’autres vaisseaux, plus nombreux viendront à leur tour.
    -Et nous les détruirons. D’autres viendront peut-être encore et puis quoi ? Ils raseront ce monde ? Est-ce là la façon dont vous souhaitez mener vos affaires, capitaine Goldberg ?
    Uriah se calla dans son fauteuil.
    -Que proposez-vous ?
    -Vous êtes un libre-marchand, vous êtes donc plus ouvert d’esprit qu’un simple général d’armée. A quoi bon raser un monde si vous pouviez faire commerce ?
    -Commerce de quoi ? S’étonna Altaïr qui commençait à comprendre que les mélanges d’alcool et son manque d’obscura se faisaient sentir.
    -Nous y viendrons… Dans libre-marchand, il y a libre et c’est ce point qui m’intéresse. Votre lettre de marque vous donne une réelle latitude, n’est-ce pas ?
    -En effet.
    -A savoir, décider de commercer avec qui bon vous semble et de disposer des ressources selon votre bon vouloir. Disons, dans une certaine mesure, tant que vous remplissez aussi les coffres de l’Administratum.
    -Exact.
    -Vous voulez ce monde et moi, je n’ai pas envie que l’Imperium et sa machine de guerre revienne mettre ses pattes ici. Je n’ai que faire de sa bureaucratie monolithique ou de ses prêtres de Mars dogmatiques. J’ai goutté à une certaine indépendance et je tiens à la garder. En revanche… Indépendance ne signifie pas nécessairement isolationnisme. J’aimerai profiter de votre formidable capacité à commercer pour monter un partenariat, capitaine Goldberg. Je vous fourni des ressources, vous en faites commerce comme bon vous semble et en échange de quelques petits bénéfices, vous faites en sorte que ce monde ne figure sur aucune carte.
    -Vous me demandez de ne pas révéler ce monde ?
    -En effet. Et vous serez le seul à pouvoir commercer avec moi. C’est donnant-donnant.
    -Et qui y a-t-il à commercer ici ? Lâcha Altaïr. Je n’ai rien vu de bien exploitable.
    -Détrompez-vous. Tartuga est un monde minier. Certes, à l’arrêt depuis la dernière guerre, mais il dispose encore d’une dizaine de mines parfaitement exploitables. Bien entendu, elles devront être remises en service. Mais je peux aisément fournir la main-d’œuvre une fois cette rébellion matée.
    -Quel genre de minerais ? Demanda Altaïr.
    Kane se tourna vers Gorski.
    Ce dernier commença à énumérer une liste qui ne parlait vaguement qu’au sénéchal. Mais certains minerais étaient en effet, très rares.
    -Du bauxanium, de la diamonite, de la dacite, de la symantite, de l’enderrium, du…
    D’un signe de la main, Uriah lui signifia de s’arrêter. Il se pencha vers Altaïr et échangea avec lui quelques mots en utilisant leur propre langage secret. Il en profita pour observer le gouverneur Kane et capta cependant un petit sourire sur son visage, avec cette impression fugace qu’il avait saisi ce qu’il venait de dire, ce qui le mit mal à l’aise, tout d’un coup. Il reprit, toujours avec le même langage secret mais à l’attention du gouverneur, cette fois-ci.
    -Ainsi, vous comprenez aussi notre langue ?
    Kane lui lança un regard désapprobateur.
    -Personne ne comprend votre langue autour de cette table, capitaine. Par pitié, soyez courtois pour vos hôtes.
    Uriah se rembrunit, ne sachant clairement si Kane venait de saisir leur échange ou non. Dans le doute, il resta sur ses gardes et revint à leur conversation.
    -Ces minerais nécessitent de mettre en place des infrastructures, rien ne prouve que le tout soit encore rentable.
    -Envoyez-moi des spécialistes, nous nous ferons un plaisir de leur faire visiter les mines.
    -Cela peut prendre du temps.
    -Nous avons le temps.
    -Est-ce là, tout ce que vous avez à nous offrir ? C’est assez peu.
    -Je peux céder une partie de mes ogives. J’en ai tout un stock. Mais je comptais aussi sur une sorte de collaboration.
    -Quel genre ?
    -Je tiens à vous confier Cole et Merelda, mes enfants.
    -Pour quelle raison ?
    -Pour qu’ils apprennent. Vos navires, seront, à n’en pas douter, une formidable source d’enrichissement pour eux. Je tiens à ce qu’ils découvrent tout ce que vous savez sur le commerce et la découverte de terres inconnues. En échange… Bien entendu, vous aurez l’amabilité de me laisser deux personnes de votre choix. Ainsi nous pourrons commencer à travailler sur l’exploitation de nos ressources.
    -Ah… ?
    -Restez déjà pour cette nuit. Il fait noir dehors et le temps est plutôt mauvais. Et puis, toutes ces péripéties ont l’air de vous avoir épuisé. Certains de vos hommes semblent avoir besoin de repos.
    -Ainsi nous sommes vos prisonniers ?
    -Nullement. Un véhicule peut être mis à votre disposition, si vous le souhaitez. Vous pouvez partir quand bon vous semble.
    Uriah interrogea du regard ses officiers. Ils échangèrent quelques mots.
    -D’accord pour l’invitation. Mais je dois d’abord passer un coup de vox. Vous auriez un…
    -Bien entendu.
    Kane effectua un geste en direction du colonel Raditch. Ce dernier se leva et leur fit signe de le suivre. Uriah et Altaïr lui emboitèrent le pas. Ils se dirigèrent vers une série de couloirs qui les mena dans une cour donnant sur un jardin enneigé. Il faisait nuit et des flocons tombaient sans discontinuer. Raditch leur indiqua un petit bâtiment. Il entra, demanda au garde d’en sortir puis signifia à Uriah qu’il pouvait y entrer. Il s’agissait d’un centre de radio où un vox longue portée occupait tout un pan de mur. Altaïr s’installa à la console pendant que les deux militaires s’éloignaient.
    -Tu es sûr que tu veux dormir ici ?
    -Ce Kane ne me dit rien qui vaille. Mais on doit découvrir ce qu’il manigance.
    -Cet échange avec ses enfants, c’est inattendu, non ?
    Ils perçurent le grésillement de leur propre microvox. Kenway avait laissé le sien ouvert et captait aussi leur conversation.
    -C’est un échange d’otages, capitaine. Une sorte de garantie.
    -Justement, lui laisser deux personnes ne me dit rien qui vaille.
    -Mais on aura ses enfants.
    -La belle affaire… Et on en fait quoi, Kenway ? C’est vous qui allez vous en occuper ? Moi, je dis que ce gouverneur n’est pas clair.
    -Après tout, sa position se tient. Ces années d’isolement, la méfiance d’un retour de la guerre sur son monde. Cela mérite d’être creusé.
    -Il revendique une sédition.
    -Techniquement non. Ce monde n’est plus rattaché à l’Imperium, il est donc encore indépendant. A nous de décider ce qu’on en fait, non ?
    -Nous en reparlerons tout à l’heure, j’espère juste que la nuit va porter conseil. Il se tourna vers Altaïr.
    -Allume le vox.
    -Je contacte la passerelle ?
    -Oui, appelle Djoko, je veux lui faire part de la situation et qu’il dégage nos deux navires, hors de portée, le plus vite possible. Et qu’il contacte surtout Ludivine, qu’elle se mette tout de suite en sécurité.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 29/08/2024 à 20:40 Citer ce message

    Le soleil n’était pas encore levé, il était peut-être une heure avant l’aube. Uriah venait de se réveiller en sueur, le souffle court, presque suffoquant, persuadé d’être en train de mourir, étouffé par son propre sang dont il avait encore le goût dans la bouche. En tâtant son torse, il lui fallut quelques secondes avant de réaliser que ça n’était pas le cas, qu’aucune dague n’était plantée là et que ce n’était qu’un cauchemar.
    Pourtant, non… Cette scène avec Ludivine en train de le tuer, ici, dans ce lit, avait été bien trop réelle, au point de le troubler profondément. Il arpenta sa chambre, torse nu, cherchant à comprendre et essayant de se calmer. Ne pouvant plus trouver le sommeil, de toute façon, il décida d’aller réveiller les autres.
    Ils avaient accepté de passer la nuit ici, au palais du gouverneur et avaient été installé au rez-de-chaussée, dans l’aile des invités. Il tira la Brute et Altaïr de leur sommeil et chercha Kenway qui n’était pas dans sa chambre mais finit par le trouver, errant dans le couloir telle une âme en peine.
    -Ah, vous êtes là, réveillez les deux autres, j’ai à vous parler, tous les trois ! Leur dit-il à voix basse.

    Quelques secondes plus tard, ses trois officiers, après avoir passé un pantalon et une chemise, vinrent le retrouver dans sa chambre.
    -On doit contacter Ludivine immédiatement, leur dit-il sans la moindre cérémonie.
    -J’ai bien le porte-vox dans ma chambre, on peut toujours… Commença la Brute.
    -Parfait, va le chercher.
    La Brute revint après quelques secondes avec le poste radio.
    -Il s’est passé quelque chose ? Demanda-t-il.
    -J’ai fait un cauchemar et je me demande vraiment si c’était un cauchemar.
    -De quel genre ? Moi aussi j’ai fait un cauchemar étrange avec des loups, on poursuivait quelqu’un et… répondit Altaïr.
    -Ah oui ? S’étonna la Brute. J’ai rêvé de loups, moi aussi. On a tous rêvé de loups et d’une chasse ? On poursuivait un gibier ?
    -Moi ce n’était pas un gibier, répondit Altaïr qui prit un air sombre.
    -Non, pas dans mon cas… C’était… Bien plus dérangeant, leur dit Uriah.
    -Moi non plus ce n’étaient pas des loups ou alors d’un drôle de genre, ajouta Kenway.
    Les autres tournèrent leur regard vers lui. L’air intrigué.
    -Quel genre ? Lui demanda Uriah.
    Kenway parut quelque peu gêné.
    -Il y avait cette fille dans son lit et…
    -Quelle fille ? Lui demanda Altaïr.
    -Merelda. La fille du gouverneur.
    -Me dites pas que le lieutenant Kenway en pince pour la fille de notre hôte, dit-il avec un sourire en coin.
    -Mais c’est pas moi… Elle était avec son frère et elle m’a demandé de venir les rejoindre et…
    Uriah l’interrompit en se prenant la tête entre ses mains.
    -Kenway, vous n’avez quand même pas fait quelque chose avec cette fille, que nous pourrions regretter ?
    -Je… Je n’en sais rien, en vérité…
    Uriah lui ouvrit le pan de sa chemise et constata, comme ses deux autres officiers, des traces de griffures sur son torse.
    -Vous ne savez pas ? Bordel de Trône, vous avez fait quoi avec cette fille ?
    -Le rêve avait l’air bien réel, voilà pourquoi ce matin je suis allé voir dans sa chambre. J’avais vu dans mon rêve où elle était. C’est pour ça que vous m’avez trouvé dans le couloir. Mais sa chambre était vide, alors je suis revenu…
    -Attendez, c’est quoi encore cette histoire, là ? Moi je vous parle d’un sujet sérieux à propos d’un rêve plus que dérangeant, pas de vos fantasmes, lieutenant Kenway !
    -Nous avons tous fait un rêve étrange… Lui dit Altaïr. Conviens que ce n’est sans doute pas un hasard. Notre passage par ce portail et puis leurs psykers, on ne sait pas quel effet aura eu le warp sur nous.
    Il se tourna vers la Brute en lui désignant le poste radio.
    -Appelle Ludivine, je dois lui parler impérativement.
    Au bout de quelques instants, la Brute lui passa le combiné. Uriah alla s’isoler dans une chambre à côté pour parler avec elle idée que personne ne l’entende mais Altaïr ne put s’empêcher de coller son oreille à la porte pour écouter. Il capta quelques bribes de la conversation et en fit part à ses camarades, à voix basse.
    -Ça parle de poignard dans le cœur… ça a l’air sérieux… Dit-il d’un air soucieux et garda à l’esprit de chercher à calmer le jeu quand il en aurait l’occasion.
    Uriah refit irruption dans la pièce, manquant presque renverser Altaïr mais ne preta même pas attention au fait qu’il était collé derrière la porte.
    -Alors, elle va bien ? Lui demanda ce dernier, prenant presqu'un air détaché.
    -Oui, elle va bien et n’a pas l’air d’avoir été touchée comme nous, ici… Elle s’était fait un sang d’encre, évidemment. Elle voulait savoir où on était et elle arrive du coup…
    -Ici ?
    -Oui, dans moins d’une heure. Elle est furieuse, évidemment, alors habillez-vous, je dois parler au gouverneur.

    Ils se préparèrent et à peine furent-ils prêts que Gorski, le majordome arrivait depuis le couloir. Il vit Uriah qui sortait de sa chambre, suivit de peu par ses trois officiers.
    -J’espère que vous avez tous passés une bonne nuit ?
    -Très bonne… Dites… Le gouverneur est… ?
    -Oh, Monsieur le gouverneur n’est pas encore rentré, mais si vous le souhaitez je vous ai fait préparer la table dans le salon. Un déjeuner vous y attend.
    -Merci… Mais dites… Pas encore rentré ? Le gouverneur est-il sorti cette nuit ?
    -Tôt ce matin, il est parti à la chasse avec ses enfants et le colonel. Il m’a fait dire qu’il ne serait pas long. Il ne devrait d’ailleurs pas tarder à rentrer.
    -Fort bien… Nous allons l’attendre mais je tenais juste à vous informer que Mademoiselle Frae Spinaiser compte nous rejoindre, d’ici… Quelques dizaines de minutes.
    -Quelqu’un de votre équipage ?
    -Non, il s’agit de ma fiancée et qui plus est, elle est aussi seigneur-capitaine.
    -Fort bien, dit-il en s’inclinant et en se retirant.

    Ils se dirigèrent donc vers le salon où ils s’installèrent en attendant. Ils commencèrent à prendre leur petit-déjeuner mais Altaïr préféra s’éclipser pour se diriger vers le couloir attenant, profitant que le majordome s’en était retourné vers les cuisines.
    -Tu vas où ? Lui souffla Uriah.
    -Le librarium au bout du couloir, je vais aller l’inspecter. J’aimerai en savoir plus sur la lignée de ce Kane.
    La Brute se leva à son tour.
    -Je vais l’accompagner avant qu’il ne fasse une catastrophe, celui-là.
    Kenway en fit de même mais juste pour surveiller le couloir, au cas où.
    Au bout de quelques minutes, Altaïr et la Brute étaient finalement de retour, bredouilles. Entre les gardes de la maisonnée et les recherches infructueuses du Sénéchal, distrait par de trop nombreux ouvrages, ils durent rebrousser chemin, car un des gardes leur signala de ne pas s’attarder. Ils retournèrent dans le salon au moment où Gorski était justement de retour, suivi de Ludivine dont la navette s’était posée un peu plus loin. Il lui désigna le salon.
    -Madame, je crois que vous êtes attendue.
    Elle le remercia et se dirigea vers Uriah. Tous se levèrent, elle le foudroya du regard mais attendit d’être assise avant de prendre la parole.
    -Alors comme ça, tu organises des accords commerciaux avec le gouverneur sans même m’en parler ?
    -Mais pas du tout, on était dans cette forteresse dans la montagne et…
    -Oui, merci, je sais ! Qui c’est qui est restée là, comme une c… Imbécile à t’attendre dehors par un froid de tous les diables, pendant des heures, à m’inquiéter et toi qui ne répondais pas ?
    -J’ai bien essayé mais on est passé par un portail warp et…
    -Oui, c’est bon, hein ! Le coup du vox qui capte plus parce qu’on passe dans un portail warp… merci, mais ça marche pas avec moi.
    -Hier soir, j’ai demandé à Djoko de te contacter de toute urgence pour te dire où on était…
    -Ah oui ? Ta passerelle m’a contacté ce matin, figures-toi. Ne commence pas à accuser je ne sais quel subalterne aviné de ta passerelle. Je vois à quel point je suis une urgence à tes yeux, pendant que Monsieur négocie je ne sais quel accord avec les autorités de ce monde. Sérieusement, je dois le prendre comment ?
    -Je te jure que…
    -Je le prends comme un coup de poignard, figures-toi.
    Uriah en resta complètement sonné, presque le souffle coupé, tandis que les images, limpides de son rêve lui revenaient à l’esprit.
    Ces trois officiers, faisaient mine de paraitre aussi invisibles que possible, prenant soin à ne surtout pas attirer les foudres sur eux, disparaissant presque de leur champ de vision.
    Le sujet fut soudain éclipsé par l’entrée soudaine d’une femme d’une quarantaine d’années qui venait de les rejoindre. Elancée, brune et portant une longue robe blanche, elle se présenta comme étant l’épouse du gouverneur, Kassandra Kane. Elle s’excusa de ne pas avoir été présente la veille, car souffrante, mais paraissait parfaitement au fait de la proposition que son époux avait fait à Uriah. Elle resta à discuter poliment avec eux durant quelques minutes, s’intéressant à Ludivine et trouvant que les deux, formaient un couple des plus charmants.
    Leur conversation fut interrompue par le bruit de chevaux, à l’extérieur. Elle se leva et ils en firent de même puis elle se dirigea en direction de l’entrée. A l’extérieur, quatre cavaliers venaient de s’arrêter devant le perron et descendirent de leurs montures qui s’ébrouaient, encore excitées de leur chevauchée. Leurs cavaliers portaient une tenue de chasse composée d’une veste redingote, d’un pantalon, de hautes bottes et d’un chapeau haut-de-forme. Plus loin, des piqueurs ramenaient une meute de chiens de chasse vers un chenil. Sur un des chevaux, une bête avait été tuée et amenée par les palefreniers. Il devait s’agir d’une biche des neiges, reconnaissable à son pelage blanc tacheté de noir et à ses petites cornes d’un blanc presque translucide. La Brute chercha à trouver l’origine des blessures sur l’animal, mais ne trouva rien d’anormal, repensant pourtant à son rêve, où un tel gibier avait fini dévoré par une meute de loups et ne put trouver ce parallèle que plus troublant.
    Hector Kane s’approcha d’eux, retirant son chapeau et le confia au colonel, à ses côtés. Il vint à la rencontre d’Uriah. Sa femme Kassandra alla parler avec ses deux enfants.
    -Veuillez pardonner ma sortie matinale, je m’adonne volontiers à la chasse sur mes terres. J’espère que vous avez bien dormi ?
    -Fort bien…
    -Vous ne me présentez pas ? Dit-il en désignant Ludivine.
    Uriah effectua les présentations et Kane fut ravi de rencontrer ainsi la libre-marchande. Il montra ses mains tâchées de sang et s’excusa de ne pas la saluer convenablement.
    -Je vous en prie, prenez place dans le salon, je vais me passer un coup d’eau et je suis à vous.
    Il s’en retourna, suivi juste après de son épouse et de ses enfants. Merelda passa devant Kenway et ne lui avait pas encore adressé le moindre regard. Mais tandis qu’elle passait devant lui, elle leva ses grands yeux vers lui, juste une fraction de seconde. Un bref instant qui figea le temps pour Kenway. Il trouvait Merelda d’une beauté aussi énigmatique qu’envoûtante. De noir vêtue, comme son frère, elle avait les cheveux couleur de jais, elle aussi, ce qui contrastait avec sa peau de porcelaine et ses yeux… Il ne savait dire quelle en était la couleur ? Un gris acier ? Une pointe rougeoyante violacée à cause du soleil levant qui se reflétait dedans ? Kenway était soudain perdu, à jamais dans ce regard, alors qu’elle esquissa un très léger sourire mutin en passant devant lui, comme au ralenti.

    Ignorant la scène, Uriah et ses compagnons retournèrent ainsi dans le salon, attendant que leur hôte les rejoigne pour y prendre place. La Brute dut quelque peu secouer Kenway, réalisant qu’il était encore perdu dans ses pensées.
    Ludivine en profita pour prendre pleinement part aux négociations et Kane réitéra sa proposition, à savoir disposer d’une exclusivité commerciale entre lui et les deux libres-marchands, sans chercher à impliquer l’Imperium qu’il considérait comme dangereux pour leur stabilité.
    -Bien entendu, je tiens à ce que cela reste entre nous, je préfère laisser l’Imperium en dehors de cette affaire.
    -Il est probable, à un moment, qu’ils viennent mettre leur nez dans nos affaires. Il faudra alors peut-être lâcher quelques bakchichs.
    -Ou détourner leur attention vers un autre monde, sans doute plus intéressant à leurs yeux…
    -Par exemple ?
    -Ce système compte deux planètes habitables. La nôtre, ainsi que Tartuga I et sa lune. Les autres planètes ne sont que des tas de cailloux sans grand intérêt.
    Kane vit la curiosité briller dans le regard de ses interlocuteurs.
    -Au dernières nouvelles, qui datent d’un siècle, il est vrai… Il s’agissait d’un monde féodal, régit par six puissantes maisons. Tartuga I est un monde chevalier. Inutile de vous faire un dessin ? Je sais que mes enfants ont toujours rêvé voir ces machines mythologiques de près. Et je suis certain que votre Imperium rêve d’en faire de même. Vous comprenez pourquoi nous pourrions vite passer sous les auspex ?
    Uriah et ses compagnons s’échangèrent un regard plein de curiosité et surent en cet instant quelle était leur prochaine destination…
    A un moment de leur échange, il leur confia plusieurs coffrets que des laquais apportèrent, emplis d’échantillons de minerais rares qu’Altaïr envisagea d’aller faire analyser, une fois de retour à bord. Kane aborda évidemment la question des rebelles, leur assurant que ce sujet était en passe d’être définitivement réglé.
    -Votre assaut, heureux ou non, sur mon pénitencier, aura au moins eu le bienfait d’éradiquer cette rébellion. Lors de l’attaque, vos troupes ont tué leur chef et tous ses lieutenants. Cela devrait désormais nous simplifier grandement la tâche. Dès cette nuit, j’ai ordonné à mes troupes de sécuriser leurs villages et ainsi reprendre le contrôle de leur région, là où sont situées de nombreuses mines.
    Uriah nota l’information mais se garda bien de commentaires, aussi lui et Ludivine semblèrent d’accord sur ses propositions.
    Kane leur demanda cependant d’y réfléchir et leur laissa la journée pour lui fournir une réponse. Il leur proposa de repasser le voir en début de soirée et ainsi pourraient-ils trouver un terrain d’entente. Ludivine, Uriah et ses officiers tombèrent d’accord sur le principe et voulurent volontiers prendre le temps à la réflexion.
    Hector Kane leur donna ensuite congé et les raccompagna à leur aéronef.

    A bord de leur navette Aquila, sur le trajet du retour, Ludivine se tourna vers Uriah, les yeux écarquillés par l’incrédulité.
    -Tu envisages de traiter avec ce gouverneur sans en avertir l’Imperium ?
    -Exact. On garde l’exclusivité des bénéfices et on revendique ce monde comme étant sous notre protectorat.
    -Et comment espères-tu que l’Administratum ne repère pas ton manège ? Nous parlons là de sédition…
    -On y a déjà pensé avec Altaïr, figures-toi. On déclare ce monde comme étant notre propriété mais étant inexploitable et sans intérêt et personne ne devrait venir s’y intéresser. Et puis, si un jour cela se découvre, nous trouverons bien un subterfuge à ce moment-là.
    -Je te sens bien sûr de toi…
    -Si on fait les choses selon nos règles, il n’y a aucune raison que ça ne fonctionne pas et les bénéfices seront pour nous.
    -Admettons, mais on partage tout à cinquante-cinquante, dans ce cas.
    -Ça me va.
    -Je veux la moitié des bénéfices sur les exploitations minières et je veux trois des six ogives qu’il propose.
    -C’est d’accord.
    -Je lui laisserai un de mes technaugures, le magos Plex, il est expert en infrastructures et en matériaux, il devrait savoir gérer les mines.
    -Pour ma part, nous laisserons ici, Maitre Aldorf, notre commissaire aux finances, c’est un adepte efficace, nul doute qu’il saura mettre en place la partie financière de cette entreprise.
    -Parfait dans ce cas… Tu ne vois pas d’inconvénient que l’on en fasse de même pour ses enfants ? Je pourrai prendre sa fille à bord de mon vaisseau.
    -Je n’y vois aucun inconvénient.
    Kenway qui avait perçu la conversation, osa intervenir et bredouilla quelque chose mais perdit tous ses moyens devant le regard interrogateur des deux libres-marchands.
    -Quoi, lieutenant ? Lui dit Uriah. Par le Trône, parlez clairement, nous n’y comprenons rien !
    Kenway qui pourtant n’était pas d’une nature timide, peinait à trouver les mots.
    La Brute l’interrompit.
    -Je crois qu’il essaie de vous dire qu’il aimerait plutôt que la petite reste avec nous.
    -Oh… Commença Uriah, voyez-vous ça ?
    Il interrogea Ludivine du regard. Cette dernière leva les yeux au plafond avant de faire un geste désinvolte de la main. Il poursuivit.
    -Je n’y vois pas d’inconvénient, mais pas de bêtise, lieutenant, de toute façon la gamine sera placée sous le patronage d’Helleth de Shaad, notre écclésiaste de bord. Je tiens à ce qu’elle se charge de son éducation. Donc n’allez même pas imaginer folâtrer avec elle.
    Il reporta son attention vers la Brute.
    -Des nouvelles du lieutenant Lindhölm ?
    -Oui, Säde et son équipe ont suivi nos ordres et se sont infiltrés en territoire rebelle, ils confirment les propos du gouverneur. Ses troupes sont en train de reprendre le contrôle des territoires séditieux.
    -Bien… Nous verrons ce que cela va donner, mais j’espère qu’il n’y a aucune entourloupe sous cet accord.

    Le soir venu, ils retournèrent au palais du gouverneur et scellèrent leur accord, comme convenu le matin même. Ils lui laissèrent les deux adeptes évoqués qui vécurent cela comme une véritable punition mais s’y soumirent de bonne grâce. Il était question de revenir d’ici quelques semaines ou quelques mois afin de voir comment évoluaient les travaux et commencer ainsi à embarquer un premier chargement de minerais.
    Uriah et Ludivine retournèrent ainsi à leur vaisseau respectif, avec chacun, un des enfants du gouverneur Kane. Une des premières actions d’Uriah fut de convoquer Antinoé, son astropathe et de lui demander de vérifier si le warp les avait touchés d’une quelconque façon et s’ils étaient encore sous ses effets délétères.
    Elle resta là, pendant quelques instants à les observer de ses yeux aveugles, appuyée sur son bâton de force. Elle eut une petite moue et leur répondit d’une voix trainante, sans pour autant que ses lèvres ne bougent le moins du monde.
    -Oui, vous avez bien été touchés par le warp… Vous avez traversé l’Empyrée… Je sens encore ses effluves d’un noir glacial sur vous… Cela s’estompera même si vous serez peut-être sujets à des visions ou hallucinations dans les heures qui suivent.
    -Combien de temps, cela peut durer ?
    -Le warp ne se mesure pas en temps, capitaine. Il se nourrit de vos peurs viscérales et de vos désirs cachés les plus sombres…
    -La foi pourrait nous protéger, non ? Se hasarda Kenway alors qu’Altaïr levait les yeux au plafond.
    Antinoé cracha au sol à l’évocation de cette idée. Provoquant aussitôt une tâche de givre sur le pont.
    -La fille, vous avez pu la sonder et voir si c’était une psyker ou quelque chose comme ça ? Demanda Uriah, feignant d’ignorer ce qui venait de se passer.
    -La fille n’est pas une psyker. Mais comme vous, je sens qu’elle a été touchée par le warp…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/09/2024 à 16:19 Citer ce message

    Le lendemain, le Morning Star et le Daughter of Tempest avaient levé l’ancre et mettaient le cap vers le monde de Tartuga I, en direction du Chaudron, la zone qui se rapprochait le plus de son soleil. Les estimations de la passerelle indiquaient qu’il faudrait entre cinq et six jours pour atteindre l’orbite. Cela allait leur laisser le temps de planifier quelques points en attendant. Uriah avait la tête ailleurs en ce moment. Ludivine allait fêter son vingtième anniversaire dans quelques jours et il comptait sur cet évènement pour faire sa demande officielle en mariage. Il avait d’ailleurs demandé à faire réaliser une bague somptueuse pour l’occasion, une bague en aurium dans laquelle il avait fait sertir un éclat de diamantine arc-en-ciel, d’une qualité exceptionnelle.
    Altaïr était bien plus préoccupé par l’aspect juridique de l’affaire. Avec Maitre Aldorf en moins, il allait devoir recomposer ses équipes de clercs et de préposés aux finances. Il avait alors décidé de nommer l’ancien adjoint d’Aldorf, Maitre Elias Arbogast à ce poste. Il comptait, avant tout, s’organiser avec sœur Alexia. L’écclésiaste de Ludivine était spécialisée, à l’instar des sœurs famulus, dans l’établissement des généalogies et la préservation des lignées génétiques. Et Alexia semblait mettre un point d’orgue sur cet aspect, tenant à garantir la stabilité génétique de la maison Frae Spinaiser. Il passa donc les jours suivants avec elle et Maitre Arbogast afin d’établir le contrat qui allait constituer officiellement la Dynastie des Goldberg-Spinaiser. Si tout se passait comme prévu, une copie du contrat devrait alors être transmise au siège de l’Administratum du secteur, sur Sagan, qui se chargerait de le ratifier et de le transmettre au Senatorum Imperialis sur Terra. L’affaire était donc sérieuse car une armada de magistrats serait chargé d’authentifier le document avant de l’enregistrer officiellement.

    Durant ces quelques jours, la Brute, de son côté, avait alerté le Premier cercle sur un incident survenu et pour lequel il avait été alerté par les boscos de Maitre Arkham. Depuis une semaine, cinq corps avaient été retrouvé dans les calles du vaisseau, tous décapités et les têtes manquantes, toujours pas retrouvées. Les deux premiers cas n’avaient pas véritablement alerté les équipes de sécurité. Les incidents étaient fréquents dans certaines zones du vaisseau, entre les morts accidentelles et les homicides, il était inévitable que dans les coursives sombres et exigües d’un navire d’où l’on ne voyait jamais le jour ou presque, certains en arrivent à s’entretuer. Si l’on y ajoutait les effets pervers du warp et ses conséquences sur le moral des hommes et des femmes à bord, on obtenait un mélange aussi détonnant que de la fycelène. En général, cette tâche incombait aux boscos qui devaient se charger de la discipline à bord, décelant les déviants ou autres psychotiques qu’il fallait gérer rapidement. A partir du troisième corps, les équipes de sécurité prirent conscience d’un schéma qui se répétait, ce qui commença à soulever quelques questions. Le temps de s’organiser et le cinquième corps était retrouvé, ce qui souleva quelques débordements qu’il fallut régler à coup d’électro-fouets. L’information remonta les coursives et les ponts supérieurs jusqu’aux oreilles de Säde Lindholm qui, en tant que Maitre des murmures et en l’absence du Sénéchal, en informa le Premier lieutenant Lysander. La Brute. Au matin du quatrième jour, réunit tout le monde dans le stratégium et aborda le sujet ouvertement car les meurtres devenaient préoccupants. Il n’y avait pas de cultes de la mort connus à bord, du moins pas officiellement, et la possibilité d’un tueur en série isolé, ou pire d’un culte hérétique émergeant n’était pas à exclure. Säde avait mis justement Edward Kenway sur le coup pour enquêter sur place, à la demande du Seigneur-capitaine et d’Altaïr. La crainte de le voir tourner autour de la petite Merelda, était grande et tout allait être mis en place pour que les deux ne se croisent pas.

    Altaïr et la Brute prirent le sujet en main et se chargèrent de rencontrer les medics de bord, en charge du dossier. Un schéma sembla apparaitre, selon le rapport établi par le nouveau chirurgien en chef, Maxim Benessis. Tous avaient été décapité ante mortem, ce qui avait donc causé leur décès aussi brutal qu’immédiat. Tous l’avaient été alors qu’ils étaient sans doute agenouillés et penchés en avant. Autre élément, aucun signe de liens n’avait été relevé sur les poignets ou les chevilles. Pas de trace de marques hérétiques non plus ni de drogues exotiques. Du moins rien d’inhabituel. Pour l’instant il s’agissait de quatre hommes et une femme, sans plus de liens entre eux, tous issus des matelots des sous-ponts ou des zones de manutention et seuls trois d’entre eux avaient été officiellement identifiés pour l’instant. L’enquête se poursuivait.

    Entre le troisième et le quatrième jour de voyage, Jocasta sortit enfin du coma dans lequel elle était plongée depuis presque deux semaines. Elle avait été opérée lourdement à la suite de lésions internes graves qui auraient dû lui être fatales lors de sa rencontre avec des umbras. Le chef chirurgien Benessis et la magos Argentus lui posèrent un implant augmentique autosanguin, capable de prendre le relai en cas de blessures graves car son organisme était resté très affaibli et certains organes avaient été sérieusement endommagés.
    Le même jour, lors d’une réunion dans la stratégium, les principaux officiers firent un point sur le cap à suivre en direction de Tartuga I. Les données des augures commencèrent à remonter de la passerelle.
    -Nous avons donc un monde habitable et une de ses lunes, habitable aussi. Les auspex le confirment.
    -Le monde de Tartuga I est connu sous la dénomination de Bremedia, quant à sa lune, Tartuga II, elle se nomme Onidès, ajouta Altaïr.
    Uriah se tourna vers lui.
    -On sait quoi de ces maisons nobles locales ?
    -Elles sont six et auraient colonisé ce monde depuis au moins quinze-mille ans, selon les archives. Les mondes chevaliers ont cette spécificité de posséder une certaine autonomie vis-à-vis de l’Imperium. Leurs machines sont d’antiques reliques, entretenues et vénérées telles des divinités de la guerre, alimentées par des réacteurs à plasma, des boucliers ioniques et armées d’un arsenal capable de vaporiser un char de la garde. En plus de cela, ces mondes ne sont pas soumis au niveau de dîme habituel mais doivent soutenir les conflits armés quand l’Imperium leur demande. Ils ont une forte dépendance au Mechanicus, d’où leur statut très particulier…
    -Et on connait les noms de ces maisons et de leurs dirigeants ?
    -Je n’ai rien dans les archives…
    -J’ai eu connaissances des noms de ces maisons, leur répondit Kenway qui venait de les rejoindre.
    -Parfait… Eclairez-nous, lieutenant.
    -Ce sont les maisons Orloaf, Zhlane, Florentine, Sahida, Tourlaine et Ordil.
    -Ces noms vous disent quelque chose ? Se hasarda la Brute alors qu’Altaïr compulsait ses dossiers.
    -Pas le moins du monde…
    Uriah interrogea de nouveau Kenway.
    -Vous avez d’autres informations sur leurs dirigeants ?
    -Aucune qui ne date pas d’un siècle ou deux, capitaine. Les dirigeants ont dû changer depuis tout ce temps. Juste que c’est un monarque qui devrait normalement être à la tête de ce monde et les six autres barons et leurs maisons lui doivent allégeance. Les barons ont un pouvoir héréditaire, en revanche, le monarque est élu à vie par un conseil qui nomme un des barons à ce poste. Autant dire que les luttes de pouvoir sont incessantes.
    -Bien… Vous semblez déjà coutumier de leur politique… Et j’imagine que rares sont les monarques qui décèdent de mort naturelle avec un tel système… Bien, je pense que nous aurons simplement à nous annoncer et à rencontrer ce monarque, le reste ne sera qu’une simple formalité, conclut Uriah.

    Le quatrième jour, ce dernier se rendit à l’anniversaire de Ludivine, accompagné de ses officiers. La fête était somptueuse, bien plus que ce à quoi pouvait s’attendre Uriah. Si le Morning Star était d’un style gothique austère, dégageant même une ambiance plutôt sombre, le Daughter of Tempest en était tout autre. D’un style plus flamboyant, grandiose, lumineux, avec ses dorures, ses lustres, ses marbres et ses colonnades, il n’était pas sans rappeler les palais classiques de l’époque pré-Apostasie. La fête se déroula donc à bord du navire amiral de Ludivine, ce qui était plus commode d’autant plus que les deux vaisseaux naviguaient de concert. Des centaines d’officiers y étaient conviés, avec spectacles, musiciens, bals et buffets. La fête dura toute la soirée et une partie de la nuit. Moment où Uriah en profita pour faire sa déclaration de manière tout officielle.
    Même si ce n’était pas une réelle nouvelle pour Ludivine, elle en fut la première surprise et accepta cette demande avec une vive émotion, sous les applaudissements de toute l’assemblée.
    Près du buffet, la Brute vida sa coupe de dammassine.
    -Je vous laisse, dit-il à l’attention de Djoko et Altaïr. Cette histoire de gens qui perdent la tête à bord du Morning Star, ça me préoccupe un peu. Je vais voir comment avance l’enquête.
    -Je te suis, je dois retourner à bord aussi de toute façon, lui dit Djoko.
    Les deux autres le dévisagèrent, avec un regard étonné.
    -Le grand Djoko qui quitte une soirée arrosée avant les autres ? C’est du jamais vu. Le mal du warp l’aurait-il affecté à ce point, ironisa le sénéchal.
    Djoko eut un petit sourire en coin.
    -Je vous signale qu’Alisabeth est sur le point d’accoucher de notre petite fille et c’est là, ma priorité. Le gamin a enfin fait sa demande, mission accomplie, donc fin de soirée pour moi, dit-il en vidant son verre à son tour.
    -Mais quelle bande de rabat-joie, ces deux-là… Lâcha Altaïr. Et avec qui vais-je trinquer, moi maintenant ?
    Djoko se pencha vers lui et lui glissa à l’oreille.
    -Voilà, flagelle-toi, mon grand, ça te fait déjà un premier point commun avec ta copine du famulus.
    Il lui tapota l’épaule et lui fit un clin d’œil avant d’y aller.

    Un peu plus tard, alors que la nuit était déjà bien avancée, Kenway vint trouver Uriah pendant la soirée, profitant que Ludivine était un peu plus loin, occupée à remercier des invités. Il affichait une mine un peu embarrassée.
    -Eh bien lieutenant, cette enquête avance ? J’ai peu de temps à vous consacrer, je dois bien l’avouer. La capitaine Frae Spinaiser souhaite s’entretenir avec moi juste après…
    -Je tenais à aborder un tout autre sujet… Je crains avoir quelque peu contrevenu aux consignes de votre sénéchal concernant notre invitée, capitaine…
    -La fille de Kane ? Diable, vous l’avez revu !
    -Deux trois fois. Rien de bien méchant… C’est d’ailleurs grâce à elle que j’ai pu obtenir les noms des six maisons nobles… Son père conserve des archives dans son librarium et…
    -Oui, très bien, venez-en aux faits !
    -Eh bien… Il y a plus troublant… J’ai de nouveau fait un rêve étrange et me demande si c’était un rêve, en réalité.
    -Vous avez vu cette fille ou bien vous continuez de rêver d’elle ?
    -C’est-à-dire que la nuit dernière, je ne suis pas allé la voir, cependant oui, j’ai rêvé d’elle et elle m’a parlé de cette lune qui orbite autour de ce monde chevalier. Elle m’a dit que c’était un obstacle que nous devrons franchir sur notre route, que c’est sur cette lune que poussent les graines de la discorde et que ce mal retombera sur les six. Elle a ajouté aussi que c’est sur cette lune que se trouve la réponse et que les six tomberont si personne ne l’écoute.
    Uriah reporta soudain son attention vers lui, peinant à suivre ses élucubrations abracadabrantesques tandis qu’il observait Ludivine dans sa robe dos-nu magnifique.
    -Avoir revu cette fille… Je pourrais vous faire donner le fouet pour cet écart de conduite, lieutenant, vous le savez ?
    -Absolument, capitaine, j’en suis pleinement conscient…
    -Passons pour cette fois, mais ce sera la dernière. C’est bien entendu ?
    -A vos ordres, capitaine… J’ai cependant pensé qu’il était de mon devoir de vous informer de cette étrange vision et…
    -Et vous feriez bien de parler de tout ceci à Jocasta ou Antinoé. Ces histoires de visions ne sont pas de ma compétence, vous savez ?
    -Je me suis justement permis d’en informer notre astropathe, capitaine. Juste avant de venir vous en parler.
    Uriah, voyant que cette discussion étant absolument interminable, se mit à soupirer tout en se retournant vers lui.
    -Et donc ?
    -Elle a tiré le tarot et m’a confirmé que le warp me parlait sous forme de visions ou peut-être de mensonges. Elle m’a… recommandé de prier et je vous enjoins, capitaine d’en faire de même et de prier pour moi, afin que je ne sois pas contaminé par la malédiction du psyker.
    Uriah, visiblement déconcentré par un tout autre sujet, le gratifia d’un léger sourire.
    -Fort bien, lieutenant, je vous remercie d’être venu m’en parler et de m’avoir confié ces informations, mais si vous le permettez, là, je suis vraiment attendu.
    Kenway le salua et le laissa s’éloigner avec cette nette impression que le capitaine n’avait peut-être pas réellement pris la mesure de ce qu’il venait de lui annoncer.

    Le lendemain, en milieu de journée, la passerelle était en pleine effervescence. Les augures commençaient à afficher des flots de données sur Tartuga I désigné sous le nom de Bremedia mais aussi sur son satellite, Onidès. La planète comptait deux vastes continents où pointaient nettement des zones urbaines et des signes avancés de civilisation. Il en allait de même pour sa lune, bien plus petite et où les traces d’habitats étaient plus concentrées. En revanche, Onidès affichait clairement les stigmates de guerres toutes récentes…
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/09/2024 à 15:54 Citer ce message

    Les deux navires restèrent à bonne distance, par simple précaution. Uriah contacta Ludivine, lui demandant de coordonner leurs actions, ainsi les deux passerelles se coordonnèrent sur les actions à mener. Les vaisseaux coupèrent tous les systèmes auxiliaires ainsi que les moteurs, prenant soin de rester dans l’ombre de Tartuga I afin d’observer Onidès, son satellite. Comme presque chaque jour, Uriah réunit son conseil dans le strategium afin de discuter des actions à entreprendre. Certains d’entre eux, dont lui, avaient eu une nuit courte, aussi avaient-ils préféré commencer la réunion avec du café, même si certains l’allongeait d’un doigt d’amasec.
    -Je pense qu’on devrait simplement s’annoncer, non ? Dit-il en sirotant sa tasse.
    -Sauf votre respect, je ne pense pas que ce soit très prudent, répondit Antinoé.
    Il se tourna vers son astropathe.
    -Et que suggérez-vous, Maitre telepathica ?
    -Nous ne connaissons rien de leurs intentions, capitaine. Voyez ce qu’il s’est passé sur Tartuga III.
    -Nous avons joué de prudence sur Tartuga III, justement et pourtant cela n’a pas suffi, ajouta la Brute.
    -De prudence… Vraiment ? Ironisa-t-elle.
    -Je ne tiens pas à subir une nouvelle surprise, les coupa Uriah. Cela rejoint justement un point dont je souhaitais parler. A vous tous.
    Il se tourna vers Altaïr et la Brute notamment. Tous deux reposèrent leur tasse.
    -Kenway est venu me parler hier durant la soirée de la capitaine Frae Spinaiser. Il m’a avoué avoir volontairement enfreint vos consignes. Il a revu la fille du gouverneur Kane et ce, à plusieurs reprises durant la semaine écoulée.
    -Et il annonce ça, comme ça ? S’étonna Altaïr qui manqua renverser sa tasse au passage.
    -On avait pourtant mis une équipe pour la surveiller… Ajouta la Brute.
    -Kenway est un expert en infiltration et en renseignements, lui répondit Altaïr en se tournant vers lui. Il sait parfaitement déjouer un système de surveillance ou de sécurité.
    -Il n’empêche qu’il a désobéi à un ordre direct. Et il l’avoue en plus.
    -Ce n’est pas tellement ce détail qui m’intéresse, reprit Uriah. Il a obtenu des informations qui pourraient s’avérer plus que capitales.
    -De quel genre ? Lui demanda Jocasta, restée silencieuse jusque-là. Encore affaiblie par ses blessures, elle portait de nombreux bandages sous ses robes et restait encore connectée à un servo-medicae, le temps que son implant autosanguin prenne le relai.
    -Les noms des six maisons notamment. Il les a obtenus grâce à cette Merelda. Mais le plus important est qu’il aurait refait un rêve la nuit dernière, durant lequel elle lui aurait parlé, évoquant un danger sur cette lune.
    Uriah chercha à se remémorer ses dires.
    -Selon son rêve, cette lune serait un obstacle sur notre route, ce serait là que poussent les graines de la discorde et que cela risque de retomber sur les six. Sans doute, les maisons nobles locales… Il a dit aussi que c’est sur cette lune que se trouve la réponse et que les six tomberont si personne ne les écoute.
    -Trône, il en a parlé à notre astropathe, au moins ? Demanda le sénéchal.
    -Il m’en a parlé cette nuit, en effet, répondit Antinoé, de sous sa capuche.
    -Est-il vrai que vous lui avez confirmé que ce rêve pouvait être une vision autant qu’un mensonge ?
    -C’est tout à fait exact, capitaine.
    -Voilà qui va vraiment nous aider, ironisa Altaïr.
    -Je confirme ses suspicions, reprit l’astropathe, sans noter la pointe de sarcasme. Le lieutenant Kenway est sous les effets d’un phénomène warp. Comme vous l’avez tous été. Il a cependant une sorte de connexion avec cette fille, un désir et une dépendance non négligeable. Le warp se nourrit d’émotions et cela alimente très certainement ses visions. Cela les renforce même. Ce qui pourrait s’évérer dangereux.
    -Dangereux comment ?
    -Dangereux pour lui, tout d’abord. Il pourrait développer certains dons, ce que personne ne souhaite, ici.
    Uriah parut soucieux.
    -Donc ce rêve pourrait agir comme une sorte de prémonition ?
    -Ce rêve pourrait être bien des choses, capitaine…
    Elle ferma ses yeux et posa ses mains sur la table, se concentrant soudainement.
    -Je sens une connexion… Une rémanence, un souvenir…
    -Venant de Kenway ?
    -Non. Venant de l’esprit du Morning Star.
    Altaïr eut soudain un mouvement de recul, regrettant presque l’absence d’Helleth.
    -Une connexion warp ? Comme cette histoire de démon avec cet… Izumat ?
    Elle tourna son regard aveugle vers lui et ses yeux, sous sa capuche se mire à luire d’un éclat blanc-bleuté.
    -Evitez de prononcer certains mots, sénéchal… Vous ne mesurez pas à quel point, ils peuvent parfois entrer en résonnance avec la réalité.
    Il se mit à déglutir et préféra se taire. Ce triste épisode, qui remontait à une dizaine d’années, avait vu l’infiltration d’un culte hérétique dédié à un démon du nom d’Izumat, dans les soutes. Les cultistes du Chaos avaient profité d’un banal chargement de containers pour monter à bord de façon parfaitement clandestine. Le projet des adorateurs du démon avait été de prendre le contrôle de la passerelle par la force et à l’aide de sorcellerie, ce qu’ils firent. Ils profitèrent du fait que les officiers étaient tous à terre. Ils parvinrent à voler le vaisseau, projetant de l’écraser sur la lune de Jahga, dans le système Archaea, juste sur la forteresse-monastère du chapitre des Star Phantoms. Leur projet avait bien failli aboutir et ils eurent la passerelle en main, le temps de piloter le navire jusqu’à leur objectif. Seule l’intervention d’Antinoé, du navigator de l’époque et d’une cellule de l’inquisition infiltrée à bord permit de sauver le navire in extremis et de le purger des hérétiques. Mais le traumatisme avait été grand car le vaisseau était passé à deux doigts de son annihilation, en même temps que la destruction catastrophique du seul chapitre Astartes de la région. A l’époque, Isabella avait très mal vécu le vol de son navire par des adorateurs du démon. De nombreux membres d’équipage avaient été perdu dans cette opération et l’Inquisition avait dû garder la main sur son vaisseau durant les années suivantes.

    -Vous parlez de connexion, de souvenir… Reprit Uriah qui n’avait jamais vécu ces évènements à l’époque, n’étant pas encore à bord. Quel genre de souvenir ? Le vaisseau se rappelle-t-il quelque chose ?
    -Ou bien, serait-il déjà venu ici ? L’interrogea la Brute.
    -Il faudrait l’interroger…
    Uriah n’eut pas à donner de consignes, déjà la Brute et Altaïr prirent place à des consoles cogitateurs du strategium et interrogèrent les journaux d’archives. Il reporta son attention vers Antinoé.
    -L’esprit du vaisseau… Il vous parle ? Reprit Uriah pendant qu’ils cherchaient, même s’il savait que son astropathe en était persuadée.
    -Elle. Elle me parle parfois, oui. Votre navigator sait que je dis vrai.
    Jocasta se contenta de hocher la tête. Elle aussi en avait fait l’expérience et pas seulement quand elle était installée dans son dôme de navigation. Elle aussi pouvait percevoir l’esprit du vaisseau et même si elle ne connaissait pas son passé, elle voyait clairement que le warp y avait laissé ses stigmates, aussi nettement que sur elle.
    Uriah avait toujours entendu Djoko le confirmer, lui aussi. Il ne paraissait pas comme ça, mais avec les années, son maitre timonier était bien plus superstitieux qu’il n’y paraissait. A plusieurs reprises, il avait eu ce sentiment que l’esprit du navire répondait à qui savait ressentir cet écho qui parfois remontait des profondeurs insondables de ses matrices de données, de son réacteur ou de sa coque. Les matelots y croyaient dur comme fer aussi et tous portaient sur eux des amulettes fait de boulons ou de bouts de ferraille façonnés. D’autres portaient des tatouages ou des parchemins consacrés sur leurs vêtements de travail. Tous savaient qu’ils devaient toucher la coque trois fois, à certains moments de la journée, tout comme le chiffre huit portait malheur. Tous avaient appris à écouter les ronronnements, les grincements, les gémissements, les messages, ou laisser des offrandes à certains endroits dans le noir, en tant qu’ex-voto, afin de conjurer le mauvais sort. Le lien entre l’esprit du navire et ses habitants avait toujours été étroit, surtout à bord d’une machine vieille de plusieurs millénaires.
    -Bien… Kenway et Merelda, nous allons devoir les séparer et ce, de manière définitive. Je pense que l’idée première qui était de la laisser à bord du Daughter of Tempest était sans doute une sage décision. Ludivine avait raison.
    -On l’échange avec son frère Cole, du coup ? Demanda Altaïr.
    -Oui, vois avec l’intendance afin qu’ils organisent ça au plus tôt. Concernant Kenway, je veux qu’il soit consigné en attendant. Quant à cette fille… Avant de la transférer, appelez le lieutenant Lindhölm et demandez-lui de la faire venir séance tenante, je veux l’interroger. Cette histoire de visions ne me plait pas.
    Il reporta son attention vers la Brute et Altaïr, voyant qu’ils semblaient tenir quelque chose depuis leurs consoles.
    -Le Morning Star est déjà venu ici, dans ce système, répondit la Brute.
    Tous en furent totalement sidérés.
    -Comment cela, ce système était perdu !
    -Pas pour tout le monde, apparemment. C’était à l’époque de ton grand-père Abdul Goldberg. Il y a quinze à vingt ans. Ils sont venus ici.
    -Pour y faire quoi ? On a l’information ?
    -Les manifestes ont été effacés, ajouta Altaïr qui inspectait les lignes de codes qui défilaient sur l’écran vert. Mais par corrélation, on parvient à retrouver quelques données. Des containers ont été déchargé et d’autres furent chargés à bord, depuis la surface.
    -On sait ce qu’ils contenaient ?
    -Non, malheureusement, ces données sont manquantes. Effacées délibérément et à l’époque nous n’étions pas encore à bord. Enfin… Encore heureux.
    -On a des membres d’équipages qui auraient encore ces informations ? Lui demanda Uriah.
    -Depuis plus de vingt ans ? Je ne crois pas. On a renouvelé l’équipage plusieurs fois depuis.
    Uriah hocha la tête.
    -Donc le vaisseau est déjà venu ici… On ne va surtout pas s’annoncer dans ce cas.

    Säde Linhölm entra à ce moment-là, accompagnant Merelda Cole. Uriah lui fit signe d’entrer et demanda à Merelda de prendre place. Il attrapa Säde au passage.
    -Lieutenant, en tant que Maitre des murmures, vous qui connaissez un peu tout le monde à bord, auriez-vous connaissance d’anciens matelots qui auraient connus… disons, l’époque de mon grand-père ?
    -Cela ne me dit rien, capitaine, mais je vais me renseigner, j’ai des informateurs parmi l’équipage.
    -Bien, faite cela. C’est assez urgent.
    Elle le salua et ressortit, convoquant par microvox, une escouade.

    Uriah interrogea alors Merelda qui confirma les dires de Kenway, tout comme elle confirma qu’ils se voyaient secrètement, depuis quelques jours.
    -Il est vrai que mon père possède un librarium plutôt fourni, dans lequel j’avais lu les chroniques de Bremedia, le monde que vous appelez Tartuga I. Il y est fait mention des nobles maisons ainsi que de leurs machines légendaires. C’est moi qui lui en ai parlé.
    -Parlez-moi plutôt de ce rêve où il vous voit lui parler de cette lune et cette menace à propos des six.
    -Il m’en a parlé, en effet. Mais c’est son rêve, pas le mien.
    -Cela vous évoque-t-il quelque chose ? Ces graines de discorde qui risquent de faire tomber les six ?
    -Un danger, j’imagine ? Les rêves révèlent souvent un message à peine voilé.
    La Brute et Altaïr s’échangèrent un regard convenu. Kenway allait clairement devoir être isolé durant un certain temps, voire, placé sous surveillance. Altaïr en profita pour sonder le langage corporel de la jeune femme mais en resta troublé. Cette fille dégageait quelque chose de malaisant, selon lui. Il ne savait l’expliquer mais d’un côté, il comprenait que Kenway soit tombé sous son charme mutin. De l’autre, il espérait juste ne pas succomber, un jour, à cette même tentation.
    -Vous comptez y aller ? Demanda Merelda à Uriah.
    -Où ça ?
    -Sur Bremedia. Le monde chevalier.
    -Oui, mais pas dans l’immédiat. Nous devons tout d’abord vérifier cette histoire de menace.
    -Bien entendu… Pourrais-je alors vous y accompagner ? J’ai toujours eu envie de voir un monde chevalier.
    -Pourquoi pas. On en reparlera le moment venu.
    Il appela un des fusiliers qui était en faction à la porte et lui demanda de la raccompagner à sa cabine. Il attendit qu’elle soit partie avant de reprendre. Il se servit une autre tasse de café.
    -Les retours de nos augures donnent quoi ? Demanda-t-il à la Brute.
    -Nous commençons à obtenir une cartographie détaillée du satellite. Atmosphère viable et respirable, gravité et température, acceptables dans les standards. Plusieurs urbanisations et proto-ruches notables avec de multiples traces de destructions à la suite d’un conflit récent.
    -Conflit toujours actif ?
    -Pas de conflit actif visible en ce moment.
    -Des mouvements de population, de véhicules ?
    -Affirmatif. Une population est active ainsi que des véhicules terrestres. Pas d’aéronefs détectés.
    -A-t-on la trace d’un astroport ?
    -Traces résiduelles. Sans doute détruit.
    -Que nous donnent les retours vox ?
    -Rien, nous n’obtenons que des interférences pour l’instant.
    -Demandez à la passerelle de continuer. Cette fois-ci nous n’allons pas nous précipiter, je veux savoir où nous allons mettre les pieds.
    Il fit un signe, englobant la Brute et Altaïr.
    -On montera une équipe réduite et comme la dernière fois, on ira en reconnaissance sur place mais cette fois, nous emmènerons Jocasta avec nous, leur dit-il en désignant sa navigator.

    A la fin du deuxième jour, Säde vint trouver Altaïr dans un des hangars de chargement, vide pour l’occasion. Ce dernier était préoccupé depuis que la Brute leur avait annoncé la découverte de deux nouveaux corps sans tête ce matin. Ils en étaient à sept corps en moins de dix jours.
    Säde lui remit une missive, scellée dans un tube de données. Il décacheta le cylindre et en sortit le rouleau de parchemin, interrogeant son maitre des murmures du regard.
    -Il existe bien une personne, Monsieur. Un vieillard. Un ancien matelot du nom de Nathaniel, qui selon les rumeurs serait à bord depuis cinquante ans.
    Altaïr parcourut le rapport avec attention.
    -Je vois que vous l’avez trouvé dans un cagibi. Je lis qu’il est aveugle, à moitié sourd et à moitié fou…
    -Il était présent à l’époque d’Abdul Goldberg, il a donc connu le moment où le vaisseau est venu dans ce système. Je l’ai fait mettre en cellule et l’ai fait préparé pour son interrogatoire. Je ne dis pas que ça va être simple, juste que c’est le seul survivant de cette époque.
    Altaïr roula le parchemin et le remit dans le cylindre de données avec un petit soupir.
    -Allons-y… Vous nous gâtez vraiment avec votre candidat, lieutenant.
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  • Illuminati
    Illuminati

    le 19/09/2024 à 20:06 Citer ce message

    Les enquêtes prirent trois jours. Trois jours durant lesquels Säde enquêta déguisée et sous couverture dans les bas-fonds à propos des meurtres. Trois autres corps, plus anciens, furent retrouvés, ce qui amena le total à dix cadavres sans tête. Ces derniers étaient là depuis au moins deux ou trois semaines, ce qui écarta d’emblée la thèse de l’implication de Merelda dans cette affaire. Dès le premier jour de ses recherches, des émeutes avaient commencé à éclater un peu partout dans les sous-ponts et entrepôts techniques. Les assassinats étaient le point de départ qui mit le feu aux poudres mais elle comprit vite que d’autres événements plus insidieux étaient à l’œuvre et elle allait devoir les découvrir au plus vite.
    Trois jours que passa Altaïr à tenter de comprendre le charabia du vieux Nathaniel et ce ne fut pas simple. Il crut tout d’abord à une histoire sans queue ni tête, débitée par un vieil ivrogne à moitié sourd, persuadé alors qu’il perdait son temps. Puis il reconnut que l’histoire se tenait. Les dates et des lieux, des cargaisons mais rien de bien probant ni de compromettant. C’est surtout le troisième jour, alors qu’il comptait mettre fin à cette mascarade, alors que les émeutes étaient devenues à ce point incontrôlables que la Brute dut envoyer les troupes en renforts des boscos afin de tirer dans le tas. Ils n’eurent pas le choix car des officiers de pont et des technoprêtres furent assassinés un peu partout pour des groupes incontrôlables et hystériques. Il y eu plusieurs centaines de morts et dix fois plus de blessés. Les responsables furent tués ou arrêtés en vue d’être exécutés.
    C’est ce troisième jour qu’Altaïr reconnut, parmi tout le galimatias débité par Nathaniel, le nom de Loucenzo Romeus. Un nom qui ne pouvait absolument pas sortir de nulle part, ni de l’imagination vaporeuse d’un vieil alcoolique.
    L’inquisiteur Loucenzo Romeus… Un nom qui remontait à une vingtaine d’années. A Abdul Goldberg lui-même. Altaïr ne l’avait jamais connu et il s’en félicitait car Romeus avait été un proche du grand-père d’Uriah. Un archi-hérétique selon les informations qu’il avait eu par Isabella à l’époque. Il ignorait tout de lui et de ses projets car Isa n’avait pas encore hérité du Morning Star à ce moment-là. Il savait cependant que les Ordos l’avaient fait éliminer lui et Goldberg, la même année et que cela leur avait couté de nombreux agents. Voir son nom réapparaitre ainsi était comme voir ressurgir le spectre d’Abdul Goldberg…
    Le vieux n’avait pas encore tout dis et parlait d’une cargaison. Altaïr y passa les heures suivantes mais finit enfin par obtenir une information qui eut l’effet d’une bombe. Littéralement. Vingt ans plus tôt, Romeus et Golberg étaient venus ici, sur Onidès avec le Morning Star et étaient venus y chercher des containers emplis d’un minerai noir qu’il ne connaissait pas mais que cet inquisiteur recherchait.
    Ce minerai était dangereux visiblement, bien plus que du transuranium selon lui, au point que l’inquisiteur laissa des containers en échange sur la planète, en paiement. Une fois remonté en orbite, il relâcha le neurotoxique contenu dans ces containers et contamina l’atmosphère, tuant tous les témoins de cette affaire. Le gaz avait été assez foudroyant pour tuer tout le monde ou presque, en tout cas, dans les heures qui suivirent, puis le gaz se neutralisa et se dissipa mais il dû tuer, à l’époque plus de soixante-dix ou quatre-vingts pourcents de la population locale.
    Altaïr avertit immédiatement le conseil dans le strategium de la situation, réalisant qu’il serait extrêmement délicat de s’annoncer aux autorités locales, ce qu’Uriah valida aussitôt. Il lui demanda d’en informer Ludivine et une autre approche allait devoir être employée pour aborder Onidès. En attendant, il avait reçu des nouvelles de Säde et avec la Brute, ils pensaient avoir localisé la source des émeutes. Un groupe d’hérétiques sévissait dans les sous-ponts et ils pensaient avoir identifié des entrepôts désaffectés qu’ils allaient devoir invertir.

    Le lieutenant Haxton et ses hommes étaient encore mobilisés sur la fin des émeutes mais Uriah recruta une équipe de cinq fusiliers et emmena avec lui Jocasta, La Brute et Säde dans un premier temps. Si un hérétique tirait les ficelles, ils allaient devoir faire taire cette menace au plus vite. La Brute avait coordonné d’autres équipes parmi les troupes, afin d’isoler la zone mais l’endroit était une véritable souricière et bien des cloisons avaient été découpé ou réaménagés dans cette partie du vaisseau, ce qui ne leur simplifiait pas la tâche. Ils localisèrent un conduit menant à de vieux entrepôts abandonnés. Les sapeurs forcèrent la porte à l’aide d’une charge à fusion er y entrèrent pour être accueilli par des tirs. Les informations de Säde avaient vu juste. Des rebus, dépenaillés, équipés d’anciens masques respirateurs bricolés et pointant des armes modifiées, firent feu dans leur direction, blessant les deux fusiliers de tête. Mais les tirs de riposte, plus précis d’Uriah, de la Brute, de Säde et du sergent qui les accompagnait, les firent taire définitivement en quelques instants. Les bolts et le plasma qui s’abattit sur eux, furent dévastateurs et sans pitié. Jocasta avait tenté d’utiliser le pouvoir de son œil warp mais finalement n’en eut pas le temps, tentant de surprendre un des ennemis qui fut abattu par Säde. Le sergent ordonna à ses deux hommes restant d’aider les deux blessés à se replier et d’aller appeler des renforts.
    Après avoir nettoyé l’entrepôt où ils se trouvaient, ils inspectèrent les corps pour constater, presque sans surprise, les marques sur leur corps. L’octet. L’étoile à huit branches avait brûlé leur peau par endroit. La Brute recula, sentant ses poils de hérisser. Par le passé, il avait eu affaire à des cultistes des sombres puissances et en gardait une haine féroce en leur encontre. Uriah, y regarda d’un peu trop près avant que le Brute ne le force à reculer, ce qui ne l’empêcha pas de saigner du nez et d’avoir la vue qui se troubla, l’espace d’un instant.
    Les fusiliers étaient de retour et avaient fait sauter le verrou d’une autre porte qui mena vers une partie encore plus abandonnée et glauque que la précédente. Ici dans une semi-pénombre, des passerelles avaient volontairement été détruites à coup de charges de démolition et des canalisations d’eaux usées avaient aussi été saboté. De fait une eau sombre, vaseuse et nauséabonde inondait le niveau inférieur, en contrebas. Avec la plus grande prudence, ils progressèrent dans un dédale de coursives en grande partie détruites. Uriah, qui avait pris son petit singe mimétique avec lui, depuis qu’il était de retour à bord, décida de l’envoyer en reconnaissance, aussi le primate partit en sautillant et disparut au détour d’un couloir. Les fusiliers continuaient d’avancer quand d’autres hérétiques leur sautèrent dessus sans crier garde à l’angle d’une coursive. Mais eux aussi furent abattus rapidement, non sans avoir blessé un des soldats qui dût, lui aussi se replier en arrière, attendant les secours. Jocasta, restée silencieuse jusque-là, observait l’eau saumâtre en contrebas et notamment les autres parties de trois passerelles qui pointaient en face, vers la suite du complexe, devinant que c’était là-bas que devait se trouver leur objectif. Malheureusement, le seul passage possible était des plus hasardeux. Elle se pencha pour mieux voir mais sentit quelque chose de froid et mouillé s’enrouler autour de ses jambes avec force puis la tirer vers le vide. La seconde d’après, elle disparut en criant dans les eaux sombres situées plus bas.
    Säde la vit disparaitre et cria à son tour. Uriah et la Brute se précipitèrent sur un des rebords, cherchant à l’apercevoir au fond de l’eau mais la pénombre et les eaux sombres rendaient l’opération difficile. Uriah pointa son arme mais se reprit, craignant de toucher sa navigator au passage. La Brute n’eut pas la même retenue, il déposa son bolter lourd et pointa son pistolet bolter vers les eaux noires. Il guetta les remous et les ondes à sa surface puis lâcha deux tirs précis. Des tentacules gesticulèrent en jaillissant de l’eau puis cessèrent de bouger. Deux énormes cratères venaient de tuer la créature. Jocasta émergea alors de l’eau en reprenant son souffle. La seconde suivante elle se matérialisa sur le parapet, haletante et mal en point. Son œil warp venait de la projeter hors de l’eau mais elle comprit une fois de plus, qu’elle avait bien failli y passer…
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    Illuminati

    le 27/09/2024 à 21:08 Citer ce message

    Säde vint l’aider à se relever et à reprendre son souffle. Jocasta était trempée, couverte d’une vase putride et d’algues fongiques mais au moins, ni la créature ni le bouillon nauséabond dans lequel elle prospérait ne l’avaient blessé. Elle s’en tirait avec quelques bleus et égratignures, sans gravité. Le reste de l’équipe s’était remis en marche. La Brute, resté en arrière, perçut du mouvement dans les ombres ainsi que des grattements et séries de cliquetis. Il vit la créature juste avant qu’elle ne lui saute dessus, reconnaissant là un milliasaure, sorte de gros mille-pattes crustacé vorace vivant dans les bas-fonds. Les adultes pouvant mesurer un mètre de long et vous couper plus d’un doigt d’un coup, voire la main. Certains spécimens peuvent même atteindre les deux mètres de long mais sont bien plus rares à bord des vaisseaux. Ils sont en général traqués comme nuisibles. D’autant plus que leur morsure contient un venin paralysant et que leur chair serait un délice à certaines tables. Leurs œufs aussi seraient un met raffiné et réputé dans certains restaurants huppés. Une rumeur raconte même que certains wyrds peuvent les contrôler psychiquement. Une crainte qu’Helleth et ses zélotes tiennent à surveiller de près, en général.
    La Brute évita les mandibules sans peine mais, la bestiole ne le lâcha pas pour autant. Apparemment, même s’il ne parvenait pas à les voir, car à plusieurs couloirs de là, ses compagnons étaient eux aussi, aux prises avec plusieurs horreurs du même genre. Il perçut alors la voix d’Altaïr dans son microvox, malgré les interférences. Il n’était pas seul, arrivant probablement avec des renforts.
    -Vous êtes où, j’entends mal ?
    -On est en approche de votre position, mais par le warp, l’endroit est infesté de rats, des nuées de rats ! On a perdu deux hommes en route. Helleth nous ouvre le chemin avec son lance-flammes ! On est sur vous dans quelques minutes…
    -Helleth est avec toi, bien ! Tu amènes des troupes ?
    -Un medic et quelques hommes, oui.
    -On va avoir besoin de renforts ici, ça devient urgent !
    -Les fusiliers sont en train d’encercler la zone, on a perdu le contact avec eux, mais ils devraient vous rejoindre et couper votre route, en direction de la proue.
    -D’accords, bien reçu.
    La Brute coupa la connexion, dégaina son pistolet et colla un bolt sur la créature qui ne cessait de gesticuler en couinant et de tenter de le mordre. Il venait de lui mettre un bon coup de sabre mais la carapace en chitine du milliasaure était bien plus résistante qu’il ne pensait. Le bolt explosa la bête en deux, projetant son contenu gélatineux un peu partout. Satisfait, la Brute allait pour ramasser son bolter lourd posé un peu plus loin lorsqu’un trait d’énergie brûlant passa à un mètre de lui en sifflant et percuta une des cloisons. Le métal se mit à fondre à l’impact en grésillant. Il reconnut la signature d’une telle arme. Un fusil à plasma. Il crut tout d’abord au tir allié d’un des fusiliers ou d’Uriah mais ne vit aucun d’eux dans les environs. De plus, le tir venait depuis son dos. Il se retourna et vit passer un second tir qui toucha le sol devant ses pieds. Au moins il savait toujours garder son sang-froid en situation de combat. Le type en face n’était en rien un bon tireur mais ce qui le chagrinait le plus était le fait qu’une telle arme ait fini entre les mains d’un satané hérétique. Le second tir venait aussi de lui dévoiler la position du tireur. L’accélérateur magnétique de l’arme irradiait d’une lueur vive et cela détacha la silhouette du tireur depuis les ombres. Des membres tronqués, velus, des cornes… Un mutant. Une saloperie de mutant, pensa-t-il avec un rictus de dégout, tout en crachant par terre. Il était à moins de trente mètres de là, caché derrière un conduit, de l’autre côté de l’eau noire qui coulait en contrebas. Là où une ancienne passerelle aurait dû faire la jonction entre leurs deux positions. Il pivota vers les ombres et alla ramasser son bolter lourd.
    A quelques couloirs de là, plus avant, le groupe d’Uriah était bloqué dans un véritable combat contre toute une ménagerie tout droit sortie des égouts les plus sordides. Une nuée de milliasaures ainsi que deux massifs sauriens étaient sur eux. Communément appelés crocos des puisards, ces massifs et musculeux reptiles plutôt compacts étaient les lointains descendants de reptiles terrestres s’étant adaptés à la vie dans les égouts des villes-ruches. Par la suite, leurs gênes s’adaptèrent à leur environnement toxique et il n'est pas rare que des ruchards les emploient même comme animal de combat. Savoir comment ils ont fait pour terminer ici à bord, était une énigme mais les harnais qu’ils portaient au cou indiquaient clairement que ce n’étaient pas des créatures sauvages ou endémiques. Ces bêtes avaient été amenées là, domestiquées et dressées, ce qui était sans doute plus inquiétant encore.
    Säde avait dégainé son pistolet inferno et faisait un véritable carnage. Jocasta s’en sortait plutôt bien, même si elle eut quelques frayeurs avec un des crocos qui continuait à lutter contre elle et son bâton à décharge. Voyant qu’elle ne s’en sortirait pas, elle retira son bandeau et le foudroya de son œil warp. Les yeux de la bête se mirent à frire dans leurs orbites tandis que ce qui lui tenait de cerveau entrait en ébullition.
    Le sergent des fusiliers, un dénommé Bastille, venait de se débarrasser d’un milliasaure un peu trop collant, en le jetant dans l’eau du conduit dans laquelle Jocasta était tombée juste avant. Le sous-officier devait avoir l’habitude avec ce genre de créature, aussi il en profita pour venir aider une des soldates, qu’un des crocos venait de mordre à la jambe. Uriah, de son côté peinait terriblement à s’en sortir avec un des milliasaures qui s’était agrippé à ses jambes et à son bras, avec ses pattes griffues. Il tentait de le détacher de là et de le jeter à l’eau, comme l’avait fait le sergent mais n’y parvenait toujours pas. Cette saloperie avait fermement planté ses mandibules dans son armure et parvenait lentement mais surement à la percer. Il sentait d’ailleurs, les pointes qui commençaient à entamer sa chair au point qu’il sentit son propre sang couler sous son armure. Sur son épaule, son petit singe mimétique, qui jusque-là, s’était réfugié derrière son large chapeau, venait de modifier son apparence. Son instinct de préservation avait pris le dessus tandis qu’il était saisi de peur. A présent le petit singe était, en apparence, la copie miniature d’un milliasaure.
    -On peut pas dire que ça m’aide beaucoup, là ! Se mit à jurer Uriah, entre ses dents. Se servant de son épée énergétique, il parvint à détacher la créature de son armure en tranchant une partie de ses pattes et en l’embrochant, puis de toutes ses forces, il la propulsa par-dessus le parapet et la fit basculer en contrebas vers les eaux noirs et bouillonnantes où elle tomba en couinant.

    La Brute avait passé le harnais du bolter lourd sur ses épaules et revenait à présent sur ses pas. Là, il vit Altaïr et Helleth qui approchaient depuis le couloir, se trouvant sans le savoir, pile dans l’angle de tir du mutant au fusil à plasma. D’un geste, il leur ordonna de se mettre à couvert, ce qu’ils firent in extremis au moment où un autre tir fusa dans le couloir. La Brute pivota un dixième de seconde après, lâchant une rafale de gros calibres explosifs qui détruisirent tout sur dix mètres carrés, pulvérisant cloisons, poutrelles, gravats et le mutant qui se trouvait là., dans un fracas assourdissant et dans un déluge de fragments et poussière. L’instant d’après, le tireur était réduit à l’état de bouts de viandes encore fumante qui terminaient de retomber au sol en même temps que les douilles du bolter lourd.
    Satisfait d’avoir nettoyé l’autre bout du couloir, il fit signe à Altaïr et Helleth de le suivre. Altaïr vint à alors à ses côtés, un peu essoufflé.
    -On a reçu une alerte de la passerelle.
    La Brute continuait d’avancer.
    -Il se passe quoi ?
    -Deux navires en approche, de l’autre côté de la lune. Ils ne nous ont pas encore repérés mais Djoko a contacté le Daughter of Tempest pour rester hors de portée de leurs augures et passer en détection passive.
    -On les a identifiés ?
    -Pas encore. Ils s’y attellent.
    -Ça craint. Faut qu’on prévienne le capitaine et ça tombe pile au mauvais moment. Au moment où on a justement des saloperies d’hérétiques qui se terrent ici dans les sous-ponts avec la vermine. T’as bien fait d’amener Helleth, la Science. Elle va pouvoir m’aider à refaire la décoration, ici, lui dit-il avec un sourire mauvais.
    -D’autres fusiliers vont nous rejoindre, y a un medic avec eux.
    -Parfait, qu’ils hâtent le pas, parce que j’ai déjà commencé à distribuer les mauvais points aux hostiles.

    Plus loin dans les coursives, Uriah remontait un des couloirs, signalant à Säde, Jocasta et aux deux fusiliers restant de le suivre. Le sergent Bastille aidait Arrington, la jeune soldate blessée à la jambe qui pissait le sang. Elle serrait les dents et lui fit signe que ça irait, juste au moment où une balle lui traversa la tête, par derrière et ressortant par son œil gauche dans une gerbe de sang qui éclaboussa le visage du sergent. Elle s’effondra dans ses bras, tuée nette par un tireur silencieux.
    -Sniper ! Cria le sergent qui se mit à couvert, posant le corps d’Arrington au sol. Uriah et le reste de l’équipe, pris au dépourvu, se mirent à couvert, tant bien que mal dans les coursives, ne sachant guère d’où venait le tir. La Brute et les autres vinrent alors les rejoindre à ce moment-là. Prenant soin de rester baissés. Un second tir ricocha sur une des cloisons, manquant la Brute de peu. Il hasarda un rapide coup d’œil et repéra la silhouette, là aussi. Jocasta croisa son regard, il lui indiqua la position du tireur.
    -Je m’en occupe. Dit-elle.
    Elle attendit le troisième tir qui les cloua sur place, au moment où le tireur rechargeait la culasse de son arme. Elle se releva, escalada un tas de gravats et dévoila son troisième œil. Si elle avait vu juste, le tireur l’aurait alors en plein dans sa lunette de visée, cherchant à la prendre pour cible. Le pouvoir de son œil warp fit le reste, amplifié par la focale de tir de l’arme de précision. Le rayon ardent lui traversa le crâne tel un tir de plasma en surpuissance, vaporisant son contenu en un instant. La pression et la chaleur furent telles que sa tête explosa juste avant qu’il ne tire.
    Satisfaite de son action, elle profita du warp encore actif, pour projeter son corps à plusieurs mètres de là, sur un fragment de passerelles qui normalement, devait contourner une salle où des hérétiques étaient encore retranchés. L’instant d’après, elle se réceptionna sur le rebord de la passerelle branlante et eux la présence d’esprit de jeter un coup d’œil derrière elle, au moment où une langue de flammes arriva droit sur elle. Elle se jeta dans la pièce et évita le tir mortel de peu.
    Depuis la coursive où ils s’étaient retranchés, Uriah avait localisé une écoutille fermée et savait que ces fameux hérétiques étaient cachés là, juste derrière. Bastille décrocha une grenade inferno de son harnais et la confia à la Brute.
    -On va faire le ménage.
    Uriah ouvrit l’écoutille au moment où des tirs ricochèrent dans sa direction mais manquèrent totalement de précision. La Brute arma la grenade et la lança dans la salle. Elle détonna et engouffra au moins un des hérétiques dans une boule de flammes. Deux gros bras chargèrent alors en hurlant et leur tombèrent dessus. Le premier était une masse de muscles brandissant une énorme épée tronçonneuse alors que le second maniait une vouge monomoléculaire…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 05/10/2024 à 23:00 Citer ce message

    Uriah tira sur le premier, mais ce dernier évita le coup de plasma in extremis tandis que la Brute plaça un coup de sabre, aussitôt bloqué par la tronçonneuse du second. Helleth, jusque-là, restée en arrière, se jeta alors dans la mêlée avec sa tronçonneuse et en deux coups surpuissants, découpa le premier hérétique dans une gerbe de sang.
    Jocasta qui s’était retrouvée dans la pièce, plus en avant, venait tout juste d’éviter un tir de lance-flammes, venu de l’autre côté de la passerelle. Elle se mit à l’abri dans une vaste salle encombrée et trouva soudain les corps de deux femmes, membres de l’équipage, la gorge récemment tranchée. Devant cette vision d’horreur, elle ne fut que plus déterminée à châtier les coupables et resta sur ses gardes. A ce moment, un colosse émergea des ombres, brandissant une lourde hache tronçonneuse, savourant à l’avance la joie de pouvoir la démembrer méthodiquement. Il dévoila un large sourire de dents noires et limées en pointes et avança vers elle. Elle recula et dévoila, en retour, son œil warp à pleine puissance. L’hérétique eut les yeux brûlés en même temps que ce qui devait lui rester de cervelle. Une fumée se dégagea de sa bouche et de ses oreilles tandis qu’il bascula en arrière et s’effondra dans une pile de caisses qu’il fracassa. La voie libre, elle se dirigea vers le reste du groupe, bloqué un peu plus loin devant elle. C’est là qu’elle repéra un autre type caché, brandissant une arme longue, en embuscade. Elle voxa l’équipe et les informa, profitant qu’il ne l’avait pas repéré.

    Uriah, d’un coup d’épée énergétique, venait de couper en deux l’épée tronçonneuse de son adversaire. La chaine vola en éclats. Avec la Brute et Helleth, ils éliminèrent les deux hérétiques restants, dont celui en embuscade et purent retrouver Jocasta. Elle leur fit part de la situation.
    -La voie est libre jusqu’à une passerelle depuis laquelle il faudra sauter pour atteindre l’autre côté. Si on se loupe, c’est le plongeon assuré. Mais le pire c’est qu’en face, ils ont un lance-flammes qui nous attend.
    -Montre-moi où il est, lui dit la Brute, son pistolet bolter à la main. Je m’en occupe.
    Elle leur indiqua l’endroit. Ils attirèrent son attention, prirent garde au jet de flammes et en quelques tirs, firent taire le tireur pour de bon. La Brute finit par trouver une corde et en attacha solidement une première extrémité de leur côté. Il donna l’autre bout à Jocasta.
    -Utilise ton pouvoir. Une fois de l’autre côté, attache la corde et fais-nous signe.
    Elle hocha la tête. Se concentra sur l’autre côté de la passerelle, sauta et projeta son corps tout en tenant la corde dans sa main. Celle-ci se déroula alors qu’elle se rematérialisait de l’autre côté. Il n’y avait eu que deux mètres à sauter, mais elle ne préférait pas réitérer son expérience dans les eaux usées. Elle attacha la corde à un morceau de tuyauterie et leur donna le signal.
    Uriah ordonna à Säde de les couvrir et de faire la jonction avec les hommes du sergent Bastille, sachant que des renforts arrivaient depuis l’arrière.
    Uriah fut le suivant à traverser. Pendant ce temps, Jocasta repéra un couloir sur sa gauche qui donnait sur le corps du tireur d’élite qu’elle avait tué un peu plus tôt. Elle vit son arme au sol, située à quelques mètres de là et décida d’aller la ramasser. Elle porta sa main vers l’arme au moment où Uriah lui cria de ne surtout pas y toucher. Elle se ravisa mais ne vit pas le fanatique qui lui sauta dessus, brandissant deux épées tronçonneuses. Un des coups la toucha et lui ouvrit le cuir chevelu, elle tomba, la tête en sang. Le type beugla et fonça droit sur Uriah alors qu’Altaïr et la Brute venaient de le rejoindre. Un autre berserker armé à l’identique était déjà là, leur sautant dessus et un tireur, les avait aussi pris pour cible.
    Le combat fut d’une brutalité extrême et tous les trois furent grièvement blessés. Il fallut l’intervention salvatrice de la Brute pour sauver la peau d’Altaïr qui n’aurait pas résisté à une prochaine blessure. En revanche, la Brute encaissa les coups et les entailles mais faiblissait. Lui aussi n’allait pas pouvoir résister à une autre blessure.
    Un tir prodigieux d’Uriah, totalement au jugé, mit fin au tireur et la Brute finit alors par éliminer le reste en combinant ses tirs avec ceux d’Altaïr, mais non sans peine.

    Plus loin, il y avait des bruits de combat, des explosions et une fusillade nourrie. Ils ne voyaient pas d’où cela pouvait provenir à cause des coursives étroites mais devinaient ce qu’il s’y passait.
    -Ce sont nos hommes, annonça Uriah. Ils ont contourné, comme demandé et ont dû créer des brèches dans les cloisons.
    La Brute était déjà occupé à relever Jocasta qui ne réagissait plus. Sa blessure était grave mais aurait pu être mortelle, à un cheveu près. Elle avait le visage en sang et restait encore sonnée par le choc. Tous étaient très mal en point de toute façon, ils prirent quelques minutes pour se faire quelques soins rapides alors que les combats faisaient toujours rage un peu plus loin devant eux, ce qui détourna l’attention et les préserva durant ce laps de temps.

    Une fois à peu près sur pied, ils reprirent leur progression, tentant de rejoindre leurs troupes. Ils progressaient prudemment, sachant que des hérétiques étaient embusqués un peu partout. Le sol était jonché de restes de corps démembrés, presque entièrement dévorés par les rats et la vermine. Mais Uriah reconnut là, des matelots de son navire. La puanteur était atroce. Jocasta, soudain, leur fit signe de s’arrêter. Elle ressentait quelque chose. La puanteur n’émanait pas que des corps.
    -De la sorcellerie, un psyker ? Lui demanda Uriah.
    -Pas tout à fait… Mais quelque chose se prépare. Je le sens dans l’air.
    -Alors ne perdons pas de temps !
    La Brute le retint par le bras.
    -On va rester prudent. Il y a une intersection juste devant. Restez à l’angle. Je vais en face.
    Il se précipita et disparut dans une autre section, plongée dans la pénombre. De leur côté, Jocasta, Uriah et Altaïr avancèrent prudemment jusqu’à la jonction des coursives. Depuis l’angle, Jocasta et Uriah jetèrent un rapide coup d’œil. Altaïr couvrait leurs arrières avec son bolter.
    -Les émanations warp, viennent de la droite, dit-elle à voix basse.
    -Je vois des silhouettes, au loin, éclairées par quelques bougies.
    Elle recula le libre-marchand d’une main.
    -Des captifs. Des officiers à en juger par leurs uniformes.
    -On voit les preneurs d’otages ?
    -Juste des ombres… Mais oui… Ce sont eux qui préparent le rituel… Les captifs vont être sacrifiés.
    Uriah voxa la Brute.
    -Rapplique, tout de suite, on va avoir besoin de ton artillerie !
    La Brute rebroussa chemin, comprenant que la zone vers laquelle il allait était un cul-de-sac, de toute façon.
    Jocasta le vit revenir vers eux et en profita pour se faufiler dans le couloir avec Uriah et Altaïr. Ils allaient devoir faire très vite. Les tirs résonnaient depuis les coursives et masquaient nettement leur propre progression. En revanche, Jocasta pouvait clairement voir à présent que les adorateurs des Puissances étaient eux aussi en train de se hâter, comprenant que leur cérémonie venait d’être découverte. Ils allaient devoir décapiter les derniers captifs, au plus vite. Elle se faufila au plus près, espérant être furtive le plus possible et une fois à vue, elle dévoila son bandeau et relâcha son rayon warp à pleine puissance. Les captifs ne seraient malheureusement pas épargnés mais elle allait devoir vivre avec cette idée. Une poignée de personnes sacrifiées allaient peut-être sauver le vaisseau tout entier. Elle savait qu’en tant qu’officiers loyaux, ils se devaient d’accepter cette idée. Elle les foudroya en premier. Leur crâne entra en combustion spontanée, étouffant leurs cris de douleur. Les suivants, l’instant d’après furent le groupe de prêtres hérétiques, portant des idoles blasphématoires, des lames dentelées rougies par le sang et du matériel impie. Trois d’entre eux tombèrent à genoux en hurlant, leur visage en flammes tandis que leurs yeux entraient en combustion. Deux autres étaient toujours debout, malgré les flammes qui leur léchaient la face, ils continuaient d’entonner une litanie de manière extatique. Autour d’eux, le feu warp et le sang bouillonnant se mirent à siffler et à former des volutes depuis lesquelles, un énorme chien de enfers, rouge sang, garni de pointes osseuses apparut, parés à bondir droit vers Jocasta alors qu’il riva ses yeux blancs laiteux vers elle.
    La Brute lui hurla de se jeter à terre et ouvrit le feu avec son bolter lourd, envoyant des volées de bolts explosifs de gros calibre sur toute la zone. Le chien bondit au moment où il se fit déchiqueter, ses membres et ses entrailles, pulvérisés. Ce qu’il restait des hérétiques et des corps se trouvant juste derrière, furent eux aussi, hachés et broyés par la pluie de bolts. Des tuyaux furent éventrés et libérèrent une pluie d’eau sur toute la zone, plongée dans une semi-pénombre. Il ne restait plus rien de vivant après l’intervention de Jocasta et la Brute. Que des corps démembrés et calcinés.
    Le reste des fusiliers finirent par les rejoindre. Ils avaient pu contourner et éliminer aussi d’autres poches de résistance. Tuant plusieurs dizaines d’hérétiques, au passage. Eux-mêmes avaient subi de lourdes pertes dans leurs rangs, signe que les combats rapprochés avaient été extrêmement sanglants.
    La Brute et Uriah se coordonnèrent avec les différentes escouades. Ils voxèrent aussi Helleth qui allait devoir réquisitionner tous les zélotes et autres brûleurs de mutants à bord et les ramener ici. Toute cette zone allait être purgée par le feu puis par le vide avant d’être scellée en vue d’une future reconstruction complète. Il faudra aussi établir, comment diable, des saloperies d’hérétiques s’étaient développées à bord. Ces cas n’étaient jamais rares, à cause du warp, mais la vigilance devait être de mise. Une fois que ces équipes eurent pris en main la situation, Uriah et ses hommes se hâtèrent de rejoindre Djoko. Altaïr leur avait parlé de corvettes en approche.

    -Qu’est-ce que ça donne sur les augures ? Demanda Uriah en entrant sur la passerelle.
    Djoko se tourna vers lui alors que Jocasta, la Brute et Altaïr le suivaient.
    -Hors de portée, mais on a une signature. Deux corvettes de classe Wolfpack.
    -Certainement des pirates, ajouta Säde qui venait de les rejoindre.
    -C’est déjà confirmé, en effet, compléta Djoko. Les banques de données indiquent qu’il s’agit du Liberatori Proxima et du Delta Antorax, deux navires déjà croisés par le Morning Star par le passé.
    -Ça ne me dit rien, répondit Uriah.
    -Normal, cela remonte à votre illustre grand-père, capitaine.
    -Et que disent ces données à propos de ces corvettes ?
    Altaïr parcourut les flots de binaires qui défilaient sur les écrans.
    -Quelles font partie d’un groupe de sept corvettes Wolfpack, apparemment.
    -Comme ces sept corvettes que la marine impériale nous demande de traquer dans la région ?
    Altaïr releva sa tête de sa console.
    -Les pirates d’Arioch Drake… Eh bien, je crois qu’on en tient déjà deux…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 10/10/2024 à 21:37 Citer ce message

    Les heures passèrent sur la passerelle, tandis que les deux frégates libres-marchands étaient toujours plongée dans l’obscurité et le silence. Seuls les lumens rouges et les chandelles à bord, restaient allumés. Tous les systèmes auxiliaires restaient coupés. A bien des égards, la passerelle, ainsi plongée dans le silence et une semi-pénombre, prenait des airs de templum, avec ces cierges allumés, son encens diffusé par des sinistres servo-crânes et les litanies murmurées par les opérateurs depuis leurs consoles.
    Fulminant et dans l’impossibilité de savoir quelles étaient les intentions des deux corvettes pirates, en orbite au-dessus d’Onidès, Uriah et ses officiers préférèrent ne pas se dévoiler et restaient à observer l’astre et son satellite, en silence. La Brute s’impatientait et était en faveur d’une attaque directe, comptant sur leur puissance de feu supérieure combinée avec celle du Daughter of Tempest, alors qu’Altaïr préférait favoriser une observation furtive. Uriah ne parvenait pas à savoir qui des deux, avait le plus raison. Il aurait préféré débarquer sur cette lune avec sa suite et ses troupes afin de soumettre l’astre, sans que cela ne pose plus de problème, mais force était de constater que des pirates étaient déjà là et cela changeait la donne. Avaient-ils une base, ici ? D’autres navires ? Son nom de famille allait-il être reconnu après toutes ces années, à cause de ce qu’avait fait son grand-père, lui-même ancien pirate ? Les risques étaient trop grands de se dévoiler ainsi… Il se tourna vers son astropathe et sa navigator.
    -A-t-on détecté des échos warp ?
    Les deux jeunes femmes eurent la même réaction. Leurs sens en éveil leur confirmaient un ressenti identique.
    -Il y a une activité résiduelle, disons… Dans les standards acceptables, capitaine, lui dit Antinoé.
    -Cela correspond à une signature psychique classique. Pas de pic aethérique notable, ajouta Jocasta.
    -Bien… Prévenez-moi si cela devait changer.
    -Les… Avertissements du lieutenant Kenway sont aussi à prendre en compte, si vous voulez mon avis, capitaine. Lui dit Jocasta, appuyée sur son bâton.
    Il se tourna vers sa navigator.
    -Quels avertissements ?
    Elle se pencha vers lui.
    -Ses visions, dit-elle à voix basse.
    -Il a parlé de quoi, déjà ?
    -De cette lune et qu’elle serait l’obstacle sur notre route.
    -En effet, nous voilà bloqué. Et quoi d’autre de plus pertinent ?
    -Que les graines de la discorde viennent de cette lune et qu’elles risquent de faire tomber les six.
    -Les six quoi ? Leur demanda la Brute.
    -Les six maisons chevaliers de Bremedia, ajouta Altaïr. Jocasta acquiesça.
    -Raison de plus pour effectuer un bombardement, continua la Brute. Cette lune est clairement une menace. Des pirates se terrent sans doute dessus. On localise leur base, on l’atomise et on n’en parle plus !
    -L’autre information, selon Kenway est qu’une solution au problème se trouve aussi sur cette lune et que si nous ne « les » écoutons pas, les six pourraient disparaitre, reprit Jocasta. Cela sous-entend que plusieurs personnes sur Onidès pourraient avoir des informations cruciales. Nous allons donc devoir les trouver et écouter ce qu’ils savent. Donc… Sauf votre respect, je préfère favoriser une autre stratégie. Tout d’abord, évaluer le niveau de menace sur place.
    -Fort bien… Et quelle autre stratégie ? Envoyer des hommes, au risque de les sacrifier ?
    Restée jusque-là dans l’ombre, Säde Lindholm, la maitresse des murmures, prit alors la parole.
    -La navigator primaris a raison, Monsieur. Je peux envoyer des agents à moi sur cette lune. Une navette pourrait se poser à quelque distance d’une des colonies. Des informateurs tels que le lieutenant Kenway sont alors parfaitement en capacité à prendre des renseignements en terrain hostile.
    -Et s’ils se font capturer ?
    -Alors nous les perdrons sans doute. Nous en enverrons d’autres dans ce cas. Ailleurs. Ce sont les risques des unités de reconnaissance, Monsieur.
    La Brute se tourna vers Uriah. Ce dernier effectua un geste de la main.
    -C’est d’accord, que l’on envoie une équipe en reconnaissance. Les heures tournent et nous sommes actuellement dans une impasse, de toute façon.
    Säde effectua un petit salut de la tête et s’empressa de quitter la passerelle, tout en voxant son équipe. Uriah s’installa sur son trône de commandement et activa plusieurs consoles, avant de reprendre son ton protocolaire.
    -Timonerie, la barre au zéro deux cinq, avance lente. Cap sur Onidès. Maitre vox ? Informez la passerelle du Daughter of Tempest et transmettez notre cap.
    -Bien reçu, capitaine, confirma Djoko qui s’installa à la barre, répercutant les ordres aux équipes de l’enginarium et du vox.
    Le navire se mit à ronronner et à vibrer doucement. Son esprit de la machine était déjà fébrile à l’idée de se remettre en mouvement. Uriah effectua un signe à l’attention de la Brute.
    -Monsieur Lysander, faites préparer une navette ainsi que quelques hommes en renfort. Si l’endroit est sûr et dès que les informateurs de la maitresse des murmures nous auront transmis les premiers rapports, je veux que nous nous rendions sur place.
    -A vos ordres, capitaine. Souhaitez-vous qu’une escorte nous accompagne ?
    Uriah était en même temps, occupé à compulser les flots de données qui défilaient sur plusieurs écrans devant lui. Il eut un petit sourire en coin.
    -La capitaine Frae Spinaiser se propose justement de nous accompagner.
    La Brute se contenta de hocher la tête.
    -Je fais le nécessaire pour la navette, capitaine.

    Dans ce laps de temps qui dura plusieurs heures, Jocasta en profita pour aller s’isoler dans son sanctus situé bien au-dessus de la passerelle, là où se trouvaient ses appartements. Abigael Dolorosa l’y attendait. C’était une des gardiennes et archivistes du librarium à bord, une érudite dont elle avait fait connaissance durant sa dernière convalescence. Elle avait alors demandé à Uriah si elle pouvait la prendre en partie à son service. Le capitaine avait accepté à la condition que Miss Dolorosa rende compte à Altaïr de ses faits et gestes.
    -Je vous ai préparé du thé, Madame.
    -Merci, Abigael. Veillez à ce que personne ne vienne me déranger.
    -Une séance de tarot ?
    -Oui, comme vous me l’aviez conseillé. Vous aviez raison, cela s’impose.
    Abigael lui servit une tasse de thé et se retira.

    Jocasta en profita pour méditer un peu, afin d’aider son organisme à se remettre de sa récente blessure à la tête qui avait bien failli l’ouvrir en deux. Elle pouvait sentir son nouvel implant autosanguin prendre le relai et accélérer le phénomène de cicatrisation, pourtant, elle se sentait encore bien faible. Cette science arcanique était un mystère pour elle mais elle ne doutait pas du fait que l’esprit de la machine avec lequel elle fusionnait était en train de réparer sa chair endommagée. Elle laissa l’implant agir et en profita pour débuter une séance et sortit son Tarot de l’Empereur. Elle s’installa à son bureau, but une gorgée de thé après avoir allumé de l’encens et entonné une prière avant de débuter. Les cartes en cristal psychoréactif dégageaient de légères vibrations sous ses doigts. Une question avait été abordé et retenu par le capitaine. Quelle est la nature du problème sur Onidès ?

    Elle tira trois lames et les plaça devant elle. Le schéma était inhabituel, elle le vit tout de suite. La carte censée la représenter et qui devrait se placer au centre du schéma, se trouvait à droite. Les deux premières étaient en revanche, en position descendante, donc de mauvais augure. Elle s’interrogea sur le sens du message envoyé par les cartes et se demanda si elle avait bien posé la bonne question, ce que le Tarot semblait lui reprocher en réalité…
    Elle poursuivit pourtant la lecture des cartes.
    Tout d’abord le Trois de la suite de Discordia, la carte du Pillard. Celui qui détrousse les morts comme les vivants, celui qui cherche à mettre la main sur quelque chose de précieux et de désiré. Cette carte incarne aussi bien la convoitise, la disparition que la découverte fortuite de quelque chose ou de quelqu’un. La carte présentait un solide gaillard masqué, presque torse nu, portant une masse cloutée et affichant un air de véritable barbare. Derrière lui se trouvaient des machines infernales et des manufactoria tout aussi terribles.
    La seconde lame était le Deux d’Arcanes mineurs, la Brute. Elle sourit presque en voyant la carte qui montrait un colosse pire que le premier, bardé d’armes et de muscles. Cette lame incarnait la violence et le danger. Associée au Trois de Discordia, elle en amplifiait les effets. Le danger était donc bien réel. Mais elle se demandait jusqu’à quel point son Tarot n’était pas en train de la mettre en garde sur les volontés martiales de la Brute, leur premier officier. Un peu plus tôt, à l’écouter, il aurait été en faveur de tout détruire si elle ne s’y était pas opposée. Le message est sans doute qu’il risquait de les mettre en danger s’il venait sur Onidès. Rien de tout ceci n’était sûr en réalité. Elle poursuivit.
    En revanche, la troisième lame était une des Figures maitresses. La carte aurait dû la représenter mais ne la représentait pas. Pourtant, il s’agissait bel et bien de la carte du Seigneur de la suite d’Executeria, la puissante lame de la Navis Nobilite. La carte de l’influence politique, commerciale ou warp. La carte des mystères, des privilèges mais aussi de la malédiction marquée dans la chair des mutants. Cette carte pourrait dévoiler un secret car elle était en schéma ascendant, un signe éminemment positif. Au lieu de montrer son propre visage, elle vit un navigator d’une sombre beauté avec un air presque androgyne et qui semblait plonger son regard de sang dans le sien au point que cela la troubla. Un simple mot flotta dans son esprit… « Enfin ! ».
    Elle retint son souffle, car un fait plus que rarissime venait de se produire… Quelqu’un venait d’établir une connexion avec elle, via son tarot…

    Plusieurs heures passèrent avant les premiers retours des informateurs de Säde. Entre temps, les deux frégates s’étaient approchées, furtives, dans l’ombre d’Onidès. Elles avaient eu le temps d’observer, malgré la distance, les deux corvettes pirates qui étaient restées tout ce temps en orbite basse, puis qui avaient redécollé en direction de l’espace. Jocasta avait eu la présence d’esprit de contacter la passerelle du Daughter of Tempest, là aussi, mais cette fois-ci pour s’entretenir avec son homologue, Nospherati Ptolemy. Elle lui demanda de marquer psychiquement une des corvettes et ainsi pouvoir la pister à distance. Ce qu’il fit aussitôt. Il n’aurait que quelques jours pour remonter sa trace, mais si cette dernière ne passait pas le point de Mandeville, il pourrait la suivre à la trace. Elle-même ne disposait pas d’un tel pouvoir, sinon elle ne serait jamais passé par ce sinistre Ptolemy.
    Les premiers retours pix de l’équipe des informateurs furent transmis par Säde, directement à Uriah et à ses officiers. Les images montraient des sites industriels, sans doute des puits d’extraction de prométhéum ou des convertisseurs galvaniques en plus de fonderies plasmatiques. Le sol était plutôt désertique, avec une terre rougeâtre et un ciel ocre jaune. De loin, les colonies ressemblaient à n’importe quel autre monde minier. Sa population clairsemée en revanche, était nettement plus proche de celle d’un monde frontière féodal, composée de tribus de pillards technomades, disposant d’une large gamme de véhicules terrestres bricolés, un peu comme ceux croisés sur Galen VI.
    Visiblement certaines enclaves étaient aux mains de clans armés et une forte activité semblait les animer. Ce fut la dernière image qui attira le plus leur attention. Une image assez peu nette, sans doute prise de loin via l’optique d’un servo-crâne espion. Elle présentait une sorte de souk dans une cité. La population bigarrée montrait des humains mais aussi des abhumains ou peut-être des mutants ou des xenos, il était difficile d’en être sûr. En revanche, l’étoile à huit branches sur une ou deux personnes, restait assez nette à identifier.
    Uriah interrogea Säde du regard.
    -Les locaux sont des hérétiques ?
    -Il semblerait que ce ne soit pas le cas de tous. Il existerait plusieurs communautés qui cohabitent sur Onidès.
    -Avec des hérétiques ?
    -C’est pas rare, ajouta la Brute. Techniquement nous sommes en dehors des frontières de l’Imperium et ses lois ne s’y appliquent plus. Ici, il n’y a plus d’Arbites, plus d’Administratum, plus d’Ecclésiarchie… des communautés aussi diverses que variées constituent parfois des enclaves pirates ou des zones franches, en dehors de tout contrôle. Il n’est pas rare d’y croiser parfois des hérétiques et des xenos. A nous justement de ramener la lumière de Terra.
    Uriah hocha la tête.
    -Dans ce cas, allons sur place. Changeons-nous idée de passer inaperçu sur un tel monde. Je vais appeler Ludivine. On se retrouve à la navette. Et… Veillez à ce qu’Helleth ne nous accompagne pas, elle et les hérétiques, je sens qu’on mettrait vite le feu aux poudres.
    Il reporta son attention vers Altaïr et Säde.
    -Ah, félicitez vos informateurs pour ces renseignements. Mais vous me les renvoyez sur le terrain dès que possible. Je veux qu’ils fassent la même chose sur Bremedia, le monde chevalier. Je veux savoir qui vit actuellement sur cette planète.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 20/10/2024 à 15:57 Citer ce message

    Quelques heures plus tard, la navette Aquila d’Uriah, la Marabella Gloria, atterrissait en plein désert, au cœur d’un ancien site en ruines, à quelques kilomètres de la ville d’Hyboros Tertius, un grand centre urbain, au cœur du principal continent habité. Suivant les conseils du tarot de Jocasta, la Brute était resté sur la passerelle, afin de se coordonner avec le Daughter of Tempest mais aussi avec les informateurs envoyés sur Bremedia. Pour cette opération, il avait été remplacé par Säde. De son côté, Ludivine était aussi descendue en navette afin d’explorer plus au sud, vers la Pointe de Valeria. Selon l’avis de sœur Alexia, sa famulus, le site faisait référence à une ancienne sainte de la Sororitas et il était primordial, pour elle, d’en apprendre plus, au moins sur l’état du sanctuaire et du temple en ruines attenant. Si des sœurs continuaient de servir en un tel lieu, leur concours à cette mission pouvait s’avérer primordial.

    Une fois la navette posée et la zone sécurisée, Uriah et ses officiers décidèrent de laisser sur place, le pilote et les cinq fusiliers d’élite qu’ils avait emmené avec eux. Ils s’équipèrent de manière légère, ne prenant que quelques armes de poing et leurs épées. Enfin, ils avaient laissé au vaisseau, leurs tenues flamboyantes de libres-marchands, pour adopter des vêtements urbains plus passe-partout. Une fois équipés, ils firent le reste du chemin à pied, en direction de la ville d’Hyboros Tertius, située à quelques kilomètres de là. L’urbanisation était étendue et plutôt ancienne, étant composée à l’origines d’un grand centre industriel et religieux, siège des adepta. Plus d’un siècle plus tard, le tout semblait avoir été démoli puis reconstruit en bâtiments occupant aujourd’hui d’autres fonctions. Le reste des habitats était constitué en majeure partie de maisons massives et cubiques de couleurs claires, collées les unes aux autres de manière totalement anarchique. Des rues se dessinaient pourtant dans un dédale totalement byzantin. Seuls un axe ou deux traversaient la ville de manière linéaire et permettait le passage possible de véhicules léger, autrement, dans les ruelles adjacentes, il était très difficile de circuler tant le zigzag de rues et de masures était enchevêtré. Partout, des échoppes et étals faisaient commerce d’absolument tout. De la nourriture bon marché, des tissus, épices en passant par des armes et des drogues ou même de l’eau. Les toiles et enseignes criardes des étals contrastaient avec les tons crème des bâtisses et de l’environnement.
    Ils pénétrèrent dans la ville, de jour, passant relativement inaperçus et se mirent à arpenter ses rues animées, bondées et bruyantes, comme de simples locaux. Le contraste avec un monde impérial était saisissant. Ce qui sautait aux yeux était évidemment la présence d’abhumains, de mutants et de xenos, signe qu’ils étaient bel et bien en dehors de frontières de l’Imperium. Ces créatures se mêlaient à la population sans que cela ne déclenche de protestation. Ici un mercenaire kroot, là un vendeur stryxis, plus loin un groupe d’hommes-bêtes musculeux en armes ou encore un cuistot ratling préparant des grillades. L’Imperium avait tout bonnement disparu de cette planète et une autre nature avait simplement repris ses droits. Ils notèrent cependant deux éléments importants. Même si le bas Gothique était en partie parlé, les habitants semblaient tous employer un dialecte local qu’ils ne comprenaient pas. De plus, la monnaie utilisée n’était pas impériale non plus, mais locale, elle aussi.
    -Nous voilà bien, annonça Altaïr. On ne comprend pas la moitié de ce qu’ils baragouinent et pour couronner le tout, nos devises ne serviront à rien ici.
    -Et si nous devions payer ? S’étonna Jocasta.
    -Il nous faudrait procéder au troc, j’en ai bien peur. Idem si nous souhaitons obtenir des liquidités. Il nous faudrait revendre quelque chose. Il doit y avoir une ou deux boutiques de prêteurs sur gage, je crois en avoir vu.
    -Nous verrons cela, pour l’heure, nous allons déjà ouvrir l’œil et écouter ce qui se dit en Gothique. On va se séparer en deux groupes et faire le tour du quartier. On reste en liaison vox.
    Jocasta jugea pertinent de sonder les lieux à l’aide de ses sens warp mais ne décela rien de bien préoccupant. La ville devait compter des psykers, mais d’inhabituel selon elle. Elle glissa l’information à l’oreille d’Uriah.
    -D’accord, restez tout de même en alerte, on ne sait jamais.
    -Que cherche-t-on de particulier, Monsieur ? Lui demanda Säde.
    -Vous vous rappelez les indices du Tarot ? Tout ce qui pourrait nous mettre sur la piste d’un éventuel problème lié à Bremedia et à sa possible solution. Pour l’instant, nous n’avons pas mieux comme indice.
    Ils passèrent une heure ou deux à tourner ainsi en ville. Les rues étaient bien plus étendues qu’elles n’y paraissaient et finissaient toutes par se ressembler, au même titre que les gens qui les arpentaient. De ci, de-là, des hommes armés semblaient monter la garde. Ce n’était en rien des forces de l’ordre, mais plutôt des hommes de main qui tenaient leur quartier, comme le font ces gangs dans les ruches. Ce furent Säde et Altaïr qui notèrent quelque chose en premier. Un groupe de gros bras armés de masses et de tronçonneuses, fendaient la foule et posaient des questions, n’hésitant pas à houspiller énergiquement certains badauds. Il était clair qu’ils cherchaient quelque chose ou recherchaient quelqu’un. Ils décidèrent de les suivre prudemment et là, ce fut Säde qui mena les opérations, demandant à Altaïr de la suivre et de faire comme elle, se fondant parfaitement dans la foule et filant le train au groupe de gros bras. Elle perçut leur conversation. Ils s’exprimaient dans les deux langues, aussi cela lui permit d’en saisir le sens. Elle glissa l’information à Altaïr.
    -Ils recherchent quelqu’un. Une fille avec un chien.
    Il la regarda, un peu étonné.
    -Eh bien… On en a déjà croisé une ou deux, j’ai l’impression.
    -Oui et eux aussi, c’est quelqu’un d’autre à mon avis. C’est la fille au chien, selon eux.
    -Est-ce bien là, une piste importante ? La pègre locale a sans doute des centaines d’opérations en cours mais je doute que cette piste ne nous apporte quoi que ce soit d’intéressant.
    -La pègre est bien souvent une mine d’informations, justement. Ces gens savent toujours des choses sur tous les sujets.
    -C’est vrai… mais si nous devions partir à la recherche de la première citoyenne qui perd son animal de compagnie, nous serions là pour des années.
    Säde activa discrètement son microvox et contacta l’autre équipe, les informant sur cette possible piste.
    -On verra. On n’a pas mieux dans l’immédiat, dit-elle tout en coupa la communication.
    Ils reprirent leurs recherches mais Säde sentait la piste comme présentant un véritable intérêt. Les gros bras semblaient particulièrement remontés, signe qu’il ne s’agissait pas là, d’une simple personne à retrouver. Ils étaient six, lourdement armés et prêts à en découdre. Cette fille avait nécessairement dû énerver la mauvaise personne, restait à savoir pour quelle raison. Son insistance porta ses fruits car elle parvint à capter une suite de leur conversation. Il était question de cette fille mais aussi du vol d’un objet ainsi que d’une autre personne. La curiosité d’Altaïr se mit en alerte à l’évocation du vol mais surtout lorsqu’il prêta l’oreille et perçut un nom échangé entre deux des hommes. Selon ce qu’il comprit, ils cherchaient la fille car c’est elle qui savait où se cachait un certain Jeremiah Praxx.
    Ce nom replongea aussitôt Altaïr une bonne quinzaine d’années en arrière. Lui et Livia avaient connu et côtoyé Praxx il y a bien longtemps. Déjà à l’époque il trempait dans des affaires louches, car c’était un voleur de haut vol, mais pas seulement. Praxx était un fixeur, un facilitateur et un revendeur de génie. Il trempait dans le commerce froid avec un certain Reginas Ulth à l’époque et c’est par lui, qu’Altaïr avait pu revendre bien des copies de reliques et d’artefacts. Il les avait réalisés à partir d’originaux qu’il avait emprunté à sa petite amie, Ephèse Solaris, encore une toute jeune archéotechnologue à l’époque. Mais là, sur le moment, des années après, il sut instantanément qu’il s’agissait de ce même Jeremiah Praxx. Il se tourna vers Säde, préférant dans l’immédiat, ne pas préciser que Praxx était un abhumain.
    -Je connais ce type. Praxx. C’est une ancienne connaissance. Si quelqu’un sait quelque chose ici, ce sera bien lui.
    Elle hocha la tête et voxa l’autre équipe, tout en lança un regard à Altaïr, signifiant « Tu vois ! ».
    -Monsieur ? On aurait une piste. La fille au chien pourrait nous mener à la bonne personne selon votre sénéchal.
    -D’accord, on tâche de la retrouver.

    Il ne leur fallut pas moins de trente minutes pour finir par la localiser. A force de poser des questions aux locaux, ils finirent par obtenir quelques informations. Mais ce fut Jocasta et Uriah qui la localisèrent en premier. En passant devant un bar, le Chubby Jones, la porte s’ouvrit pour en faire sortir un des clients et Jocasta vit une jeune femme assise au comptoir, avec un énorme chien à ses pieds. Ce ne pouvait être qu’elle. Elle attrapa Uriah et la lui indiqua. Il voxa aussitôt l’autre binôme qui finit par les rejoindre.
    -On procède comment ? Demanda Säde à Uriah.
    -On rentre et je vais la voir avec Altaïr.

    Ils firent ainsi et tous deux, une fois entrés, se dirigèrent vers la fille. Une jeune fille au longs cheveux blonds, un peu en bataille, à peine plus qu’une adolescente. Le chien, en revanche était impressionnant, sans doute une sorte d’hybride ou de cyber-mastiff amélioré. Les deux les repérèrent tout de suite dès qu’ils entrèrent. La fille était clairement sur ses gardes et porta sa main sur la crosse d’un canon de poing à sa ceinture. Le chien se redressa et s’interposa aussitôt, bloquant le passage à Altaïr, tout en sortant ses crocs en céramite.
    -On a besoin de vous parler… Je connais Jeremiah Praxx et j’aurais besoin de…
    A peine sa phrase prononcée, la fille bondit de son tabouret et fila en courant droit vers l’arrière du bar, là où se situait une autre porte. Le chien se jeta sur Altaïr pour le faire tomber mais ce dernier parvient à éviter l’attaque de justesse. Les autres allaient réagir, notamment Uriah qui allait poursuivre la fille, mais cette dernière se retrouva coincée. La porte qu’elle allait franchir s’ouvrit d’un coup et elle se retrouva le nez collé au canon d’un fusil à pompe. Le gros bras qui tenait l’arme, arma la glissière d’un coup sec et lui intima de ne surtout plus bouger. Ce qu’elle fit en écartant les bras.
    Tous les clients dans le bar, se figèrent en un instant.
    Derrière Jocasta, Uriah et Altaïr, un groupe de cinq individus fit alors son entrée. Les gros bras de tout à l’heure, justement. Ils passèrent à côté d’eux, leur demandant justement de s’écarter et de ne surtout pas interférer. Celui qui paraissait être le chef, était vêtu d’un ancien costume sombre, d’un chapeau et d’une canne. Il portait un masque respirateur en forme de crâne et se mit à ricaner à l’attention de la fille.
    -On peut dire que tu nous auras fait courir, petite. Mais les bêtises s’arrêtent ici. Tu vas nous suivre et arrêter de faire des histoires. On a assez plaisanté.
    -Vous n’en ferez rien, cette fille vient avec moi.
    L’homme au masque se retourna, intrigué par l’incongruité de cette phrase. Il chercha le responsable du regard, avec un air amusé.
    -Plait-il, jeune homme ?
    -J’ai dit, cette fille vient avec moi.
    Le type en question prit le temps de le toiser puis eut un petit rictus en se positionnant juste devant lui.
    -En d’autres circonstances, j’aurai trouvé votre air bravache un peu osé, mon garçon. Mais voyez-vous, je n’ai pas de temps à perdre avec des freluquets de votre genre. Visiblement, vous ne savez même pas à quoi vous vous adressez. Ou si c’était le cas, ce serait encore pire et totalement stupide de votre part.
    Uriah porta la main sur la crosse de son pistolet à plasma et l’homme au chapeau eut un petit rire derrière son masque.
    -Oui, voilà, gamin, fais parler la poudre en public, c’est très malin. Maintenant, ôtes-toi de mon chemin, si tu ne veux pas finir par avaler toutes tes dents.
    Il reporta son attention vers le barman, un gros type qui avait l’air terrorisé.
    -Désolé pour le dérangement, Jones.
    Il leva une main et fit claquer ses doigts avant de ressortir du bar, suivit par ses hommes qui continuaient de garder un œil sur Uriah et les autres. Ces derniers venaient juste de réaliser que la fille et le type au fusil à pompe avaient disparu. Sans doute, l’avait-il fait sortir par derrière alors qu’ils étaient occupés par la conversation avec l’homme au chapeau. Le chien se précipita justement dans cette direction, mais bloqué devant la porte fermée, il chercha à l’ouvrir sans y parvenir. Uriah fit signe à Säde de faire le tour, justement avec le chien tandis que lui, Altaïr et Jocasta allaient suivre les types dans la rue avec la ferme intention de retrouver cette fille. Ils les aperçurent à l’angle de la rue et deux d’entre eux venaient de les repérer et de voir leurs armes sorties. Ils leur foncèrent dessus avec leurs masses lourdes cloutées à la main. Uriah et Altaïr s’interposèrent et les prirent en corps à corps, ce qui laissa le champ libre à Jocasta qui les contourna et interpela l’homme au chapeau. Ce dernier se tourna vers elle au moment où elle plongea le rayon warp de son troisième œil droit sur lui. Le bouillonnement warp incandescent le frappa tel le rayon mortel d’un canon à plasma, lui faisant éclater le crâne alors que son contenu était porté à ébullition. Il s’écroula sans un bruit, tel un sac, délesté de sa tête, son contenu éparpillé alentours. Des passants se mirent à hurler, totalement horrifiés par la scène.

    A l’angle de la ruelle, un peu plus loin et hors de vue de ce qui venait de se passer, Le chien venait de rattraper sa maitresse, toujours tenue fermement en joue par le type au fusil. Un autre de ses camarades l’avait rejoint mais le chien venait justement de lui sauter dessus. La fille avait cherché à dégainer son arme mais l’un des ravisseurs venait justement de la désarmer et de lui flanquer un méchant coup de poing dans le ventre, afin de lui faire comprendre qu’il ne plaisantait pas. Säde venait justement de rejoindre l’autre coin de la rue, celui de derrière. Elle vit la scène, dégaina son pistolet Inferno et prit le temps de viser calmement le type qui tenait la fille. Elle tira et lui vaporisa la tête. La fille cria et se colla contre un des murs de la ruelle, un peu sous le choc. Son chien était toujours sur le deuxième type, sa mâchoire fermement plantée dans son bras. Le type dégaina une lame de sa ceinture et tenta de le frapper avec mais le chien réagit rapidement et évita le coup. Il verrouilla sa mâchoire magnétique sur le bras et le lui sectionna en activant ses dents mécaniques qui agirent telles les lames d’un poignard tronçonneur. En hurlant, le type attrapa le moignon de son bras d’où giclait le sang et tomba à genoux au sol. La fille en profita pour ramasser son arme au moment où un troisième individu allait se précipiter sur elle. Profitant que la fille se baissait, Säde, toujours située quelques mètres derrière, ouvrit le feu de nouveau et désintégra la tête du gros costaud qui brandissait une hache tronçonneuse. Elle courut, attrapa la fille par le bras et l’entraina avec elle.
    -Partons d’ici, vite, tout le quartier va être en alerte dans quelques instants.
    Elle voxa le reste de l’équipe afin de se retrouver à quelques rues de là. Uriah, Jocasta et Altaïr étaient parvenus à éliminer les deux derniers gorilles, non sans mal, même si Altaïr était parvenu à en décapiter un d’un seul coup. Ils finirent par se rejoindre dans une ruelle alors que l’alerte venait d’être donnée et que des hommes en armes sillonnaient le quartier.
    La fille reprit son souffle. Son chien était immense à côté d’elle, au point qu’elle aurait même pu s’en servir de monture. Il fixait Uriah et ses hommes de ses yeux augmentiques rougeoyant.
    Elle les dévisagea avant de lui répondre.
    -Je ne vous ai jamais vu ici… Vous êtes de quel coin ? Et Jeremiah ne m’a jamais parlé de vous. C’est quoi votre nom ?
    -Altaïr. Et vous ?
    -Nessa et je vous présente Otto, mon chien.
    -Vous travaillez avec lui ? Avec Jeremiah, je veux dire…
    -On peut dire ça comme ça, oui. Disons que je fais partie de son équipe. Dites, votre nom ne me dit rien. Vous l’avez connu comment, Jeremiah ?
    -C’est trop long à vous expliquer, commença Altaïr, mais je le connais bien. Du moins… Je l’ai connu il y a longtemps et sachant qu’il avait des ennuis, nous sommes là justement pour le retrouver avant… Les autres.
    -Plein de gens le connaissent ici et justement les derniers voulaient lui faire la peau. Et rien ne me prouve que vous ne voudrez pas en faire de même.
    Altaïr lui raconta une anecdote de l’époque où lui et Jeremiah se connaissaient.
    -Je peux vous dire qu’il a un bras augmentique. Le bras gauche.
    -Ça, tout le monde le sait, ici. Ça ne prouve rien.
    -Oui, mais tout le monde sait-il ici, comment il l’a perdu, il y a une quinzaine d’années sur Kritias ?
    -Je connais la vérité, mais justement… Je suis curieuse, car les gens ici, connaissent une tout autre version.
    -Jeremiah a perdu son bras à la suite d’une infection à cause d’un banal accident. Il doit raconter que c’est une blessure de guerre ou lors d’un duel, c’est ça ?
    -Un duel, en effet. Avec son fichu caractère, les gens y croient volontiers. Je savais pour l’accident mais je suis la seule ici à le savoir. Donc, oui vous l’avez bien connu. Après, je ne connais pas non plus vos intentions.
    -On t’a tiré de là, petite, lui dit Uriah. Tu vois qu’on ne plaisante pas sur certains sujets.
    -C’est vrai, mais côté discrétion, on repassera, les gars. Vous avez massacré Ambrosius Gantz et ses hommes et ça ne passera pas inaperçu dans le coin, croyez-moi.
    -J’ai entendu dire que Jeremiah a volé un objet et s’était attiré des ennuis à cause de ça ? Du coup, ce Gantz est mort, ça devrait aller mieux, non ?
    Elle eut un petit rire ce qui lui fit plisser son nez.
    -Nan… Gantz était juste un caïd du coin mais cette affaire le dépasse et maintenant, Jeremiah est vraiment dans la merde.
    -On peut le voir ?
    -Je vous y conduis, mais je vous préviens, il est dans un endroit pas très… Fréquentable.
    -Laisse-moi deviner… il est dans un bordel ?
    -Au Full Moon, exactement. Mais on va devoir faire vite. La mort de Gantz va soulever des questions.
    Jocasta ne put s’empêcher de sourire à l’évocation totalement ringarde du nom de ce lieu mais Nessa avait raison, ils allaient devoir marcher sur des œufs à présent que les hostilités étaient, une fois de plus déclenchée dès les premières heures…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 31/10/2024 à 20:08 Citer ce message

    En chemin, Nessa prit garde de passer par de petites ruelles plus discrètes et bien moins voyantes que les artères principales et animées d’Hyboros Tertius. Pendant le trajet, Altaïr attrapa ses compagnons un peu à part.
    -Je dois vous avouer quelque chose, à propos de Praxx.
    Uriah se retourna vers lui, un air blasé sur le visage.
    -C’est un criminel recherché, c’est ça ? On avait deviné.
    -Non, c’est… Enfin, si… C’est ça aussi. Mais c’était pour vous dire que c’est un félinide.
    -Un quoi ?
    -Un mutant, c’est bien ça ? Répondit Jocasta. Une espèce d’homme-bête ?
    -En quelque sorte oui… Les félinides sont des abhumains, moitié homme, moitié félide. Une espèce plutôt rare mais qui sert aussi comme troupes auxiliaires dans certains régiments de l’Astra Militarum. On les dit farouche et sauvages en combat.
    -Eh bien, une chance que la Brute ne soit pas descendu avec nous, ajouta Uriah.
    -Pourquoi, il n’aime pas les mutants ?
    -Je croyais qu’il n’en avait qu’après les hérétiques, leur dit Säde.
    -Les hérétiques, la pègre et tous les gens avec qui on doit traiter ici… Il n’aime pas grand-chose, notre cher Lysander, répondit Altaïr.
    -Bon, on doit s’attendre à quoi, en le voyant ? Un monstre de foire poilu ? L’interrogea Uriah.
    -Monstre de foire, faudra éviter de lui dire en face… Mais c’est l’idée. Et poilu… pas dans son cas. Il est moins poilu que nous.
    -Un félide sans poil ? S’étonna Jocasta avec un petit rictus de dégout.
    Altaïr leur jeta un regard patient.
    -Voilà exactement pourquoi je devais vous en parler avant.

    Ils arrivèrent devant l’établissement et Nessa se tourna vers eux.
    -Laissez-moi faire et faites exactement tout ce qu’on vous demande.
    Elle ordonna à son chien de l’attendre dehors. Elle poussa la porte richement décorée du lupanar et ils pénétrèrent dans un vaste salon garni d’alcôves, le tout dans des tons colorés. De prime abord, l’endroit pouvait ressembler à un bar avec son comptoir, ses tables et ses clients. Les lieux étaient plutôt confortables, garnis de tentures en soie et de coussins bigarrés et moelleux. Un sonographe jouait une douce sonate dans le fond. Mais à mieux regarder, une fois l’œil habitué à la lumière tamisée des bougies derrière les paravents et moucharabiés, l’endroit prenait tout son sens. Des jeunes femmes dénudées étaient installées un peu partout, prenant soin des quelques clients qui profitaient d’un peu de bon temps.
    A peine entrés, deux sveltes guerrières, aux tenues excentriques et colorées leur barrèrent le passage, telles des amazones. L’une portait une fine épée énergétique à la main et sa consœur, une élégante hache énergétique dans l’autre.
    -Vos armes. Vous devez nous les laisser.
    -Toutes nos armes ? S’étonna Altaïr.
    -Si vous tenez à repartir avec tous vos membres, je vous le conseille.
    Uriah leur fit signe de s’exécuter sans discuter. Ils laissèrent leurs armes qui furent déposées dans un grand panier.
    -Allons commander à boire et prendre une table, sinon, nous allons vite attirer l’attention, leur dit Nessa.
    -C’est que nous ne disposons pas de devises locales, lui murmura Altaïr à l’oreille.
    -C’est bon, je vais payer…
    -On boit quoi ici ?
    -Du vin, je crois. Il y a de la Dammassine aussi.
    -Trop cher, un vin du coin, ce sera parfait.
    Elle se dirigea vers le comptoir et passa une commande dans la langue locale. Elle déposa un billet à la serveuse et vint les rejoindre à une table.
    -J’ai pris une bouteille pour nous cinq.
    -Parfait, lui dit Uriah. Dis… La femme, au fond avec le cybermastiff à ses pieds et le félide sur ses genoux, c’est qui ?
    -C’est « Madame ». Il s’agit de Dame Fae, la propriétaire des lieux.
    -Elle saurait nous renseigner ? Je ne vois pas trace de Jeremiah, ajouta Altaïr.
    Elle attendit qu’une serveuse vienne leur apporter la bouteille et les serve, pour poursuivre la conversation.
    -Je vais aller lui parler. L’un de vous veux venir avec moi ?
    -Moi, lui répondit Altaïr qui se leva et la suivit.
    -On garde un œil, pendant ce temps-là, lui glissa Uriah qui resta à table, en compagnie de Säde et Jocasta.
    Nessa et Altaïr arrivèrent à la table de Dame Fae qui les toisa tout en reposant son verre à pied. C’était une femme entre deux-âge, très élégante et qui affichait un certain maniérisme calculé. Le cybermastiff verrouilla ses yeux augmentiques sur eux, tout comme le félide qui les regardait avec son air inexpressif.
    -Nessa, ma chère petite… Cela faisait bien longtemps. Ma proposition aurait-elle enfin trouvé un écho favorable ?
    -Non, je remercie votre sollicitude mais… Je ne suis pas là pour ça, Dame Fae…
    -Que puis-je pour vous, ma chère ? Voyons prenez place et présentez-moi donc ce monsieur.
    Elle leur désigna le large sofa en demi-cercle sur lequel elle occupait la place centrale.
    Ils s’assirent de chaque côté.
    -Je m’appelle Altaïr et pour tout vous dire je suis à la recherche d’un ami qui pourrait être ici, dans votre établissement, Madame.
    -Oh. Un ami… Et l’avez-vous trouvé, cet ami ?
    -Eh bien non. Raison pour laquelle nous souhaitons solliciter votre concours.
    -Il s’agit de Jeremiah, ajouta Nessa, sans plus tarder.
    Dame Fae reprit son verre et but une gorgé de vin blanc avant de dévisager Altaïr avec un début de sourire, ce qui mit en avant le fait qu’elle avait recours à des traitements rejuvenants.
    -Ce qui fait la réputation de mon établissement est justement l’assurance d’une certaine discrétion vis-à-vis de ma clientèle.
    -Oui, mais là, c’est différent, insista Nessa.
    -Quand bien même, il s’agirait de Jeremiah Praxx, ma chère.
    -Nessa a raison, Madame… Il s’est attiré de gros ennuis et nous devons impérativement le retrouver avant que ces ennuis n’arrivent jusqu’à lui.
    -Rassurez-vous, le Full Moon est bien protégé. Mes filles que vous avez croisé à l’entrée sont rapides et savent dissuader les plus téméraires.
    -Oui, mais là, c’est un peu plus grave, ajouta Nessa. Il s’agit des hommes de Gantz… Il y a eu un accrochage et…
    Dame Fae plongea ses yeux sombres dans ceux de Nessa.
    -Les nouvelles circulent vite ici, gamine… Il y aurait eu une fusillade dans le centre-ville, il y a moins d’une heure de cela. On parle de plusieurs morts en pleine rue. Les hommes de Gantz justement…
    Nessa hocha la tête et Fae se pencha légèrement vers eux.
    -Vous m’obligez à déroger à une de mes propres règles, et je déteste cela. Mais amener jusqu’ici, vos propres… Ennuis, me navre au plus haut point.
    Elle leva une main et claqua dans ses doigts. Une bretteuse, porteuse d’une longue lame courbe, et accoutrée telles les deux femmes à l’entrée, approcha avec souplesse et célérité. La fille était élancée et tout en muscles.
    -Ilona, accompagne mademoiselle à la chambre trois. Tu inviteras son occupant à quitter les lieux au plus vite. Je compte sur ta persuasion.
    -Bien, Madame.
    La jeune femme hocha la tête et indiqua à Nessa de la suivre rapidement.
    Fae reporta son regard vers Altaïr.
    -Vous m’avez l’air d’être un homme intelligent. Quelles que soient les raisons de votre venue, Monsieur Altaïr, sachez que nous sommes en parfaite capacité à nous défendre. Raison pour laquelle ce lieu sait rester neutre et je tiens à ce qu’il le demeure. Retournez à votre table, je vais vous faire apporter une autre bouteille, offerte par la maison. Je compte sur vous pour persuadez vos amis et ce cher Jeremiah de ne pas trop abuser de mon hospitalité.
    Altaïr la remercia et se leva. Plus loin, il perçut Nessa et la guerrière qui accompagnait celui qu’il reconnut aussitôt. Il se dirigea vers eux.
    Praxx, comme l’avait indiqué Altaïr était un félinide, un abhumain au corps à demi animal, tenant du félide et de l’humain. Contrairement à la plupart de ses semblables, il n’était pas velu, mais son corps imberbe aurait presque pu paraitre humain, à l’exception d’une peau grise, d’une longue queue et d’un visage bestial, avec un faciès félin, des vibrisses et de longues oreilles en pointe. Comme évoqué par lui et Nessa, il portait un bras gauche augmentique en différents alliages de métal. Il n’était pas très grand mais affichait un corps fin et souple, aux muscles longs et saillants, couverts de tatouages et arborait des vêtements aux origines xenos. Il fronça les sourcils en apercevant Altaïr et eut un moment d’hésitation.
    -Sylmann ? Alors là, je veux bien être pendu ! C’est bien toi, enfoiré qui me tire du lit ?
    -Lui-même.
    Ils se serrèrent dans les bras.
    -Merde ! Mais qu’est-ce que tu fous là ?
    -Comme tu le vois, je te cherchais.
    -Attends… Des gens me cherchent ici… Tu n’aurais pas un lien avec tout ça ?
    -Viens, je vais te présenter les autres et il faudrait pas qu’on traine trop, la tenancière veut qu’on quitte les lieux rapidement.
    -Laisse tomber. Fae, j’en fais mon affaire, dit-il en s’allumant un cigalho. Alors raconte-moi ?

    Altaïr fit les présentations tandis qu’ils s’installaient à la table où était Uriah et les autres. Ils en profitèrent pour évoquer les derniers évènements. Ils lui avaient aussi évoqué les raisons de leur présence, à savoir l’énigme du rêve de Kenway à propos de Bremedia et Onidès, les six maisons nobles qui risquaient de tomber, le danger venant d’Onidès mais aussi une possible solution s’y trouvant.

    -Des libres-marchands… Bin mon salaud, tu as su te placer, toi, lui dit Jeremiah en lui mettant un coup de coude. Et donc, si j’ai bien compris, vous êtes là depuis quoi, un ou deux jours à peine et déjà vous flinguez Ambrosius Gantz et cinq de ses hommes de mains, en pleine rue, comme ça ?
    Il partit d’un léger rire suivie d’une petite quinte de toux.
    -Nous sommes arrivée depuis quelques heures, en réalité, le corrigea Uriah.
    -Bin merde, les mecs… Vous, vous perdez pas temps ! Vous devez avoir une sacrée paire de balloches pour vous pointer comme ça sur un monde inconnu et flinguer les premiers venus en pleine rue, en plein jour et une heure après, vous boire un petit rosé, au calme alors que toute la ville vous recherche.
    -Ce Gantz en avait après mademoiselle, lui répondit Uriah en désignant Nessa. Et puis il m’a manqué de respect.
    Praxx dévoila toutes ses dents dans un sourire où pointait ses canines aiguisées.
    -Ah, vous les nobles et l’honneur, putain, ça rigole pas… Il n’empêche cap’taine, que vous venez de cramer vos cartouches, maintenant que tout la ville d’Hyboros a vu vos trognes et qu’elles vont être placardées sur les murs.
    Il se calla dans son fauteuil et tira sur son cigalho.
    -Et vous, comment êtes-vous arrivé ici ? Lui demanda Uriah. Vu que vous n’êtes pas local.
    -C’est une vieille histoire, mais pour la faire courte, cela a un rapport avec des pirates.
    -Des pirates, du genre des « Princes » ?
    Il eut un petit rire.
    -Nan, pas eux. Des pirates du coin. Disons qu’on a eu une embrouille, y a des années et j’ai dû leur fausser compagnie.
    -Eux aussi, tu leur as dérobé quelque chose de précieux ?
    -Nan, une veille querelle, des broutilles… Une chance que je sois un bon ami de ce bon vieux Slymann, pour vous tirer de vos galères, les gars. Et donc, vous êtes ici pour quoi déjà ?
    Il se tourna vers Jocasta.
    -La jolie demoiselle un peu timide, elle a parlé d’un navigator, c’est bien cela ?
    Jocasta parut étonnée d’être qualifiée ainsi, elle qui, toute sa vie avait été vue comme un monstre. Mais venant d’un autre mutant, elle se dit que cela devait paraitre bien différent. Elle hocha la tête, un peu déstabilisée et sans doute en rougissant un peu malgré sa peau de porcelaine.
    -C’est vrai ce qui se dit de votre troisième œil ? Parait que vous pouvez tuer un mec avec ? C’est des conneries, non ?
    -Tu connais les légendes sur la Navis, lui répondit Altaïr, c’est très exagéré.
    -Quoi qu’il en soit, je ne connais pas de navigator dans le coin. Mais si y a en a un, c’est sûr qu’il se cache. C’est plus que rare ici et y a des types ici qui seraient prêts à lui mettre la main dessus pour se faire un paquet de fric.
    -Et tu connaitrais personne qui saurait nous renseigner à son sujet ? Lui demanda Altaïr.
    -Si, mais vois-tu, je suis un peu en froid avec mes anciens employeurs et encore plus maintenant que tu as flingué mon ancien boss qui aurait pu te renseigner.
    -C’est moi qui… Commença Jocasta.
    -Qui quoi, gamine ? Lui dit Praxx qui tourna son regard félin vers elle.
    -C’est moi qui… Techniquement… Qui l’ai tué. Je suis désolée.
    Praxx eut un large sourire qui déforma ses traits.
    -Bin merde…
    Il reporta son regard vers Uriah.
    -La petite, elle lui a fait sauté la tronche, comme ça, à cet enfoiré ?
    -Elle dit vrai.
    -Vous commencez à devenir intéressants, les gars.
    Uriah allait lui poser une question mais Altaïr et Jocasta venaient de s’apercevoir que Nessa, restée silencieuse jusque-là, était soudain préoccupée par quelque chose. Elle fixait la porte de l’établissement, nerveusement. Praxx s’en rendit compte et la questionna.
    -C’est Otto. Il est dehors et il me dit… Des types arrivent, ils sont armés.
    -Merde, ils ont remonté vos traces. Allez récupérez vos armes, on file d’ici et vite et pas par devant, suivez-moi.
    Il se leva et fila discuter un instant avec Dame Fae à qui il glissa une généreuse liasse de billets, suite à quoi elle fit un geste à Ilona qui depuis un coin de la salle, attrapa une des tables, la bascula sur le côté, ce qui dévoila dans le plancher, une ouverture donnant sur des marches en bois.
    -Vite, pas le temps de trainer ! Cria Praxx alors que tous se précipitèrent par l’ouverture. Altaïr fut le dernier à passer, prenant le temps de voir un groupe d’hommes bardés de muscles et de haches tronçonneuses énormes faire irruption juste au moment où Säde l’attrapa par le col, sans ménagement et le tira en arrière, au moment où la trappe se refermait. Apparemment, les gros durs ne les avaient pas vu, mais il s’en était vraiment fallu de peu.
    Ils suivirent le félinide dans un dédale de tunnels et de catacombes qui serpentaient sur quelques centaines de mètres avant qu’il ne remonte par un escalier donnant sur une échelle en métal qui déboucha dans l’arrière-cour d’un commerce. Il emprunta un autre escalier, qui cette-fois donnait vers une remise abandonnée. En déplaçant un ancien panneau de bois, il dévoila le pavé numérique d’un clavier et entra un code qui déverrouilla une porte blindée. Il entra et les invita à le suivre. Le couloir déboucha dans un vaste salon en sous-sol, entièrement aménagé.
    -Ici nous serons en sécurité, le temps de réfléchir à la situation.
    Il leur proposa de s’installer dans des sofas, afin de se mettre à leur aise, après cette matinée un peu stressante.
    -Donc, vous n’êtes pas juste venus ici pour moi ou cet hypothétique navigator… C’est quoi l’histoire derrière ?
    -On a justement besoin de connaitre les relations politiques ou diplomatiques entre Onidès et Bremedia, reprit Uriah. Je veux savoir ce qui se trame ici. Qui a le contrôle de cette lune ?
    Praxx commença alors à leur conter toute l’histoire d’Onidès et Bremedia.

    Tout débuta, bien avant son arrivée ici, à l’époque terrible où un neurotoxique tua les deux-tiers de toute la population. Les origines de cette histoire restaient encore troubles pour les locaux mais le traumatisme était encore bien présent, ce qui avait développé une paranoïa qui se mua en une véritable haine chez certains survivants. La lune fut plongée dans un chaos indescriptible et des hordes de techno-barbares émergèrent, reprenant le contrôle total des infrastructures de défense de la lune, bien décidés à prendre un jour leur revanche. Les élites de l’époque avaient déjà été éradiqué de longue date et des clans barbares avaient pris le contrôle et remis les canons en état. A l’origine, Onidès étaient une lune de défense, bardée de système d’armement qui avaient pour vocation de protéger Bremedia de toute intrusion. Mais une fois la lune entre les mains des clans, la situation s’inversa et un véritable blocus fut mis en place afin de contraindre Bremedia militairement. La planète ne disposait d’aucun vaisseau et avait toujours compté sur Onidès ou des navires marchands mais désormais, coupée du monde extérieur, le monde Chevalier devenait une proie facile, à la merci de la lune qui continuait d’augmenter son arsenal, grâce notamment au concours de pirates avec lesquels ils avaient toujours des liens. Les six maisons avaient bien tenté, par le passé, d’envoyer des navettes vers Onidès, mais elles avaient toutes été abattu, sans la moindre sommation.
    Praxx leur raconta que l’actuel dirigeant d’Onidès était un grand chef de guerre redouté, du nom d’Absalom Krieger. Ce dernier, profitant d’un Imperium disparu de longue date, avait pour projet de s’emparer de Bremedia, maintenant qu’elle était coupée de l’extérieur. Pour cela, il avait fait remettre les fonderies et les mines en marche et était en train de fabriquer la plus grande armée de machines de guerre. Ses complexes étaient tous profondément enfouis et ses sites de batteries de défenses étaient tous protégés par de puissants boucliers Void, rendant tout bombardement presque impossible. Mais plus important, ajouta Praxx, une fois son armée de machines de guerre assemblée, Krieger compte porter l’assaut au cœur de Bremedia afin d’y écraser les six Maisons. Et pour cela, n’ayant pas de moyen de transport suffisant, il est parvenu à mettre la main sur un antiques portail d’origines xenos via ses contacts pirates. Un portail colossal, par lequel des engins entiers peuvent passer. Une fois le portail activé, il sera alors en mesure d’y envoyer toutes ses machines de guerre en un rien de temps.
    -Et ce portail, il pourra l’activer prochainement ? Lui demanda Uriah.
    -Il aurait déjà pu le faire, mais c’est là que mes talents entrent en piste…
    -Tu lui as volé quelque chose… Lui dit Altaïr.
    -Tout juste, la Science ! C’est de la xenotech, un truc aeldari apparemment. Une tablette en moëlle spectrale avec leurs gemmes colorées dessus. D’après ce que j’en sais, ce serait une sorte de processeur ou cogitateur mais version xenos. Et sans cette tablette, leur portail ne pourra pas s’activer.
    -Et trouveront-ils un autre moyen de l’activer ? Demanda Jocasta.
    Il pointa son doigt vers elle.
    -Elle est maline, en plus ! Oui, tu penses bien que Krieger n’est pas du genre à se bloquer pour un simple détail. Ils espèrent bien me mettre la main dessus mais ils bossent sur un plan B, je crois.
    -Lequel ?
    -Ils doivent mettre la main sur un de ses aeldari. Eux seuls sont en capacité à faire fonctionner leur foutu xenotech, de toute façon. Mais ça va leur prendre un peu plus de temps. Voilà pourquoi vous pourriez avoir une certaine utilité dans toute cette histoire. Vous avez des moyens, des vaisseaux et ensemble, on devrait avoir les moyens de contrecarrer les plans d’Absolom.
    -On t’écoute, lui dit Altaïr.
    -J’ai bossé avec eux et je sais où se trouve le centre de commande des batteries orbitales. C’est bien défendu, mais une équipe furtive de petits malins devrait parvenir à s’y introduire. Je sais aussi comment surcharger leurs foutus boucliers Void. Le seul truc qui reste, c’est disposer d’une équipe de fins négociateurs qui devra d’abord se rendre sur Bremedia pour y rencontrer les six Maisons et les convaincre de porter l’offensive avant Krieger et écraser son armée de machines avant qu’elle ne soit pleinement opérationnelle. Et pour cela, ils auront besoin de vous et de vos vaisseaux pour les transporter. C’est là que les batteries de défense devront être neutralisées. Mais si on réussit ce coup-là, croyez-moi, les nobles de Bremedia nous devront une fière chandelle.
    -C’est un plan ambitieux, mais ça me plait. Et vous dans tout ça ? Quelle est la raison qui vous pousse à agir ainsi ?
    -Je n’ai plus d’avenir ici de toute façon… J’ai les pirates à dos, les hommes de Krieger aussi… Me tirer de là est ma meilleure option.
    -Cette histoire commence à devenir urgente, murmura Uriah. Il interrogea Altaïr du regard.
    -La Brute devait envoyer une navette de reconnaissance vers Bremedia, on sait où ça en est ? Et Ludivine qui est, le Trône sait où, ignorant dans quel nid de termagants elle s’est fourrée. Vous disposeriez d’un vox longue portée ? Nous allons devoir contacter nos navires, ne serait-ce que pour les informer du danger qui plane ici.
    -Oui, suivez-moi, j’ai d’autres pièces ici, avec de l’ancien matériel militaire. Il y a une unité vox longue portée, qui devrait capter jusqu’à l’orbite. L’un de vous sait-il crypter les messages.
    -Je m’en occupe, lui dit Altaïr, Säde va me donner un coup de main.
    -Je vous attends dans le salon, leur dit alors Jocasta qui sortit son paquet de tarot. Je veux en apprendre plus sur ce navigator, s’il est ici, je dois absolument le retrouver.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 11/11/2024 à 22:40 Citer ce message

    Praxx leur proposa de rester dans sa planque, le temps que l’effervescence se calme un peu en ville. De toute manière, Uriah et ses hommes étaient épuisés et avaient besoin de prendre un peu de repos et un bon repas aussi. Une chance, dans les souterrains, Praxx disposait de tout un ensemble de salles avec couchage, d’anciens stocks militaires, du matériel et des caisses de rations. Même si l’endroit était sécurisé et disposait même de son propre système d’armement automatique, d’après Jeremiah, il ne s’agissait pas d’un complexe militaire mais d’un ancienne planque de contrebande. Quant à savoir comment il en avait hérité, c’était une autre histoire mais Altaïr retrouvait bien là tout le savoir-faire de ce bon vieux Praxx.
    Avant prendre un peu de repos, ils étaient parvenus à joindre la passerelle du Morning Star par vox, à dérouter la navette dirigée par le lieutenant Kenway qui devait partir en reconnaissance sur Bremedia et la faire revenir sur leur vaisseau. Uriah avait eu Ludivine aussi. Elle et son équipe évoluaient à des centaines de kilomètres plus au sud, au niveau de la Pointe de Valeria, sur la côte. Comme elle leur avait précisé, ils avaient trouvé un ancien monastère de la Sororitas à l’abandon et quelques bandes de pillards qu’ils avaient su éviter. Elle reporta aussi la présence de machines hybrides étranges. Etant donnée la situation, elle avait proposé à Uriah de continuer à explorer d’autres sites, comme les ruines de Tartaros et Nexus Prime, plus au nord.
    Vue la situation, la Brute ne laissait pas le choix à Uriah, il allait les rejoindre avec des hommes, des munitions et du matériel. Dans environ six heures, il serait sur zone, dans les environs d’Hyboros Tertius, ce qui leur laissa le temps de prendre quelques heures pour récupérer.

    A leur réveil, ils prirent un repas que Nessa leur avait préparé. Ils profitèrent qu’elle et Praxx étaient dans une autre salle pour discuter. Jocasta leur expliqua avoir tiré de nouveau le tarot. Cette fois afin d’entrer en contact avec ce navigator. Celui-là même qu’elle avait évoqué la veille.
    -Et alors, tu es parvenu à l’avoir ? A lui parler ? Lui demanda Uriah.
    -Ce n’est pas si simple et cela ne fonctionne pas vraiment comme ça. Les cartes me donnent des indices, et c’est à moi de les interpréter. Il faut parfois des décennies afin de bien savoir lire les augures à partir des arcanes du tarot. Mais… Pour répondre à votre question, oui, il m’a parlé, en quelque sorte. Je pense qu’il est en danger.
    Elle leur montra la carte du Seigneur de la suite d’Executeria, la lame de la Navis Nobilite désignant un personnage à l’allure inquiétante, avec des yeux rouges et un troisième œil sur le front. Il était cependant difficile de déterminer s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme.
    -Elle a une sale tête, comme tous les…
    Uriah se retint, voyant le visage couturé de symboles ésotériques de Jocasta.
    -A vrai dire, je ne sais même pas si c’est un homme ou une femme. C’est un homme, je dirais, mais il a des traits androgynes.
    -Et on sait où le trouver ? Demanda Altaïr.
    -Les deux autres cartes sont des Executeria aussi, ce qui renforce le schéma du danger, mais sans plus de précision. Il y a la carte de l’Hérétique et celle du Secteur.
    Altaïr inspecta la lame montrant un amas d’étoiles.
    -L’Hérétique semble assez parlant. En revanche, ces étoiles… Tu es sûre qu’il est ici, sur cette planète ?
    -Je pense que oui. Les cartes ne sont que des paraboles qui ne peuvent être interprétées au pied de la lettre. Par exemple cette constellation me montre des étoiles qui forment la lettre C et à bien regarder sur la carte de la région, il y a bien plusieurs endroits qui correspondent, comme cette mine, cette crique ici ou encore tout un tas d’endroits, mais…
    Uriah observa la carte montrant les étoiles.
    -Comment ce nomme cette constellation ?
    Jocasta le regarda, étonnée.
    -On cherche un endroit, ici sur Onidès, capitaine et non une constellation…
    -Oui, mais quitte à y voir une corrélation, cet amas d’étoiles nous montre quelque chose, non ? Il doit bien exister.
    Elle observa de nouveau la carte et tenta d’y trouver une correspondance avec le nom d’un amas stellaire.
    -Les Cyclades… Mais bien sûr !
    Elle reprit la carte de la région et pointa son doigt sur un groupe de monts ayant une forme semi circulaire. Il y était indiqué, Mines des Cyclades. Evidemment que les premiers colons donnaient fréquemment des noms aux lieux, en lien avec l’espace qui leur était familier. Sa première intuition avait bien été la bonne.
    -Appelle Praxx, on doit lui parler, dit Uriah à Altaïr.

    Les Mines des Cyclades étaient d’anciens sites miniers abandonnés situés plus ou moins au cœur du continent principal et était entouré par une chaine de montagnes presque circulaire, ayant en effet la forme d’un C. Selon Praxx, la zone était isolée et désaffectée mais cela ne signifiait en rien que personne ne s’y trouvait actuellement. D’ailleurs selon les dires de son tarot, Jocasta y avait bien vu la carte de l’Hérétique.
    Praxx et Nessa les conduisirent via un réseau de tunnels vers une sortie de la ville. Le félinide avait l’air de particulièrement bien connaitre les lieux, si bien qu’ils évitèrent tous les dangers possibles qui les attendaient en surface. Une fois à l’extérieur de la ville, il les fit progresser à l’écart des routes fréquentées et ils coupèrent par des pistes, à l’écart de ruines ou de champs d’épaves peuplés parfois par des gangs technomades ou des pillards des routes. Il était plus prudent de savoir les éviter. Après quelques kilomètres, ils finirent par retrouver la colline où ils avaient laissé leur navette Aquila et les fusiliers qui la gardaient, bien dissimulés derrière les murs d’un ancien fort en ruines. La Brute avait fait poser sa navette un peu plus loin et lui aussi était venu avec des hommes et du matériel. Profitant du soir qui tombait, ils se retrouvèrent et après avoir partagés leurs informations, commencèrent à élaborer leur stratégie, d’après un plan de la région.
    -D’accord, ces mines sont désaffectées, mais on sait ce qu’il y a en surface ? Demanda la Brute.
    -Des structures abandonnées, leur répondit Nessa. Les ruines d’anciens puits de forage notamment. Il y avait des collecteurs d’eau douce en surface, mais avec le tarissement des nappes phréatiques, les sites ont été abandonnés il y a des années, lors du Magna Purgatio.
    -Magna Purgatio ? Demanda la Brute.
    -La Grande Purge. C’est du haut Gothique, ajouta Jocasta.
    -Oui, il s’agit de la mort qui s’est abattue sur tout Onidès juste avant ma naissance, répondit Nessa. Certains ont parlé d’une sanction divine ou de la Grande Faille. D’autres, de l’œuvre des Dieux sombres, mais la vérité, je la connais, il s’agit de la trahison d’un pirate libre-marchand. Ces gens-là m’ont tout pris, je les déteste de toute façon.
    Praxx toussota un peu, en entendant ces paroles. Il était vrai que jusque-là, ni Uriah, ni son équipe, ne s’étaient dévoilés comme étant véritablement des libres-marchands, pas plus qu’il n’avait divulgué son véritable nom. Altaïr s’était juste présenté à Nessa comme étant de vieux amis de Praxx, des trafiquants, tout comme lui.
    -Bien, dit-il, comme pour éluder le sujet tout en dévoilant ses canines. Il reporta son regard vers Jocasta.
    -Vous savez quoi sur ce navigator que l’on recherche ?
    -Il est en danger et il nous demande de faire vite. C’est tout ce que je sais.
    Il se frotta le menton, tout en tirant sur son cigare.
    -Bien… Etant donnée la configuration des lieus, je propose d’y aller en éclaireur. L’endroit est dangereux et pourrait être propice à tout genre d’embuscade. De plus, les mines en-dessous, sont une vraie souricière. Mais un petit groupe devrait pouvoir s’en approcher sans trop éveiller l’attention.
    -Nous avons une puissance de feu suffisante pour faire face à toute menace, rétorqua la Brute.
    Praxx tira sur son cigare et jeta un regard dubitatif sur la Brute et sur les fusiliers tout en armure qui trimbalaient un véritable arsenal.
    -Je pense pouvoir m’infiltrer et voir tout ça de plus près, bien plus discrètement.
    -Dans ce cas, je vous accompagne, ajouta Säde.
    -Moi aussi, renchérie Kenway.
    Praxx souffla la fumée de son cigare.
    -Je vous préviens, va falloir faire exactement ce que je dis et être aussi discrets que vos ombres.
    -Säde le toisa d’un air sévère.
    -Nous en sommes parfaitement capable.
    -Bien… Si la p’tite dame le dit…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 14/11/2024 à 17:36 Citer ce message

    Praxx passa devant et, on peut dire qu’il connaissait son affaire en matière de discrétion et de déplacement totalement silencieux. Il était vrai que l’environnement hostile du désert et des ruines alentours le lui permettaient. La chaleur était accablante pour les hors-monde, bien plus habitués à vivre dans des coursives obscures froides et exigües. Là, se retrouver dans la nature, en plein soleil était déjà assez perturbant, tout comme devoir marcher dans le sable. Le vent du désert était brulant mais il avait au moins pour avantage d’émettre un bruit de fond, une sorte de plainte ou de léger bruissement continu. Ce qui masquait au moins certains sons. L’inconvénient valait aussi pour Praxx et le reste de l’équipe qui peinaient à entendre les sons. Ceux d’entre eux qui étaient peu adaptés au désert, sentirent tout de suite la sueur coller à leurs vêtements et couler sur leur front.
    La Brute était pourtant dans son élément et Altaïr ne semblait pas vraiment en souffrir, en tant qu’ancien baroudeur. En revanche, Uriah, tout comme Jocasta, n'étaient clairement pas à leur aise. Säde et Kenway ne s’en sortaient pas trop mal, du fait de leur formation militaire, mais ils n’étaient pas non plus dans leur élément de prédilection. Praxx en revanche, était une ombre et bougeait très vite quand il le fallait, d’une manière qui n’était pas tout à fait humaine, tout comme sa nature.
    Il se faufila, d’une manière fluide jusqu’à une structure située au-delà des puits de forage abandonnés. Il s’agissait d’une ancienne plateforme surmontée d’un autel sur lequel se trouvait une statue en partie corrodée, comme toute l’installation. Il n’était cependant pas trop difficile d’y reconnaitre la représentation d’un avatar de l’Omnimessie, sous la forme d’un émissaire de la guilde Nautica. Les gardiens de l’eau. Praxx se colla contre le socle de la statue et fit signe à Säde et Kenway de le suivre très lentement, sans un bruit. Sur un de côtés, des offrandes jonchaient le sol et des sceaux couvraient la base de la statue.
    Ils repérèrent des sentinelles postées un peu plus loin. Le premier était positionné en hauteur sur un ancien système de pompage. Le type portait un masque qui lui occultait totalement le visage en dehors de grilles devant les yeux. Il tenait un fusil à pompe. Sur sa gauche, à quelques dizaines de mètres se trouvaient deux autres pillards à peine visibles, juchés sur le toit de l’épave d’un ancien cargo-8. Le premier portait ce qui ressemblait à un fusil d’assaut et l’autre une sorte de canon de poing. Les types parlaient entre eux et ne semblaient pas les avoir encore repéré. En revanche, ils montaient clairement la garde.
    Säde communiqua, à voix basse, par vox les positions des ennemis, suggérant qu’au moins un autre individu était avec eux mais hors de sa ligne de vue. Elle l’entendait parler dans leur dialecte local, sans pour autant identifier ses paroles.
    Le reste de l’équipe resta à bonne distance, en position, attendant le signal indiquant que la voie était libre. Altaïr et Säde en avaient profité pour récupérer leurs bolters respectifs dans leur navette et la Brute avait redescendu des munitions afin de réapprovisionner tout le monde. Pour l’instant les navettes étaient posées à quelques kilomètres de là avec les fusiliers qui les gardaient. La Brute venait de mettre son bolter lourd en batterie et ses doigts le démangeant de faire parler les bolts. Mais dès le premier tir, leur furtivité ne servirait plus à rien, comme leur précisa Säde et Kenway.
    Ils comptaient donc tous sur la discrétion de Praxx. Son objectif étant de s’approcher d’assez près des premiers gardes et de les éliminer rapidement et sans un bruit. Ce qui n’était quand même pas gagné. Ils allaient devoir agir rapidement et de manière coordonnée. Il avança sans le moindre bruit, sa lame monomoléculaire à la main et tenta une feinte, se positionnant en contrebas du type posté sur la plateforme, à un peu plus de deux mètres au-dessus. Il signifia aux deux autres de se tenir prêts et de rester cachés. Il fit un petit bruit et chercha à attirer le garde vers lui. Dès que le type se pencherait vers eux, il le planterait avec sa lame. La ruse fonctionna mais pas aussi bien que prévu. Le garde perçut du bruit, se pencha mais pas du bon côté. Croyant avoir perçu du bruit un peu plus loin. A bonne distance, le reste du groupe s’en rendit compte et tout pouvait capoter si le garde tournait son regard et donnait l’alerte avait de se faire éliminer. Uriah pensa à ouvrir le feu avec son pistolet à plasma mais pesta et se ravisa. Il eut une meilleure idée. Il ramassa un morceau de métal au sol et le lança au loin, droit sur une pile de vieux bidons rouillés. Le « dang » sonore se répercuta et attira aussitôt le regard des pillards vers cette direction. Praxx profita de la diversion pour attirer de nouveau la sentinelle postée au-dessus d’eux, droit vers lui. Cette fois-ci, le type au fusil à pompe se pencha au bon endroit. Praxx sauta et tenta de lui planter sa lame dans la gorge mais dérapa au dernier moment et se loupa. Le type le vit et pointa son arme par reflexe, s’apprêtant à crier. Säde réagit au quart de tour, prenant appui pour se projeter vers leur adversaire. Elle lui agrippa la manche et se laissa retomber au sol, comptant sur le fait qu’elle allait le déséquilibrer. Il bascula comme prévu et tomba la tête la première. Elle pivota de côté, le regardant chuter et l’acheva d’un coup de pistolet Inferno dans le dos, à bout portant. L’impact du tir lui brûla l’intérieur de la cage thoracique et le tua sur le coup, laissant son corps fumant. Sur leur droite, un colosse armé d’une immense masse à décharge et d’un bouclier fit son irruption. Kenway tenta de lui tirer dessus mais le colosse dévia le tir. De l’autre côté de la plateforme, un autre garde, bardé d’augmentique et armé d’une lame tronçonneuse allait aussi arriver de leur côté mais Altaïr lui tira dessus au bolter et là aussi, le manqua de peu. Nessa s’élança à son tour avec son cybermastiff mais les deux, traversèrent une zone de sable encombrée d’ossements et d’offrandes, juste devant l’autel et faillirent trébucher tous les deux, ce qui leur fit manquer leur attaque. Ce fut la Brute qui régla le problème. Ayant dégainé son pistolet bolter, il lui colla deux bolts et le démembra avant qu’il n’ait eu le temps de riposter. Reprenant son bolter lourd, il en profita pour enfin lâcher une rafale sur le type au fusil d’assaut, voyant qu’il prenait Nessa pour cible. Là aussi, les bolts lourds hachèrent menu le pillard et une partie de ce qu’il restait de la cabine du cargo-8 qui vola en éclats de ferraille.
    Praxx, de son côté, voyant que Kenway était en difficulté, se jeta sur le colosse et lui plaça trois coups de lames, le transperçant de part en part, le saignant sans autre forme de procès. C’est là que des tirs nourris frôlèrent Säde et Kenway. Ils se précipitèrent pour se remettre à couvert, évitant de justesse les balles qui fusaient tout autour d’eux. Ils se placèrent contre la carcasse du cargo-8 et attendirent que le reste de l’équipe approche pour les rejoindre. Deux tireurs embusqués se trouvaient plus loin, l’un avec une mitrailleuse et l’autre avec un bolter et tous deux étaient difficiles à déloger. Mais pire que tout. Jocasta vint se téléporter à leur côté. Au-delà des tireurs, elle venait de voir des fortifications et des hommes qui se mettaient en position.
    -Ils ont des armes lourdes… J’ai vu un mortier et un lance-roquette qui se mettent en batterie en plus de deux mitrailleuses lourdes.
    Uriah hocha la tête vers la Brute. Tous deux étaient restés en arrière mais avaient capté l’information dans leur microvox.
    -Contacte nos navettes Aquila tout de suite, on va avoir besoin qu’elles nous dégagent le terrain !
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 01/12/2024 à 19:48 Citer ce message

    En l’espace de quelques instants, la situation dérapa totalement et fit basculer l’issue du combat à leur désavantage. L’assaut faillit bien se solder par un fiasco et il s’en fallut de peu qu’il ne tourne en véritable carnage. Ce fut un bain de sang et l’équipe ne s’y était pas préparée. Pourtant l’infiltration avait plutôt bien commencé. Praxx avait mené les opérations avec Säde et Kenway d’une main de maitre, tout en furtivité, éliminant les sentinelles une à une, à l’arme blanche, de manière très propre. Ils avaient progressé de couvert en couvert, utilisant des diversions et des couvertures mutuelles. Mais toute cette stratégie mourut au moment même où l’ennemi finit par les repérer et mit en batterie ses armes lourdes…
    Deux mitrailleuses lourdes épaulées par un mortier et un lance-roquette. A ce moment, le monde bascula en même temps qu’un déluge de feu et d’acier continu. Même à couvert, personne n’était à l’abri des obus de mortier qui tombaient un peu partout, rappelant alors pourquoi la zone était jonché d’ossements blanchis par le soleil, dans le sable alentours. La Brute fut fauché par une rafale de mitrailleuse qui lui traversa le torse de part en part. Jocasta eut l’avant-bras droit presque sectionné par un tir de laser à pleine puissance et évita de justesse un obus de mortietr qui aurait pu la tuer net. Säde eut un peu plus de chance mais fut fauchée et criblée d’éclats, tout comme Nessa. En quelques secondes, tous les quatre gisaient à présent au sol. Praxx se prit de nombreux tirs et grièvement blessé, il parvint cependant à atteindre les lignes ennemies et à faire taire une partie des adversaires à coup de lame et de grenades artisanales. Kenway s’en sortit in extremis malgré quelques blessures légères. Il évita lui aussi un tir mortel de justesse. Seul Uriah et Altaïr restèrent, tout en ripostant à couvert et ne subirent presque aucun dommage. La situation était critique quand ils perçurent le hurlement des turbines des deux navettes Aquila qui passèrent enfin en rase-mottes et qui firent pleuvoir des rafales de leurs autocanons. Les quelques hérétiques encore debout furent pulvérisés ou mis en fuite et ce n’est qu’au deuxième passage que le voie fut enfin dégagée.
    Une fois posées au sol, une escouade de fusiliers en sortit, afin de sécuriser le périmètre. Le lieutenant Hastings vint trouver Uriah et ordonna une évacuation en urgence des blessés les plus graves. La Brute était en arrêt respiratoire et donné pour mort, son cas était déjà désespéré. Jocasta avait eu la main arrachée, Säde et Nessa étaient aussi dans des états critiques mais pourraient surement s’en sortir. Praxx était lui aussi, criblé d’impacts et pissait le sang.
    Alors que les blessés étaient évacués, Hastings vint voir Uriah.
    -Seigneur, je pourrai envoyer mes hommes dans ces mines, d’après nos auspex, il y a encore du mouvement à l’intérieur. Avec quelques grenades, nous pourrions reprendre l’avantage.
    -Vous disposez de quoi arrêter un sorcier, lieutenant ? Lui demanda Altaïr, avec suspicion en voyant leurs fusils à pompe, même s’il s’agissait de solides modèles d’abordage.
    -Si par arrêter, vous entendez brûler ce genre de saloperie, alors oui, Monsieur, je pense que nous avons la capacité de l’arrêter. Et puis… le Soldat Bronski a amené son lance-plasma lourd, je pense que nous pouvons arrêter presque n’importe quoi avec, Monsieur.
    Altaïr se tourna vers Uriah.
    -Capitaine ?
    Ce dernier restait préoccupé par la situation. Il n’avait pas l’habitude de se prendre un tel revers. Il lui fit un petit signe de tête, donnant son aval.
    -D’accord mais Kenway vous accompagne. Pas de risque inconsidéré.
    Le lieutenant les salua et distribua ses consignes à son escouade déjà parée à descendre dans les tunnels.

    Quinze minutes plus tard, Altaïr reçut un appel crachotant sur son microvox du lieutenant Kenway.
    -L’ennemi a quitté les lieux, Monsieur. On a retrouvé que des corps mais pas les leurs. Des captifs, apparemment et un survivant.
    -Le sorcier ?
    -Négatif, je pense qu’il s’agit du navigator mentionné, Monsieur. Un rituel devait être en cours mais il l’ont interrompu visiblement.
    -D’accord, vous l’évacuez, j’ai contacté notre astropathe, elle va sonder les lieux. Des traces de ce sorcier, lieutenant ?
    -Non, Monsieur…
    -Autre chose ?
    -Oui, nous avons retrouvé une cache d’armes. Apparemment ils n’ont pas pu tout emmener avec eux.
    -Vous me remontez tout ça, on analysera l’ensemble et on avisera.
    Vita locus Mors ludus

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