Vox Ludi le blog d'Illuminati

Rogue Trader

  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/07/2023 à 19:45 Citer ce message

    Sept Ans auparavant.

    L’équipe était divisée sur les choix à entreprendre. Isabella n’avait toujours pas pu récupérer sa lettre de marque, ce qui lui interdisait de faire valoir ses droits de libre-marchande. Son navire, en pleine réparation avait besoin de fonds, comme son équipage et il devenait urgent de prendre des décisions. D’un autre côté, leur nouveau navigator, Mym Feist leur avait parlé d’un ancien navire perdu, à la dérive dans un champ d’astéroïdes dont il connaissait plus ou moins l’emplacement. Cela permettrait à l’équipage d’acquérir un nouveau navire et cette perspective les motiva tous, malgré le fait que la région était parfois sillonnée par des pirates. A l’inverse, ils ne disposaient pas d’un équipage assez nombreux ni de fonds suffisant pour remettre un nouveau navire à flot mais l’idée fut quand même suivie durant plusieurs mois. Isabella, mais aussi ses officiers étaient particulièrement intéressés par la perspective de mettre la main sur cette corvette, car même abandonnée et en mauvais état, elle devait encore receler de richesses oubliées et pourrait être remise à flot en quelques semaines de travail. C’est aussi durant cette période que la libre-marchande prit la décision d’adopter son neveu, le fils de feu, son frère Sebastian Goldberg, un des célèbres capitaines pirates des Princes de l’Inéquité. Le destin du jeune garçon alors âgé de douze ans, dénommé Uriah était devenu précaire depuis que l’héritage de son propre père était contesté par ses anciens compagnons pirates qui se disputaient sa succession dans le sang et la poudre.
    Isabella savait que tôt ou tard, dans un tel environnement, Uriah finirait la gorge tranchée ou aurait un accident de sas. Elle parvint à l’exfiltrer grâce aux hommes de son sénéchal et de son archimilitant, puis à le faire rapatrier jusqu’au Morning Star, non sans quelques accrochages au passage avec les pirates et les autorités navales. D’autant plus qu’à cette période, elle n’avait toujours pas pu remettre la main sur sa lettre de marque, toujours retenue par les ordos, la forçant ainsi à se soumettre à leurs décisions et gardant ainsi un œil sur ses activités. Cela impacta sensiblement leurs revenus commerciaux et entraîna des conséquences dramatiques sur des désertions et une perte d’argent significative. A cette même période, lors d’une réception sur Fort Godwinne, Isabella avait reçu d’ailleurs une missive portant le sceau du Haut Seigneur Violeta Roskavler de l’Administratum, en personne, invoquant un décret du Senatorum Imperialis, lui stipulant que si elle ne fondait pas une dynastie dans les prochains mois, engendrant de fait un héritier désigné, sa lettre de marque reviendrait alors de plein droit à son neveu Uriah Goldberg, bien qu’encore mineur mais approchant de ses treize ans, âge légal au sein de la noblesse du secteur pour occuper son titre de plein droit. En revanche, si elle s’engageait à honorer ses engagements, sa lettre de marque pourrait lui être restituée, sous ces mêmes conditions.
    Dans le plus grand des secrets et dans les meilleurs délais, à sa demande, elle chargea Sylmann Altaïr d’organiser une rencontre avec un parti de choix, un autre libre-marchand, l’ex-inquisiteur et baron Gaius Achenheim. Il n’était question au départ que d’un simple contrat, un accord administratif et commercial. Mais c’est ainsi que leur union fut scellée en secret sur les terres de l’ancien domaine du baron Achenheim sur Badab. Le mariage fut alors validé administrativement en présence du prefectus Zephro Cornelius de l’Administratum et du commandant Jasper Noden de la marine impériale. Peu de proches d’Isabella comprirent que leur union dépassa largement l’aspect administratif et une véritable passion naquit de ce rapprochement.
    La cérémonie religieuse fut reportée faute de temps, car Gaius devait repartir quelques jours plus tard sur ordre de l’amirauté. La cérémonie n’allait pourtant jamais avoir lieu. Achenheim décéda dans des circonstances inexpliquées sur Archaea quelques semaines plus tard. Sa propre lettre de marque retourna dans le giron de l’Administratum. Ses biens et son navire, furent placés quant à eux, sous le sceau des ordos et dans le plus grand silence, au même titre que les circonstances de sa mort tragique.
    Au désespoir et touchée par une peine infinie, tandis qu’elle voyait enfin une lueur d’espoir dans sa vie, Isabella ne put se résigner au mauvais sort qui s’acharnait ainsi sur son destin. Elle eut pour seule consolation le fait d’apprendre dans les semaines qui suivirent, qu’elle attendait un enfant de cette trop brève union. Son sort et sa lettre de marque allaient peut-être enfin être débloqués d’ici les prochains mois. Encore allait-il falloir que l’enfant voie le jour et survive aux affres d’une galaxie déchirée par la guerre. Car désormais pour elle plus rien n’avait d’importance à ces yeux que sa fille qui allait naitre.

    L’idée de poursuivre la quête d’un navire fantôme fut donc abandonnée, du moins reportée et malgré plusieurs mois de recherche passés à sillonner les immenses étendues stellaires hostiles et peu cartographiées de Cataractae, situées entre le sous-secteur Khymara et la zone franche du système de Morgan’s Reach. Cela dura presqu’une année en réalité.
    Le destin du Morning Star fut de toute façon scellé lorsque l’Administratum et la flotte du Segmentum réquisitionnèrent tous les navires de guerre en état de combattre afin de porter assistance à la Croisade Indomitus qui livrait bataille aux confins de la Zone du Maelstrom. Ce n’était en rien une requête mais un ordre du Seigneur Roboute Guilliman en personne. C’est aussi à cette époque que Borgir quitta le navire, ne cherchant pas à s’impliquer dans une simple querelle qui concernait un Imperium duquel il était totalement étranger. La ligue dont il était issu avait ses propres griefs et ses propres luttes à mener, loin d’un Imperium sur le déclin. Les magos à bord du navire avaient d’ailleurs menacé la libre-marchande à plusieurs reprises de quitter le vaisseau, prenant très mal le fait qu’il ait été nommé, lui, un ridicule abhumain à la limite de l’heretek, au poste de premier technaugure. L’affront était grand et l’affaire était suffisamment sérieuse pour courroucer l’Adeptus Mechanicus. A regret, Isabella l’autorisa à partir, sous peine de perdre des centaines de technoprêtres en échange. Elle avait une bataille à mener et allait avoir besoin de toutes ses forces dans la guerre qui s’annonçait.

    Sur plusieurs sous-secteurs, des barges de bataille Astartes ainsi que des croiseurs de la marine impériale livraient une guerre navale acharnée contre les forces renégates vomies par le Maelstrom. Depuis la guerre de Badab, un siècle plus tôt, jamais un tel déploiement de force n’avait eu lieu. Des centaines de navires s’affrontaient et s’abordaient. Les troupes impériales étaient débordées et avaient un cruel besoin de soutien face aux hordes infinies des Sombres Puissances, tels les Red Corsairs mais aussi plusieurs Légions renégates en appuis des Maelstrom Dogs et de créatures sorties tout droit des enfers. Parmi la fureur des combats, des navires plus légers telles que des frégates ou corvettes servaient pour des missions tout aussi périlleuses comme des opérations de reconnaissance, de sabotage, d’escorte ou de renseignement sous les ordres de l’amirauté du secteur ou de Chapitres Astartes. Ainsi, les Space Wolves, Star Phatoms et les Black Templars tenaient encore les frontières grâce à de tels appuis. Le Morning Star effectua ce type de missions périlleuses aux abords du secteur ainsi qu’au cœur du Maelstrom à plusieurs reprises. Il fut ainsi affecté à une escadre sous le commandement du Commodore Van Sant. Les années qui suivirent, le Morning Star les passa à convoyer des troupes, harceler des convois ennemis, localiser leurs bases ou unités arrière afin de les saboter ou rapporter le maximum de renseignements sur leurs positions. Tout ravitaillement isolé ou navires de reconnaissance ennemi à leur porté étaient ainsi soit détruits, soit capturés. Le Morning Star ne sortit pas indemne pour autant de ce conflit, au cours duquel il dut livrer de nombreux combats stellaires, parfois même à bout portant selon les standards du combat naval. Il perdit une partie de son équipage et de ses troupes, remplacés à plusieurs reprises. Des travaux de réparations furent menés, même en situation de combat et les hommes d’équipages à bord durent repousser plusieurs abordages de troupes renégates mais aussi de mercenaires xenos brutaux et tout aussi sanguinaires.

    Malgré la guerre dans laquelle ils étaient impliqués, la première année, Isabella donna naissance à sa petite fille qu’elle prénomma Gaia Astra et qu’elle jura de protéger à tout prix, prenant Altaïr, Djoko et la Brute à témoin. De la survie de Gaia allait dépendre la survie de la lettre de marque de la dynastie Goldberg. Sans cela, ils ne seraient rien d’autre que des hors-la-loi sans la moindre légitimité. Le Morning Star serait alors saisi par l’amirauté et ils finiraient tous au bout d’une corde. Quant à sa fille, elle périrait avec le reste de l’équipage qui ne pourrait être emmené en servitude.
    Gaia ne serait pas la première enfant à naitre et grandir sur un navire de guerre. La plupart de ses hommes d’équipage et certains de ses officiers, elle y comprit avaient connu ce genre d’enfance et elle estima qu’elle n’aurait pas meilleur endroit pour la garder en sécurité que sur son navire. La laisser dans un palais sur Isin ou sur Eshunna revenait à la condamner à succomber à la lame d’un assassin tôt ou tard, envoyé par les Princes de l’Inéquité, sans être là pour la défendre. Au moins, l’esprit du navire saurait la protéger aussi bien que ses fidèles lieutenants. Et puis, elle comptait bien en faire son héritière, au même titre qu’Uriah, le temps peut-être d’avoir encore des enfants si le Trône lui en donnait la possibilité. En attendant Gaia et Uriah devraient être formés comme tout enfant dynastique d’une lignée de libres-marchands et leur place ne pouvait être qu’à bord du Morning Star. Malgré des débuts difficiles, avec un caractère rebelle et volontiers insolent, Uriah finit par se faire à sa nouvelle condition et finit par parfaire son éducation de jeune cadet naval. Un jour il serait appelé à prendre le commandement d’un navire. Le plus tard possible, se prit à penser Isabella, espérant lui épargner cette lourde tâche encore pour quelque temps.

    Les années qui suivirent furent aussi les heures noires de l’Imperium. Des rumeurs prétendirent que le Primarque et sa flotte étaient tombés dans une embuscade au cœur du Maelstrom et retenu captif ainsi que sa suite de guerriers de l’Astartes sur une ancienne Forteresse Noire par Lufgt Huron en personne. Les mois qui suivirent, la croisade manqua de tourner au désastre. Puis par une sorte de coup du destin, il fut confirmé que Roboute Guilliman et ses troupes se trouvaient en réalité sur Luna, en orbite de Terra, au cœur du Segmentum Solar, bien que leurs vaisseaux aient été capturé par les légions renégates et soient toujours ici. Cette nouvelle leur parvint en même temps que celle d’une contre-offensive aeldari qui vint débloquer la situation. Cela permit aux forces impériales encore présentes d’évacuer en urgence la zone afin de se replier vers l’amas d’Endymion. Ce sous-secteur était lui aussi en guerre mais contre de turbulents orks, drukhari et des t’au avides de conquêtes. Les navires Astartes se redéployèrent en vue de contre-attaquer les forces de Lufgt Huron avec le soutien d’une partie de la flotte et de navires asuryani et ynnari, tandis que les restes de l’arrière-garde devrait s’occuper de harceler les enclaves xenos afin de leur reprendre du territoire. Les combats furent acharnés car bien que les xenos soient en sous-effectifs, leurs armes diaboliques compensaient très largement cette faiblesse et infligèrent de lourdes pertes aux équipages impériaux déjà affaiblis. Malgré un conflit qui s’enlisait à la bordure du secteur, plusieurs mondes purent être en partie repris mais sans une victoire nette. Les xenos avaient lâché du terrain mais tenaient toujours certaines enclaves farouchement défendues et toujours impossibles à reprendre. Les monde de Piety, Khirab, Tranquility et Sacristain étaient toujours en guerre et peinaient à contenir l’avancée ennemie vers Endymion, et ce malgré un appui massif de la Deathwatch, de l’Adepta Sororitas et des ordos.

    Après cinq ans de guerres incessantes, Isabella reçut un jour l’ordre de l’amirauté de se replier vers le fort orbitale de Grief, en arrière du front, en vue d’un nouvel approvisionnement en troupes et matériel et pour effectuer des réparations d’urgence. Convoquée par la capitainerie, elle eut la surprise de se faire remettre sans la moindre cérémonie, une missive émanant de l’état-major de l’amirale Nova Krentz en personne, la plus haute autorité navale du secteur. Le document portait le sceau personnel du Primarque. Elle crut décéder dans l’instant, réalisant la magnitude absolue de cette simple signature. Pour service rendu durant la croisade Indomitus, sa lettre de marque et sa charge de seigneur capitaine, libre-marchande venaient de lui être restituées sans délai, et ce avec compensations. Les réparations et approvisionnement en énergie du Morning Star ne lui seraient pas facturés. De plus, elle crut de nouveau défaillir en tentant de comprendre le montant à huit chiffres qui allait alimenter les coffres vides de sa trésorerie, payer ses hommes d’équipage, voire en recruter et enfin financer le superflu, même si les crédits partaient vite avec un vaisseau à faire naviguer. Cela au moins, allait combler ses dettes et la soulager le temps de reprendre le large. Enfin avec cela, elle reçut le commandement d’une compagnie de vétérans fraichement démobilisés de l’Astra Militarum. Des survivants, tous issus de multiples régiments et tous ayant combattus sur de nombreux fronts ces dernières années. Avec eux, suivaient des véhicules, des blindés légers et des navettes de combat. Bien plus qu’elle espérait en réalité car ces troupes devenues à présent mercenaires au service de sa maison, devaient être fantastiques.
    Le Morning Star était enfin délivré de sa charge et elle venait de reprendre sa liberté à laquelle elle n’avait plus goutté depuis tant d’années. La nouvelle à bord, fut accueillie avec une joie immense et les jours qui suivirent furent l’objets de grandes célébrations et de permissions pour l’équipage. De toute manière, les réparations et approvisionnement allaient prendre encore des semaines.

    Le quatrième jour, Isabella se rendit à la guilde du commerce de Grief, en compagnie de Mym Feist, son navigator et d’Enoch Bartolomew, le maitre des murmures. Ils devaient y retrouver Altaïr et Djoko au sujet d’une entreprise commerciale à monter. L’affaire paraissait des plus juteuses, mais non sans quelques risques, il était question initialement d’une guerre entre plusieurs guildes chartistes qui se disputaient des routes commerciales lucratives entre trois sous-secteurs. Autant le commerce était le point fort d’Altaïr et d’Enoch, autant les axes marchands, la marine et ses navires étaient le terrain de prédilection de Djoko et de Mym.
    L’idée géniale d’Altaïr était d’unifier ces guildes chartistes sous une même bannière au lieu de les laisser se déchirer inutilement depuis tant d’années et ainsi les faire travailler pour Isabella. Mais pour cela, des têtes devraient sans doute tomber au sein de ces guildes et une certaine confiance devrait être restaurée aussi. Le seul véritable hic était une maison libre-marchande qui venait visiblement d’avoir la même idée. Restait à trouver une astuce afin d’écarter cet indésirable concurrent.

    Voyant qu’elle tardait à venir au rendez-vous, Altaïr et Djoko se mirent à sa recherche. Ce n’est que lorsqu’ils trouvèrent les corps de Mym et d’Enoch, des heures plus tard dans une sombre ruelle, la gorge tranchée et la rune des Pirates de l’Inéquité gravée sur le front qu’ils comprirent que leurs instants de joie venaient tout juste de s’éteindre. Isabella enlevée et dans l’incapacité de savoir le sort qui lui était réservé était le plus cruel des messages…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/07/2023 à 20:26 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, Djoko se retrouvait dans la ruelle, accompagné d’Uriah, la Brute et de Säde Lindholm, informatrice et bras droit de feu Maitre Bartolomew. Ils se trouvaient dans le Quartier du Trône, à l’entrée du niveau des guildes de la station orbitale. Comme un peu partout sur Port Grief, les allées étaient piétonnes, encombrées et plongées dans une semi-pénombre, faiblement éclairées par des lumiglobes grésillant. Les rues étaient crasseuses et bien souvent vétustes, à l’image presque exacte d’une cité ruche. Là, ils se retrouvaient dans une contre-allée qui n’était rien de plus qu’une coursive lugubre et jonchée de détritus. Altaïr les avait laissés là et était parti activer ses contacts dans la station, espérant ainsi obtenir quelques pistes sérieuses.
    Passée la stupeur de réaliser que deux de leurs officiers venaient de se faire ainsi assassiner, ce fut Uriah qui prit la parole. Tous étaient encore sous le choc. Ne rien savoir sur la potentielle disparition d’Isabella avait de quoi les inquiéter.
    -Au moins, j’ose espérer que ma tante est encore en vie.
    -Les Princes de l’Inéquité. Vous auriez une idée sur leurs revendications ? Lui demanda Säde tout en leur montrant une carte de visite qu’elle venait de prélever sous le corps de Bartolomew. La carte montrait d’un côté la rune des Princes de l’Inéquité, une sorte de masque d’où partaient des pics ou des cornes. Au verso, un message manuscrit avait été écrit, indiquant « A minuit, au Midnight Sapphire ».
    -Mon père faisait partie de cette confrérie pirate, tout comme mon grand-père, mais ça, vous le savez déjà. A part la vengeance, je ne vois pas bien…
    -Ta tante se les était mis à dos, on le savait bien, ajouta la Brute de sa voix grave.
    -Pourquoi tuer Mym et Bartolomew, dans ce cas ? S’étonna Djoko.
    La Brute lui indiqua des douilles au sol et des traces de lutte.
    -Ils se sont défendu en tout cas. Sans doute pour le protéger. Je ne vois que ça.
    Säde inspecta la carte avec attention.
    -Ils nous ont laissé un message qui évoque un rendez-vous, semble-t-il.
    -A moins que ce ne soit l’endroit où Isabella devait se rendre ? Questionna la Brute.
    Elle consulta l’heure et vit qu’il était un peu plus de vingt-trois heures.
    -C’est dans moins d’une heure. On pourrait toujours aller s’en assurer.
    -C’est où, ce Midnight Sapphire ? Lui demanda Djoko.
    -Dans les hauteurs. C’est un restaurant huppé surtout fréquenté par des marchands, des guildeurs et des adeptes de hauts rangs.
    -Alors pourquoi des pirates fixeraient un rendez-vous là-bas ? S’étonna la Brute.
    -Les Princes de l’Inéquité ne sont pas de simples pirates, lui répondit Uriah avec un petit rictus.
    Uriah avait passé son enfance parmi eux, avec son père. Il en gardait un souvenir mêlé de fascination, de violence et d’aventures. Sa tante, Isa l’avait fait exfiltrer alors qu’il n’avait encore que treize ans à l’époque. Il l’avait d’abord mal vécu mais avec les années, elle lui avait alors dévoilé qui étaient réellement les Princes de l’Inéquité. Ils étaient bien loin des pirates de romans, faits de panache, d’honneurs, de quêtes aux trésors et de romances. Leur alliance avec des corsaires xenos ou avec le warp les présentaient comme des dangers bien plus terribles et loin d’être aussi romanesques qu’il l’avait imaginé alors enfant. Aujourd’hui, du haut de ses dix-neuf ans, il était un fringant jeune officier, vêtu avec une classe et une allure assumée. Sa tante l’avait formé au commerce et comptait en faire un membre éminent de la Maison Goldberg, voire, lui succéder. Du moins, le temps que sa jeune fille Gaia ne reprenne un jour la succession. Cela ne l’avait pas empêché de conserver son air de canaille. Au grand dam de sa tante, qui savait parfaitement que ses trois larrons d’officiers, Djoko en tête l’avaient pris sous leur aile. Elle avait préféré ne même pas s’en mêler, se disant que c’était tout aussi bien qu’il s’endurcisse avec ces trois-là.
    Uriah poursuivit.
    -Dans la plupart des stations orbitales, soit ils tiennent la pègre, soit ils n’en sont pas loin. Les Princes de l’Inéquité ont des liens avec la Kasballica à ce que me disait Sylmann.
    -Et en ce qui nous concerne ? Lui demanda Säde.
    -Cela ne m’étonnerait pas qu’ils aient aussi leurs entrées dans ce genre d’établissement.
    -Je connais le Midnight Sapphire justement. Lui dit-elle. En revanche, gardez vos armes au fourreau. Le moindre signe d’agression sera aussitôt sanctionné. Ils ont un service d’ordre tatillon, sans compter que la SecNav a ses quartiers dans les parages.
    Uriah consulta ses deux autres officiers du regard.
    -Dans ce cas, Maitre Lindholm, allons-y. On vous suit.

    Le Midnight Sapphire était tel que présenté par Säde. Le quartier était tout aussi antique que le reste de la station mais au moins les énergies et les coursives, plus larges, étaient entretenues. Il y avait même des antigrav qui circulaient par endroit. Des servitors de maintenance s’affairaient de-ci, de-là. Des technoprêtres portant des encensoirs arpentaient les rues, tout comme les prédicateurs, ce qui était plutôt rassurant.
    Un videur puissamment bâti et augmenté gardait les accès du restaurant. Il les dévisagea tandis qu’il jeta un regard suspicieux à la Brute. Uriah lui fit un large sourire et lui glissa un billet dans la main. Le videur les laissa entrer.
    -Tu connais l’endroit, pourtant, il ne t’a même pas reconnu ? Glissa Uriah à Säde.
    -C’est courant. Je suis quelqu’un qui passe plutôt inaperçu. Cela fait partie de ma fonction, Monsieur.
    -Parfait, continuez comme ça.
    L’intérieur était feutré et ponctué de lumières tamisées. Säde se dirigea vers le comptoir où elle prit un siège et commanda un soda. Gardant un œil sur la salle en partie emplie de clients. Elle ne vit pas de gardes armés mais des servo-crânes surveillaient la salle. Nulle doute qu’un service d’ordre discret était paré à intervenir au cas où. Son implant vox cliqua, signalant qu’elle restait en liaison avec le reste de l’équipe. Uriah, Djoko et la Brute prirent une table mais Uriah, dès son entrée avait cru reconnaitre deux visages familiers dans le fond de la salle, installés dans une banquette d’angle. Il ne les avait pas revus depuis tant d’années, pourtant leurs noms remontèrent de sa mémoire en un clin d’œil.
    -Tu as repéré quelqu’un ? Lui demanda Djoko qui n’avait pas manqué de voir son regard troublé.
    Uriah leur désigna discrètement la table située au fond.
    -En tout cas, ils ont pris exactement la table que j’aurai pris. Celle depuis laquelle on voit tout le restaurant et la porte d’entrée, ajouta la Brute. Tu les connais, ces deux enfoirés ?
    -Même si ça remonte à des années, je les reconnais en tout cas. Il s’agit d’Arkhul Al Youssid et de Rhianni Ütterblast. Ils bossaient avec mon père.
    Le couple qu’il venait de leur désigner détonnait quelque peu parmi les clients à bien y regarder. La plupart des personnes dans l’établissement étaient des marchands ou des adeptes, voire des officiers de la navale ou des émissaires de maisons Navigators. Mais les deux en question auraient largement pu rivaliser avec la Brute. Outre leur air de véritables tueurs, ils sentaient les augmentiques et les améliorations de combat à des kilomètres.
    -Ce sont des capitaines parmi les Princes de l’Inéquité ? Demanda Säde dans le microvox, à voix basse.
    -Non… Pas dans mes souvenirs en tout cas. Ils étaient tous comme eux…
    -Ils n’ont pas l’air de t’avoir reconnu, c’est déjà ça, ajouta la Brute.
    A peine sa phrase terminée, que le dénommé Arkhul riva son regard bioniques aux optiques rouges vers Uriah et dévoila un large sourire de dents en titane. Son sourire n’avait pas la moindre chaleur. Il tapota la banquette à côté de lui avec sa main en polyflex et adamantium. La femme à ses côtés leva son verre dans leur direction.
    -Bon… Raté pour la surprise, marmonna Uriah à ses compagnons.
    -Au moins, on sait qu’ils sont là pour nous, ajouta Djoko.

    Uriah se leva et vint s’assoir à la table des deux pirates. Djoko et la Brute en firent de même. La serveuse vint prendre leur commande. Deux amasec et une bière. Une fois repartie, ce fut le dénommé Arkhul qui prit la parole de sa voix grave.
    -Quelle heureuse surprise de revoir notre cher Uriah… C’est que ça faisait un moment…
    Il jeta un regard à la femme qui l’accompagnait.
    -Tu trouves pas que c’est tout le portrait de son paternel.
    -Si… Dit-elle d’une voix calme. En beaucoup plus beau.
    -Tu nous présentes pas tes nouveaux amis ?
    A ses côtés, la Brute se présenta par son simple sobriquet.
    -Ce nom te va à merveille, mon grand, lâcha Arkhul sans se départir de son sourire glaçant.
    -Djokovitch Van Bergen, plus connu sous le nom d’As des as, lâcha Djoko.
    -Une de ces têtes brûlées de pilote…
    -Je suis Maitre du vide.
    -Chez nous, on préfère dire Maitre stellaire, répondit Arkhul… Maitre du vide, ça fait un peu le mec qui fout rien, tu vois. Mais je ne pense pas que notre cher Uriah s’entoure de branquignoles. Il n’a pas été élevé comme ça.
    La serveuse revint pour déposer leurs consommations. Ils attendirent qu’elle reparte pour continuer. Djoko et la Brute étaient pourtant déjà à deux doigts de faire parler la poudre. Uriah leur fit un signe discret de ne surtout pas intervenir. Il glissa la carte de visite sur la table.
    -Ma tante. C’est vous qui la détenez ? Dit-il.
    La fille récupéra la carte et le glissa dans une de ses poches.
    -On se doutait bien, avec Rhianni que tu étais perspicace, annonça Arkhul, tout en jouant avec son verre d’amasec.
    -Je veux la récupérer.
    -Pourquoi ?
    -Parce que… C’est ma tante et que vous ne pouvez pas la garder.
    -Même question. Pourquoi ?
    -Je veux la récupérer. Cette réponse est suffisante. Qui est votre chef, aujourd’hui ?
    -Notre chef ? Nous n’avons pas de chef, répondit Arkhul.
    -Vous avez bien une hiérarchie ?
    -Nous sommes tous égaux au sein de notre confrérie. Tu l’as peut-être oublié, ajouta Rhianni.
    -Et si je veux la voir ? Répondit Uriah.
    -A l’heure qu’il est, elle est déjà loin d’ici. Même si tu le voulais, ça ne serait pas possible, lui dit Arkhul. Pourquoi donc ne pas profiter de cette formidable opportunité que l’on t’offre ? Te voilà affranchi de ce carcan. On écarte tante Isa de l’équation et on propulse ta petite gueule d’ange au poste de libre marchand. C’est plutôt pas mal, moi je trouve. Nan, parce qu’il faut bien que tu saches qu’elle s’est vraiment mise dans la merde, ta tante. Elle s’en est prise à la mauvaise personne et elle doit payer, c’est tout. Mais encore une fois, c’est une histoire réglée et nous, on n’a rien contre toi. Sache juste que si on le voulait, on a les moyens de prendre aussi son vaisseau, son équipage et sa Lettre. Mais l’histoire était personnelle, rien de plus.
    -Maintenant que tu es le dernier héritier Goldberg, on est même plutôt satisfaits que tu reprennes les affaires familiales, tu vois, ajouta Rhianni.
    -Maintenant c’est toi le capitaine de ce vaisseau et tu hérites aussi de la dynastie et de cette foutue Lettre de Marque qu’elle a mis tant d’année à récupérer. Vois ça comme un service qu’on te rend en fait, compléta Arkhul, tout en levant son verre, en même temps que Rhianni. Uriah trinqua avec eux ce qui estomaqua Djoko et la Brute qui préférèrent ne pas intervenir.
    -On serait disposé à te proposer une place au sein de notre confrérie, continua Arkhul. Te donner une position à la hauteur de tes ambitions et quelques autres coups de pouce. Mais rien ne presse, tu as déjà un navire et un équipage à prendre en main, on aura le temps d’en reparler. Montre-nous déjà que tu es capable de mener un navire. Tu as encore beaucoup de chose à apprendre et pour l’instant, tes états de service sont encore bien vierges…
    -On a entendu dire que tu comptais reprendre la main sur quelques compagnies chartistes, ajouta Rhianni. C’est un très bon départ. On comptait justement les acquérir pour notre propre compte, mais on va te les laisser. Vois ça comme une offre de bienvenue dans la famille.
    -Rhianni a raison, ajouta Arkhul. Occupe-toi de ces petits chartistes. Reprends ces guildes en main et règle leurs affaires. On aura l’occasion de se recroiser pour en parler. On a le temps.
    Puis il vida son verre, le posa et se leva.
    -C’était un plaisir de te revoir, faudrait qu’on remette ça plus souvent, je sens qu’en plus le courant à l’air de bien passer avec tes nouveaux amis.
    -On se tient au courant, lâcha Rhianni tout en se levant à son tour.
    Tous deux les saluèrent et quittèrent la salle.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/08/2023 à 19:29 Citer ce message

    Sylmann Altaïr venait tout juste de pousser la porte de l’établissement. Säde venait de lui communiquer l’adresse par microvox quelques minutes auparavant mais sans lui en dire plus, sinon qu’ils avaient une piste. Il connaissait le Midnight Sapphire même si cela devait bien faire plus de dix ans qu’il n’y avait plus mis les pieds. En entrant, il croisa un couple qui en sortait et qui attira tout de suite son attention. Un solide colosse à la peau sombre et une femme bardée d’augmentiques, comme le sont souvent les mercenaires. La fille s’en rendit compte et lui lança un regard appuyé, presque menaçant avant de se retourner vers le fond de la salle. Il estima qu’elle en avait pour un joli paquet de fric sur elle, lorsque son microvox crachota dans son oreille. Il vit alors vers où portait son regard.
    -Syl, c’est Uriah. Fais comme si de rien n’était et va au comptoir, sinon tu vas te faire repérer.
    Il obtempéra et vint s’installer au bar. Säde était un peu plus loin, faisant mine de boire son verre sans le regarder. Sans chercher à discuter, il prit un siège et commanda un amasec tristilé avec des glaçons. Une fois sa commande servie, quelques minutes passèrent puis Uriah le contacta de nouveau.
    -C’est bon, la voie est libre, tu peux nous rejoindre.
    Il voxa Säde en même temps et lui demanda de garder un œil sur le bar. Ce qu’elle fit.
    Altaïr prit son verre et vint les rejoindre. Uriah était assis avec Djoko et la Brute. Il se posa sur la banquette en soufflant.
    -C’est quoi tout ce cirque ?
    -Les deux que tu as croisé en entrant, c’était eux… Ils nous ont parlé. Lâcha la Brute de sa voix grave.
    -Quoi, le grand black aux yeux rouges et la fille toute chromée ?
    -Eux-mêmes. Ce sont eux qui ont ma tante, ajouta Uriah.
    Altaïr faillit recracher son amasec et manqua s’étrangler. Il se leva.
    -Merde, mais… Quoi ? On fait quoi là à attendre ? On les suit, on les attrape et ils crachent le morceau.
    -Mauvaise idée, lâcha Uriah qui lui indiqua de se rassoir.
    -Comment ça ?
    Il chercha le regard de Djoko. Mais ce dernier lui lança un regard navré.
    -On ne fait rien, donc ? Merde, on parle d’Isa, là ! Ajouta Altaïr.
    -Je n’ai pas dit qu’on allait rien faire du tout, compléta Uriah tout en lui signifiant de parler moins fort et de se calmer. Juste que leur tomber dessus ne servirait à rien. Ce ne sont pas ces deux-là qui ont ma tante à strictement parler, mais leurs complices. Tante Isa est déjà loin d’ici, je leur ai déjà posé la question.
    -Cette blague ! Mais tu les as cru ?
    -Je connais bien ces types. Crois-moi, ils ne plaisantent pas. Et… oui, je les crois.
    Altaïr se pencha vers lui.
    -Et tu crois quoi, petit ? Que nous, on plaisante ? Qu’on est des comiques ?
    -Syl a raison, ajouta Djoko. Ils ne savent pas qui on est et on a sacrément les moyens de leur rentrer dans la gueule nous aussi.
    -Sans parler de l’envie qu’on a de leur rentrer dedans, compléta la Brute.
    -J’avoue que ça me démangeait vu comment ils nous ont mal parlé. Dans un autre endroit, ils se prenaient une balle, ajouta Djoko.
    -Et après ? Continua Uriah. Moi je les connais pour les avoir côtoyé de l’intérieur. Croyez-moi, les Princes de l’Inéquité disposent de bien plus de navires et de troupes que vous ne l’imaginez. S’attaquer à eux, ici et maintenant serait une grossière erreur et ils le savent pertinemment. Déjà, ici, sur Port Grief, on se prendrait la SecNav sur le coin du nez en moins de trois minutes et c’est clairement pas le moment. Mais après, il aurait fallu gérer les représailles de l’Inéquité et ça, je peux vous dire qu’on ne fait pas le poids pour l’instant. Clairement.
    -Et donc quoi ? On ne fait rien du tout ? On ne sait même pas si Isa est encore en vie… Répondit Altaïr.
    -Si. Elle l’est.
    -Et tu les crois ?
    -J’ai de bonnes raisons de les croire. Oui.
    -Ils veulent quoi alors en échange ? A tous les coups, ils veulent la Lettre de Marque, c’est ça ? Le vaisseau aussi ?
    -Ils ne veulent rien.
    -Quoi ?
    -Enfin, si, mais pas directement.
    Altaïr lui demanda de ne rien ajouter. Il attrapa une serveuse au passage et commanda un deuxième verre d’amasec. Les autres en profitèrent pour reprendre un verre. La situation était clairement tendue.
    -En tout cas, il y a un détail qui leur a échappé, ajouta Uriah.
    -Lequel ?
    -Le fait qu’ils aient ouvertement annoncé que j’étais le dernier héritier des Goldberg. Ils oublient quelqu’un. A moins qu’ils…
    -A moins qu’ils ignorent tout simplement qu’Isa a une fille, Gaia, ta petite cousine, compléta Djoko.
    -Exactement.
    -Si c’est le cas, c’est bien mieux comme ça, ajouta Altaïr, mais on va devoir la surveiller comme la prunelle de nos yeux car s’ils venaient à découvrir son existence, je n’ose imaginer ce qu’ils feraient avec elle.
    -Je vais appeler la passerelle, qu’ils la trouvent et qu’ils l’enferment dans un…
    Ses trois officiers eurent soudain la même réaction nerveuse. A la limite de porter la main sur la crosse de leur arme.
    -L’enfermer dans… Quoi ?
    Uriah leva les mains en signe d’apaisement, un franc sourire sur le visage.
    -C’est bon, les gars… C’est ma cousine, je ne vais quand même pas la faire jeter par un des sas. Je veux juste la placer en lieu sûr. C’est tout…
    Il se tourna vers la Brute. En tant que Premier officier, il avait la charge de la sécurité à bord du vaisseau.
    -Informe la passerelle de contacter Maitre Arkhan le chef bosco, qu’il trouve ma cousine et qu’il la place sous protection dans les appartements de ma tante.
    -Je m’en occupe, Capitaine.
    -Fais doubler aussi la garde. Au cas où.
    -Il t’a appelé capitaine ? Sourit Djoko.
    -Eh bien… Techniquement, il n’a pas tort, ajouta Altaïr. En l’absence d’Isa, c’est lui qui assure la fonction, c’est aussi ce qu’elle avait prévu dans le processus de succession. On va donc devoir l’appeler capitaine… enfin, devant l’équipage… Tant que Gaia est encore mineure.
    Djoko plissa les yeux et lança un regard scrutateur vers Uriah.
    -Mouais… Tant que Gaia est encore mineure. Ou qu’on retrouve Isa.
    -Oui, ou qu’on la retrouve, évidemment.
    -Je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais j’ai quand même peu d’espoir de la revoir un jour en vie, lâcha tristement Uriah.
    -Je t’interdis d’y penser, putain ! S’énerva soudain Djoko.
    -Il a raison. On doit la sortir de là, ajouta Altaïr. Tu disais justement qu’ils voulaient quelque chose en échange. Développe ?
    Uriah lui dévoila leur plan. Le fait qu’ils retiennent sa tante, que cela le nomme libre-marchand par défaut et qu’il doive à présent reprendre la dynastie en main, la faire fructifier et peut-être un jour ou l’autre se voir offrir une place au sein de leur confrérie.
    Altaïr écouta attentivement son résumé avant de reprendre la parole.
    -Tu sais qu’avec Djoko, on connait ta tante Isa depuis quoi… Un peu plus de vingt ans à présent. On l’a connu alors qu’on avait quasiment ton âge.
    Il eut un petit sourire avant de poursuivre.
    -Je crois qu’à cette époque-là, on a tous été plus ou moins amoureux d’elle. Mais qui ne l’aurait pas été ? Elle était belle, charismatique, brillante, elle avait tout pour elle et nous, on était quoi ? Juste une bande de fieffées canailles qui voulaient briller. On était attiré par elle, comme des fragments d’astéroïdes attirés par un soleil. C’est comme ça qu’on l’a connu dans sa robe en noctesoie noire et or, aux couleurs de la Maison Goldberg, lors d’une soirée sur un port orbital comme celui-ci. Sur Rigeal, je crois…
    -C’était sur Port Godwinne, en 996. La fête de l’Ascension. Ajouta Djoko. Rigeal c’était un an après, pour ses dix-sept ans.
    Altaïr hocha la tête. Djoko était celui dont elle était réellement tombée amoureuse à l’époque. Pourtant leur union sacrée n’en avait jamais été altérée.
    -Oui, tu as raison… C’était bien sur Port Godwinne. A l’époque, on savait déjà de qui elle était la fille, tu penses bien. Abdul Goldberg, ton grand-père était un libre-marchand bien connu et qui jouissait déjà d’une réputation des plus sulfureuses depuis des décennies. Ce n’est que bien après qu’on a su qu’il était un des Princes de l’Inéquité, tout comme Sebastian, ton père. En revanche, ta tante Isa se destinait à un tout autre avenir. Je crois qu’elle tenait ça de sa mère même si on l’a peu connue à l’époque, un peu avant sa mort.
    -Vous avez connus ma grand-mère Marabella ?
    -Oui, tu penses bien, comme ce n’était pas n’importe qui. C’était quand même une des très convoitées filles de la Maison Liverance. Je crois que c’était la sœur de l’actuel gouverneur de Pireaus VII. Et comme elle était commodore ou contre-amiral dans la Marine, Isa a souhaité suivre les traces de sa mère, elle a fait l’académie navale, là où elle a rencontré Djoko. Tous deux voulaient devenir des officiers dans la Marine alors que moi je comptais faire une carrière dans le commerce. J’avais d’ailleurs monté une affaire florissante avec un chartiste à l’époque. Ce bon vieux Reginas… je ne sais pas ce qu’il est devenu aujourd’hui. On achetait et revendait tout un tas de reliques de contrefaçon ou de la xenotech presque aussi vraie que nature grâce à une petite archéotechnologue que je connaissais. Ça marchait plutôt bien. Bref, c’est comme ça qu’avec ta tante et Djoko, on s’est rencontré à cette époque et on pensait déjà à s’associer, monter un business, s’acheter un vaisseau… Je crois qu’on avait déjà tous dans le sang une envie de grande aventure, mais quand un jour Isa a compris que son père et son propre frère trafiquaient avec des hérétiques, ça a été un grand choc pour elle. Sa mère est décédée dans d’étranges circonstances à ce moment-là et sans doute pas par hasard. Son monde, ses repères se sont effondrés et c’est là qu’elle s’est brouillée définitivement avec eux. Oh, évidemment, ils ont tout fait pour le convaincre de les suivre mais tu la connais… Isa a un sacré caractère et elle s’est opposée fermement à leurs décisions. C’est là qu’ils sont entrés en guerre et elle a fait ses propres choix quand elle a appris que les Ordos envisageaient de détruire la maison Goldberg et d’en éliminer toute la famille. C’est là qu’elle a décidé de négocier le fait de garder la Lettre de Marque.
    -Voilà pourquoi les Princes de l’Inéquité en ont toujours eu après elle, ajouta la Brute.
    -Mais pourquoi maintenant ? Cela fait tellement d’années, répondit Uriah.
    -Pourquoi maintenant ? Lâcha Djoko, avec un petit rire sarcastique. Parce qu’étrangement, cela ne fait que quelques jours que ta tante venait enfin de récupérer sa fichue Lettre de Marque que ces salopards des Ordos n’avaient jamais voulu lâcher et que son frère, ton paternel, convoitait depuis tout ce temps.
    Sylmann le pointa du doigt.
    -C’est exactement ce que je pense aussi. Le Morning Star, son équipage et nous tous, sans la Lettre, nous ne valons rien de plus que les dettes de nos créanciers. On ne vaut rien, peau d’ork. Mais… Maintenant que la Maison Goldberg est de nouveau sous le sceau de Terra et du Senatorum Imperialis, cette dynastie vaut de nouveau des milliards, mon grand. Et c’est ça qui les intéresse. Ils dégagent ta tante qui les a trahis, te mettent toi, à la tête de la Maison et s’assurent que tu deviennes banquable. Pour eux.
    -Trône… Ils oublient quand même un détail.
    -Lequel ?
    -Qu’ils peuvent bien aller se faire foutre, parce que j’ai un plan.
    -Un plan pour ? Lâcha Djoko avec un air dubitatif.
    -Je compte gagner leur confiance, ce qui ne devrait pas être trop compliqué vu qu’ils m’ont à la bonne. Je rentre dans leur jeu, j’infiltre leur confrérie et là, je… Enfin, on…
    -On, quoi ? Lui demanda Djoko, en relevant un sourcil.
    -D’accord, on improvisera à ce moment-là, on aura bien une idée. Mais l’objectif est de retrouver Isa et de les faire tomber, comme elle a fait à son époque.
    -Oui, enfin, sauf que tante Isa, elle avait l’Inquisition qui a fait le boulot à sa place, ajouta Djoko, ça a pu aider un peu.
    -Et ne compte pas sur nous pour faire appel à un inquisiteur, ajouta Altaïr. La dernière fois qu’on en a eu un à bord, on avait qu’une envie, c’était l’éjecter par un sas lors d’une translation warp.
    -Ce qu’on aurait dû faire, d’ailleurs, ajouta Djoko.
    -Non, non… je n’ai pas l’intention de mêler ces enfoirés des Ordos à nos affaires. Surtout pas. On va se débrouiller.
    -On sait quoi sur eux ? Sur ces Princes de l’Inéquité. On a des contacts qui pourraient nous renseigner ? Tu ne devais pas rencontrer tes relations ici sur Port Grief ? Lâcha Djoko.
    -Justement si, répondit Altaïr. Je suis allé voir Endrei, une de mes connaissances à qui j’ai pu poser deux-trois questions.
    -Et ça a donné quoi ?
    -Rien de très concluant, malheureusement. Ça confirme ce que dit le gamin, à savoir que ce sont de très gros poissons. Mais selon les informations que j’ai pu recueillir, les Princes ne se seraient pas installés ici sur Port Grief, à cause de la Navale qui traine dans le coin. De l’Arbites aussi. Pourtant, force est de constater qu’ils se trompent.
    -Ils ont peut-être des liens avec les autorités, non ? Contacts, pots-de-vin ? S’étonna la Brute.
    -Non, ce n’est pas le cas. Enfin ça m’étonnerait, répondit Djoko. Vu comment la Marine est en guerre contre eux. Tu n’as pas vu les affiches placardées dans les rues ?
    -En tout cas, les rumeurs prétendent que les Princes comptent parmi eux des libres-marchands connus et des chartistes qui ont pignon sur rue, mais sans que leur identité ne soit révélée. Ils ont une double activité pour la plupart, à l’exception de quelques pirates déjà connus, compléta Altaïr. Voilà pourquoi ils attendent que nous soyons rentables, nous aussi.
    -De toute façon, ils nous laissent du temps pour monter une affaire, ajouta Uriah, ce qui signifie qu’on va pouvoir élaborer un plan. Ils ont parlé de ces trois compagnies chartistes que ma tante voulait racheter, c’est bien ça ?
    -Enfin… Racheter est un bien grand mot, répondit Altaïr. On n’a absolument pas les fonds pour se payer ne serait-ce qu’une de ces compagnies. J’ai fait le point encore hier avec Maitre Aldorf, le commissaire aux finances. On a juste eu de quoi payer les soldes de l’équipage et le carburant. Nos dettes sont encore bien loin d’être épongées. Tu sais combien coûte un vaisseau comme le nôtre en frais de fonctionnement, par jour, à quai ? Je t’épargne les taxes, les droits de douane et j’en passe. Ça se compte en centaines de milliers. Voilà pourquoi, on va devoir trouver une affaire et rapidement. C’est pourquoi avec Isa et Djoko, on avait pour idée de leur mettre la main dessus.
    -Et comment du coup ? Je n’ai absolument aucune idée de comment racheter trois compagnies chartistes, surtout sans un seul Trône en poche.
    -Normal, gamin, tu n’as encore que dix-neuf ans, lui sourit Djoko. Ce genre de magouilles, ça nous connait pas mal, tu verras.
    -A ce propos, ma tante m’a dit qu’une autre maison libre-marchande s’y intéressait aussi de près, non ?
    -Oui, Les Frae Spinaiser. Tu les connais ?
    -Juste de nom. Une vieille dynastie connue pour ses intrigues politiques et ses liens avec la Flotte. Il me semble qu’ils ont perdu des vaisseaux lors de la dernière croisade. C’est tout ce que je sais.
    -On va se renseigner sur eux, surtout s’ils se foutent dans nos pattes.
    -Sinon, on sait quoi sur ces compagnies chartistes ?
    Altaïr lui sourit tout en s’allumant une fine barrette de lho.
    -Disons qu’avec Isa, Djoko et la Brute, on avait déjà un peu tâté le terrain avant. Avec quelques recherches, on a pu obtenir les noms des trois compagnies. Ce sont de petites structures qui comptent deux ou trois navires de commerce chacune mais qui ont su se diversifier dans un commerce florissant de denrées, de carburants ou de produits de luxe, mais aussi de troupes et d’armement depuis plus récemment.
    Il sortit sa tablette de données et l’activa. Il y chercha le dossier correspondant.
    -Voilà… J’ai leurs noms. Vigor&Vanguard, Silent Dominion et Burden Alliance.
    -Connais pas… On sait où ils sont basés ? Ici ?
    Altaïr rangea sa tablette avant de répondre.
    -La première a son siège justement ici, sur Port Grief, voilà pourquoi on comptait y faire un saut. La deuxième a ses bureaux à bord d’un de leur navire qui est dans la région. Quand à la dernière… Burden Alliance, ils ont leurs locaux sur Isin IV. J’ai les noms des dirigeants aussi, ça pourra servir.
    -Et c’est quoi leur histoire de guerre commerciale ?
    -Ils sont concurrents sur le même itinéraire depuis des années et cherchent donc à s’évincer les uns les autres. Ils veulent tous racheter leurs rivaux mais personne ne veut vendre. Du coup ils se livrent une guerre ouverte et ça risque bien de déstabiliser le commerce dans la région. C’est pour ça que les Frae Spinaiser veulent mettre leur nez dedans.
    -C’est quoi cette route commerciale ?
    -Ils desservent tout le sous-secteur Endymion et redescendent jusqu’au sous-secteur Badab, par la route d’Eshunna, lâcha Djoko qui connaissait son domaine.
    -Le Canal de Coriolis ?
    -Exactement, je vois que tu as une bonne mémoire. Tu te rappelles de mes leçons d’astromancie.
    Uriah sourit intérieurement mais ne dit rien, ne se rappelant aucunement que Djoko lui avait donné le moindre cours d’astromancie, en dehors de leur virée à la Pleine Lune, un inoubliable bar à hôtesses sur Bellerophon.
    -Merde, mais ça fait une sacrée route.
    -Trois-cent-vingt années-lumière et une quarantaine de jours par le warp, petit.
    Uriah se calla dans son fauteuil, en faisant une petite moue.
    -Ça me fait penser qu’avec la disparition de Mym, il va falloir qu’on recrute un nouveau navigator. Ça va devenir urgent.
    -Bien vu, lui répondit Altaïr. Je vais mettre mes gars sur le coup car c’est un peu tendu en ce moment avec la Navis dans les parages. La croisade a siphonné la plupart des meilleures maisons. J’espère qu’on trouvera quelqu’un.
    -Tu veux dire, pas comme cet espèce de clochard aviné qu’on avait ? Lâcha Djoko d’un ton sarcastique. Ce type devait nous trouver une corvette perdue je-ne-sais-où. On y a passé des années à la chercher en suivant les conseils de cet escroc.
    Altaïr leva les yeux au ciel.
    -Trône, Ce type vient à peine de se faire refroidir, t’as donc aucun respect… Tu te rappelles qu’à cause de vos embrouilles de coq de basse-cour à tous les deux, on a dû te remplacer la moitié du corps avec de l’augmentique.
    Djoko dévoila un large sourire vers Uriah.
    -Ce mec exagère toujours… Seules mes mains et mes yeux ont été remplacés et c’est juste dans un souci d’efficacité, ça n’a rien à voir avec ce trou du cul prétentieux de la Navis. Regarde mes yeux, on ne voit même pas le différence avec les originaux.
    -Et tes traitements rejuvenant ? C’est aussi par souci d’efficacité que tu as toujours trente ans ?
    -Là, tu deviens carrément désagréable… Figure-toi qu’Alisabeth ne s’en plaint pas, elle.
    -Ah ? Je croyais que tu étais avec Montoya en ce moment ?
    -L’une n’empêche pas l’autre, Monsieur la science avec ses vieux bouquins...
    -D’accord. Bon, du coup, on s’y prend comment pour les approcher ? Les coupa Uriah. Ces compagnies sont toutes à des unités astrales les unes des autres.
    -On les approche pas, lâcha Djoko qui se recalla dans son fauteuil. On les réunit. Du moins les trois dirigeants, ce sera plus simple.
    -Sous quel motif ? Et après, on fait quoi ? On leur brise les genoux et on les force à signer un contrat de vente ?
    -C’est une option que l’on pourrait garder en dernier recours. On ne pourrait pas trouver un moyen juste de les racheter ?
    -Je te l’ai dit, les caisses sont vides. On, paye avec quoi ? De la fausse monnaie ?
    -Et pourquoi pas ? Répondit Djoko.
    -Tu sais ce que ça va représenter en paquet de faux billets, toi ? C’est une palette complète, minimum.
    -Tu connais quelqu’un qui pourrait te faire ça ?
    -C’est bien possible. Mais ça va prendre du temps et ça va couter un pourcentage. Donc cher.
    Uriah eut une petite grimace.
    -Il nous faut quelque chose de plus subtil. Qu’on réussisse le coup sans que ça nous coute le moindre crédit.
    -On t’écoute, lâcha Altaïr, soudain amusé de voir le gosse se prendre à leur propre jeu.
    -J’ai peut-être une meilleure idée. On sait qu’ils veulent tous racheter la compagnie de leurs concurrents, c’est bien ça ?
    -C’est ça.
    -Et pour l’instant, aucun d’eux ne veut vendre, on est bien d’accord ?
    -En effet.
    -Donc, si nous, on venait à prendre l’apparence d’émissaires de la compagnie A et qu’on allait voir la compagnie B, en leur disant que finalement nous avons bien réfléchi, qu’on a changé d’avis et qu’on est d’accord pour vendre ?
    -Merde… On tient un truc, là… Continue…
    -On empoche le fric de la compagnie B et on part faire le même coup à la compagnie C en se faisant passer pour la compagnie B, puis à la compagnie A qui rachète la C.
    -Et une fois qu’ils découvrent le pot aux roses ? Le questionna la Brute.
    -On aura les trois contrats signés et on aura les fonds. On les tiendra à la gorge. Au pire, on fera un petit remaniement de direction, si on devait rencontrer quelques mécontents.
    -Bosser pour un libre-marchand, ça devrait tous les mettre d’accord, tu verras, ajouta Altaïr.
    Djoko eut un grand sourire en posant son verre vide sur la table.
    -Moi, le plan du gamin me plait bien. C’est quoi l’adresse du premier ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/08/2023 à 22:37 Citer ce message

    Tandis qu’ils discutaient, ils virent une personne qui était en train de parler avec Säde Lindholm au comptoir.
    -C’est un des informateurs que Bartolomew venait de recruter sur la station, il me semble. Je n’ai pas retenu son nom, dit Altaïr à ses trois comparses. Il m’en a parlé pas plus tard qu’hier justement. C’est un jeune officier du Tactica qui a fait ses armes dans la navale. La Croisade ne l’aurait pas épargné, à ce qu’il m’a dit… Mais qui a été épargné par cette croisade, de toute façon ?
    Soudain, Säde se leva et vint les rejoindre à leur table. Le type en question, la suivait.
    -Pardonnez-moi de vous interrompre, Messieurs, leur dit-elle.
    Elle se pencha vers Altaïr.
    -Il y a un sujet qui requière notre présence sur la passerelle, Monsieur.
    Il releva son visage vers elle, tout en jouant avec son verre.
    -Maintenant ?
    -Oui, maintenant. Le… Sous-lieutenant Edward Kenway, ici présent nous fait savoir que vous êtes demandé. En urgence.
    -Et qui le demande ? Demanda Uriah, en relevant un sourcil.
    -C’est à propos de… Votre jeune cousine, Monsieur.
    -Gaia ? Il y a un problème ? Lâcha Altaïr. Djoko et la Brute furent soudain sur le qui-vive.
    -Rien de bien grave, mais elle commence à poser des questions. A propos de sa mère… Elle… Elle n’est pas encore au courant de…
    Altaïr se leva.
    -Bien, je m’en occupe. Lindholm, vous venez avec moi, je risque fort d’avoir besoin d’une… Enfin, disons de vos compétences.
    Il se tourna vers le jeune officier dont il avait oublié le nom. Il devait avoir la vingtaine. Brun, les yeux clairs, il portait un petit bouc bien taillé. L’œil aux aguets et non dénué de charme, il avait pourtant cette capacité à passer relativement inaperçu. Ce qui était un atout pour un informateur.
    -Vous, lieutenant…
    -Monsieur ?
    -Nous avons justement un épineux problème et je pense que votre regard neuf pourrait bien nous éclairer. Le Capitaine, ici présent va vous exposer de quoi il en retourne. Je pense que vos talents d’enquêteur seront appréciés.
    Il fit un signe à Uriah.
    -Je vais tâcher de ne pas être long. Puis il salua tout le monde et demanda à Säde de l’accompagner vers la sortie.

    Uriah désigna la chaise vide d’Altaïr et demanda à Kenway de s’assoir.
    -Bien… Lieutenant Kenway, c’est bien cela ?
    -Oui, Monsieur… Je n’ai pas entièrement saisi en quoi pouvais-je vous aider…
    -Je vais vous exposer la situation… Vous n’êtes pas sans ignorer les disparitions qui viennent de nous affecter tout récemment.
    -En effet, Monsieur.
    -Bien. En l’absence de notre Capitaine, c’est donc moi qui prends le commandement du Morning Star.
    -C’est ce que j’ai cru comprendre, en effet.
    -Nous avons un… Disons plutôt deux autres problèmes à résoudre pour commencer. Le premier et c’est certainement le plus simple bien qu’assez urgent est qu’il va falloir recruter un nouveau Navigator, sans quoi il nous sera difficile de quitter le système Grief sans y passer des semaines. L’autre sujet est plus complexe. Je vais vous épargner les détails, mais disons que nous sommes sur le point de mettre la main sur trois compagnies chartistes.
    -Vous souhaitez les racheter ? Pardonnez-moi, mais le commerce, ce n’est pas trop mon…
    Djoko eut un petit rire.
    -Racheter n’est pas nécessairement l’idée. Mais les acquérir d’une manière ou d’une autre, oui.
    Uriah eut un large sourire.
    -Voilà, c’est ça l’idée. Leur mettre la main dessus de manière… Disons plus ou moins légale mais sans que cela ne nous coute le moindre cent.
    Kenway se calla dans son fauteuil avec un léger sourire.
    -Oh, je vois. Il faudrait obtenir quelques informations sur ces compagnies, pour commencer.
    -Nous avons leur nom, nous savons où elles se situent et connaissons le nom de leurs dirigeants, compléta Uriah. Vigor&Vanguard dirigé par Ashram Absilias. Ils ont leur local ici sur ce port orbital. La seconde compagnie se nomme Silent Dominion et est dirigée par Feronika Rasmusen. Ses bureaux sont à bord d’un de leur navire en transit entre ici et le système Iblis. Quant à la dernière des trois, il s’agit de la Burden Alliance dirigée par Gregor Kysnathian. Leur siège se trouve dans le système Galen. A quelques heures d’ici par le warp.
    Kenway fronça les sourcils en entendant ce nom.
    -Kysnathian… De la Maison Kysnathian ?
    -J’imagine.
    -Sur Galen VI ?
    -Apparemment oui. Vous les connaissez ?
    -Disons que nous avons une vieille vendetta familiale.
    -Oh… Voilà qui est intéressant. Noblesse marchande ?
    -En quelque sorte, oui.
    -Vous n’auriez donc pas de scrupule à leur faire un sale coup, dans ce cas ?
    -Ce serait même avec plaisir, capitaine. Vous avez déjà un plan pour approcher ces familles ?
    -Un début de plan, répondit La Brute.
    -Ces trois familles se livrent une guerre commerciale, ajouta Uriah.
    -Toutes veulent acheter ou couler leurs deux autres rivales mais aucune des trois ne souhaite vendre, compléta Djoko.
    -Et c’est là que l’on compte se faire passer pour une de ces familles, poursuivit la Brute. On se présente sous la fausse identité d’un émissaire de la famille A et on prétend à la famille B qu’on est enfin d’accord pour vendre. Et on refait ensuite le coup aux deux autres familles.
    -Je peux m’infiltrer dans une de ces compagnies en me faisant passer pour quelqu’un d’autre, si vous le souhaitez, ça c’est parfaitement dans mes cordes.
    -Voilà qui pourrait nous être utile, en effet. Vous sauriez prendre l’apparence d’un des membres d’une de ces familles ?
    -Il va nous falloir des tenues avec les blasons de chacune de ces familles dans ce cas, ajouta la Brute.
    -Pas nécessairement… Kenway se mit à réfléchir avant de poursuivre. Ces familles sont en guerre, vous dites ?
    -Oui, c’est bien ça, répondit Djoko.
    -Donc il y a des chances qu’ils ne se rencontrent pas ou que très rarement. Ce qui pourrait être à notre avantage.
    -Poursuivez…
    -Je ne pense pas utile de devoir tous nous habiller comme eux, porter leurs tenues et leurs armoiries. Un seul d’entre nous suffira à les duper.
    -Comment cela ? Demanda Djoko, intrigué.
    -Je connais le blason des Kysnathian, par exemple. Il suffirait d’en obtenir un, que l’un de nous le porte sur un uniforme, au pire de présenter une fausse lettre d’accréditation avec leurs armoiries dessus et avec de l’aplomb et de la conviction, je pense que la supercherie pourrait fonctionner. Les autres ne seraient alors que des membres de sa suite.
    -Et ce blason, comment se le procure-t-on ?
    -C’est là qu’il nous faut un artisan artificier. Vous avez peut-être ça à bord ?
    -Je ne me vois pas demander ça aux technoprêtres, lâcha Uriah.
    -Il y a des boutiques sur la station, sinon, répondit la Brute.
    -Oui, mais on parle de boutiques légales, là, dit Kenway. Qu’en est -il si cela venait à s’ébruiter que nous faisons fabriquer des faux et que cela revienne aux oreilles des maisons en question ?
    -C’est pas faux… Un point pour vous, répondit Uriah.
    -Il a raison, on ferait bien de passer par un faussaire dans ce cas, ajouta Djoko. Quelqu’un capable, contre quelques billets, de nous faire ça discrètement.
    -Tu connais un endroit où on peut trouver ça, ici ?
    -Derrière les docks, dans le quartier Pacificus, j’ai ma petite idée.
    Uriah termina son verre tout en vérifiant l’heure.
    -Dans ce cas, allons-y, ne perdons pas de temps.

    Une heure plus tard, ils étaient dans le quartier en question, un mélange de bars à matelots, de bordels à dockers et de boutiques ambulantes en tout genre. Les ruelles étaient bondées, crasseuses, animées et empestaient comme tous ces coins sordides de la galaxie. Ici, tout se vendait et s’achetait, il y en avait pour toutes les bourses. La SecNav ou l’Arbites y faisaient parfois des incursions mais seulement en cas de gros problèmes. Tant qu’on ne dépassait pas les limites, les autorités avaient d’autres hérétiques à fouetter que des revendeurs des lho bon marché.
    A force de poser les bonnes questions, ils finirent par trouver deux boutiques qui attirèrent leur attention. Ils écartèrent cependant la première car l’artisan leur demandait un prix plutôt prohibitif et surtout un délai d’une semaine, ce qui n’allait pas les arranger. La seconde boutique, tenue par une squat du nom de Grunda, leur parut nettement plus correcte. D’autant plus qu’elle disposait déjà de modèles de broches qu’elle n’aurait qu’à modifier selon un dessin que lui laissa le lieutenant Kenway. Djoko lui raconta une convaincante histoire de broches perdues qu’il fallait remplacer discrètement, sous peine de se faire sermonner par ses maitres. Le prix resta cher mais une des broches était en bronze et la seconde en or. Elle leur annonça que la commande serait prête demain dans l’après-midi, ce qui était plutôt rapide. Uriah versa un acompte et ils ressortirent, plutôt satisfaits. Les squats, ou Kin comme ils s’appelaient entre eux étaient des artisans rapides et compétents, ce qui agaçaient toujours les technoprêtres de Mars.

    Sur le chemin du retour, ils firent une pause sur une des artères marchandes. Uriah se tourna vers Djokovitch.
    -Tu saurais nous trouver un Navigator, ici ?
    -Je peux essayer, oui.
    -Vas-y, on te suit.
    -Laisse-moi juste poser quelques questions aux bons endroits. Dans cette rue, il doit y avoir un bar connu des pilotes, si ma mémoire est bonne… La Timone, je crois…
    Il s’engagea dans la rue en question et finit par trouver le bar. Il leur demanda d’attendre car il n’allait pas être long.
    Au bout de quinze minutes, il ressortit.
    -Tu as quelque chose ? Lui demanda la Brute.
    -J’ai parlé avec un pilote plutôt sympa qui bosse sur un des navires d’Albrecht Talinn, il aurait un tuyau.
    -Les navires de qui ça ? Demanda la Brute.
    -Talinn possède une des plus grosses maisons chartistes du secteur, répondit Uriah. Et donc ?
    -Une navigator était là, il y a moins d’une heure. Elle a été chassée du bar par des types qui s’en sont pris à elle. Ils l’ont traité de mutante et je ne sais quoi…
    -Classique. Tu sais où on peut la trouver ?
    -Elle traine dans le quartier ou vers un autre bar, le Point de Mandeville.
    -Parfait, allons-y

    Ils trouvèrent le chemin mais à peine étaient-ils en vue du bar en question, que Kenway attira leur attention. Depuis une ruelle, un peu plus loin, il venait d’entendre les cris d’une jeune fille. Les autres n’y avaient pas prêté plus attention, mais maintenant qu’ils y prenaient garde, ils entendirent des phrases comme « tu vas crever, salope de mutante ».
    -C’est elle, cria Uriah qui se précipita vers la ruelle, suivit aussitôt par ses trois officiers.
    Ils les virent. Ils étaient cinq. Des gros bras. La fille était au sol, sur ses fesses, en train de tenter de reculer en leur demandant de ne pas faire ça. Mais les autres ricanaient et l’un deux, agitait un bidon de prométhéum devant lui. Il était assez corpulent et portait un épée tronçonneuse à la ceinture, ainsi qu’un pistolet lance-flammes. Sans doute était-il un de ces chasseurs de mutants que l’on croise sur n’importe quel monde impérial. Il en retira le bouchon qu’il jeta au loin, tout en promettant à la fille qu’elle allait cramer, comme la sale catin du warp qu’elle était.
    Uriah s’avança dans la ruelle alors que le type au bidon commençait à arroser la fille.
    -Arrêtez ça, relâchez-la tout de suite et il n’y aura pas de grabuge.
    Les types s’arrêtèrent aussitôt et se retournèrent lentement, portant la main à leurs armes.
    -De quoi il se mêle, le minion ? C’est une affaire privée ici, par Terra, alors dégage de là si tu veux pas te faire botter le cul au point de te retrouver en orbite.
    Les autres se mirent à rire.
    Djoko approcha à son tour. La Brute et Kenway restaient dans les ombres, mais parés à intervenir si la situation devait dégénérer. La fille en profita pour ramper et se mettre à couvert derrière l’épave d’un vieil utilitaire désossé.
    -On se mêle que cette demoiselle est désormais sous contrat de notre maison et de fait, elle est sous notre protection. Ce qui signifie que le premier qui la touche aura affaire à nous.
    Les types les dévisagèrent pendant quelques secondes, un peu éberlués puis d’un seul coup se mirent à éclater de rire. Sans prévenir, Uriah dégaina sa rapière énergétique, activa la lame et d’un bond, se rua le chef de la bande et l’embrocha jusqu’à la garde. Le type écarquilla les yeux et ouvrit sa bouche en grand, cherchant à dire quelque chose mais seul un filet de bave sortit de sa gueule béante. Il tomba à genoux en gargouillant quelque chose. Uriah posa une de ses bottes sur le torse du type et tira sa rapière d’un coup sec. Le sang gicla. Uriah eut un sourire en coin.
    -Tu disais quoi à propos de me faire botter le cul, espèce de sac à merde ?
    Deux des types reculèrent de quelques mètres, cherchant à couvrir leurs arrières. L’un d’eux ouvrit le feu avec un revolver tout en tremblant mais tira beaucoup trop haut, quant à son compère, sans doute prit de panique, le doigt cramponné à la détente de son arme, se mit à lâcher une longue rafale avec une sorte de petite mitraillette qui tressauta dans ses mains. Les tirs fusèrent dans toute la ruelle avec un staccato caractéristique. Les balles crépitèrent sur leurs armures sans leurs occasionner de graves dégâts mais quelques grosses contusions et même un peu de sang dû à de belles coupures. Djoko fut touché à la jambe au moment où un des gros bras le frappa avec une solide barre de fer. Il chancela et faillit s’écrouler, regrettant de ne pas avoir dégainé son arme. Le cinquième type, armé d’une lourde masse, se jeta sur Uriah mais ce dernier para proprement le coup avec sa lame énergétique qui coupa le manche de la masse en deux, laissant son agresseur un peu éberlué. La Brute venait d’ouvrir le feu sur le type au revolver mais ce dernier se jeta de côté et évita les bolts mortels. Ce fut le moment où Kenway se rua dans la bataille. En quelques enjambées, il venait de dégainer un pistolet bolter et une épée monomoléculaire. Il ouvrit le feu sur l’homme au revolver qui se prit un des bolts, ce qui l’envoya mordre la poussière trois mètres plus loin. Il stoppa son élan et mit un coup de lame sur l’homme à la mitraillette, le blessant légèrement, mais malheureusement sans trop de gravité…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/08/2023 à 23:07 Citer ce message

    Edward Kenway était toujours en plein corps à corps, engagé à l’épée avec un des gros bras. De son autre main, il tenta de tirer avec son pistolet bolter de nouveau sur le type au sol, celui déjà touché. Ce dernier bien que gravement blessé, cherchait un moyen de pointer son arme vers Kenway. Le tir le manqua mais au moment où il allait faire feu, le type se pris un autre bolt, tiré cette fois-ci par la Brute qui assistait à la scène. Le tir faillit bien l’éventrer et le renvoya plus loin, d’où il ne bougea plus. Uriah et Djoko, de leur côté, se démenaient pour se débarrasser des deux autres gros bras et avaient beau user de toutes leurs ressources, leur corps à corps devenait désormais acharné, échangeant coup sur coup. La Brute chercha une autre cible et vit que Djoko était en difficulté contre un espèce de fou furieux qui le frappait à coup de barres de fer de toutes ses forces. Il rengaina un de ses pistolets bolters et en profita pour dégainer sa lame monomoléculaire tout en approchant. D’un geste latéral, il décapita le type, envoyant voler sa tête dans les airs.
    De son côté, Kenwey venait de porter un nouveau coup de rapière à son adversaire qui déjà blessé, tomba au sol en se tordant de douleur. Uriah lui cria d’aller se charger de la fille. Il la chercha et vit qu’elle tentait de se dissimuler derrière un engin de chantier, à l’abri des tirs. Elle avait ramassé un long bâton en cuivre et en acier terminé par un Aquila. Sans doute, son arme personnelle. Il vit cependant autre chose en se déplaçant. Au bout de la ruelle par laquelle ils étaient arrivés, il cru apercevoir des silhouettes armées. Il tomba alors sur la fille mais cette dernière, prenant peur, se mit à courir.
    Uriah venait de se débarrasser de son adversaire, à coup d’épée énergétique alors que Djoko était parvenu à pointer son arme sur le dernier type, celui à la barre de fer, lui intimant de la lâcher. Le type obtempéra sans discuter. Un de ses compagnons était mort et les trois autres étaient au sol, à gémir, grièvement blessés. C’est là que la fille arriva en courant vers eux et s’arrêta net, toute retraite coupée. Kenway était derrière elle, sur le point de la rattraper. Il cria pourtant à ses compagnons que dans leur dos, du monde arrivait. Ils allaient se retourner quand ils entendirent un amplivox crier « SecNav, première sommation, déposez tout de suite vos armes ! ».

    Cinq ou six soldats des forces de l’ordre navale, en armure bleu et or, firent leur apparition tout en pointant des pistolets de marine et des fusils à pompe dans leur direction. Le chef de groupe tenait un cybermolosse en laisse.
    Uriah et Djoko échangèrent un regard entendu. Ils déposèrent leurs armes et levèrent les mains en l’air, indiquant à la Brute et à Kenway d’en faire de même. Les hommes de la SecNav approchèrent, maintenant leurs armes vers eux mais la Navigator s’interposa à se moment-là, entre eux et retira le bandeau qu’elle portait sur le front. Dévoilant ainsi son œil warp, elle libéra un faisceau d’énergie qui foudroya les deux premiers gardes qui s’effondrèrent au sol sans un cri. Les deux suivants rebroussèrent chemin aussitôt, protégeant leurs yeux et tournèrent au début de la ruelle pour se mettre à l’abri. Le chef de groupe détourna le regard et lâcha le cybermolosse qui se rua sur la fille.

    Voyant que la situation venait de déraper, Uriah reprit son arme et ouvrit le feu, mais son tir fut dévié par l’armure de l’agent. Kenway fonça vers la navigatrice et tenta de l’assommer mais cette dernière évita son coup. Les deux autres agents pivotèrent de nouveau et se mirent à faire feu alors que la navigatrice était aux prises avec le cybermolosse qui lui avait attrapé le bras. Elle brandit cependant son bâton qui s’auréola d’une lueur électrique et frappa le molosse avec. La bête, parcourue d’éclairs, se tétanisa et retomba au sol, inanimée. Uriah et Kenway se prirent des tirs mais sans gravité grâce à leurs armures. Ils ripostèrent alors que la Brute et Djoko, cherchaient à faire démarrer l’engin de chantier. Un gros porte-grue chenillé, un modèle jaune sable comme en emploient souvent le Mechanicus. Peu familier des commandes d’engins à chenilles, Djoko finit quand même par le mettre en route et enclencha la marche arrière. Si l’engin pouvait reculer jusqu’au bout de la ruelle, non seulement il allait bloquer l’entrée des agents de la SecNav mais cela allait aussi pouvoir couvrir leur retraite. Uriah attrapa la fille par le bras et la força à reculer alors que le lourd engin de chantier reculait en recrachant une épaisse fumée noire et en rugissant. Kenway couvrait leurs arrières en tirant sans pour autant chercher à occasionner des dégâts. Ils virent un des blessés au sol, le premier type qu’Uriah avait touché au ventre avec sa lame, celui qui s’était justement moqué d’eux, passer sous une des chenilles en hurlant. Ses cris furent noyés par les sinistres craquements de ses os alors que son corps était réduit en bouillie sanglante. Les agents de la loi reculèrent afin de ne pas subir le même funeste sort. L’engin venait de leur bloquer le passage.
    De l’autre côté, Uriah, Kenway et la fille venaient de courir en direction d’une sortie. Passant devant un hangar abandonné, ils y trouvèrent une ancienne City Hunter MkIII et eurent la même idée. Si la voiture pouvait encore démarrer, ils venaient de trouver leur porte de sortie.
    -Vous savez conduire ça, Kenway ? Demanda Uriah tout en lui indiquant la voiture.
    -Si son moteur veut bien répondre, je pense que oui, Monsieur.
    Uriah ouvrit la porte arrière et indiqua à la fille de monter. Déjà, Djoko et la Brute les rejoignaient. Il leur dit de prendre place, alors que les agents de la loi étaient déjà en train d’escalader l’engin de chantier pour passer par-dessus tout en cherchant à faire feu. Edward Kenway, assis au volant, parvint à démarrer le moteur de la City Hunter, presque du premier coup, dans une série de pétarades et de fumée grasse. Il enclencha la marche arrière en même temps que l’accélérateur à fond, sortit la grosse berline du hangar dans un dérapage contrôlé et la lança à pleine vitesse dans la ruelle qui faisait face à l’engin chenillé. Les tirs de fusils à pompe tintèrent sur la carrosserie alors qu’il s’engageait dans l’étroite ruelle et déboucha dans une allée plus large qui était actuellement en chantier et occupée par des ouvriers et des technomécanos du Mechanicus. Il tourna sur sa gauche et disparut de la vue des hommes de la SecNav.
    Tandis qu’ils faisaient route en direction des docks, Uriah se mit à souffler. Djoko continuait de pisser le sang à la suite d’une balle qu’il s’était pris dans la jambe et tous, s’en sortaient avec quelques blessures légères. Il se tourna vers la fille et réalisa qu’elle était très jeune, sans doute du même âge que lui. Il vérifia qu’elle avait bien remis son bandeau sur son œil warp situé au milieu de son front. Ce qui était le cas. Il ne tenait pas à ce que le faisceau warp que l’œil pouvait relâcher, les tue tous, même par accident.
    Jusque-là, elle dissimulait son visage derrière ses longs cheveux noirs mais à présent, il perçut un peu mieux ses traits et eut soudain un vif geste de recul. La fille portait des marques sur son visage, sans doute des cicatrices ou tortures qui lui avaient été infligé il y a des années de cela. Elle n’était pas défigurée pour autant mais cela pouvait lui donnait un air effrayant, du moins si elle prenait un air menaçant. Là ce n’était pas le cas. Elle se rendit compte de la gêne que cela occasionna chez Uriah et Djoko. Elle remit ses cheveux devant son visage et se mit à rougir.
    -Pardonnez-moi… Je sais que je suis un monstre.
    Uriah lui décocha un grand sourire, cherchant à rattraper sa maladresse.
    -Non, pas tout, Mademoiselle… Rassurez-vous, j’ai vu des monstres et vous n’en êtes pas un. Qui vous a fait ça ? Des gens comme ceux qui vous ont agressé ?
    -De ce genre-là, oui…
    -Je pense qu’ils ont retenu la leçon. D’ailleurs qui était-ce ?
    -Tu vois bien que c’étaient des chasseurs de mutants, non ? Lâcha la Brute.
    La fille ne dit rien er Uriah acquiesça.
    -Dites-moi… Tout à l’heure, vous avez fait usage de votre… Œil…. Sur la SecNav… Pourquoi les tuer ? Nous avions la situation pourtant bien en main.
    -Ils ne sont pas morts. Enfin… Normalement, ils sont juste, comme… Assommés. Enfin, je crois…
    -Pourquoi avoir fait ça ?
    -Pour vous sauver… J’ai voulu faire comme vous avec mes agresseurs…
    Elle écarquilla ses yeux en grand. Ses vrais yeux étaient d’un bleu électrique. Elle aurait pu être jolie si elle n’avait pas son visage marqué de signes tailladés dans sa chair. Cela lui donnait toujours un air inquiétant.
    -Alors pourquoi ne pas l’utiliser sur vos agresseurs juste avant ? Lui demanda Djoko.
    -Je comptais justement le faire… Et puis vous êtes intervenus. Je ne dois le faire qu’en dernier recours, vous comprenez ?
    -Justement, ajouta Djoko… J’ai été jeune et impulsif moi aussi. Cela m’a poussé à commettre certaines stupidités. Il retira ses gants en cuir et lui dévoila ses deux mains augmentiques. De très belle facture mais en remplacement des originales, perdues dans des circonstances regrettables. Il ôta aussi son chapeau et dévoila ses yeux. Bien que réalistes, il s’agissait là aussi de prothèses de qualité pour remplacer ses yeux crevés.
    -Voyez ce que cela m’a couté ?
    Elle lui montra juste son visage lacéré en échange.
    -Je vois très bien…
    -Et vous avez un petit nom ? Lui demanda Uriah qui cherchait à changer de sujet. Il voyait bien que cette fille avait été éduquée et à un très haut niveau, comme l’étaient tous les navigators de toute façon. Bien qu’étant des mutants en lien direct avec le warp, ils étaient l’élite de la noblesse navale. Autant convoités que détestés pour ce qu’ils représentaient.
    -Jocasta… Je m’appelle Jocasta, de la Maison Jenassis.
    -Jenassis ? Votre famille a servi aussi durant la croisade, non ? J’ai entendu parler du Duc Jenassis, il me semble.
    -Oui… Mon père. Mais à présent, ma famille n’est plus ce qu’elle a été jadis… Nous sommes en quelque sorte, sur le déclin. Désolée de vous infliger cela…
    -Alors là, croyez-moi, ce n’est pas moi qui vais chercher à m’en moquer, ma famille a connu cela pendant longtemps. Duchesse Jenassis, donc ? Seriez-vous libre en ce moment ?
    -Libre ? Elle se mit à rougir de nouveau devant le sourire désarmant d’Uriah.
    -Eh bien oui, seriez-vous liée par un quelconque contrat au service d’un navire ?
    -Ah ? Heu, non, pas en ce moment… Disons que je n’ai pas de contrat en ce moment. Ni avant, pour ainsi dire.
    -Vous semblez très jeune, en effet, ajouta Djoko qui soudain se tourna vers Uriah. Lui faisant quelques signes de la main indiquant qu’il devrait lui parler juste après, mais en privé. Uriah hocha la tête et reporta son attention vers Jocasta.
    -Nous recherchons justement un navigator pour notre vaisseau, du moins, une navigatrice. Cela vous conviendrait-il de travailler à notre service ?
    Elle en parut la première étonnée. Elle déglutit avant de répondre.
    -Ma foi, je… Ne sais quoi dire… C’est la première fois que…
    -Dites juste oui et j’en serai alors ravi.
    -Eh bien, dans ce cas, oui…
    -Fort bien. Nous arrivons justement en vue des docks où se trouve notre merveilleux vaisseau.
    -Quel est-il ?
    -Le Morning Star. J’ignore si vous en avez entendu parler ?
    -La frégate de la capitaine Goldberg ?
    -Je vois que notre réputation nous précède. Notre capitaine est actuellement… disons, absente et c’est donc moi, son neveu Uriah Goldberg qui assure la charge de seigneur capitaine.

    Kenway gara la voiture sur un des quais de chargement puis ils descendirent. Jocasta en restait bouche bée. Elle lança un regard étonné à Uriah.
    -Par Terra, c’est vous le capitaine ? Mais vous êtes… très jeune.
    -Je ne le suis que par intérim.
    Elle tourna son regard vers Djoko.
    -Je pensais que c’était vous le capitaine…
    -Je suis le Maitre du Vide, Lieutenant Djokovitch Van Bergen, mais vous pouvez m’appeler Djoko.
    Uriah lui présenta le lieutenant Kenway et la Brute, son premier officier et archimilitant.
    -Venez, nous allons vous accompagner à bord et vous présenter officiellement aux autres officiers de pont puis nous vous montreront vos quartiers. Vous y serez plus en sécurité que dans ces ruelles sordides. Nous ferons un point plus tard dans le strategium.
    -Vous ne restez pas ?
    -Nous comptions passez voir une compagnie chartiste, à vrai dire…
    Elle les regarda tous les quatre. Blessés, les vêtements un peu défaits pour certains. De plus, le cycle nocturne avait déjà commencé, même s’il faisait perpétuellement nuit sur Fort Grief.
    -C’est… Urgent ?
    Uriah le vit dans son regard.
    -Je compte racheter une de ces compagnies chartistes, en réalité.
    -Vigor&Vanguard ? Vous devez avoir de gros moyen dans ce cas. Souhaitez-vous que je vous accompagne ?
    -Pas nécessairement. A moins que vous ne disposiez d’informations sur eux ?
    -Que dire ? Le vieil Absilias n’était pas résolu à vendre aux dernières nouvelles… Mais qui sait.
    -Vous avez l’air de le connaitre ?
    -Assez peu en vérité. Disons que je connais ses bureaux, comme tout le monde ici sur cette station.
    -Evidemment… Vous sauriez nous y mener dans ce cas ?
    -Bien entendu. Ses locaux sont à l’intérieur d’une corvette amarrée à la station et reconvertit en un petit palais. C’est là qu’il travaille. Je peux vous y mener ?
    -Nous verrons cela demain, sans doute avez-vous raison. Il commence à se faire tard. Passons juste par la baie medicae. D’ailleurs… Votre bras.
    Il vit qu’elle saignait, là où le cybermolosse l’avait mordu.
    -Ce n’est pas grand-chose…
    -J’insiste. De toute façon nous avons tous reçu des coups.

    Une fois à bord, Uriah fit convoquer les principaux officiers sur la passerelle et il leur présenta leur nouvelle navigatrice. Suite à quoi, ils se rendirent tous à la baie medicae pour quelques soins. Waldek, le chirurgien et son équipe, les prirent en charge. Il préféra garder Djoko en observation pour la nuit, à cause de sa jambe. De toute façon, il se faisait bien trop tard pour rendre visite à cette maison chartiste, aussi toute l’équipe préféra aller prendre un peu de repos. Demain serait un autre jour.

    Une fois les soins effectués, Uriah demanda à Kenway de conduire Jocasta à l’intendante du Vaisseau, Maitre Alexia Thorven qui allait se charger de l’installer dans ses appartements, situés juste sous le dôme de navigation.

    Accompagné de la Brute, il retourna voir Djoko, occupé à se faire soigner la jambe. Ce dernier l’attrapa, ayant congédié le medic.
    -Quoi ? Lui demanda Uriah.
    -Bordel, la prochaine fois qu’on commence à parlementer avec des types dans une ruelle, tu ne te rues pas sur eux pour en embrocher un. On a dû presque tous les tuer.
    -Ils allaient nous attaquer, non ?
    -Non… Pas forcément. Je suis sûr qu’on serait parvenu à les raisonner autrement. Ou juste leur faire peur. Il s’en est fallu de peu que ça dérape avec la SecNav en plus. Et elle qui manque nous les tuer, en plus !
    -Oui mais là… J’y suis pour rien…
    -Ah oui ? Si on n’était pas là, à patauger dans le sang des types que vous avez embrochés, la SecNav aurait vu quoi ? De simples citoyens en train de discuter. Voilà tout.
    Uriah lança un regard navré vers la Brute qui se contenta de hocher les épaules.
    -Bon, tache de me trouver Altaïr, en attendant je veux savoir ce qu’il en est avec ma nièce. Et faut qu’on le tienne au courant. Demain on va avoir besoin de lui.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 30/08/2023 à 16:32 Citer ce message

    Le lendemain, Uriah et Altaïr se retrouvèrent dans le strategium pour faire un point avec la Brute, Säde et Kenway. Djoko était resté à l’infirmerie car avait subi une petite intervention dans la nuit sur sa jambe. Dans la journée, il serait remis sur pieds mais en attendant il restait entre les mains de Waldek, le maitre chirurgien de bord. Du moins, c’était la version officielle car il avait quitté la baie medicae en douce dans la nuit et devait actuellement se trouver dans la cabine d’Alisabeth Bonnett.

    Ils avaient tous pris place dans la vaste salle du srategium avec le vide sidéral et la grande faille en toile de fond de la baie vitrée. La salle était plongée dans une semi-pénombre éclairée par quelques lumiglobes. Depuis son fauteuil en bout de table, Uriah exposa les derniers faits à Altaïr, la fabrique des armoiries et le recrutement de leur nouvelle navigatrice, Jocasta Jenassis.
    Le sénéchal se contenta de lever les yeux au plafond en soufflant. Lui aussi l’avait vu avec sa tête à faire peur malgré son très jeune âge. Elle ressemblait plus à une folle sortie tout droit d’un asile d’aliénés que d’une princesse de la Navis.
    -On était vraiment obligé d’aller ramasser la première venue au fond d’un caniveau ? Avec Mym, je pensais qu’on avait déjà touché le fond…
    Uriah ne répondit rien et Altaïr jeta un regard à tous ceux présents dans la pièce, réalisant que sa phrase aurait parfaitement pu s’appliquer pour la plupart d’entre eux, lui compris. Il n’ajouta rien.
    Il leur restait à récupérer les insignes à la boutique de Grunda la Kin, mais en attendant Altaïr leur proposa d’approfondir le sujet sur les compagnies chartistes.
    -Si nous voulons mettre la main sur ces trois sociétés, il va nous falloir en savoir plus sur eux et notamment quel est leur maillon faible. Si j’ai bien saisi, nous commençons par Vigor&Vanguard située ici sur la station. On ne connait qu’Ashram Absilias, son dirigeant. On a quoi sur lui ?
    -Pas grand-chose… Répondit Uriah. Il est à la tête de cette entreprise commerciale. C’est un ancien officier de la Navale avec laquelle il a pris ses distances… Il a l’air plutôt discret sur le reste.
    -Il a donc des choses à cacher. Il a des seconds ? Des adjoints que l’on pourrait approcher, demanda Altaïr.
    -Je pense, oui. C’est une compagnie de taille moyenne mais il ne doit pas la diriger seul.
    -Ce qui serait logique. Il faut qu’on en sache plus, car ce sont eux que j’aimerai approcher.
    -Pourquoi ça ? Lui demanda la Brute, soudain curieux.
    -Parce que si on anticipe un peu, notre plan est de mettre la main sur ces compagnies. Mais une fois chose faite, je doute fort que le vieil Absilias, pour ne commencer que par lui, soit disposé à marcher dans notre combine. Ils vont vite réaliser qu’ils se sont fait escroquer et vont aller pleurer auprès de l’Administratum ou de l’Arbites. Et à ce moment-là, bon courage pour garder le contrôle. D’où l’idée de disposer au préalable d’un complice dans la compagnie. Quelqu’un dont on s’assure la loyauté et qui pourra reprendre en main l’entreprise pour notre propre compte. L’idée n’est pas qu’on joue les chartistes mais qu’ils bossent pour nous, non ?
    -Ok. Donc un des employés de la compagnie ?
    -Oui mais quelqu’un d’assez haut placé, comme le numéro deux ou trois de la boite. Quelqu’un qui s’y connait suffisamment et idéalement notre candidat serait quelqu’un d’assez ambitieux mais parfaitement disposé pour marcher dans la combine et suivre une maison libre marchande comme la nôtre.
    -Et que fait-on du dirigeant actuel s’il s’y oppose ? Car il risque bien de s’y opposer.
    -Disons qu’il aura un accident malheureux. Une navette défectueuse, un sas capricieux, un suicide, que sais-je… Quelque chose comme ça…
    -Bien… Et comment comptes-tu approcher ces numéros deux et trois ? On ne les connait même pas.
    -Eh bien, nous allons devoir activer notre réseau, nos relations… Enquêter, poser des questions, savoir qui ils sont.
    -Et on se fait passer pour quelle maison, si on va voir les Absilias ? Demanda Kenway.
    Uriah eut une petite moue.
    -Je crois que vous pourriez être une partie de la solution, lieutenant. Vous dites que votre famille a une querelle avec les Kysnathian, n’est-ce pas ?
    -En effet, Monsieur.
    -Parfait. Nous serons donc des émissaires de la maison Kysnathian. Vous n’y verrez donc pas d’inconvénient à ce que l’on revende leur compagnie aux Absilias ?
    -Au contraire, capitaine, lui dit-il avec un large sourire.
    -Il faudrait quand même qu’on ait les Kysnathian à l’œil en attendant, on ne sait jamais, ajouta Altaïr.
    -Ils ont leurs locaux dans le système Galen… C’est pas juste à côté, répondit Kenway.
    -C’est à combien d’ici ? On pourrait demander à la navigatrice.
    -Inutile d’aller la déranger pour cela. Je connais la route reliant Grief à Galen, je l’ai déjà emprunté par le passé. Ça prend une douzaine de jours de voyage.
    -C’est bien trop, répondit Altaïr.
    -Mais moins de deux jours, si on passe par le warp.
    -Parfait dans ce cas. On va devoir y envoyer quelqu’un. Je veux les avoir sous surveillance avant qu’on débarque chez eux.
    Il désigna Säde.
    -Lieutenant Lindholm, vous me montez une équipe réduite. Des gens discrets et voyez pour embarquer à bord du prochain transport en partance pour le système Galen. Prenez les premiers renseignements sur les Kysnathian une fois sur place. Monsieur Kenway vous donnera les détails nécessaires.
    -A vos ordres, Monsieur, dit-elle en saluant, juste avant de se retirer du Stratégium.
    -Bien… et les Rasmusen, on sait où ils se trouvent en ce moment ? Nous allons devoir agir de la même manière pour eux aussi.
    -Pour cela, je pense que la capitainerie devrait connaitre la position de leur navire, ajouta Kenway. Les chartistes suivent toujours un circuit assez précis.
    Altaïr pointa un doigt dans sa direction.
    -Bien vu, lieutenant, tâchez de nous trouver notre maitre timonier. Vous irez ensemble.
    -Bien, Monsieur.
    Altaïr se tourna vers Uriah.
    -Nous avons des questions à poser sur la station de toute façon. Je comptais passer au bastion de l’Administratum, il y a peut-être une veille connaissance à moi qui y travaille encore. Il est possible qu’il me sorte les dossiers des dirigeants de nos compagnies.

    Ils passèrent l’essentiel de la journée à mener leurs enquêtes sur la station, en commençant par l’administratum. Altaïr n’y trouva pas la personne attendue mais finalement, grâce à ses relations et à quelques mensonges, finit par obtenir des informations plutôt inattendues au bureau de la Vocita commercia, tels que les captures pix des dirigeants chartistes et de leurs principaux associés ainsi que leurs noms. Altaïr les étudia tous avec la plus grande attention. Cela leur permit déjà de se concentrer sur plusieurs candidats potentiels, à commencer par une certaine Livia Damael, une femme brune à l’allure plutôt joviale.
    -Elle, se contenta-t-il de dire, en pointant l’image pix du doigt.
    -Ce n’est pas le seul des bras droit d’Absilias. Pourquoi justement elle ? Lui demanda Uriah.
    -J’ai le nez pour ce genre d’affaire, mon garçon. Cette Livia ne trempe pas que dans le commerce de noix de cassam, je peux te le garantir. La Kasballica, ça te parle ?
    -Un peu oui. L’Inéquité est pour ainsi dire leur principal concurrent dans la région, mais je sais aussi qu’ils ont un pacte de non-agression. Les deux organisations évitent les accrochages, en bonne intelligence. Tu crois qu’elle en fait partie ?
    -Je ne crois pas… Je le sais, lui dit-il avec un sourire en coin. Et ça m’étonnerait qu’Ashram Absilias soit au courant. Mais ton histoire de pacte de non-agression est intéressante. Je la note pour plus tard.
    -Comment cela ?
    -On ne sait jamais. Dès fois qu’il me vienne un jour l’idée de foutre un sacré bordel chez les Princes de l’inéquité, je me dis qu’on a peut-être là le chiffon rouge à agiter sous leur nez… Mais revenons à Livia… J’ai des gens à aller voir avant. On doit changer de quartier.
    Altaïr resta songeur l’espace d’un instant, un petit sourire sur les lèvres.
    Livia… Bordel de warp, cela faisait combien d’années maintenant qu’ils ne s’étaient pas revus ? Dix ou quinze ans, au moins ? Il se demanda si elle le reconnaitrait… Evidemment qu’elle le reconnaitrait, finit-il par se dire, espérant juste qu’elle ne lui saute pas à la gorge comme l’avait fait Ephèse la fois où il était tombé dessus.
    Ils arpentèrent les bars des bas quartiers et fut étonné de ne pas trouver de trace de son nom dans le coin. Mais tant d’années avaient passé... En remontant jusqu’aux restaurants plus huppés de la spire ils finirent par ne trouver que peu d’information sur elle si ce n’est qu’elle avait bien ses habitudes une fois par mois aux Pléiades, un restaurant panoramique de la spire. Sa dernière réservation remontait à tout juste une semaine, ce qui ne les arrangeait pas mais cela conforta Altaïr. Les Pléiades avaient toujours été connu pour être le rendez-vous des magouilleurs de leur trempe.
    Il ressortit du restaurant et s’alluma une barrette de lho avec un petit sourire.
    -Comment fait-on pour la rencontrer du coup ? Lui demanda Uriah. On ne va pas attendre un mois…
    -Non mais j’ai ma petite idée. En attendant, on ne devait pas aller récupérer des broches aux armoiries des Kysnathian ?
    -Si, justement.
    -Le lieutenant Kenway va s’en charger dit-il en lui tapant sur l’épaule. Nous, on remonte à bord du Morning Star. Je vais te montrer comment les copistes de maitre Aldorf vont te rédiger un acte de vente encore plus officiel que ceux de ces scribouillards de l’Administratum. Ça pourra toujours te servir.
    Dans la soirée, Uriah, Altaïr et Kenway décidèrent d’aller tenter leur chance aux portes de Vigor&Vanguard. Kenway s’était rendu dans la journée à la capitainerie et était parvenu à obtenir la route du transport de la Silent Dominion, un des navires des Rasmusen. Il venait d’être signalé, passant le point de Mandeville et devrait faire escale sur Fort Grief d’ici trois à quatre jours.
    -Parfait, avait annoncé Uriah. Nous devrions pouvoir enchainer notre plan à quelques jours d’intervalle. D’abord les Absilias, ensuite les Kysnathian et on termine avec les Rasmusen en les cueillant dès leur arrivée sur Fort Grief en fin de semaine.
    Uriah et Altaïr portaient tous deux l’emblème des Kysnathian épinglée au revers de leur veste. Kenway était un simple garde, quant à Djoko et la Brute qui les accompagnaient, ils allaient rester à l’extérieur, n’intervenant qu’en cas de véritable problème. Mais selon Altaïr, il n’y avait pas de raison que la situation tourne mal. Leur couverture était solide et crédible et leur acte de vente était plus vraie que nature, comme il l’avait promis. Leur bagout ferait tout le reste.
    Ils se présentèrent aux deux gardes en livrée rouge et blanche postés en faction à l’entrée.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian, nous souhaitons rencontrer le capitaine Absilias.
    Les gardes se lancèrent un regard où pointait une forme d’étonnement.
    -Vous êtes de la Maison… ?
    -Kysnathian. Nous acceptons la proposition d’achat d’Ashram Absilias, compléta Uriah.
    Un des gardes leur fit un geste de la main, signifiant de patienter. Il prit son collègue un peu à part et s’entretint avec lui à voix basse. Uriah chercha à capter des bribes de leur conversation mais sans succès. Le premier garde revint vers eux et leur demanda de bien vouloir patienter, alors que le second passa les doubles portes en direction de locaux indéterminés.
    Au bout de quelques minutes il revint avec un adepte de haut rang qui se présenta, un air d’incompréhension sur le visage, bien que cherchant à masquer son inconfort.
    -Messieurs, je m’appelle Elias. Je suis un des intendants de la Maison Absilias. Je crains de ne pas avoir bien saisi la raison de votre visite ?
    Uriah lui répéta ce qu’il avait déjà annoncé aux gardes. L’intendant prit alors un air navré.
    -Oh, je crois comprendre ma méprise. Nos gardes aurons sans doute mal compris. Vous êtes donc avec le reste de la délégation, c’est bien cela ?
    -Quoi ? Le reste de la délég… ? Commença Uriah.
    -Oui, exactement, nous sommes avec eux, le coupa Altaïr avec un large sourire.
    -Ah, c’est que… Comment dire ? Comme vous êtes quelque peu en retard au rendez-vous… Pardonnez ma confusion. Nous n’avions pas été informé de…
    -Oui, nous sommes désolés, ajouta Altaïr qui flanqua un coup de coude à Uriah. Peut-être pourriez-vous… ?
    L’intendant ordonna aux gardes de se bouger et d’ouvrir les portes.
    -Bien évidement, suivez-moi, messieurs.

    Ils pénétrèrent une sorte d’arche menant vers un large tunnel qui n’était autre que le raccordement de leur vaisseau à la station. En chemin, Altaïr se pencha vers Uriah et lui glissa tout bas.
    -On est dans la merde…
    -J’allais te le dire. C’est quoi cette histoire de délégation, bordel ?
    -Les Kysnathian sont ici et nous, on va avoir l’air fin, maintenant. Ils n’ont pas perdu de temps, eux…
    -A moins que ce ne soient ces satanés Frae Spinaiser qui nous dame le pion.
    -Possible, mais je partirais plus sur les premiers que sur tes libres marchands.

    L’intendant les fit pénétrer via un large sas dans ce qu’ils reconnurent être un des ponts du navire. De là, il les conduisit vers un ensemble de salles. A partir de ce lieu, plus rien ne semblait indiquer qu’ils étaient à bord d’un vaisseau. Ils auraient tout aussi bien pu être dans un palais sur Eshunna qu’ils n’y auraient pas vu la différence. Sauf peut-être pour un véritable hors-monde. L’intendant les fit patienter tous les trois dans un grand salon richement décoré de sofas moelleux, de miroirs, de statues, tableaux de marine et autres décorations ostentatoires aux couleurs de la Maison Absilias. Il demanda à deux laquais en uniforme de leur apporter des boissons et une corbeille de fruits.
    -Je vais informer le capitaine Abilias de votre arrivée. Je vous laisse un instant.
    Il ressortit. Puis les serviteurs sortirent à leur tour en silence, en refermant la double porte.
    -Bordel de Trône, comment on va se sortir de ce traquenard ? Lâcha Uriah. On a l’air malins maintenant avec nos broches en or et notre acte de vente plus vrai que nature !
    -Attends, rien ne garantie que ce soient les Kysnathian… Laisse-moi réfléchir, on doit pouvoir trouver une parade.
    Alors qu’ils réfléchissaient aux options qu’ils pouvaient évoquer, soudain les lumières s’éteignirent.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 09/09/2023 à 22:35 Citer ce message

    Alors qu’Uriah et Kenway cherchaient un moyen de trouver de la lumière dans le salon plongé dans la noir, Altaïr activa son microvox.
    -Djoko, la Brute ? Vous me recevez ?
    Ces derniers se trouvaient sur les quais à les attendre, non loin de l’entrée du vaisseau.
    -On te reçoit, lui répondit la Brute qui porta la main à son vox. Un problème ?
    -Peut-être bien. On vient d’être plongé dans le noir. Y a une coupure de courant dans le secteur ?
    La Brute interrogera Djoko du regard et voyant que les lumens étaient toujours allumés, sur les quais comme sur le navire, il répondit par la négative.
    -Attends, vous êtes où, là ? On va vous rejoindre, répondit Djoko.
    -Dans un des salons de réception, situé dans l’aile est une fois passé le portail et le hall où sont les gardes.
    -Bien reçu, on arrive.
    Djoko interrogea la Brute du regard.
    -Allons voir les gardes à l’entrée, on va devoir trouver un moyen d’entrer.
    -Laisse-moi faire. Lui dit la Brute tout en avançant. Quoi qu’ils nous disent, on va leur dire qu’on entre et puis c’est tout.
    -Et puis c’est tout ? Et s’ils disent non ? Ils ne savent pas qui on est.
    -On se moque qu’ils disent non, on entre.
    Djoko lui attrapa le bras, cherchant à le ralentir mais sans réellement y parvenir.
    -Attends, mais… On va droit au conflit avec eux, là !
    La Brute se retourna.
    -Et alors ? Les autres sont surement en danger, on ne va pas…
    -J’ai une idée… Laisse-moi faire, lui dit Djoko.
    Ils se dirigèrent vers les gardes en faction. Djoko avait la main à son microvox, faisant mine d’être en conversation, l’air un peu affolé.
    -Messieurs, nous faisons partie de la suite des émissaires de la Maison Kysnathian, ils sont bien à l’intérieur ?
    Les gardes se jetèrent un regard étonné avant de répondre.
    -Oui… Mais vous êtes… ?
    -Peu importe, nous sommes des gardes des émissaires. Ils viennent de nous contacter par vox. Ils sont enfermés dans un salon et les lumières sont coupées. Vous pouvez vérifier ? Vite !
    Les gardes s’échangèrent de nouveau un regard, prenant un instant pour décider qui allait y aller. Finalement un des deux alla ouvrir les portes et entra. L’autre garde demanda à Djoko et la Brute de patienter.

    Dans le salon, Altaïr et Kenway avaient sorti leurs tablettes et utilisaient l’écran rétroéclairé verdâtre comme une petite lampe. En réalité chaque écran éclairait autant qu’une simple bougie mais cela leur permit au moins de s’orienter dans la pièce et ainsi se diriger vers la porte pour voir qu’elle était en effet verrouillée de l’extérieur. Altaïr confia sa tablette à Uriah et demanda aux deux de l’éclairer. Il fit craquer ses doigts. Comme dans tous les vaisseaux, les portes étaient étanches et pouvaient résister à bien des assauts. Altaïr démonta un des panneaux muraux, il chercha le boitier de dérivation et entreprit d’en arracher le couvercle, souriant au fait qu’il était heureux qu’aucun technoprêtre ne voit ce qui allait suivre.

    Djoko et la Brute commencèrent à trouver le temps long lorsque le garde revint au bout de quelques minutes à la porte essoufflé et le visage grave. Il s’entretint juste avec son collègue à voix basse. Après quelques instants, ce dernier fit un geste vers Djoko et la Brute, leur signifiant de ne surtout pas bouger avant de repasser la porte et se précipiter vers l’intérieur.
    La Brute interrogea Djoko du regard.
    -Il a dit quoi, là ?
    -Aucune idée, lâcha Djoko en se précipitant vers la porte qui se refermait. Dépêche-toi, on entre !
    Il bloqua la porte, le temps que la Brute et lui, parviennent à passer in extremis. Une fois à l’intérieur, ils se trouvèrent dans un vaste hall qui donnait vers des escaliers et diverses coursives. Une poignée de gardes courraient en tous sens, visiblement en alerte, aussi Djoko signala à la Brute de rester caché, tout comme lui. Un gradé invectiva ses hommes, leur criant d’aller chercher des luminators et de se rendre aux generatoria.
    Djoko activa son microvox.
    -Syl, tu me reçois ?
    -Je te reçois, lui répondit Altaïr. Vous êtes où ?
    -On est entré dans le hall, on va vous rejoindre. Aile est, c’est bien ça ?
    -C’est ça. On est en train de sortir, on essaie de vous rejoindre mais on est toujours plongé dans l’obscurité, là. Il se passe clairement quelque chose ici, on va devoir faire vite.
    -Reçu, on reste discret.
    Lui et la Brute sortirent leurs armes et se dirigèrent vers un des couloirs. Au bout d’une coursive, il trouva une indication sur un des couloirs. Il fit signe à son équipier de se dissimuler avec lui derrière une armature en plastacier.
    -Les escaliers, là ! Ils mènent aux generatoria.
    -Tu veux y aller ? Et… Et les autres ?
    Djoko regarda autour de lui. Les gardes étaient toujours en alerte mais ne les avaient toujours pas repérés. Il activa son microvox.
    -Syl, on descend au generatorium, on va vous remettre le courant.

    De leur côté, Altaïr, Uriah et Kenway venaient de sortir de salon en parvenant à en ouvrir la porte. Ils débouchaient alors dans une des antichambres, plongée elle aussi dans l’obscurité. Toujours éclairés par la faible lueur de leurs tablettes de données, ils se dirigèrent vers la sortie. Mais en plein milieu du salon, Altaïr se prit les pieds dans quelque chose et chuta au sol en pestant. Kenway pivota et éclaira ce qui l’avait fait chuter. Un corps était au sol dans une flaque de sang. Il s’agissait d’un des valets qui les avaient conduits ici quelques minutes auparavant. Altaïr de releva et Uriah leur indiqua le corps du second qui se trouvait un peu plus loin. Les deux avaient été tué tout récemment à l’arme blanche. En les fouillant rapidement, ils trouvèrent un passe sur eux.
    -Allons vite retrouver les autres. On a la preuve désormais qu’il ne s’agit pas d’une simple panne. Lâcha Altaïr d’un air sombre.

    La Brute et Djoko avaient fait bien attention à ne pas se faire repérer et venaient tout juste de rejoindre le pont inférieur. Ils reconnurent un des sous-ponts qui devait mener vers des salles techniques. L’éclairage était coupé ici aussi, en revanche les lumens de secours avaient pris le relai. Leurs armes à la main, ils progressèrent dans une coursive à demi éclairée avec la plus grande prudence lorsqu’ils entendirent des bruits de pas venant des escaliers au-dessus. Leur vox grésilla et ils reconnurent la voix d’Uriah qui leur annonçait qu’ils descendaient pour les retrouver. Djoko vint les rejoindre et leur fit un rapide topo de la situation.
    -Pourquoi continuer d’aller vers les generatoiria dans ce cas ? Lui demanda Uriah.
    -Parce que les lumens n’ont pas été coupé tout seul. On ne va pas pouvoir continuer à progresser à moitié dans le noir, lui dit Djoko qui leur demanda d’écouter. Juste au niveau supérieur, on pouvait entendre des échanges de tirs et des cris.
    -Et qui que ce soit, je me dis qu’ils veulent juste ruiner notre plan. On doit savoir ce qu’il se passe ici.
    Uriah hocha la tête.
    -D’accord… C’est quoi le plan dans ce cas ?
    Djoko étudia les coursives et chercha à se repérer.
    -Par là. Après ce coude, on devrait trouver l’entrée de la salle technique.
    Ils le suivirent et progressèrent tout de même avec la plus grande prudence, notant des traces de sang frais sur le sol métallique de la coursive. Des sons venaient de plus loin mais il était difficile de clairement les identifier. Djoko les mena vers un couloir qui menait vers l’entrée d’une vaste salle. La puanteur agressa soudain leurs sens en même temps que le renâclement d’une créature toute proche. Des traces de sang maculaient encore le sol et Djoko préféra reculer, comme ses camarades mais à l’exception de la Brute, familier de mondes hostiles et de leurs créatures sauvages ou xenos. Le couloir menait vers une large porte au fond, celle des générateurs. Mais sur les côtés, elle donnait aussi vers deux autres portes métalliques, fermées elles-aussi. A gauche, celle vers où allaient les traces de sang et à droite, celle d’où venaient les grognements. La Brute s’approcha, notant la présence d’un sceau devant la porte où se trouvaient des morceaux de viande et des os.
    -Merde, c’est quoi cet endroit ? Lui dit Djoko, pas plus rassuré que ça.
    La Brute se remémora ses années passées dans des fosses de combat avant qu’il ne serve au début de la Croisade. Il avait déjà connu ce genre de lieu. Ces créatures aussi.
    -C’est quoi ? Lui demanda Uriah. Un canide ?
    Il lui retourna un petit rictus amusé, tout en observant la patte griffue à la peau épaisse d’un gris bleuté qui tentait de gratter sous la porte.
    -Nan... ça c’est pas un canide… C’est un xenos, je le reconnais à l’odeur… Lui dit-il.
    -Quel genre de xenos ? S’étonna alors Altaïr plus curieux qu’effrayé.
    La Brute attrapa un morceau de viande dans le sceau et le jeta vers le bas de la porte. Les autres se reculèrent.
    La main griffue glissa sous la porte et se saisit de la viande avec une vitesse foudroyante. Ils entendirent alors des bruits de choses qu’un animal avalerait en faisant claquer de puissantes mâchoires.
    -C’est bien ce que je pensais… Une saloperie d’ur-ghul, se contenta d’ajouter la Brute. Je vous conseille de pas trop approcher la porte. Et ne l’ouvrez pas. Personne ici ne court assez vite…

    Il leur signala de se positionner sur les côtés tandis qu’il se dirigeait vers la porte des generatoria, évitant la porte de l’ur-ghul le plus possible. Il attendit qu’ils se mettent en position, les armes à la main, puis ouvrit la porte en grand.
    La salle était vaste et encombrée de machines et de caisses. Quatre individus vêtus de noir, réagirent aussitôt et voyant des intrus à la porte, ils se jetèrent à couvert tout en sortant leurs armes. Kenway, Uriah et Djoko furent les plus prompts à réagir, s’attendant en partie à ce qui allait suivre. Ils ouvrirent le feu juste avant que les intrus ne ripostent. Le vacarme devint assourdissant. Dans les échanges de tirs, un des assaillants fut touché et tomba au sol. La Brute et Uriah en profitèrent pour dégainer leurs épées et se ruer au corps à corps. L’échange fut brutal et particulièrement difficile dans un tel environnement. Le combat dura de longue minutes sans qu’il ne soit bien décisif.
    Finalement, les tirs combinés de Kenway, Altaïr et Djoko finirent par en éliminer un deuxième. La Brute en ouvrit un autre en deux après l’avoir touché trois fois et Uriah, mal en point car blessé, termina le dernier. Une balle éclatante lui avait traversé le haut du bras droit et il saignait comme un grox. Kenway ne s’en sortait pas tellement mieux car une rafale lui avait percuté son plastron, occasionnant peu de dommages sinon quelques contusions. En revanche une balle lui avait traversé la main gauche et lui avait littéralement brisé les os en même temps. Par chance, il n’avait pas perdu de doigts. Pourtant il semblait déguster mais parvenait tout de même à tenir le coup en tenant sa main meurtrie. La Brute sortit son medikit de son sac et entreprit de traiter rapidement leurs blessures.
    -Faudra passer au bloc medicae dès que tu pourras, mon gars, si tu veux pas perdre ta main.
    Kenway serra les dents et hocha la tête.
    Djoko et Altaïr venaient de relancer les generatoria depuis une console cogitator puis se mirent à fouiller rapidement les corps au sol.
    -C’est quoi ces types ? Leur demanda Uriah.
    -Des assassins… Mais difficile de dire ce qu’ils sont ou pour qui ils bossent. Ils n’ont aucun signe sur eux. Hâtons-nous de trouver Absilias avant qu’il ne soit trop tard.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 15/09/2023 à 19:42 Citer ce message

    Des bruits venant du couloir, les tirèrent soudain de leur discussion.
    -Qui va là ? Vous êtes qui vous ? Vous devez pas être là ! Lâcha une voix grave et un peu trainante.
    La Brute et les autres portèrent la main à leurs armes, voyant entrer deux individus aussi improbables qu’iconoclastes sur le seuil de la porte. Il s’agissait de deux hommes entre deux âges, une bouteille à la main, l’œil dans le vague, la démarche un peu hésitante et les gestes saccadés qui ne les trompèrent pas. La Brute indiqua à ses compagnons de ranger leurs armes. Ces deux-là étaient saouls et très certainement plus dangereux pour eux-mêmes. En revanche, ils ne ressemblaient en rien aux gardes de cette Maison. Uriah fit un pas en avant.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian. A qui avons-nous l’honneur de parler ? Cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais il semblerait qu’il y ait quelques problèmes, ici. Le courant était coupé et il y a des assa…
    -Quoi ? Lui répondit le premier. Un type débraillé et ventripotent dont le bonnet était de travers sur sa tête. Le courant est pas coupé, mon gars… T’es pas clair toi… On voit la lumière… Des problèmes ? ça oui… Vous d’vez pas être là, qu’on a dit. Ici c’est interdit au public… Nous, on est les gardiens ici, alors va falloir sortir. C’est que c’est dangereux ici, les foutus gardes vous ont rien dit !
    -Par les burnes du Primarque, j’espère que vous avez pas été touché à nos bêtes ? Enonça le second qui titubait encore plus que le premier.
    -T’as raison, Gus… Va donc vérifier qui z’ont pas ouvert une des cellules. Manquerait plus qu’y en ait encore un qui s’échappe comme l’autre fois…
    Le type hocha la tête et s’en retourna en direction de la cage de l’ur-ghul.
    -Non, non, non ! Cria Uriah en comprenant, comme ses compagnons que ces deux ivrognes allaient faire absolument n’importe quoi. Il se précipita vers eux mais le gros type l’empêcha de passer, manquant l’évanouir juste avec son haleine. Kenway en profita pour le doubler et se jeta sur l’autre type alors que ce dernier était déjà en train de fourrer les clés dans la serrure, bien déterminé à ouvrir la porte, comme un véritable inconscient. Uriah manqua se faire molester par le gros type mais la Brute s’interposa aussitôt, attrapant l’ivrogne par le col et le dégageant de son chemin comme s’il ne s’agissait que d’un simple sac. Kenway en avait profité pour récupérer les clés, au cas où. Ils s’échangèrent un coup d’œil avec Djoko, réalisant qu’ils ne pourraient rien tirer de bien utile de ces deux-là.
    -Qui est votre supérieur, matelots ? Leur demanda ce dernier.
    Le premier des deux, bomba le torse et manqua tomber à la renverse en même temps. Il se rattrapa de justesse sur son camarade.
    -Nous ? On en répond seulement au Sieur Absilias, mon gars ! Ça doit t’en boucher un coin, pas vrai ?
    -Impressionnant, en effet… Leur répondit Uriah avec un large sourire… Maintenant que tout est en ordre, nous allons vous remercier pour votre vigilance et votre hospitalité. Vous pouvez retourner à votre poste.
    -Mais vous êtes qui déjà, vous ? Lui demanda le gros bonhomme. Des émissaires de la Maison Kyma…Karma…quoi ?
    -Voilà, c’est ça. Nous sommes attendus par Monsieur Absilias. Nous en profiterons pour lui dire que vous faite un excellent travail, on doit donc vous laisser vaquer à vos occupations.
    Uriah posa ses mains sur leurs épaules et les raccompagna vers le couloir, faisant signe à ses officiers de le suivre. Les types firent alors mine de s’éloigner tout en échangeant des phrases sans queue ni tête. Uriah en profita pour revenir en arrière, les laissant avancer et fit signe aux autres de le suivre rapidement.
    -On a assez perdu de temps avec ces deux abrutis, On va devoir se hâter de remonter dans les niveaux supérieurs.
    -Me dites pas qu’on est tombé à ce point aussi bas qu’on doive se frotter à des ivrognes de bas étage ? Ces débiles ont surtout failli tous nous tuer, ajouta Djoko. Nan mais qui garde des xenos enfermés dans des cages ?
    -Des trafiquants du commerce froid, ajouta Altaïr.
    -Oui, merci… Je me doute bien. Mais qu’est-ce qu’un chartiste fout dans ce genre de trafic, justement ?
    -Ce sera intéressant de poser la question au maitre des lieus, voilà pourquoi je crains qu’Absilias ait déjà été tué.
    La Brute et Altaïr étaient déjà passés devant, commençant à remonter les escaliers vers le niveau supérieur. Une fois parvenus à l’étage, ils verrouillèrent la porte derrière eux, par crainte que les deux idiots du bas, décident de libérer le warp savait quelle horreur. Dans le hall, il n’y avait pas d’autres traces de combat, ce qui les mit aussitôt en alerte.
    Djoko et la Brute se repérèrent dans les coursives, trouvant le chemin vers l’ancienne passerelle, là où se trouvaient les bureaux actuels. Ils montèrent de plusieurs niveaux et après avoir parcouru plusieurs couloirs, ne croisant que des servitors monotâche et quelques matelots subalternes qui s’enfuirent à leur approche.
    Dans leur course, après dix bonnes minutes à arpenter les coursives, la Brute leur indiqua de faire halte. Il venait de percevoir quelque chose venant d’un couloir sur sa droite. Il fit signe à Altaïr de le suivre discrètement. Les autres rebroussèrent chemin et les suivirent, quelques mètres derrière.
    Le couloir en question était plongé dans une semi-obscurité. Certains des lumens étaient éteints mais ils pouvaient clairement voir que la coursive menait vers des double-portes entrouvertes qui donnaient sur une vaste pièce éclairée. Dans cette salle, se trouvaient plusieurs personnes en pleine discussion. Leur échange, plutôt calme venait d’alerter la Brute, d’autant plus que trois corps gisaient dans cette même pièce, beignant dans leur sang. Il décida d’approcher, ses armes à la main. A quelques mètres des portes, il parvint à identifier Absilias assis en bout d’une longue table de réunion. A ses côtés se trouvaient deux adeptes encombrés de documents et de tablettes, ainsi qu’une femme qu’Altaïr désigna comme étant Livia Damael – celle qu’il connaissait – comme étant une des adjointes d’Absilias.
    Autant Absilias avait l’air détendu, autant la femme avait l’air particulièrement crispé. La Brute s’avança doucement et nota qu’ils n’étaient pas seuls dans la pièce. Quatre types en combinaison furtive étaient présents aussi, leurs armes à la main mais ne l’avaient visiblement pas encore repéré. Ils ressemblaient à ceux qu’ils avaient combattu et éliminé aux generatoria. La Brute passa la consigne à ses compagnons qui se déployèrent dans le couloir.
    -Ils font quoi, là ? Demanda Kenway à voix basse.
    -J’ai l’impression qu’ils sont en train de faire signer Absilias, répondit Altaïr.
    -On intervient, ajouta Uriah qui pointait son arme vers un des assassins. Identifiant une cinquième personne avec eux, vêtu d’un costume et le désignant comme étant très certainement leur chef car sa tête ne lui revenait pas. Et Uriah avait le flaire pour repérer les sales types.
    -Je pourrais aller leur parler ? Tenta Djoko.
    Uriah l’arrêta aussitôt.
    -Je le sens pas… Et puis il y a déjà trois morts qui décorent le tapis. Je pense que la diplomatie a échoué.
    Djoko se calla le long du mur, soudain alerté par les craintes d’Uriah. Le petit avait du flaire. Lui-même avait une sorte de familiarité avec tout ce qui touchait au warp, une sorte d’intuition en présence de psykers. Il observa la pièce et comprit tout de suite ce qui était en train de se passer. Le warp était à l’œuvre, il pouvait le voir, le ressentir autour de ce sale type en costume, comme une sorte de vibration dans l’air, comme des ondes de chaleur qui englobaient Absilias.
    -C’est une saloperie de psyker… Finit-il par lui dire.
    Uriah n’attendait que cette confirmation pour agir. Ils avaient déjà perdu assez de temps et leurs adversaires, quels qu’ils soient, étaient déjà en train de faire signer le maitre des lieux. Tenter de parlementer avec eux ? L’idée l’avait bien effleuré… D’un signe, il donna l’ordre à ses hommes d’ouvrir le feu, ce qu’ils firent comme un seul homme. Un des assassins tomba, mortellement blessé alors que deux des quatre autres furent plus légèrement touchés. Ils ripostèrent de leurs armes en retour, relâchant un déluge de feu dans leur direction. Pourtant, un peu surpris, leurs tirs manquèrent de précision. Même le psyker ne parvint pas à focaliser un de ses pouvoirs, un peu pris au dépourvu. Ils se déplacèrent en profitant des couverts de la pièce. Les adeptes et Livia Damael se jetèrent sous la lourde table pour tenter de se mettre à l’abri des tirs qui fusaient dans la pièce, explosant la déco et les carafes en cristal. En revanche, Absilias ne semblait pas réagir, comme restant hagard.
    Djoko avait dégainé sa lame et se rua dans la salle afin de se mettre à couvert derrière un des piliers mais un autre assassin resté caché jusque-là, lui tomba littéralement dessus, pourtant il parvint à l’esquiver in extremis. Depuis le couloir, Uriah décida de changer de cible, il visa le psyker voyant que ce dernier était en train de préparer un de ces pouvoirs et lui logea un tir à pleine puissance de son pistolet radiant qui le traversa de part en part, mettant ainsi fin à sa sorcellerie. Le psyker bascula en arrière, raide mort. En riposte, il manqua se prendre une rafale d’un tir de fusil d’assaut si la Brute ne l’avait soudainement pas poussé pour lui sauver la peau. Il le remercia en soufflant. Pendant ce temps, Kenway, Altaïr et la Brute venaient de riposter, fauchant le tireur qui venait de tirer sur Uriah. Un des assassins restants, celui qui se trouvait juste derrière le fauteuil d’Absilias se saisit de plusieurs documents sur la table devant lui et d’un bond, se dirigea vers une des portes situées juste derrière lui. Un des autres assassins en fit de même par une seconde porte.
    Dans la salle, la Brute se précipita en courant, abattant un assassin d’un bolt à bout portant. Il était talonné par Kenway et Altaïr, bien décidés à rattraper le fuyard. Uriah allait les rejoindre mais vit que Djoko était toujours engagé dans un corps à corps à l’épée et il décida de venir l’aider. A eux deux, ils finirent par se débarrasser de leur assaillant. Une fois la salle sécurisée, Uriah demanda à Djoko d’aller voir si Absilias et ses gens allait bien puis il activa son microvox.
    -Brute, tu me reçois ? Vous en êtes où ?
    -On poursuit ce satané assassin dans les coursives… On va le chopper !
    -C’est l’idée… Ramenez-moi les documents surtout… Terminé.
    Il reporta son attention vers Djoko et les autres. Les deux adeptes étaient encore tout bouleversés et tentaient de remettre de l’ordre dans leurs foutus paperasse éparpillée au sol. La fille était livide, visiblement en état de choc. Djoko tentait de parler avec Absilias mais ce dernier avait l’air perdu, les pupilles dilatées. Uriah approcha.
    -On a peu de temps… Ces gens vous voulaient quoi ? Que vous ont-ils fait signer ?
    Absilias reprenait ses esprits, réalisant alors le carnage qui venait de se dérouler sous leurs yeux. Les corps de quatre assassins gisaient au sol, en plus des trois membres de sa suite.
    -Trône, il s’est passé quoi ?
    -Ces assassins vous ont forcé à signer un document. Vous pouvez nous dire de quoi il en retourne ? Lui demanda Uriah.
    -Un document ? Par Terra mais je n’ai rien signé !
    Les adeptes hochèrent la tête.
    -En réalité si, Seigneur… Vous venez de céder l’acte de propriété de la Vigor&Vanguard à la Maison Kysnathian, en bonne et due forme selon les articles 678b aliéna 3 et 4 du code de la Lex Commercia.
    -Quoi ? Mais il en est hors de question ! Où sont-ils ?
    -Ce sont les gens dont nous venons de vous débarrasser, répondit Uriah.
    -Et cet acte, il est où ? Je refuse de l’avoir signé ! Où est ce foutu contrat ?
    -Mes hommes vont nous le rapporter d’ici quelques minutes…
    Il activa son microvox discrètement, contactant la Brute.
    -Vous en êtes où ? ça urge ! Dit-il à voix basse.

    -Mais vous êtes qui, vous ? Lui demanda Absilias.
    -Nous sommes les émissaires de la Maison Kysnathian avec qui vous aviez rendez…
    Il ne termina pas sa phrase, Absilias, Livia et les adeptes eurent aussitôt un mouvement de recul et de frayeur, ayant presque le réflexe de ramasser une arme au sol. Uriah réalisa sa bévue au même moment. Les tueurs s’étaient évidemment présentés comme étant de la Maison Kysnathian, eux aussi. Il leva les mains et les agita en signe d’apaisement.
    -Nous n’avons rien à voir avec eux… Ce sont des usurpateurs, des assassins qui ont voulu se faire passer pour nous. D’ailleurs nous venons de vous en débarrasser… Non ?
    -En effet…
    Ashram Absilias se tourna vers Livia et lui ordonna d’aller chercher la SecNav ou l’Arbites. Elle salua et se dirigea vers la sortie. Il reporta son attention vers Uriah et Djoko.
    -Je ne comprends pas votre présence ici ? Vous cherchez quoi ?
    -Nous venons accepter votre proposition de rachat… Mais… Nous devrions attendre un peu avant de mêler les autorités à toute cette histoire.
    -Et pourquoi cela ?
    Absilias observa la salle où se trouvaient pas moins de sept corps et une belle pagaille sans compter l’escroquerie dont il était victime. Il était donc parfaitement dans son bon droit d’en appeler aux autorités. Au même moment, Altaïr réapparu aussitôt suivi de la Brute et de Kenway. Ils passèrent la porte, un peu essoufflés et Altaïr vint vers eux, tendant vers Absilias les contrats, quelque peu tâchés de sang. Il les lui remit. Ce dernier les prit et commença à les parcourir, assisté de ses adeptes, totalement abasourdis.
    A part, Uriah en profita pour attraper la Brute par la manche et lui glissa tout bas.
    -Beau boulot. Tu as fait quoi de l’assassin ? Je pensais que tu allais le ramener ici.
    -C’était une femme, en fait. Enfin, je crois.
    -Qu’importe… Elle est morte ? Tu n’as pas ramené sa tête ?
    -Je lui ai broyé le crâne…
    Uriah se contenta de lui tapoter l’épaule avec un petit sourire avant de reporter son attention vers Altaïr, lui désignant Livia qui venait de quitter la grande salle de réunion.
    -Ramène-là ici, je n’ai pas l’intention qu’elle aille ameuter les autorités, dit-il à voix basse.
    Altaïr hocha la tête et se précipita vers la sortie afin de la rattraper.
    Uriah reporta son attention vers Djoko et voyant que ce dernier était en train de fouiller les corps des tueurs, il décida d’aller lui prêter main forte, laissant Absilias absorbé par ses contrats.

    Altaïr courait dans le couloir à la suite de Livia. Il l’appela et elle se retourna, surprise.
    -Vous voulez ?
    Il s’approcha d’elle.
    -Tu ne me reconnais pas ?
    Elle eut l’air quelque peu sur la défensive, faisant un non de la tête.
    Il retira son chapeau et il vit que soudain elle écarquillait les yeux.
    -Sylmann ? C’est toi ?
    -Avec quelques années de plus.
    -Par le warp, si je m’y attendais ?… Mais qu’est-ce que tu fais ici ?... Je veux dire, dans toute cette affaire… Les Kysnathian ? Tu es sérieux ?
    -C’est une longue histoire.
    -Tu t’es encore fourré dans une magouille, toi ? Je me trompe ? Dit-elle avec un petit rire.
    -Ecoute, je te raconterai tout ça volontiers un peu plus tard autour d’un verre, mais là, on a assez peu de temps…
    Elle parut étonnée.
    -On… ?
    -Il va falloir me faire confiance. On a des points importants à voir avec ton patron… Maintenant.
    Il finit par la convaincre et ils retournèrent dans le vaste salon pour y retrouver le reste de l’équipe en pleine conversation avec Absilias. Uriah se tourna vers eux en les voyant approcher, un sourire sur les lèvres. Absilias était devant la vaste cheminée du salon, affairé à déchirer consciencieusement les contrats et à en jeter les morceaux dans les flammes. Livia vint le rejoindre.
    -Vous tombez bien, nous sommes parvenus à un accord, leur lâcha Uriah. Le capitaine Absilias sollicite notre concours afin de démasquer les auteurs de toute cette tentative d’escroquerie. Il nous demande de lui apporter le coupable.
    Il prit Altaïr un peu à part, rejoignant la Brute et Djoko.
    -Et en échange ? Lui souffla Altaïr à voix basse.
    -En échange, il serait disposé à écouter notre offre.
    Djoko profita du fait qu’Absilias était occupé avec son adjointe pour sortir une carte ident de sa poche ainsi qu’une carte de visite. Il les montra à Altaïr.
    -Qu’est-ce que c’est ?
    -C’était sur le psyker. Le type s’appelait Evin Bort.
    Altaïr observa la carte ident avec attention.
    -C’est une fausse carte… Il prit alors la carte de visite et vit qu’elle était imprimée au nom d’un établissement. Le Plasma Bleu, un bar sur la station. Au dos, quelqu’un avait écrit le nom de Magda Arenval.
    -Ça te parle ? Lui demanda Uriah.
    -Pas du tout…
    -On pense qu’il pourrait s’agir d’une intermédiaire des Kysnathian. Celle qui a embauché ces assassins. On a rien retrouvé d’autre sur eux, en dehors de leurs armes et d’un pistolet à aiguilles qu’a récupéré Djoko.
    -Tu as demandé à Kenway pour le nom ? Il la connait peut-être.
    -Il dit que non.
    -On fait quoi du coup ? Demanda la Brute. On y va ?
    -On y va, tu penses bien que cette Magda ne risque pas d’attendre indéfiniment.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 22/09/2023 à 10:09 Citer ce message

    -Laissez-moi quelques minutes, ajouta Altaïr. Je dois dire deux mots à cette Livia Damael avant de partir.
    -A quel sujet ? Lui demanda Uriah.
    Le sénéchal se pencha vers lui, lui glissant à voix basse.
    -Si on envisage de mettre la main sur cette compagnie, j’ai peut-être un moyen de la convaincre de nous rejoindre. Et puis, il faudra bien trouver un moyen tôt ou tard de nous débarrasser d’Absilias.
    -Je suis curieux…
    -Alors viens avec moi, observe et prends-en de la graine.
    Il fit un petit signe de tête en direction de La Brute et Djoko qui lui répondirent en retour. Afin de lui laisser le champ libre, ils firent mine d’aller discuter avec Ashram Absilias, idée de l’occuper sur un tout autre sujet. Ce dernier avait toujours la ferme intention d’appeler les forces de l’ordre mais Djoko allait devoir le contrer. Dans le pire des cas, La Brute comptait intervenir mais selon sa méthode, ce que Djoko préférait clairement éviter.
    Altaïr prit Livia Damael à part dans le salon, accompagné d’Uriah, prétextant lui demander comment elle allait. De son côté, Livia encore un peu sous le choc, les remercia de nouveau pour leur intervention. Il changea soudainement de sujet en évoquant ce qu’ils avaient découvert juste avant dans les sous-ponts, évoquant l’ur-ghul dans une des cellules ainsi que les deux gardiens alcooliques. Livia tenta de le dissimuler mais Altaïr perçut de manière subtile sa mine déconfite et sut qu’il venait de faire mouche. Il reprit à voix basse.
    -Je gage que ton maitre, le capitaine Absilias, n’est donc pas au courant de tes… petits secrets ?
    Elle eut une petite toux, reprenant sur le même ton.
    -Pas ici… Cela tombe vraiment mal et je préfère ne pas évoquer ce genre de sujet devant lui… Je n’ai pas envie de…
    -Rassure-toi, lui dit-il avec un large sourire.
    -Je rends juste service à une connaissance, c’est tout. Tout ceci ne doit pas s’ébruiter, tu comprends ?
    -Mais bien entendu.
    Altaïr n’était pas dupe. Même si des années s’étaient écoulées, il avait bien connu Livia à cette époque où tous les deux se livraient à un trafic de xenotech. Son intuition sur elle ne l’avait pas trompé, elle n’avait pas changé et cela le rassurait en fin de compte car cela ne pouvait que simplifier leurs projets.
    -Tu imagines pourquoi je ne tiens pas à ce que les autorités débarquent ici ? Lui dit-elle.
    -Et à vrai dire, nous n’y tenons pas réellement non plus.
    -Oh ? Pourquoi cela ?
    -Disons que nous avons quelques projets et je comptais justement te proposer d’en discuter.
    Elle posa son regard sur Uriah.
    -Vous représentez la Maison Kysnathian… Je doute que…
    -Il y a des sujets que je préfèrerai aborder juste avec toi, ajouta Altaïr. Disons… Sans la présence d’Absilias.
    -Quel… genre de sujets ? Demanda-t-elle en plissant les yeux.
    -Un partenariat. Juste avec toi.
    -Tu sais que je travaille pour lui ?
    -En effet. Tu es libre ce soir ?
    -En vérité, non… Avec tout ce qui vient de se passer…
    Altaïr fit un petit clin d’œil à Uriah.
    -On va arranger cela avec ton patron, considère qu’il vient de te donner ta soirée. Tu connais le Midnight Sapphire ?
    -Oui, ce restaurant dans la spire.
    -Retrouve-moi là-bas… Disons dans une heure trente ? Je t’expliquerai cela plus en détail.

    Djoko et la Brute en avait profité pour discuter un peu plus avec Ashram Absilias. Ce dernier était absolument décidé à faire intervenir les forces de l’ordre mais à force de persuasion, Djoko finit par la convaincre de reporter cette affaire au lendemain midi, l’assurant que de leur côté, ils avaient grâce à leurs connexions, les moyens de retrouver les coupables de manière bien plus rapide et efficace que la SecNav. Absilias finit par se laisser convaincre, tandis qu’Uriah, venant les rejoindre enfonça le clou en lui évoquant leur volonté de lui vendre la compagnie Burden Alliance. Il produisit l’acte officiel de vente, plus vrai que nature et certifia que les Kysnathian, après des années de guerre commerciale infructueuse, venaient enfin de se ranger du côté de la raison.
    Absilias se saisit de l’acte de vente, tout en ajustant son monocle. Il le parcourut et le passa ensuite, fébrile, à ses deux adeptes, toujours présents dans le salon.
    -Vous pouvez me certifier que cet acte est juridiquement conforme à la Lex Commercia ?
    Ils y passèrent quelques minutes, parcourant les différents articles et vérifiant les termes avec minutie, scrutant les dates et vérifiant que chaque paraphe et noms employés correspondaient bien, à la virgule près à la juridiction en usage.
    Uriah avait tout bonnement cessé de respirer. C’était sa toute première escroquerie de grande ampleur et tout allait se jouer ici et maintenant. Si les scribes d’Altaïr étaient aussi doués qu’il le prétendait, ils n’allaient pas tarder à le découvrir.
    Les scribes vinrent s’entretenir en privé avec Absilias et échangèrent avec lui pendant quelques instant avant que celui-ci ne se tourne vers Uriah avec un large sourire.
    -Nous aurions dû commencer par là… Je suis terriblement confus de vous recevoir avec un tel désordre.
    Il se tourna vers Livia et les deux adeptes.
    -Eh bien, ne restez pas là les bras ballant, allez donc chercher nos valets, qu’ils fassent un peu de ménage, mes tapis sont encombrés de… cadavres, c’est tout à fait déplaisant. Et qu’on serve un amasec à ces messieurs. Décidemment cette soirée est pleine de surprises.
    Tandis que les adeptes décampaient et que Livia se dirigeait vers une console pour servir un verre à chacun, Absilias invita Uriah et ses hommes à prendre place autour de la grande table du salon.
    -Je n’ai malheureusement pas retenu votre nom… Ces évènements m’ont quelque peu troublé.
    -Je suis Caspiel El’Drake. Emissaire, se présenta Uriah.
    -Fort bien, Monsieur El’Drake… Et donc…
    Il reprit l’acte de vente et le parcourut de nouveau avant de poursuivre.
    -Et donc ce vieux Kysnathian décide enfin de vendre sa boutique…
    Il dévisagea Uriah avec un large sourire.
    -En d’autres termes, oui, répondit Uriah. Disons qu’il est lassé de toutes ces querelles puériles et admet volontiers qu’il est temps pour lui de céder la main à… Disons quelqu’un qui saura reprendre ses affaires de manière parfaitement professionnelle.
    Absilias partit d’un petit rire.
    -Mais qui l’eut cru ? Le tout puissant Gregor Kysnathian deviendrait-il sénile à moins qu’il ne devienne enfin raisonnable ?
    -Il pense notamment au poids que cela donnerait indéniablement aux deux compagnies réunies.
    -Evidemment ! Ce vieil entêté ouvre enfin les yeux ? Je lui ai toujours dis que les Rasmusen n’ont de chartiste que le nom. Leur compagnie ne vaut rien de toute façon. Cela fait des décennies que je me tue à le répéter à ce vieil imbécile de Gregor. Ensemble, nous aurions pu les absorber sans problème depuis des années. Mais bon… Je vois qu’il a enfin entendu raison.
    Il prit soudain un air un peu plus peiné, tandis que des domestiques et serviteurs s’affairaient pour sortir les corps du salon en silence, mais sans y parvenir. Ce qui agaça Absilias.
    -En revanche… Reprit-il enfin, alors que d’autres valets leur servaient à tous un verre d’amasec.
    -Oui ?
    -Le prix que vous en demandez… Il est exagérément élevé. Selon les dernières estimations, votre Maison, la Burden Alliance n’est plus aussi cotée qu’avant, mon cher.
    -Nous pourrions toujours décider de retirer notre offre et la proposer à une autre Maison, ajouta Altaïr.
    Absilias eut un petit rire moqueur.
    -Allons donc. Je n’ai pas dit que je n’étais pas intéressé. Je reste juste ouvert à une négociation et maintient que votre prix est absolument exagéré. Vous n’êtes ni l’Alliance Trygone ni Stellar Incrementus qui eux, ont pignon sur rue. Et puis qui d’autre irait racheter votre compagnie ? Ces arrivistes de Rasmusen ? Voyons, soyons sérieux, je ne sais même pas s’ils sont en capacité aujourd’hui à acheter une navette Arvus.
    -Ils sont surtout nos principaux suspects dans cette affaire, lâcha Altaïr de sous son chapeau et d’une voix calme.
    Absilias se retourna vers lui, un air incrédule sur son visage empâté.
    -Trône, en voilà une bien étrange idée… Ces… Assassins se sont présentés à mes gardes sous l’identité d’envoyés de la Maison Kysnathian… Comme vous, en réalité.
    -Le rapport s’arrête là, Capitaine Absilias. Ces gens n’ont absolument rien à voir avec nous ni avec la Maison Kysnathian que nous représentons, lui répondit-il avec aplomb.
    -Cela ne prouve pas pour autant qu’ils soient de la Maison Rasmusen.
    -Bien au contraire. C’est justement ce que nous suspections, lui mentit-il. Nos craintes semblent se confirmer. Voilà pourquoi nous devons impérativement mener une enquête au préalable. Vous comprendrez aisément, Capitaine que nos Maisons respectives viennent ce soir de subir une attaque des plus sournoises.
    Absilias écarquilla soudain ses yeux, ce qui lui donna des airs de batracien.
    -Par Guilliman… Je crains bien que vous ayez totalement raison… Cette garce de Feronika Rasmusen a toujours été la plus fourbe. Je le vois bien à présent.
    Il prit un verre d’amasec et le vida avant de poursuivre.
    -Ecoutez, pour notre affaire, je pense que rien ne presse… Nous devrions en reparler demain, le temps pour vous de mener votre enquête et de notre côté de faire un brin de ménage, mes tapis sont dans un état désastreux. Demain, ce sera parfait, nous aurons alors le temps d’organiser une soirée digne de ce nom. Nous avions dit midi… Disons que nous pourrions nous laisser la journée et nous revoir le soir. Qu’en pensez-vous ?
    Uriah consulta ses officiers et tombèrent d’accord. Il reprit l’acte de vente.
    -C’est d’accord. Nous repasserons demain en fin de journée.
    -Parfait. Mon associée, Miss Damael va vous reconduire. Je lui laisse organiser notre agenda.
    Ce disant, Absilias mit fin à cet entretien. Livia Damael les raccompagna jusqu’à la sortie du domaine, comme convenu. Uriah était plutôt satisfait de la tournure des évènements et cherchait à le montrer, mais Djoko et la Brute, plus prudents, lui firent signe de rester un peu plus mesuré. Du moins tant qu’ils n’étaient pas sortis des locaux de Vigor&Vanguard.
    En chemin, Altaïr s’arrangea pour rester à côté de Livia, un peu à part, afin de converser avec elle. Elle lui glissa un sourire en coin.
    -Quelque chose me dit que tu n’es pas là uniquement pour cette vente. Je me trompe ?
    -Peut-être pas uniquement, répondit-il d’un air désinvolte mais avec un petit sourire.
    -Tu me parlais de projets, tout à l’heure ?
    -Je t’en parlerai en privé tout à l’heure.
    -Vous vendez votre compagnie, je ne vois pas bien quel genre d’accord tu envisages de me proposer.
    -Nous vendons la Burden Alliance, je n’ai pas dit que nous vendons notre compagnie.
    -Oh, voilà qui est intéressant… Et quelle est cette autre compagnie ? Dit-elle avec un sourire.
    -Pas ici… Parle-moi plutôt de ce trafic que tu mènes en douce, au nez et la barbe d’Absilias. Commerce froid ? Ta spécialité…
    Elle prit quelques instants avant de poursuivre à voix basse, lâchant un petit soupir.
    -En réalité j’ai deux affaires sous le coude en ce moment et je manque justement d’associés comme je te l’ai dit. Je suis en train d’organiser le commerce de différents produits. Cela implique de recruter des équipes locales, monter des explorations dans certaines régions plus ou moins cartographiées. L’objectif est de développer un réseau avec certains de mes clients fortunés qui sont disposés à financer ces recherches et l’achat de ces produits.
    -Par produits, tu veux parler de… D’artefacts exotiques ?
    -Tout à fait. Je suis aussi sur un autre coup, une opportunité et une place qui vient de se libérer tout récemment dans un réseau. C’est une exclusivité, crois-moi. D’anciens chartistes sont tombés avec toute leur organisation locale à la suite d’un coup de maitre de notre… Cartel qui a repris la main sur place. On a un gros coup à jouer et plusieurs navires à mettre sur cette affaire. Essentiellement du lho de contrebande mais de première qualité, de l’obscura et de la xenotech. Voilà pourquoi je recherche à monter des partenariats.
    -Tu cherches donc à étendre ton réseau… Tu dois avoir sacrément pris du galon, dis-moi « baronne » ?
    -Peut-être bien… Alors, qu’en dis-tu ?
    Altaïr se mit à réfléchir. Ils étaient sur le point d’atteindre la sortie du domaine de Vigor&Vanguard. Il se pencha vers elle, continuant à voix basse.
    -Cela pourrait bien m’intéresser mais j’aurai une autre question… Je ne vois pas quelle organisation se serait fait supplanter dans le coin par la Kasballica.
    -C’est parce que justement, ce n’est pas dans le coin. Archaea, ça te parle ?
    -Quoi, cet agrimonde ?
    -Justement. On vient d’y implanter des gens de confiance sur place. Nous sommes en train d’en faire la future plaque tournante de tout le sous-secteur Badab. Je te laisse y réfléchir, mais je vais avoir besoin de monter ces deux affaires très rapidement.
    Altaïr ne put alors s’empêcher de sourire à l’évocation de ces perspectives.

    Trente minutes plus tard, Uriah, Altaïr, la Brute et Djoko étaient devant l’enseigne fluorescente du Plasma Bleu. En chemin, ils avaient raccompagné Kenway jusqu’au Morning Star afin qu’il remonte jusqu’à la baie medicae pour faire soigner sa main.
    -Donc c’est ici que l’on est censé trouver cette Magda ? Demanda Uriah. C’est quoi ? Un bar à hôtesses ?
    -Apparemment, lui répondit Altaïr, tout en regardant la carte qu’il avait en main.
    -D’accord, allons-y. On prend une table et on observe pour commencer, ajouta la Brute.
    Djoko s’alluma un fin cigalho.
    -Je vais rentrer en premier et vais me poser au comptoir. On reste en liaison vox.
    -On fait comme ça, leur dit Uriah tout en emboitant le pas de Djoko.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 29/09/2023 à 18:02 Citer ce message

    Altaïr se tourna vers la Brute et Uriah, voyant que Djoko installé au comptoir venait de commander un verre.
    -Je vais aller aussi nous commander à boire. Gardez un œil sur les clients et sur la porte. Je ne sais pas si notre cible est ici.
    -On est sûr que c’est une femme ? Lui demanda Uriah.
    Altaïr hocha la tête tout en inspectant l’intérieur de l’établissement. Le Plasma Bleu était un de ces bars à hôtesses réservé à des clients de la classe moyenne à supérieure. Ici, pas de matelots, dockers ou gangers bagareurs, mais pas de nobles encanaillés non plus. Tout au plus quelques marchands, adeptes ou officiers. Certains installés au bar, d’autres dans des box occupés à parler en privé avec de jeunes femmes et enfin il y avait ceux, occupés à reluquer la danseuse qui se déhanchait, à moitié nue sur de la technika binarique entêtante.
    -Je pense que oui. Il y a cinq ou six femmes dans ce bar, ce peut donc être n’importe laquelle d’entre elles, répondit la Brute.
    -Ou aucune d’entre elles, lui dit Djoko depuis le vox.
    -Y a un vigile, à gauche du comptoir, ajouta la Brute.
    -Le type en marron ? Comment tu vois que c’est un vigile ? Lui demanda Uriah.
    -Veste pare-balles civile et un Scipio automatique dans son holster. Et puis de là où il est, il a un angle de vue sur toute la salle, sur la porte d’entrée et sur la porte de derrière. Il couvre la salle et les accès. Si je devais garder les lieux, c’est là que je me posterais.
    -Bien vu… Une menace selon toi ? Lui demanda Altaïr.
    -Pas plus que ça…. Un bolt et il est par terre à ramasser son bras ou sa jambe.
    -Oui, bin on est n’est pas là pour faire du grabuge non plus, ajouta Uriah. Tu vois d’autres types armés ?
    -Un officier de la navale. Sabre mono et pistolet de marine modèle Mars. Peut-être aussi quelques armes de poing sous quelques vestes d’autres clients. Rien de bien exceptionnel.
    -C’est surtout cette Magda qui m’intéresse, ajouta Altaïr. Gardez-les à l’œil, je reviens.
    Il se dirigea vers le comptoir, effectuant un signe discret à Djoko au passage, lui indiquant de rester à l’écoute des conversations ambiantes. Le barman, un homme portant une élégante moustache gominée et des tatouages sur les bras le salua. Altaïr vint se poser au bar de manière à ne pas être loin du vigile en même temps.
    -Bien le bonjour. Qu’est-ce que je vous sers à tous les trois ? Lui dit le barman.
    D’un geste du pouce, Altaïr lui désigna ses deux compères à l’autre bout de la salle.
    -Désolé, on s’est déjà installé. Je n’avais pas vu que les commandes étaient au bar. On va prendre trois amasec.
    -Pas de souci, je vous sers ça.
    Le barman s’exécuta et lui servit les trois verres puis encaissa la commande.
    -Dites… Commença Altaïr. J’attendais une amie à moi, vous ne l’auriez pas vu. Elle s’appelle Magda.
    -Magda ? Vous savez, en général, les clients ne me donnent rarement leur nom. Je suis désolé.
    -Je pensais plutôt qu’elle était une habituée…
    -Ah, non… Son nom ne me dit rien. Elle ressemble à quoi votre amie ?
    -Eh bien… disons que je l’ai pas vu depuis quelques années, elle a surement changé… Lui mentit-il.
    Le barman, tous en essuyant un verre, se tourna vers le vigile, un solide gaillard entre deux âges.
    -Guss, toi qui a l’œil, ça te dit quelque chose, une certaine Magda ?
    Guss se contenta de répondre par la négative en hochant simplement la tête.
    Altaïr les remercia et emporta les verres jusqu’à leur table où il se rassit.
    -Vous avez du nouveau ?
    -Rien de plus. Et toi avec le barman ?
    -Rien.
    Il jeta un regard vers une table de jeu où deux hommes et une femme faisaient une partie, trop concentrés pour faire attention à eux. Ils se leva avec son verre.
    -Je vais aller me mêler aux habitués, ils auront peut-être quelques informations.
    -Bonne idée, lâcha Uriah qui en fit de même, ayant repéré un type au bout de la salle, qui venait d’attirer son attention. Il se tourna vers la Brute.
    -Reste là et garde un œil sur la porte et le vigile.
    -Reçu…
    Il activa son microvox dissimulé dans son col.
    -Djoko ? Garde un œil sur le fond de la salle et sur la porte de derrière, ok ?
    -Ça me va.
    Altaïr venait d’engager la conversation avec les deux marchands. Le premier du nom de Ravanov Strinklow était dans le négoce de tissus et notamment de noctesoie. Sa tenue ne trompait pas d’ailleurs, rappelant celle des satrapes de Sagan dans le sous-secteur Karthago, ce qui était certainement voulu. Il était accompagné d’une jeune femme aux cheveux verts, répondant au nom de Bonni. Elle était un peu trop jeune et faisait quelque peu vulgaire pour lui, ce qui indiquait à Altaïr qu’elle était certainement tout sauf son épouse. L’autre type était dans le commerce de vins fin et s’appelait Dargas Solaman. Altaïr en profita pour jouer une partie avec eux, perdant quelques crédits dans l’affaire. Tout en sympathisant, il se présenta sous l’identité d’Adrian Stockstone, un marchand d’art et de reliques, venu ici sur Port Grief pour acquérir une pièce rare de l’époque thorienne. Les deux marchands eurent un léger sourire à cette évocation, ironisant sur les reliques de Sebastian Thor qui circulaient régulièrement au marché noir.
    -C’est d’ailleurs étonnant, plaisanta Strinklow le marchand de tissus tout en riant, avec toutes ces reliques, je me demande combien il y avait de Sebastian Thor en réalité. L’autre pouffa de rire alors que Bonni ne perçut pas la blague mais se mit à rire aussi.
    Altaïr en profita pour leur parler de Magda, une fille qu’il devait rejoindre ici mais qui visiblement lui avait fait faux bond et qui devait l’attendre ici dans ce bar. Les deux hommes, encore tout sourire, lui lancèrent un regard complice.
    -Le Plasma bleu est réputé pour ça, mon cher. Qu’elle s’appelle Magda, Junith ou Shandra, quelle différence ?
    -Cela en a pour moi…
    Il nota cependant que la fille aux cheveux verts était en train de glisser quelques mots à l’oreille du marchand de tissus. Bien qu’elle cherche à rester discrète, Altaïr eut l’ouïe fine et parvint à comprendre quelques bribes de sa phrase. Elle désignait le fond de la salle, là où une fille dénudée dansait sur un podium autour de clients. Elle évoqua le fait qu’une fille était resté assise là, tout à l’heure, avant de partir. Le marchand ne prêta pas attention à ce qu’elle venait de dire, plutôt concentré sur son jeu et sa partie.
    Altaïr se leva, avec un grand sourire.
    -Mon verre est vide. Je comptais m’en reprendre un, je paye ma tournée ?
    Les deux compères vidèrent leur verre.
    -Volontiers l’ami, on reprendra la même chose.
    En chemin vers le comptoir, il aperçut Uriah qui revenait en sens inverse. Parvenu à sa hauteur, il lui fit signe de le suivre vers le comptoir, lui glissant discrètement :
    -Tu as du nouveau ?
    -J’ai pu parler avec un marchand d’Excelsis Corp.
    -La guilde minière ? Et ?
    -Tu les connais ?
    -Un peu, oui. C’est une grosse guilde marchande. Ils font dans l’extraction minière, dans le prométhéum et dans le transport chartiste. Et il a des infos, ton type ?
    -J’ai pas l’impression et j’ai pas envie de la cuisiner toute la soirée.
    -Ah… Bin ne perd pas de temps avec lui alors.
    -Et toi ?
    -Je tiens peut-être quelque chose…
    Il le laissa poursuivre son chemin et revint trouver le barman et le vigile, commandant quatre amasec.
    Il posa un billet de cinquante crédits sur le comptoir.
    -Il y avait une fille assise là-bas dans le fond. C’était peut-être bien celle que je devais retrouver. Elle est partie ?
    Le barman remplissait les verres tout en levant les yeux vers le fond de la salle.
    -Ah en effet… maintenant que vous me le dites. Mais elle n’est pas restée longtemps.
    -Elle a consommé quelque chose ?
    -Un pacificus. Mais elle y a à peine touché.
    -Vous avez son verre ?
    -Non… Je l’ai déjà lavé, vous pensez bien…
    -Elle est donc partie ?
    Le barman se tourna vers le vigile.
    -Guss, tu l’as vu sortir ?
    -Elle est partie par la porte du fond, avec un type.
    -Un type ? Quel type ? Demanda Altaïr.
    -Habillé tout en noir, C’est tout ce que je me rappelle. Il lui a parlé et elle s’est dépêchée d’aller vers la porte avec lui.
    -Et elle mène où cette porte ?
    -Les toilettes, lui dit le vigile.
    -En plus des parties privées et d’une sortie de secours, ajouta le barman tout en levant un sourcil.
    Altaïr laissa le billet au barman avec un grand sourire, prit les verres, le remercia et s’en retourna vers la salle. En chemin, il voxa les autres.
    -J’ai peut-être une piste. Uriah, rejoins-moi à la porte du fond.
    Il retrouva les marchands et Bonni, déposa les verres et prétexta une envie pressante, tout en s’excusant. Les autres étaient bien trop occupés par leur amasec pour s’en offusquer.
    Uriah l’attendait déjà à la porte du fond. Il voxa Djoko et la Brute.
    -Gardez un œil sur la salle et la porte d’entrée. On reste en liaison vox.
    Uriah venait déjà de pousser la porte. Quelques instants plus tard, Altaïr vint le rejoindre. Ils se trouvaient dans une sorte d’antichambre sombre de quatre ou cinq mètres de côté, qui donnait sur les toilettes sur leur gauche avec deux portes indiquées « privé » et une autre indiquant une sortie de secours. Altaïr alla vérifier les toilettes et n’y trouva personne. Uriah poussa la porte de l’issue de secours et se retrouva aussitôt dans une arrière-cour qui devait donner vers une coursive latérale donnant sur une artère principale un peu plus loin. La coursive était encombrée de cartons, de crasse, de caisses vides et de containers à ordures. Il ne vit personne mais repéra une tâche sombre sur le sol. Il se pencha et la toucha du bout des doigts.
    -Merde… Du sang. Il est encore frais…
    Il se redressa et eut une soudaine intuition. Il souleva le couvercle du container situé juste à côté et venait de voir juste. Le type en noir gisait là, la gorge tranchée, parmi les sacs poubelles, les membres pêle-mêle. Une bien sale mort, se dit-il en refermant le couvercle avec un rictus de dégout. Il activa son vox tout en cherchant à essuyer ses doigts comme il le pouvait.
    -Syl ? Je crois avoir trouvé le copain de notre Magda.
    -Le type en noir ? Il est où ?
    -Dans un recycleur, la gorge tranchée. Et figure-toi que c’est justement le type qui avait filé durant l’attaque chez Absilias.
    -Le dernier assassin ?
    Altaïr vint le rejoindre et vérifia le container.
    -Merde, si c’est bien elle qui a fait ça, elle ne l’a pas loupé.
    -Donc le type vient la prévenir que leur coup chez Vigor&Vanguard a échoué et elle…
    -Et elle élimine le dernier témoin pour qu’on ne remonte pas jusqu’à elle.
    -Ce qui ne nous avance pas tellement…
    -Je vais retourner parler au barman.
    Il retourna au bar et appela le barman et le vigile, de nouveau.
    -Désolé d’insister, mais cette femme, vous l’avez vu, elle ressemblait à quoi ?
    -Blonde, vêtue de couleurs claires, avec un chapeau et une cape, il me semble.… Commença le barman.
    -Non, brune, je dirais, ajouta le fameux Guss. Elle portait une tenue bleue. Peut-être même un uniforme de la noblesse navale et un œil augmentique aussi.
    Altaïr sortit sa tablette de sa sacoche, l’activa et y chercha le dossier sur les dirigeants des trois compagnies chartistes. Il se rappela y avoir vu une femme en uniforme de la navale avec un œil augmentique, justement. Il finit par la trouver. Nixanne Morteval, la seconde de Gregor Kysnathian. Il leur montra le pix de la femme en question, avec le sentiment que ce ne pouvait être qu’elle.
    -C’était cette femme ?
    Le vigile et le barman se penchèrent sur la tablette et firent une petite moue.
    -Non, pas du tout, répondit Guss. Celle-là a une cicatrice sur le visage alors que celle qui était dans la salle n’en avait pas. Et puis elle n’avait pas du tout ce visage. Je me rappelle bien, elle avait un œil rouge et un œil bleu.
    -Et puis elle avait un chapeau, ajouta le barman.
    -Oui, un chapeau avec une sorte de… plume.
    -Donc ce n’est pas elle… Lâcha Altaïr soudain soucieux. Bien, merci messieurs.
    Il les salua et s’en retourna vers la salle, tout en surveillant l’heure. Dans moins de dix minutes, il devait retrouver Livia au Midnight Sapphire et allait être en retard. Il voxa Uriah.
    -La fille nous a échappé, demande à Djoko et la Brute d’aller dans la ruelle et faire le tour du bloc, il y aura peut-être des témoins, des indices, des vidéopix à trouver. Dis-leur qu’elle a un œil augmentique rouge, un œil bleu et un chapeau avec une plume. Je dois filer à mon rendez-vous avec Livia, tu veux m’accompagner ?
    -Je ne voudrais surtout pas déranger…
    Altaïr eut un petit rire.
    -T’inquiète, gamin, si à un moment de la soirée je te demande si tu es fatigué, tu sauras alors quoi faire…

    Vingt minutes plus tard, ils étaient installés dans l’ambiance plus feutrée et selecte du Midnight Sapphrire dans les hauteurs du fort. Ici, pas d’hétaïres mais des serveurs en uniformes à galons dorés et gants blancs. Pas non plus de technika mais quelques reprises du classique gothique. Uriah laissa Altaïr mener la discussion, tandis qu’ils savouraient un repas somptueux, composé d’un carpaccio de grox et sa sauce terminator épicée aux truffes biri, d’un soufflé aux tumins frais et son coulis de chanalain pétillant. Le tout, accompagné d’une bouteille de Rose de Sang, grand cru 997, cuvée Archaea.
    Lui et Livia en étaient à se raconter des anecdotes de leur passé, ce qui les faisaient beaucoup rire. Au cours de la soirée, Altaïr lança plusieurs allusions en direction de Livia, sur sa place chez Vigor&Vanguard, sur sa carrière qui mériterait de prendre une tout autre tournure. Sur Absilias. Sur le fait qu’ils comptaient lui proposer tout autre chose. Elle en parut tout d’abord amusée, puis curieuse. Ne voyant pas bien où des émissaires des Kysnathian comptaient bien en venir.
    -Justement, on a peut-être notre affaire de notre côté et on pourrait t’y associer.
    -Et m’associer à quoi que Vigor&Vanguard ne m’offre déjà, Monsieur Altaïr ? Il ne t’aura pas échappé qu’Ashram Absilias me laisse… Disons une certaine autonomie que j’apprécie fortement.
    -Qu’est-ce qui te dit qu’il va fermer les yeux indéfiniment ?
    -Le simple fait qu’il n’ait même jamais ouvert les yeux, lui dit-elle avec un petit sourire en coin. Et cela est très confortable mon cher ami.
    -Et si on te proposait la même chose, mais que ce soit toi qui sois à la tête de ta propre compagnie ?
    -Je te dirais qu’il faudrait déjà pouvoir financer cette compa…
    Elle écarquilla les yeux, ne terminant pas sa phrase et manqua s’étrangler avec son verre de vin millésimé, comprenant alors toute l’arnaque qu’Altaïr et ses compères étaient en train de monter.
    -Ne me dis quand même pas que le contrat que tu veux faire signer demain… Que ces fonds vont servir en réalité à…
    Altaïr se calla dans son fauteuil, tout en s’essuyant le coin de la bouche avec sa serviette. Il lança un regard complice à Uriah.
    -Ne t’avais-je pas dit qu’elle était perspicace ?
    -Je n’en doutais même pas, lui répondit-il sur un ton égal.
    -Mais… Continua Livia dont la tête commençait à tourner… Vous veniez pour vendre… Alors qu’en réalité vous allez détourner ces fonds ? Ce contrat se chiffre en centaines de millions…
    Altaïr se pencha vers elle.
    -En réalité, nous allons même acquérir les trois compagnies. La tienne, plus la Silent Dominion et la Burden Alliance. Vois plutôt cela comme un très gros investissement.
    Elle reprit un peu de son aplomb et eut un léger rire.
    -Avec ce genre d’escroquerie financière ? Mais tu es sérieux ? Vous êtes complètement fous, une fois qu’Absilias va s’en rendre compte, il va vous jeter à la SecNav et je ne donne pas cher de votre peau. Rasmusen et Kysnathian en feront de même, et les connaissant, ils vont plutôt vous envoyer leurs tueurs à vos trousses.
    -Leurs assassins, parlons-en… Ironisa Uriah.
    Altaïr lui mis un léger coup de coude avant de poursuivre.
    -On se disait justement que si tu envisageais de t’associer avec nous, nous n’aurions alors plus besoin d’Absilias.
    -Et quoi ? Il vous dit merci et il s’en va ?
    -En quelque sorte… Ajouta Uriah. Mais d’une manière ou d’une autre, il va s’en aller. C’est certain.
    -Alors, vous avez déjà tout prévu ? Leur dit-elle, bouche bée.
    -Je ne serais pas venu t’en parler sans un plan déjà bien ficelé, tu penses bien, lui répondit Altaïr. Alors, tu marches avec nous ?
    Elle cligna des yeux avant de répondre, cherchant à réunir ses pensées.
    -Je… Je vais avoir besoin de réfléchir avant…
    Elle eut un petit rire nerveux. Prenant quelques instants pour répondre. Elle sortit un cigalho de son sac à main et Altair lui alluma. Il s’en alluma un autre pour lui. Elle reprit.
    -Je ne dis pas non, juste que…
    -Que tu as besoin de réfléchir, c’est bien naturel. La nuit porte conseil…
    -Oui… je crois que j’ai besoin de…
    Altaïr se tourna vers Uriah, avec un large sourire et un clin d’œil.
    -En parlant de nuit qui porte conseil… Je crois me rappelle que vous devez vous levez tôt demain matin, mon cher ami…
    Uriah termina son verre, se leva et les salua.
    -Madame… Ce fut un plaisir. Mais veuillez me pardonner, mon sénéchal me rappelle à mes tristes obligations que je ne saurais déléguer.
    -Je vous en prie, je comprends. C’était un plaisir.
    Il les salua de nouveau et quitta la table pour se diriger vers la sortie. Une fois dehors, il activa son vox à l’attention d’Altaïr.
    -Vieille fripouille, tu me revaudras ça, lui dit-il en riant.
    Altaïr préféra couper la connexion avec un petit sourire, afin de ne pas être plus importuné.
    -Des conditions, disais-tu ?
    -Oui, et j’en ai trois. Trois affaires que je compte monter. Mais je préfère ne pas en parler ici…
    -Fort bien…Maintenant que le gamin est couché, je comptais te raccompagner jusqu’à chez toi idée d’en parler justement. On pourra en parler devant un petit amasec.
    Il se leva et glissa une plaquette de deux mille crédits or au serveur qui lui apportait justement l’addition, avant d’emboiter le pas de Livia qui s’apprêtait à quitter les lieux.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/10/2023 à 21:00 Citer ce message

    Le lendemain matin, Uriah avait fait convoqué ses principaux officiers dans le strategium du Morning Star. La veille, dans la soirée, Säde et Kenway lui avaient fait part d’une information qui avait bien failli passer totalement inaperçue et qu’ils venaient de découvrir par hasard en parlant avec Gaia, la fille d’Isabella. Quelques jours auparavant, cette dernière avait reçu une missive de la Capitainerie du fort, l’invitant à une soirée en l’honneur de la fête de la Résurrection du Primarque. Or, personne n’en avait été informé et la soirée avait lieu ce soir-même au même moment où ils devaient aller signer leur contrat chez Absilias. Si Gaia n’avait pas montré le carton d’invitation à Säde qui assurait sa protection, personne ne l’aurait appris. Altaïr, par l’entremise de Livia Damael était ainsi parvenu in extremis à avancer l’heure de la signature dans le courant de l’après-midi.
    Cela leur laissa le temps de revoir leur plan car si tout se passait comme convenu, dans environ trois ou quatre jours, ils auraient vendu les trois sociétés chartistes grâce à de faux contrats. Aujourd’hui-même auprès d’Absilias, le lendemain auprès des Rasmusen et d’ici quelques jours, en se rendant dans le système Galen, chez les Kysnathian. Cette escroquerie leur permettra de détourner un pactole tel qu’ils leur seraient alors normalement possible de toutes les racheter grâce à un tour de force. Bien évidemment, un faux contrat et une forte somme d’argent détournée n’allaient pas suffire, encore allait-il falloir disposer de complices ou de moyens de pression. Quoi qu’ils décident, leur plan allait commencer cet après-midi, chez Ashram Absilias.
    Altaïr fut le dernier à entrer dans le strategium et vint prendre place à la grande table où les autres siégeaient déjà, devant une tasse de café ou de tana.
    -Inutile de te demander comment cette nuit t’aura été profitable, mon cher Sylmann, lui lança Djoko d’un air narquois.
    -Inutile, en effet et pourtant j’ai quelques informations à vous dévoiler avant de commencer.
    Uriah l’invita à s’assoir et à poursuivre.
    -Livia Damael est disposée à nous rejoindre dans notre projet.
    Djoko leva les yeux au ciel, affichant un grand sourire.
    -Voilà une très bonne nouvelle, commenta Uriah.
    -Elle a cependant trois conditions.
    -C’était trop beau… Lâcha Djoko.
    -Quelles conditions ? Demanda la Brute.
    -Pour commencer, Livia fait partie de la Kasballica. Ce qui n’est pas anodin.
    -Ça, c’est intéressant, commenta Djoko.
    -Et en quoi ? Lâcha la Brute, avec une pointe de dédain. On a déjà assez de problèmes comme ça avec l’Inéquité, non ?
    La Brute n’avait aucune confiance dans les mafia et autres organisations criminelles. Par le passé, il avait été esclave de ces réseaux et en gardait toujours une rancune tenace.
    -Eh bien, répondit Altaïr, vous n’êtes pas sans savoir que la Kasballica et les Princes de l’Inéquité sont des organisations rivales, justement. Donc étant donné que nous serons amenés à un moment à nous en prendre à l’Inéquité, il nous faudra bien trouver un levier.
    -C’est pas idiot, lâcha Djoko. Seul nous ne serons jamais en capacité à les faire tomber, de toute façon.
    -Voilà pourquoi je me disais que l’on aura besoin d’alliés de circonstance à un moment.
    -Bien vu, ajouta Uriah. L’idée me plait… Mais tu parlais de conditions fixés par cette Livia…
    -Oui. Elle souhaite donc mener à bien deux affaires pour la Kasballica et sollicite notre concours, en échange de quoi, elle marchera dans notre combine. Elle compte organiser un trafic de xenotech depuis le système Tranquility. Il y a eu de nombreux conflits sur place, impliquant des xenos mais aussi des chapitres astartes. Certaines zones sont régulièrement la proie de conflits mais aussi de pillages juste après. Elle souhaite organiser quelques repérages et espère y trouver des artefacts qui pourraient se monnayer dans le commerce froid. Le second point serait d’organiser un commerce entre Archaea et le système Pireaus que l’on connait bien. Les mondes miniers qui jalonnent ce système ont un besoin constant en certaines drogues et elle pense qu’Archaea devrait devenir un excellent point de narcotrafic, surtout qu’elle y a des contacts et certainement un réseau sur place.
    -A ce point-là ? S’étonna Uriah.
    -J’ai cru comprendre qu’elle était bien placée dans la Kasballica.
    -Une baronne ?
    -Quelque chose comme ça. Evidemment dans chacune de ces affaires, je compte négocier d’intéressants pourcentages. Et enfin, le troisième point qui risque d’être aussi le plus contraignant. Livia demande que l’on n’élimine pas Absilias. Selon elle, c’est un brave type, sans doute un peu trop naïf mais qui ne mérite pas de mourir pour autant. Je pense qu’elle a un côté sentimental avec lui. En revanche, le numéro deux, Klovitz, risque de poser un problème d’après elle.
    -D’accord… Répondit Uriah. On s’occupera de lui. Donc, admettons que ces deux affaires nous intéressent… On fait quoi d’Absilias dans ce cas ?
    -Notre astropathe n’a-t-elle pas la capacité de lui effacer une partie de la mémoire ? Se hasarda Djoko.
    -Antinoé ? Lui demanda Altaïr. Je n’en ai pas la moindre idée…
    Uriah la fit convoquer et au bout de quelques minutes, elle vint les rejoindre dans le strategium, appuyée sur son bâton de la Telepathica et flottant dans ses robes vertes. Elle vint s’assoir et tourna son regard aveugle vers Uriah.
    -Vous avez besoin de mes lumières, capitaine ?
    -En effet… Tu penses qu’il est possible d’effacer le mémoire de quelqu’un ? Disons… Pas de manière définitive mais sur un certain laps de temps.
    -C’est ainsi que sont créés ceux que l’on nomme esprits purifiés. Oui.
    -Donc toi, tu saurais le faire ?
    -Non, capitaine. Cela pourrait me prendre un certain temps à maitriser ce genre de technique qui n’est pas sans risque. Mais aujourd’hui, je ne saurais le faire.
    -Et tu connais quelqu’un au sein de ton… Ordre qui pourrait s’en charger ?
    Elle réfléchit un instant et eut une esquisse de sourire.
    -Je vais devoir contacter quelqu’un…
    Uriah eut un geste de la main, lui indiquant qu’elle pouvait le faire. Antinoé se leva et alla s’isoler un peu plus loin dans le strategium tandis qu’ils continuaient de discuter entre eux.
    Elle revint au bout de quelques minutes.
    -Eh bien ? Lui demanda Uriah.
    -Je connais quelqu’un qui saurait faire ça. C’est un astropathe de la station. Mais ça aura un coût.
    -Combien ? Lui demanda Altaïr.
    -Vingt mille.
    -C’est énorme, lâcha Djoko avec un petit rire.
    -C’est une somme mais pas tant que ça, si on considère le risque, ajouta la Brute. On parle de mettre la main sur une maison chartiste.
    Uriah interrogea Altaïr.
    -Ça entre dans nos finances ?
    -Sans problème.
    -Alors c’est entendu.
    Il se tourna vers son astropathe.
    -Ton… Contact doit être sur la station j’imagine ?
    -En effet.
    -Il aura besoin, j’imagine d’être au contact de la personne en question ?
    -Disons, dans la même pièce, oui. Il faudra le prévoir.
    -D’accord. Alors rappelle ton contact et dis-lui que nous aurons besoin de lui dans les prochains jours. Nous allons nous charger de les faire se rencontrer.
    Antinoé s’inclina légèrement puis ressortit du strategium.
    Uriah consulta l’heure.
    -Bien, préparons-nous, nous avons un contrat à faire signer d’ici quelques heures.

    Comme convenu, dans l’après-midi, ils repassèrent au siège de Vigor&Vanguard et ce qui n’était qu’une simple formalité prit en réalité des airs protocolaires. Absilias avait tenu à ce que tout soit impeccable et que cette signature soit un franc succès. Une petite armée de scribes et adeptes étaient mobilisés ainsi que les gardes de la Maison étant donné qu’il allait être question de réaliser un virement de deux-cent-quatre-vingt-quatre millions de crédits sur un des comptes fournis par Altaïr. En échange de quoi, Ashram Absilias se retrouvait officiellement propriétaire de la Burden Alliance. A présent pour Uriah et ses complices, toute leur stratégie devait tenir sur le bluff et sur l’espoir qu’Absilias et Kysnathian n’aient ni à se voir ni à s’appeler d’ici les prochains jours. Cela avait peu de chance d’arriver cependant, car Gregor Kysnathian était censé se trouver à quelques centaines d’années-lumière du système Grief. Pourtant Uriah croisait les doigts que leur plan se déroule comme prévu. Ils durent jouer le jeu et inventer tout un tas de prétextes relatifs à l’état de santé soi-disant précaire de ce pauvre vieux Kysnathian, d’où sa volonté de vendre. Altaïr dû aussi user de toute sa force de persuasion auprès de Livia pour inciter Absilias à ne pas se rendre à la réception de la capitainerie avec eux ni en même temps qu’eux – ce qu’il venait de proposer, bien évidemment.
    Se retrouver à cette réception sous les couleurs des Kysnathian serait totalement contre-productif car tout le gratin local serait présent et Uriah et ses hommes comptaient bien nouer quelques relations. Outre les pontes de la Flotte impériale qui seraient présents, il y aurait bien évidemment, les dirigeants ou émissaires des principaux adepta ou organisations locales, tels que l’Administratum, le Deparmento Munitorum, l’Ecclésiarchie, l’Arbites, l’Astra Militarum, le Mechanicus, mais aussi plusieurs grandes Maisons ou guildes marchandes. Il était donc parfaitement souhaitable de se faire des contacts fort intéressants, voire de signer quelques accords ou contrats. Dans tous les cas, c’était là, l’occasion de rencontrer du monde et de se faire connaitre.
    Livia leur confirma qu’elle avait fini par persuader Absilias de ne pas rester tard à cette soirée. Finalement, il trouva l’idée excellente car il souhaitait s’y montrer, au moins pour le discours en l’honneur du Primarque au tout début, puis comptait rapidement s’éclipser, car fatigué de sa journée.
    Suivant ces indications, Uriah et ses principaux officiers décidèrent de s’y rendre un peu plus tard, espérant ainsi ne pas l’y croiser.
    La Capitainerie était une spire à elle seule sur le fort orbital et elle occupait une place centrale, entourée des principaux bastions des adeptas et des spires des Maisons commerciales. Le tout, crénelé de statues monumentales et de batteries de défense antiaérienne omniprésentes. Pour l’occasion, Uriah, la Brute, Djoko et Altaïr avaient revêtu leurs plus beaux uniformes, affichant ainsi les couleurs de la Maison Goldberg, leurs médailles ou insignes ainsi que différents emblèmes navals. Uriah n’eut qu’à présenter le carton d’invitation que sa tante avait reçu, aux gardes en faction à l’entrée. La soirée avait commencé deux ou trois heures plus tôt et déjà, le grand hall de la Capitainerie contenait plusieurs centaines d’invités parmi lesquels ils se glissèrent, attrapant au vol, des coupes de dammassine sur les plateaux de laquais en tenues d’apparat.
    -Par le warp, ce sont de véritables Space Marines que je vois tout au fond ? Lâcha Uriah.
    La Brute le gratifia d’un petit sourire.
    -Non, ça ce sont juste des statues en marbre de Space Marines. Mais à l’étage, au niveau du balcon, je dirais qu’il y en a un vrai, en compagnie du commandant du fort et de ses officiers.
    -Tu as de bons yeux, lâcha Altaïr. On a quand même la présence d’un astartes en chair et en os, c’est pas rien…
    -Quel chapitre ? Se hasarda Djoko.
    -C’est un capitaine des Star Phantoms, je dirais, répliqua la Brute, je le vois à son épaulière.
    -J’ose espérer que rien ne dégénère, ce soir, conclut Altaïr…
    -L’Arbites est présent, grimaça Djoko.
    -C’est justement ce qui me chagrine.
    Uriah se tourna vers eux.
    -Alors tant qu’on ne fait rien d’inconsidéré – et je compte sur vous – tout devrait bien se passer. Je vous le rappelle, on est là pour se faire des relations et peut-être glaner des informations, pas pour finir dans une geôle ou avec une balle à cause d’une phrase malheureuse. On est d’accord ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/10/2023 à 11:21 Citer ce message

    Ils se mêlèrent aux invités de la réception, activant leur microvox afin de rester en liaison.
    -Il semblerait qu’on ait raté le discours d’hommage au Primarque, lâcha Altaïr, d’un air détaché.
    -Alors, on n’a pas raté le plus important, répondit Djokovitch.
    Uriah faillit s’étrangler à cette remarque et la Brute toussota dans le vox.
    -Cette remarque ne m’étonne même pas venant de toi, Djoko.
    -Quoi ? Je précisais juste qu’on a plus important à faire, non ?
    -Mouais… Tâchez de ne pas vous faire tuer, pour une fois. Moi, je vais aller parler aux officiers en haut des escaliers, leur annonça la Brute. Sûr qu’ils auront des informations importantes à nous apprendre.
    -Tu vas te faire refouler à mon avis, lâcha Djoko qui attrapa une coupe de dammassine sur un plateau en argent tout en repérant un groupe de marchands haut en couleurs. Il s’approcha d’eux tout en feignant admirer les tableaux aux murs de la salle. Tout en flânant, il tendit l’oreille idée de ne rien rater de leur conversation mais le sujet commercial qu’ils abordaient ne lui parlait pas plus que cela. De son côté, Altaïr avait repéré un étrange trio composé d’un solide gaillard au crâne rasé en armure, encadré de deux femmes en logues robes noires et grises. Il suspectait qu’il pouvait s’agir là d’un inquisiteur, ce qui l’intrigua évidemment. Il fit mine de les suivre et perçut rapidement que les autres convives s’inclinaient légèrement sur leur passage, ou réalisaient même le signe de l’Aquila. A bien y regarder, voyant les symboles arborés, l’eviscerator dans le dos du personnage et le lance-flammes que portait une des jeunes femmes, Altaïr comprit qu’il s’agissait là d’un ecclésiaste de haut rang. Il s’agissait très certainement d’un confesseur ou même d’un cardinal, accompagné de deux sœurs de la Sororitas, sans nul doute des sœurs du dialogus ou du famulus. Il préféra passer son chemin, recevant un message vox de Djokovitch, lui demandant de le rejoindre.
    Pendant ce temps, Uriah avait repéré de loin une tête connue. Il s’agissait de Jonston Quill, d’Excelsis Corp, croisé la veille au Plasma bleu et avec qui il s’était brièvement entretenu. Il allait se diriger vers lui alors que Quill était en pleine conversation mais Altaïr l’attrapa de justesse par le bras, l’ayant vu de loin.
    -Tu fais quoi, là ? Lui dit-il d’un air détaché.
    -Eh bien j’allais tout simplement…
    -Tout simplement cramer ta couverture. Je te rappelle que tu t’étais présenté à lui hier soir sous une autre identité. Ce soir, tu es Uriah Goldberg, de la maison du même nom. Un conseil, évite ce type ou salue-le juste de loin avant qu’il ne comprenne la supercherie.
    -Ok, noté… J’ai bien failli…
    -T’inquiète, on t’a à l’œil, on est là pour ça. Profite de la soirée et tâche de nous trouver des gens intéressants.
    -Intéressant comment ? Voxa Djoko. On est là pour quoi au fait ? A par s’enfiler quelques coupes de dammassine ?
    -On est là pour se montrer et pour nouer peut-être quelques contacts, se faire des relations. C’est aussi l’occasion pour Uriah de se faire connaitre. Je ne sais pas si tu vois, mais toute l’élite navale des environs est présente à cette réception. Ce serait dommage de ne pas en profiter. De plus, j’ajouterai qu’on ferait bien de surveiller les invités et les conversations. Des fois que des noms connus ressortent.
    -Comme ceux des trois compagnies chartistes qui nous intéressent, compléta Uriah.
    -Mais aussi cette fille avec un œil rouge et un œil bleu.
    -Qu’est-ce qui te dit qu’elle est là ?
    -Rien, mais je préfère rester prudent.
    -D’ailleurs en parlant de prudence, il est passé où, la Brute ? S’étonna Uriah.
    -Je crois qu’il ne plaisantait pas quand il nous disait tout à l’heure qu’il devait discuter avec des officiers ou je ne sais qui, ironisa Altaïr qui le pointa du doigt. La Brute était en effet, au balcon supérieur en pleine conversation avec le Commodore Rastok de la marine impériale. A ses côtés, se trouvaient le Commandant Edelmore Bostonne, le capitaine de Fort Vengeance ainsi que le chef de la SecNav. l’Astartes bien qu’un peu en retrait dans les ombres, était occupé à observer la foule de convives en contrebas avec un air de prédateur aux aguets, impatient de retourner en chasse. Nul doute qu’en moins d’une seconde, il serait parfaitement capable de sauter du balcon, de dégainer ses armes et de causer un carnage sans que personne ne soit en mesure de l’arrêter. Telle était sa fonction première après tout. Les Space Marines avaient été conçus essentiellement pour la guerre et pour rien d’autre. Sa présence ici se voulait rassurante et pourtant, elle ne l’était absolument pas.
    -Je te conseille de rester sur tes gardes et de faire plutôt attention à qui tu parles, lâcha Altaïr à Uriah.
    -T’inquiète, je suis dans mon élément ici, lui dit-il tout en buvant une gorgée à sa coupe de dammassine.
    -Oui, bin justement, n’en fait pas trop non plus. Je vais voir où est Djoko avant qu’il ne croise encore cette Maryane Sandovan, mais on reste en contact.
    -Qui c’est cette Sandovan ? Je la connais ? Ce nom me dit quelque chose.
    Altaïr eut un petit rire tout en déposant son verre vide sur le plateau d’une serveuse. Il en profita pour attraper un verre d’amasec au passage avant de poursuivre.
    -Tout ça remonte à une dizaine d’années, tu étais encore un gosse. C’est resté une vieille blague entre nous.
    -Ah oui ! Ce ne serait pas cette arbitrator qu’il avait tenté de draguer ?
    -Qu’il avait ouvertement dragué… Et en public en plus. C’était une marshal sur Port Godwinne dans le système Badab. C’était lors d’une réception un peu comme celle-ci d’ailleurs. Tu connais Djoko… Il est plutôt sage aujourd’hui mais à l’époque il était un peu… Immature. Surtout que sa tête était mise à prix…. La mienne aussi, tu me diras. Ce jour-là, on a bien cru qu’il allait se prendre un bolt ou pire encore.
    Uriah eut alors l’air soucieux.
    -Et tu penses qu’elle est là, aujourd’hui ?
    -Je n’en ai pas la moindre idée. Voilà pourquoi, on doit garder un œil ouvert et toi aussi. On ne sait jamais.
    -Pas d’inquiétude, je ne risque pas de tomber dans le même panneau, lui dit-il avec un grand sourire.

    Uriah le laissa s’éloigner et en profita pour flâner entre les invités avec pour intuition, l’idée qu’un des pirates de l’Inéquité pourrait bien se trouver dans le coin, à se mêler comme lui, à l’aristocratie locale. Il repéra quelque groupes de personnes lorsque son attention fut soudain attiré par un simple regard. Furtif, il passa presque inaperçu l’espace d’un instant. Un simple regard parmi des centaines d’autres. Pourtant Uriah eut l’impression d’un temps suspendu pendant ce court laps de temps, cette impression soudaine de revenir en arrière, une seconde plus tôt et de chercher de nouveau ce regard avec cette crainte, cette appréhension de ne pas parvenir à le retrouver. Mais il le recroisa d’abord par hasard puis de nouveau. Une jeune femme était là dans cette foule de personnes et plus rien ne comptait désormais. Il ne perçut plus un son, plus un visage dans cette marée de couleurs floues en dehors de ce visage qui appartenait à une belle inconnue qui devait avoir son âge. Non, pas une belle inconnue mais la belle inconnue. Jamais il ne l’avait croisé et pourtant, en cet instant, se contenter de juste la regarder encore n'allait pas lui suffire. A qui appartenait ces boucles dorées qui encadraient ses yeux violine ? Il devait absolument lui parler sous peine que son propre cœur reste arrêté jusqu’à la fin des temps.
    Cette fois-ci, sans chercher à le dissimuler. Sans réfléchir, Uriah leva son verre et lui fit un petit sourire qu’elle lui rendit. Sourire discret mais définitivement charmant. Intrigué et déjà piqué au vif par ce regard, il chercha à deviner qui elle pouvait être. Si dans cette réception tout le monde était sur son trente-et-un, il devina cependant que cette jeune femme, n’était pas n’importe qui malgré son âge. Son allure d’abord. Des traits nobles, presque angéliques et une tenue raffinée d’aristocrate aventurière complétaient ses armes portées avec élégance. Elle était assise sur un sofa, dans une sorte d’alcôve à proximité du large escalier menant à l’étage. Elle était occupée à discuter avec une jeune femme brune, très élégante mais plus physique aussi et un peu plus âgée. Elle portait une tenue moulante, une cape et une canne élaborée qui devait servir à tout autre chose qu’à l’aider à marcher. Deux autres personnes faisaient aussi partie de cette suite. Deux hommes plus âgés. Le premier devait être une sorte de savant, ce qui était visible à ses implants et tablettes de données mais aussi à son air curieux et érudit. Le second était un colosse, qui pouvait rivaliser sans peine au bras de fer avec la Brute. Il portait une barbe fournie et un solide œil augmentique mais surtout ses bras étaient des troncs d’arbre capable de l’encastrer dans le mur. C’est ce dernier individu qui s’interposa de manière menaçante entre lui et la demoiselle. Celle-ci l’appela par son nom.
    -Corvin, c’est bon. Laisse-le passer.
    Le garde du corps s’exécuta aussitôt, tout en gardant Uriah à l’œil.
    Uriah approcha alors et la fille blonde l’observa attentivement tandis qu’il approchait. L’autre femme, la brune, se leva, glissant à la première quelques mots puis elle alla discuter avec le savant et le gros costaud, à quelques mètres de là. Uriah vint se tenir devant elle, assise dans ce large sofa bleu nuit.
    -Monsieur, je ne crois pas que nous ayons été présentés ? Lui dit-elle avec un air amusé tout en lui tendant la main. Uriah l’effleura légèrement et effectua un délicat baise-main, ce qui étonna agréablement la jeune femme.
    -Seigneur Capitaine Uriah Goldberg, libre marchand.
    -Seigneur Capitaine ? Voilà une bien impressionnante introduction, Monsieur.
    -Et vous êtes ?
    -Je m’appelle Ludivine. Ainsi donc vous êtes Libre marchand ?
    -Cela vous déçoit-il ?
    -Cela devrait-il me décevoir ?
    Uriah eut souvent très chaud et avait cette désagréable impression de se tenir face à un gouffre, sur le point de chuter à tout instant. Il savait pourtant que cela n’était pas un mauvais tour que le warp pouvait lui jouer. C’était encore pire. Jamais il n’avait ressenti un tel effet. Cette paralysie, les mains moites, l’impression de bégayer et de paraitre stupide devant une femme. Pourtant il avait déjà eu quelques petites aventures à bord du Morning Star, mais là, cela n’avait rien à voir.
    -Croyez-bien Mademoiselle, que je n’ai aucunement l’intention de vous décevoir.
    Elle lui lança un joli sourire aux yeux rieurs, absolument désarmant tout en lui tendant sa coupe vide.
    -Pour commencer, peut-être auriez-vous l’amabilité d’aller me chercher un verre ? Le mien est vide.
    Uriah resta là, l’espace d’un instant, totalement désarmé. Il ne savait même plus s’il continuait de respirer ou non. Il prit le verre et s’en retourna vers la salle avec cette impression qu’il allait devoir mener la plus grande bataille de sa récente carrière.
    Il revint au bout de quelques instants, avec deux coupes de dammassine et lui en proposa une qu’elle prit en le remerciant. Il trinqua.
    -Ludivine… Je n’ai pas retenu votre nom. Vous êtes d’une famille libre marchande ?
    -Je suis d’une maison marchande… la Maison Solimar.
    -La Maison Solimar ? Vous êtes dans quel domaine ?
    -Le transport.
    -Et vous êtes… Seule ici ?
    -Non, j’accompagnais juste mon père à cette ennuyeuse cérémonie. Il doit être quelque part dans la salle à parler affaires, j’imagine. Et puis non, je ne suis pas seule. Lui dit-elle en désignant ses compagnons. Vous avez déjà croisé Corvus et puis il y a Sinsindra ma pilote personnelle et Syulf, mon secrétaire.
    Elle tourna son regard vers lui tout en jouant avec une mèche de ses cheveux. Uriah manqua se renverser sa coupe de dammassine en cherchant à la porter à ses lèvres. Elle ne put s’empêcher de rire.
    A quelques dizaines de mètres de là, Altaïr s’était approché d’un groupe de personnes. Celles dont Djoko lui avait justement parlé un peu avant et qui parlaient de sujets commerciaux. Une femme était en pleine conversation avec deux hommes, tous trois très élégants. Il se présenta à eux, la femme n’était autre qu’Alexia Covigny, l’émissaire du tout puissant Macritch Consortium. La Maison du même nom pesait lourd dans tout le secteur. C’était sans doute le cartel commercial le plus puissant de la Zone du Maelstrom. Elle s’était, de longue date, fait une solide réputation dans l’armement et alimentait sans discontinuer et depuis des siècles, les lignes de front non seulement en munitions et armes d’assaut mais aussi en blindés et systèmes d’armements lourds. Cette manne financière leur avait permis de diversifier leurs activités et monter leurs compagnies chartistes qui étaient leurs propres filiales commerciales. Macritch se passait ainsi de sous-traitance et d’intermédiaires mais Altaïr était d’une nature optimiste, surtout quand on parlait affaire.
    Il la salua.
    -Je serai ravi de pouvoir échanger avec vous sur vos besoins d’expansions commerciales, Madame.
    Alexia Covigny le dévisagea comme s’il s’agissait là d’un simple scribe qui venait l’importuner.
    -Et vous êtes ?
    Altaïr ne se démonta pas, alors qu’il venait de se présenter juste avant.
    -Sylmann Altaïr, Sénéchal de la Maison Goldberg.
    -La Maison Goldberg, dites-vous ?
    -Oui, vous la connaissez certainement ?
    -Absolument pas.
    -Ah…
    -D’un autre côté, cela ne m’étonne guère étant donné que votre libre marchand vous envoie à sa place.
    Altaïr crut recevoir un coup direct au foie.
    -Sachez que je suis tout à fait à même de parler en son nom, Madame Coligny.
    -Certes. Je compte donc sur vous pour lui faire passer le message, sénéchal, lui dit-elle alors qu’elle se dirigeait déjà vers d’autres personnes plus dignes de son intérêt.
    Altaïr resta là, un petit rictus de mépris sur les lèvres. Il souffla et reprit un verre au passage. Cette fois-ci, un verre d’amasec tristillé. Il lui fallait bien ça. Il chercha la Brute et le vit, toujours en pleine conversation à l’étage avec les officiers de la marine. Il chercha alors Djoko et mit quelques minutes avant de pouvoir le trouver. Son sang se figea l’espace d’un instant, réalisant que cette satanée tête de grox était, une fois de plus, en train de faire le malin avec une gradée de l’Arbites. Il se dirigea vers lui et vint l’intercepter au moment où il venait de finir sa conversation. Il lui attrapa le bras et l’emmena avec lui tandis que la marshal avait repris sa discussion avec des officiers de l’Astra Militarum.
    -Mais tu es fou ou quoi ? Tu cherches à te faire tuer ?
    -Quoi ?
    -Comment quoi ? Qu’est-ce que tu faisais avec cette arbitrator ? Me dis pas que tu lui faisais du charme ou je ne sais quelle bêtise ?
    -Alors là, c’est vraiment mal me connaitre, lui dit-il avec un petit air outré.
    Altaïr lui lança un regard fatigué.
    -Quoi ? J’ai juste cherché à me montrer poli, répondit Djoko.
    -Elle t’a longuement dévisagé, je l’ai vu.
    -Oui, bin c’est un truc qui t’arrive rarement, vois-tu. Les femme savent reconnaitre que j’ai un certain charme. C’est très fréquent.
    Altaïr leva les yeux au plafond.
    -Mieux vaut être sourd que d’entendre pareilles inepties. Toi tu as encore forcé sur la dammassine…
    -Même pas, j’en suis à mon premier verre.
    -Alors c’est encore pire… Tu es recherché par l’Arbites, tu as oublié ?
    -Toi aussi et pour hérésie. Moi non, je te le rappelle.
    -Voilà pourquoi je ne vais pas faire le malin devant les forces de l’ordre.
    -Je me montrais courtois, voilà tout. Tu es un bien triste personnage, mon vieux Syl.
    -Bon allons retrouver les autres, ça vaudra mieux. C’est tout ce que tu as trouvé d’intéressant à faire ?
    -Non. Figure-toi que j’ai justement entendu le capitaine Smokes de la SecNav, plutôt furieux, qui parlait d’un type évadé de Fort Vengeance, ici sur la station. Il fait partie d’un groupe de criminels recherchés.
    -Et cela nous concerne en quoi ?
    -Le type en question porte le nom d’Arsik Al Shayim, ce serait un potentiel pirate de l’Inéquité. Un proche des deux salopards augmentés à qui on a parlé au Midnight Sapphire.
    -Alors voilà qui est intéressant, en effet. Si on pouvait mettre la main sur lui avant la SecNav…
    -Justement, tu vois où je veux en venir… Et toi, tu as trouvé des informations ?
    -J’ai entendu deux adeptes parler. Selon eux, l’Administratum a perdu des mondes situés dans un sous-secteur proches.
    -Comment ça, perdus ?
    -Disons qu’ils ont été oubliés après des siècles et ce sont leurs coordonnées qui ont été perdu. Du coup, avec les derniers évènements, ces mondes ont disparu des cartes mais ils doivent être retrouvés et une route commerciale doit de nouveau être ouverte car ces mondes disposent de ressources. Il s’agirait là de la mythique région stellaire de Morgan’Reach.
    -Morgan’s Reach ? les systèmes de Tartuga ou Verkruz ? Je croyais qu’il ne s’agissait que d’une légende ?
    -Moi aussi, mais l’Administratum a l’air de prendre cela très au sérieux.
    -Oui, enfin, l’Administratum… D’un autre côté, es mondes perdus, des ressources inexploitées… Je pense que c’est dans nos cordes. On devrait en parler aux autres, tu crois pas ? Où est notre Brute d’ailleurs ?
    Altaïr lui désigna le balustrade à l’étage qui surplombait la salle.
    -Il va finir par rempiler dans la navale, si ça continue.
    -Que veux-tu ? La Brute a toujours été le meilleur d’entre nous. C’est un gentil garçon finalement.
    -En parlant de garçon, tu as encore laissé le gosse sans surveillance, toi…
    -Quoi ? Non, regarde, il est là-bas assis en train de parler à cette fille. Tout est sous contrôle.
    Il lui désigna la scène à quelques dizaines de mètres de là, à travers la foule de convives.
    -Qui est-ce ? On la connait ?
    -Elle ne me dit rien. Il a laissé son vox allumé ?
    -Il ne répond pas, en tout cas. On intervient ? J’ai l’impression qu’il va nous faire une bêtise, là.
    -Et pourquoi cela ? Non mais regarde-le, il la faire rire aux éclats en plus.
    -Bin justement, il manquerait plus qu’il tombe amoureux !
    Djoko lui lança un regard plein d’ironie.
    -Ne va pas nous faire croire que toi, tu as passé ta nuit à lire tes vieilles tablettes de données avec ta Livia. Laisse-le donc s’amuser, c’est de son âge.
    Altaïr leva les yeux au plafond.
    -On voit bien ce qu’il fait de l’éducation que tu lui as donnée.
    -Espèce de vieux rabat-joie…. Tiens, justement voilà notre Brute qui arrive. Je suis certain qu’il t’a dégoté un contrat.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 19/10/2023 à 00:44 Citer ce message

    Ils se réunirent tous les trois autour d’un verre et évoquèrent leurs dernières trouvailles. La Brute parla de son échange avec le Commodore Rastok.
    -Je lui ai proposé de nouveau notre soutien, étant donné que nous avions déjà collaboré avec la Flotte ces dernières années. Il aurait bien besoin d’un coup de main dans le système Tranquility. Selon lui, des pirates aeldari y auraient élu domicile et perturbent la région. Il propose qu’on leur en débarrasse.
    -Tu as plus d’informations sur ces pirates ? Lui demanda Altaïr, un peu perplexe. Aeldari ? Tu es sûr qu’il ne parlait pas plutôt de drukhari ? On sait qu’ils sévissent dans cette région.
    -Ce sont les termes qu’il a employé. Je n’ai pas d’autres informations. Mais dans les deux cas, la menace n’est pas à sous-estimer. Nous avons déjà été confronté à des xenos par le passé et avons payé le prix fort à chaque fois.
    -Même toi, tu as failli y passé sur Kritias, ma grosse Brute, lui répondit Altaïr.
    -Oui, eh bien il a raison, ajouta Djokovitch. Je ne suis pas très enclin à exposer le navire et nos hommes face à une menace aussi inconnue que mortelle. Pas sans plus d’éléments et pas sans plus de vaisseaux. Nous aurions deux ou trois navires à leur opposer, je ne dis pas. Mais là, ce serait suicidaire.
    -C’est pas faux, compléta la Brute. Ton analyse tient la route et je suis d’accord, c’est bien trop risqué. Vous avez quoi d’autres ? Cette histoire de type évadé, recherché par les autorités ? Ce serait plutôt dans nos cordes, non ?
    -C’est possible. On a eu l’occasion d’en parler tout à l’heure avec Uriah justement. On se demandait comme agir, répondit Djoko.
    -A savoir, si on met la main sur ce type, si on le rend à l’Inéquité et on négocie avec eux. Ou bien… Si on le livre aux autorités.
    -On le livre aux autorités, c’est tout vu ! Lâcha la Brute.
    -Et perdre une chance de récupérer Isa en échange ? Répondit Djoko.
    -Là, tu rêves… Ils n’accepteront jamais de lâcher une telle prisonnière, surtout contre un des leurs qui s’est fait prendre.
    -Par contre… Ils pourraient voir cela comme une marque de bonne volonté de notre part, compléta Altaïr.
    -Un point pour toi. Mais il faudrait déjà lui mettre la main dessus et en parler avec Uriah, il en pense quoi ?
    Altaïr pointa un doigt vers le fond de la salle et l’alcôve où Uriah se trouvait toujours en compagnie de cette jeune femme. La Brute émit un petit grognement qui se voulait être un petit rire.
    -On doit le sortir de là, avant qu’il ne tombe dans une embuscade ?
    -Nan, laissons-le, c’est de son âge après tout, lâcha Djoko d’un ton désinvolte.
    -Il n’empêche qu’il faudra qu’on se renseigne sur cette fille, ajouta Altaïr. Et sur ses parents notamment.
    -Ça c’est ton rayon, la Science. Moi, je vais aller glaner quelques informations sur cet évadé. Comment vous dites qu’il s’appelle ? Lâcha la Brute.
    -Arsik Al Shayim. Tu veux te renseigner auprès de qui ? Lui demanda le sénéchal.
    -Je vais aller parler à la Marshal. Elle est en conversation avec des gradés de l’Astra, ça tombe plutôt bien, leur dit-il avant de les quitter.

    Vingt minutes plus tard, ils se retrouvèrent tous les trois de nouveau, non loin du bar.
    -Alors ? Lui demanda Djoko.
    -J’ai eu son signalement et ils sont intéressés par toute aide que l’on pourrait leur apporter. Pour l’instant la SecNac et l’Arbites contrôlent les accès et sont persuadés qu’il se cache avec des complices mais ils savent qu’il finira bien par tenter une sortie. La station orbitale est vaste comme une grande ville, il peut se terrer un petit moment.
    -Les bas-fonds ? Lui demanda Altaïr.
    -Ils y ont pensé, tu penses bien. Mais une descente en uniforme ne passe pas inaperçue. Ils sont donc obligés d’y envoyer des informateurs.
    -C’est là qu’on a une carte à jouer. Tu as des coordonnées ? Demanda Altaïr.
    -J’ai quelques pistes, en effet. Il faut qu’on regarde ça en détails. De votre côté ? Autre chose ?
    -J’ai parlé avec deux magos. Comme on avait déjà travaillé avec le Mechanicus par le passé, vous pensez bien que je leur ai vendu le fait qu’on s’y connaissait un peu, commença Altaïr.
    -Et ils auraient un tuyau à nous refiler ? Lui demanda Djoko.
    Altaïr fit une petite grimace.
    -Ils cherchent du soutien pour déloger des t’au sur Vigilance. Mais je pense que nous aurons le même problème qu’évoqué précédemment à propos des aeldari.
    -C’est clair que ces xenos sont un véritable fléau au nord galactique d’Endymion et sur toute la frontière avant, surtout proche des Marches de Golgotha, compléta la Brute.
    -Eh bien raison de plus pour ne pas trop rayer la peinture de notre Morning Star remit à neuf. On sort d’une croisade et on a déjà eu assez de réparation comme ça.
    -Et toi, du coup ? Tu as rencontré des gens intéressants ?
    -Figure-toi que oui. Je suis allé parler à ce Jonston Quill justement.
    -Alors qu’on avait bien dit à Uriah de ne surtout pas aller lui parler.
    -Oui, mais je ne suis pas Uriah et il ne m’a pas identifié quand on était au Plasma bleu. Et du coup, c’est un chartiste que l’on pourrait se mettre dans la poche, disons que j’ai su y faire aussi.
    -Et il propose quoi ? Un partenariat commercial ? S’impatienta Altaïr.
    -Allons… Laisse tomber un instant tes containers de grox surgelés ou tes transports de pèlerins à moitié fous. On a peut-être plus intéressant ou en tout cas, bien plus original. Figurez-vous qu’il recherche un coup de main pour mettre quelques bâtons dans les roues d’un concurrent. Alors… Rien de bien méchant, mais juste de quoi mettre hors course un navire un peu trop gênant.
    -On doit le torpiller ? S’étonna la Brute.
    -Mais qu’il est bête, celui-là… Il demande pas de les tuer, juste de mettre hors circuit un concurrent. Rien de plus.
    -Tu as le nom de leur cible ? Demanda Altaïr.
    -Non, il est resté prudent sur cette affaire. Disons que si ça nous intéresse, il m’a demandé que je le recontacte. Il est prêt évidemment à nous payer ce qu’il faudra. Il a des trucs intéressants à ce qu’il m’a dit.
    C’est le moment que choisit Uriah pour venir les rejoindre.
    -Ça se passe comme vous voulez ?
    -C’est plutôt à toi, capt’aine, qu’on aurait envie de poser la question ? Cela doit bien faire trois bonnes heures que tu en étais venu à oublier l’existence même de ton propre équipage.
    Uriah attrapa une coupe au passage.
    -Le warp t’emporte toi et tes sarcasmes de vieux bougon alors qu’il y a quelques heures encore, monsieur passait la nuit avec je ne sais qui… Lui dit-il d’un ton ironique.
    -Disons que moi, je travaillais aux finances de notre Maison, mon cher.
    -Et qui te dis que moi non plus, je n’y travaille pas précisément ?
    -Alors nous y voilà, lâcha Altaïr avec un grand sourire dans sa barbe. Il attrapa un autre verre au passage et prit la Brute et Djoko à témoins.
    -Voyez notre jeune ami… Il se trouve déconcentré un instant par une gente demoiselle et la minute d’après, le voilà qu’il en est déjà à planifier son mariage.
    Les autres se mirent à rire.
    -Et où est-elle d’ailleurs ? Ne nous dit pas qu’elle est déjà partie se coucher ? ça commence bien. Lâcha Djoko en riant.
    -Oui et bien, moquez-vous si ça vous chante… Sachez que le courant passe déjà très bien entre nous et que j’envisage de la revoir après-demain. Elle a dû… Elle avait quelque chose à faire, un voyage demain avec son père. Et puis en quoi ça vous regarde ?
    -Disons que tout ce qui te regarde, nous regarde, mon garçon. Lui lança Altaïr avec un clin d’œil. Il en va de ta sécurité. A ce propos, sais-tu qui étaient les frères d’Arquepierre ?
    -Non.
    -Des libres marchands tirés d’un célèbre et rocambolesque roman d’aventures et qui n’ont jamais eu de chance avec les femmes. Celles qui ne voulaient pas les empoisonner pour hériter de la lettre de marque étaient soit des inquisitrices, soit des catins du warp. Et je ne te parlerais même pas de la seule qui était véritablement sincère et qui a fini répudiée car ils ont fini par trouver cela suspect.
    -Je ne vois vraiment pas le rapport.
    -On va devoir en apprendre un peu plus sur elle et sa famille. Ce sont quoi ? des libres marchands ?
    -Je l’ai cru tout d’abord, mais il semblerait que non. Elle est juste d’une famille marchande.
    Altaïr consulta son chronographe.
    -Il est tard de toute façon, le cycle nocturne est déjà bien avancé, on ferait bien de rentrer. Je vais mettre Säde et ses gars sur le coup. Demain nous avons les Rasmusen qui débarquent ici sur Port Vengeance et on a encore des papiers à préparer.

    Après une courte nuit, Altaïr avait demandé aux scribes de Maitre Aldorf de préparer les actes de vente. Ainsi, dans quelques heures, ils se présenteraient aux Rasmusen, sous les traits d’émissaires des Absilias souhaitant leur vendre leur propre compagnie. De ce fait, deux des trois maisons chartistes allaient se retrouver victimes de leur ingénieuse escroquerie. Encore fallait-il que le plan ne tombe pas à l’eau au dernier moment. Il avait confié aussi la tâche à Säde d’enquêter sur cette Ludivine de la maison Solimar.
    Plus tard dans la journée, la passerelle leur annonça que l’Invincible Horizon, un lourd transport de classe Orion était en approche de Fort Vengeance. Uriah les réunit tous sur la passerelle et demanda qu’on lui ouvre un canal vox avec le navire chartiste mais que l’on brouille en même temps l’identifiant du Morning Star. Maitre Bonnett, son officier vox lui confirma que le canal était ouvert et que le système de brouillage était actif. Il enclencha une des runes sur son trône de commandement et se présenta comme étant de la maison Absilias. En face, son interlocutrice n’était autre que la matriarche de la maison chartiste, Feronika Rasmusen. Il lui présenta son offre de vente et lui proposa une rencontre.
    Il y eut alors un blanc.
    Uriah se pencha vers Altaïr, installé à une console.
    -Je crois qu’elle en est restée sans voix, lui dit-il en ayant coupé le micro.
    La voix de la matriarche retentit pourtant de nouveau dans le vox.
    -Votre offre est éminemment intéressante, mais je crains qu’elle n’arrive trop tard. Il y a quelques heures de cela, la société Silent Dominion a été racheté et je ne suis plus décisionnaire désormais. Vous m’en voyez déso…
    -Rach… Mais par qui si cela n’est pas indiscret ?
    -Par la Maison Frae Spinaiser. Si vous le souhaitez, nous pouvons toujours nous rencontrer, je leur ferais part de votre propos…
    Uriah coupa la connexion et frappa la console avec son poing à plusieurs reprises. Il se leva de son trône, vert de rage. Il désigna Altaïr, Djoko et la Brute. Tous trois avaient peine à croire que tout leur plan venait de s’effondrer comme un château de cartes.
    -Vous trois, avec moi dans le strategium !

    Quelques minutes plus tard, Altaïr cherchait à comprendre, tout en parcourant les pages de ses tablettes de données.
    -Mais c’est qui ces Frae Spinaiser dont on entend parler ? S’étonna Djoko qui était occupé à se servir un verre depuis une console.
    -Sert-moi un amasec. Un double, lâcha Uriah à moitié affalé sur la table. Il releva la tête vers Djoko avant de poursuivre. Ce sont des libres marchands. Ils étaient en concurrence à ce que m’avait expliqué tante Isa. Mais je ne les connais pas en fait.
    -Et tu es bien sûr que ce sont eux qui ont racheté la Silent Dominion ? S’étonna Altaïr.
    -Sûr ? Comment je pourrais en être sûr ? C’est ce que m’a dit Rasmusen. Pourquoi mentirait-elle ?
    -Je ne sais pas… Je préfère en avoir le cœur net. Tu permets que je retourne sur la passerelle ? J’aimerai contacter les bureaux portuaires de l’Admininistratum, j’y connais des gens là-bas.
    -Tu veux leur demander quoi ?
    -Qu’ils me confirment juste l’identité de l’acheteur. Si la vente est légale, elle devra être enregistré à la Vocita Commercia de l’Administratum. Je me dis que des petits malins auraient pu avoir la même idée que nous, tu vois…
    Uriah lui fit un signe de tête, l’autorisant à y aller.

    Dix minutes plus tard, Altaïr était de retour, un sourire en coin sur le visage et une bande de parchemin tout juste sortie d’un servitor calligraphus.
    -Tu sais quoi de ces Frae Spinaiser ? Tu as un nom ?
    -Le type s’appelle Haristus je crois… Haristus Frae Spinaiser de ce que m’avait dit tante Isa.
    -Eh bien j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t’annoncer dans ce cas, mon cher Uriah.
    -Vas-y commence par la mauvaise…
    -Je vais commencer par la bonne. Le vieil Haristus est décédé durant la croisade. Voilà pourquoi ce nom me disait quelque chose. Il a fait partie des pertes avec son navire et une douzaine d’autres lors d’un accrochage dans l’Amas de Magog contre des Red Corsairs, y a quelques années de ça.
    -Trône, mais…
    -Et donc la bonne nouvelle à présent. Tu vas voir, tu vas adorer…
    -Merde, me dis pas que c’est…
    -Tu vois donc où je veux en venir ? A sa mort, c’est sa fille qui a hérité de sa lettre de marque et de la dynastie.
    Altaïr posa le document sur la table. Juste devant Uriah qui devint blême.
    -Ludivine Frae Spinaiser.
    Uriah eut soudain le tournis, comprenant comment il avait pu tomber aussi facilement dans le panneau.
    -Putain de bordel de Trône…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 31/10/2023 à 18:49 Citer ce message

    Une fois la stupeur retombée, Altaïr proposa à Uriah de faire jouer ses relations auprès de l’Administratum.
    -Tu as raison… Pour l’instant, on ne sait rien sur eux. Leur famille, combien ils sont, qui est cette Ludivine… ? Commença Uriah.
    -On ne connait même pas la nature de leurs navires, combien ils en ont aussi ? Ajouta la Brute.
    -Justement, voilà pourquoi il nous faut nous renseigner rapidement. Je vais devoir passer quelques coups de vox avant, je vous tiens au courant.
    Trente minutes plus tard, Altaïr vint les rejoindre de nouveau, revenant de la passerelle.
    -Je vais devoir me rendre sur place, je n’obtiendrai rien par vox.
    Uriah hocha la tête.
    -Alors, on t’accompagne avec la Brute. Djoko, tu restes sur la passerelle comme premier officier, on reste en liaison.
    -Ça me va.
    Ils se rendirent sur Port Vengeance à pied. Les bureaux de l’Administratum se trouvaient à près de deux kilomètres de leur point d’arrimage à la station, non loin de la capitainerie et des autres bâtiments des adepta. Sur place, Altaïr se chargea des formalités et put ainsi accéder aux archives et surtout aux enregistrements des immatriculations des navires marchands. Trouver des informations sur les Frae Spinaiser n’était pas le plus compliqué puisque tous les libres-marchands étaient enregistrés et connus de l’Administratum ou de la Marine impériale. Il finit par mettre la main sur des registres et quelques informations.
    -Cela confirme bien que le patriarche de leur Maison s’est fait tuer il y a quelques années de cela. Il a disparu lui et deux de leurs navires dans l’Amas de Magog. Il reste désormais une frégate de classe Turbulent, le Daughter of Tempest, hérité par sa fille de dix-neuf ans, Ludivine.
    -Seule héritière ? Demanda Uriah.
    -Nan, cap’taine. Elle a un frère et deux sœurs, mais c’est bien elle l’ainée, lui dit-il en compulsant des données.
    -Donc l’héritière… Comme moi…
    -C’est ça… Ou tu lui fais une guerre commerciale hasardeuse. Ou tu l’épouses, lui dit-il d’un air mi-sérieux, mi-amusé.
    -Déclencher une guerre ne va nous mener à rien, lâcha Uriah qui était en train de réfléchir à toutes les options possibles.
    -Une frégate de classe Turbulent, c’est plus gros que notre Morning Star, lâcha la Brute. Moins rapide, mais plus gros. C’est un argument à prendre en compte.
    -Je crois que notre Uriah a vu surtout d’autres arguments chez elle, s’amusa Altaïr.
    -Nan, je suis sérieux, elle vient d’acheter la Silent Dominion... Elle dispose de combien de vaisseau à présent ?
    -La Maison Rasmusen compte deux transports marchands. Officiellement ils sont désormais à elle, ajouta Altaïr. Selon les registres commercia, elle a acheté la compagnie pour une belle somme.
    -On sait si elle dispose d’assez de liquidité pour acheter les deux autres ? Les Absilias et les Kysnathian ? Demanda la Brute.
    -Elle devrait avoir la capacité de le faire, sauf si elle bluffe, répondit Uriah.
    -Alors il te faut racheter les Absilias sans tarder. Du moins avant qu’elle ne le fasse et te dame le pion, ajouta Altaïr.
    -Et comment allons-nous procéder maintenant qu’on lui a fait croire qu’il venait de racheter un de ses concurrents ?
    -Ton rendez-vous avec Ludivine tient toujours ?
    -J’imagine… C’est ce soir normalement.
    -Appelle Antinoé, on va avoir besoin de son collègue maintenant, celui qui sait effacer les mémoires. Moi je vais appeler Livia en urgence, il faut absolument que tu mettes la main sur la boite d’Absilias avant ton rendez-vous de ce soir, comme ça, tu seras à arme égale avec elle.
    -Et la compagnie des Kysnathian ? Demanda la Brute.
    -C’est justement là qu’une alliance entre notre cher Uriah et la gamine pourrait devenir intéressante, compléta Altaïr. S’il la joue fine, les deux trouvent le moyen de s’entendre et ensemble, ils mettent la main sur la Burden Alliance, la compagnie des Kysnathian et ils se retrouvent à la tête d’une belle petite flotte commerciale. Les Kysnathian disposent de trois navires marchands et Absilias dispose de deux vaisseaux, sa corvette qui est amarrée à la station et un transport de classe Universe.
    -Trône, tu sais combien ça mesure un classe Universe ? Lâcha la Brute.
    -Ouais, ça fait dans les douze kilomètres de long. Dans ses soutes, tu pourrais y entrer trois ou quatre Morning Star et tu aurais encore de la place, répondit Uriah.
    -Et la corvette d’Absilias, vous savez ce que c’est ? Leur demanda la Brute.
    -Une corvette de classe Cobra, je crois ? Mais elle a l’air ancienne, vu l’état de sa coque, je n’ai jamais un modèle comme celui-là. Je ne sais même pas si elle peut encore naviguer.
    -Pas seulement ancienne, d’après ce que m’a dit Djoko. Vous avez vu l’intérieur ? On se croirait dans un palais de l’antique Terra.
    -Il a raison, ajouta Altaïr. Livia me l’a confirmé, ce navire serait issu d’une ère archéotechnologique et aurait peut-être des millénaires. Et selon elle, il serait toujours en état de naviguer. Il est très rapide mais se serait un peu fragilisé avec les années. Il n’est plus trop taillé pour le combat, voilà pourquoi il est amarré à Port Vengeance depuis des siècles désormais.
    -Quoi ? S’émerveilla Uriah. Ce serait donc un de ces navires qui remontent à des époques de légendes comme l’Hérésie ?
    -N’exagérons pas non plus, rien ne peut dater de l’Hérésie. Enfin, je crois… Mais c’est une belle pièce de musée en tout cas. Et Livia m’a aussi précisé que le sacrosaint Mechanicus lorgnait sur ce vaisseau depuis des années.
    -Tu crois qu’ils nous en donneraient une belle somme ? On pourrait demander son avis au magos Theodix, notre technaugure, idée de voir ce qu’elle en pense ?
    -Toi, on voit que tu ne connais pas le Clergé de Mars, s’amusa Altaïr. Avant de décider quoi que ce soit, on fera un état des lieux avec Djoko. S’il est toujours en état de naviguer et ne perd pas des morceaux en route, il pourra toujours avoir une certaine utilité, surtout si on veut mettre en place un circuit de contrebande avec Livia. Si cette corvette est aussi rapide qu’on le dit, nous saurons en tirer un avantage.
    -Vu comme ça, c’est vrai que ça pourrait épauler le Morning Star.
    -Si vous parvenez à trouver un accord entre vous, la gamine Spinaiser et toi, pourriez en quelques jours, vous retrouver à la tête de neuf navires, ajouta Altaïr. Trois plutôt rapides et taillées pour le combat et six énormes cargos pour le commerce.
    -Vu comme ça, c’est vrai que ça devient tentant…
    -Et surtout, ça devient plutôt indispensable si on envisage de lancer plusieurs entreprises de concert afin de relancer cette dynastie, lâcha Altaïr. Les pistes que nous proposent la marine et les adepta, tel qu’aller redécouvrir des mondes perdus, nécessitent que l’on dispose de plusieurs navires, de toute façon.
    Il consulta son chronographe.
    -D’accord, cela nous laisse quelques heures pour mettre en place notre plan. On s’occupe d’abord d’Absilias, c’est lui l’urgence. Suite à quoi, nous aurons encore quelques heures pour réfléchir à ta soirée avec la petite Spinaiser.
    Le concours de Livia Damael fut éminemment précieux pour élaborer la suite de leur plan. Altaïr était parvenu à la convaincre de rejoindre leur projet de rachat hostile de la Vigor&Vanguard moyennant quelques conditions mais il estimait que cela en valait largement la peine. Elle allait faciliter leur rencontre avec Absilias, une seconde fois. Mais cette fois-ci, ils n’allaient rien lui vendre, ils venaient pour le forcer à leur céder toute sa société et ce, grâce au concours d’un télépathe. Certes, la méthode était déloyale et même parfaitement illégale et condamnable par l’Arbites mais le tout était ne pas se faire prendre.
    L’entretien se déroula comme prévu. Les gardes et autres laquais furent congédiés par Livia et seul un des adeptes dû rester présent, sous peine d’éveiller les soupçons. Altaïr prit soin justement de le noyer sous une telle pile de paperasse qu’il ne prêta pas véritablement attention au psyker qui les accompagnait et qui venait de prendre le contrôle mental d’Ashram Absilias. Sa mémoire des dernières minutes allaient être effacée puis reconstruite avec la certitude d’avoir vendu sa compagnie pour une très coquette somme à Uriah Goldberg. En réalité, il venait de la lui céder pour strictement rien. Il n’en aurait évidemment aucun souvenir et serait à présent persuader de prendre une retraite bien méritée, loin d’ici. Du moins, jusqu’à ce qu’un beau jour, il découvre la supercherie et l’absence de fonds sur ses comptes.
    -Il faudra quand même le tenir à l’œil, le père Absilias, lâcha Altaïr, tout bas à la Brute tout en le prenant à part. Je ne tiens pas à ce que dans un mois ou deux, il fasse tout capoter en hurlant à l’escroquerie chez l’Arbites.
    -T’inquiète, on pourra s’en occuper. Il peut toujours lui arriver un accident d’ici là.
    -Tu sais que Livia a émis des conditions…
    -Ne pas le tuer là… Oui, je sais bien. Mais s’il meurt d’un accident dans dix jours, comment savoir d’où ça vient ?
    -Je sais, mais Livia m’en voudrait et on va avoir besoin d’elle. C’est surtout leur numéro deux, Klovitz, qu’il faudra écarter dès qu’on le pourra.
    Livia fit justement signe à Altaïr de venir la rejoindre, alors qu’Absilias était occupé à signer les documents avec Uriah. Il vint la rejoindre à côté de la vaste cheminée où crépitait un feu de bois.
    -Maintenant que tout ceci est à vous, j’espère que vous allez tenir vos engagements, lui dit-elle à voix basse en lui prenant le bras.
    -Comme je te l’ai dit, on te doit une fière chandelle sur ce coup-là. Tu as ma parole, il ne lui arrivera rien.
    -Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais il vaudrait mieux prier pour qu’il ne s’en rappelle pas.
    -Regarde comme il a l’air heureux, n’allons tout de même pas gâcher la joie de ton vieux patron.
    -Ex-patron, à présent… Justement, je compte me charger de lui. Je connais bien ses habitudes, je vais préparer son départ en douceur.
    -C’est élégant de ta part.
    -Je fais surtout cela pour nous, Syl. Votre coup est tordu mais ne manque pas d’intérêt.
    -Et je t’en suis reconnaissant, sois-en assurée.
    -Alors, nomme-moi à la tête de Vigor&Vanguard et notre accord sera scellé. Je travaille pour vous et je reprends la partie commerciale en main.
    -Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête mais c’est plutôt une excellente idée et je pense que cela devrait même arranger nos affaires.
    -Ton jeune capitaine accepterait-il mon offre ?
    -Uriah en sera ravi, tu peux me croire. Considère que c’est comme si c’était fait.
    Son attention fut attirée par la Brute qui venait de leur signaler que le contrat d’achat venait d’être signé. Absilias, content de lui, demanda de faire apporter une bonne bouteille.
    Une fois, cette politesse passée, Uriah et ses hommes décidèrent de prendre congé. Livia vint trouver Altaïr et lui glissa tout bas :
    -Je me charge d’Absilias, tu peux compter sur moi.

    Ils retournèrent en direction du Morning Star en cette fin d’après-midi. Uriah en avait encore le tournis, réalisant avec peine qu’il venait de mettre la main sur sa première compagnie chartiste. En une journée, il venait de se retrouver à la tête de trois navires. Certes, il leur restait encore à soumettre ou liquider Corvin Klovitz, mais il préféra laisser Altaïr et la Brute trouver la façon de résoudre cet épineux problème. Pour l’heure, il sentait la tension monter d’un cran. Dans une heure, il devait retrouver Ludivine dans un des restaurants de la station et jamais il ne s’était senti aussi nerveux. Là, il n’était pas seulement question de faire la cour à une jolie demoiselle de la noblesse impériale afin de gagner ses faveurs. Les armes dont disposait Ludivine Frae Spinaiser étaient parfaitement capable de le terrasser sans avoir besoin de faire parler la poudre, aussi assurément qu’un bolt en plein coeur. Tous deux voulaient ardemment la même chose, mais peut-être pas avec les mêmes moyens ni avec les mêmes finalités. Restait à savoir lequel des deux, allait convaincre l’autre. Est-ce que l’ambitieuse Ludivine serait la plus rusée et la plus rapide, mettant la main sur la Burden Alliance des Kysnathian, laissant ainsi Uriah en position de faiblesse face à elle ? A trois navires contre six, Uriah ne pourrait pas gagner et serait contraint de partir ou pire, de se soumettre face à sa puissance de feu.
    Uriah n’avait pas le choix, il allait devoir la séduire avec son idée d’alliance, ou la séduire tout court, lui proposant bien plus qu’un partenariat commercial. Tout allait se jouer là et maintenant, au cours de ce repas. Il se tourna vers Altaïr et la Brute, tout en desserrant le foulard autour de son cou.
    -Convoquez Djoko, je vais avoir besoin de toutes vos lumières à tous les trois sur ce coup-là car je n’aurai absolument pas le droit à l’erreur. On joue l’avenir de la dynastie, là…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/11/2023 à 01:50 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, ils se trouvaient devant le restaurant situé dans la spire, là où Uriah avait donné rendez-vous à Ludivine. L’établissement s’appelait le Point de Mandeville et offrait une vue panoramique exceptionnelle sur les étendues stellaires, idée de dominer les mornes docks orbitaux situés un peu plus bas. Encore plus en contrebas, on pouvait percevoir le monde stérile ocre gris autour duquel la station orbitait ainsi que Shadim, son satellite bosselé. Dans le lointain, le soleil du système Grief, lui, faisait son apparition toutes les heures, derrière les baies polarisées, au rythme de la révolution de Port Vengeance. En approchant de l’établissement, Uriah eut un mouvement d’hésitation en scrutant l’intérieur du restaurant depuis ses hautes vitres en ogives. Comme la plupart des bâtiments sur la station, il était difficile, voire impossible de faire la moindre différence entre une architecture militaire défensive et celle, civile et gothique. Tout n’était que voutes en armaplast et plastacier, coursives renforcées, tourelles et batteries de défenses, sas blindés de décompression et cloisons anti-incendie, le tout dans un camaïeu de patines de gris et de rouilles. Les crânes grimaçants omniprésents, représentant l’Empereur-Dieu ou l’Omniméssie, ainsi que les Aquila impériaux et les bannières de la Flotte ne faisaient que renforcer cette impression martiale. Ce tableau était pourtant l’environnement habituel de la plupart des citoyens de l’Imperium. Un quotidien où une éternité de guerres avait façonné la vie de tous les jours de l’humanité. Pour Uriah et ses hommes cela revenait à poser les pieds sur une énième station orbitale ou un énième monde ruche, loin de la splendeur et le relatif confort de leur antique frégate.
    -Elle est déjà là. Je la vois, elle est seule à une des tables. Elle est en avance, leur dit Uriah.
    -Ses trois compagnons sont là aussi, lâcha Altaïr qui venait de les repérer. Ils sont installés à une table, au fond de la salle.
    -Eh bien dans ce cas, inutile d’attendre, allons-y aussi, ajouta La Brute. On va faire comme eux et prendre une table idée de laisser Uriah à son rendez-vous.
    -En vérité, je serais plutôt d’avis d’aller directement à leur table à tous les trois. Autant faire connaissance tout de suite et ne pas tourner autour du pot, lui répondit Altaïr.
    -Quoi ? Lâcha la Brute alors que Djoko émit un petit rire, trouvant justement l’idée excellente. Il tapota l’épaule d’Altaïr avant de lui emboiter le pas.

    Uriah s’était mis sur son trente-et-un pour l’occasion. Rien de très extravagant, mais il avait tenu à sortir son costume redingote rouge sombre et noir qui allait parfaitement avec ses bottes et son foulard en soie. La broche en or de la Maison Goldberg, fièrement épinglée sur sa veste aux boutons en formes de crânes. Il laissa son chapeau à plumes et son épée au fourreau à la réceptionniste qui l’accompagna à la table de Ludivine avant de le laisser avec quelques politesses. Des servo-crânes grimaçant installés dans de petits tabernacles diffusaient depuis leur ampli-vox une douce mélodie tirée de la Symphonie « No guts, no glory » de Ratisbore Hammerbach.
    Ludivine reposa son verre de vin blanc et l’accueillit avec un sourcil relevé. Il s’approcha d’elle et effectua un baise-main.
    -Vous êtes très en beauté, lui dit-il.
    Elle portait une longue robe en cyruline émeraude cousue de fils d’or, réhaussée de dentelles et où scintillaient quelques gemmes dont un camée représentant ses armoiries. Un pendentif représentant le crâne de l’Empereur-Dieu complétait sa parure. De sa longue chevelure aux boucles dorées ramenées en un chignon élaboré, Uriah pouvait deviner des implants cérébraux très certainement en titanium. Il vit qu’elle portait quelques paillettes sur ses joues, ce qui mettaient ses yeux violets très en valeur.
    -Ce n’est qu’une simple robe. En général, je n’en porte jamais, je n’aime pas ça. Je préfère des tenues plus fonctionnelles.
    -Je trouve que cela vous va à ravir, au contraire.
    -Au contraire de quoi ?
    -De… De rien du tout ! Je pense que… Je… Rien.
    -On m’avait pourtant recommandé de porter une armure pour ce soir, mais j’ai trouvé cela quelque peu inélégant, vous ne trouvez pas ? Finit-elle par lui avouer avec une petite moue.
    -Craindriez-vous un quelconque danger ?
    -Absolument pas, lui dit-elle en soutenant son regard alors qu’un des serveurs vint leur présenter la carte. De son double-bras augmentique, il leur présenta le menu et fit ses recommandations sur le filet mignon de grox et le consommé d’ambull. Uriah n’écoutait que d’une oreille. D’un œil discret, il vit que ses trois compagnons venaient de prendre place à la table des officiers de Ludivine.
    Altaïr avait été le premier à les rejoindre. Il s’était présenté tout en leur demandant la permission de s’assoir avec eux. Djoko et la Brute lui avaient juste emboité le pas, tout en tirant une chaise avec eux.
    Le plus costaud des trois, un colosse barbu et brun qui devait avoir la quarantaine, reposa sa bière et lui désigna la chaise libre.
    -Au moins, on n’aura pas à vous chercher bien loin… Lui dit-il avec un accent étranger.
    Altaïr leur sourit et prit place. Ses deux compagnons en firent de même. Ils se présentèrent tous les trois selon leurs noms et titres.
    -Sylmann Altaïr, Grand Intendant de la Maison Goldberg et voici Monsieur Brute, notre Premier officier ainsi que Djokovitch Van Bergen, notre Maitre Timonier.
    -Enchanté. Je suis Corvin Vesuvio, Maitre Militant de la Maison Frae Spinaiser, répondit-il tout en appelant une serveuse. Lui avec sa tablette, c’est Syulf Solimar, notre sénéchal et elle c’est Sinsindra Vendenrisch, notre pilote. Vous prendrez bien quelque chose ?
    -Un amasec pour ma part, répondit Altaïr.
    -Trois amasec, dans ce cas, compléta la Brute à l’attention de la serveuse qui prit commande, hocha la tête et s’en retourna vers le comptoir.
    -Ainsi, vous êtes l’As des As, demanda la pilote à l’attention de Djoko, avec un petit sourire intrigué. Installée nonchalamment sur son fauteuil, petite et brune, à peine la trentaine, elle portait une combinaison moulante élaborée et une longue cape. Un microvox accroché à son oreille était activé. D’ailleurs, les trois en portaient un aussi, ce que la Brute et Altaïr avaient noté. Comme eux, ils écoutaient évidemment ce qui se passait à l’autre table.
    -Je vois que ma réputation m’a précédé.
    -‘parait que vous étiez pas mauvais, à une certaine époque avec une navette Aquila.
    -Pourquoi juste à une certaine époque ?
    -L’écoutez pas, lâcha Syulf, elle vous fait marcher. Sinsin est une ancienne pilote de Thunderbolt, elle a fait quelques coups d’éclats en abattant pas mal de chasseurs Hellblade lors de la bataille de Golgotha et depuis elle a tendance à faire l’insolente.
    -Pilote de Thunderbolt ? Une tête brûlée, donc… Répondit Djoko amusé, tout en récupérant son verre d’amasec que la serveuse venait de leur ramener.
    Elle leva son verre vers lui, avec un petit sourire.
    -Et toi, ça te manque pas de grimper aux arbres au lieu d’être là à bétonner ?
    -C’est quoi cette allusion ? Lâcha Altaïr avec un petit rire.
    -C’est juste du langage codé entre pilotes, lui répondit Djoko, soudain amusé.

    Ludivine finit par remercier le serveur avec un petit sourire tandis que ce dernier terminait de prendre leur commande.
    -Mettez aussi une bouteille de Dammassine, un Château Kataline, an III, l’année de naissance de Mademoiselle, ajouta Djoko.
    -Un excellent millésime. Tout de suite, Monsieur.
    Le serveur effectua une courbette et s’éloigna afin de transmettre leur commande.
    -J’apprécie l’attention, finit-elle par lui dire.
    -Je tenais juste à vous féliciter pour votre récente acquisition. Une occasion de trinquer…
    -La Silent Dominion ? Oh, oui, c’était une belle opportunité commerciale que je ne pouvais laisser passer. D’ailleurs, à ce sujet, j’avoue que vous m’avez surpris. Comment vous y êtes-vous pris ?
    -Pour ?
    Elle leva les yeux au plafond.
    -Allons, nous sommes entre nous… La Vigor&Vanguard ? Le vieil Absilias ne voulait absolument pas vendre alors que moi, j’étais à deux doigts d’y parvenir.
    Uriah eut un petit sourire.
    -Disons que j’ai quelques ressources.
    -Ce n’est pas très fairplay. Je comptais l’acheter.
    -Et moi, je comptais acheter la Silent Dominion. Nous voilà donc au milieu d’un dilemme à devoir résoudre.
    Le serveur revint avec la bouteille de Dammassine placée dans un sceau à glace et leur servit une coupe à chacun.
    -C’est très simple. Une fois que j’aurai acquis la Burden Alliance, vous n’aurez d’autre choix que de me céder votre compagnie. Et là, nous serons quittes.
    -Je vois pourtant une autre possibilité à ce tableau, ma chère.
    -Ah oui, vraiment ?
    -Oui. Un partenariat. On s’associe tous les deux, on monte une dynastie commerciale et on fait plier Gregor Kysnathian qui n’aura d’autre choix que de nous céder sa société chartiste.
    Ludivine resta pendant quelques instants à dévisager Uriah avec un air intrigué. Voyant qu’il avait l’air de ne pas plaisanter, elle éclata soudain de rire, ce qui fit tourner les têtes des autres convives du restaurant.
    -Je suis très sérieux…
    Elle prit quelques instants pour reprendre son sérieux, tout en posant une main sur son corset afin de reprendre son souffle.
    -C’est bien ce qui m’inquiète. Vous êtes surtout complétement inconscient, si vous voulez mon avis. Déjà, on voit que vous ne connaissez pas les méthodes des Kysnathian. Ces gens sont plus dangereux qu’on ne le pense.
    -En vérité, j’en ai déjà eu un aperçu. Ils ne me font pas peur.
    -On ne parle pas là de quelques assassins de bas étages. Je parle de leur puissance de feu dans le système Galen.
    -Je saurais gérer ce problème, ce n’est pas un souci.
    - Je veux ces trois compagnies chartistes et je les aurais, lui dit-elle. C’est une question essentielle pour ma Maison.
    -Manque de chance, j’en ai déjà une et je compte bien mettre la main, moi aussi sur la dernière.
    -Nous verrons cela…
    -C’est tout vu. Je dispose d’une frégate de classe Tempest qui est plus rapide que votre classe Turbulent.
    Elle se pencha vers lui, avec un air soudain amusé.
    -Oui, mais il se trouve que la mienne est plus longue que la vôtre, mon cher Uriah.
    Il eut à son tour, un sourire amusé et ne put réprimer un petit rire devant l’estocade qu’elle venait de lui porter. Il était en train de tomber amoureux de cette fille et cela était en train de l’embarquer dans une véritable tempête warp.
    -D’accord, peut-être bien, mais ce genre de compétition ne va pas arranger nos affaires.
    -Vous aimez le défi, Uriah ?
    -Si j’ai des chances de gagner, alors oui.
    Son allusion ne concernait pas que cette histoire de chartistes.
    -Vous risquez aussi de perdre, lui dit-elle.
    -Perdre quoi ?
    -Disons que l’un de nous va mettre la main sur la Burden Alliance. Il gagnera alors la partie.
    -Et celui qui perd ?
    -Celui qui perd aura perdu. Mais celui qui gagne, remporte les trois compagnies.
    -Ma proposition de partenariat était bien moins risquée que votre proposition, croyez-moi. Nous serions gagnants tous les deux.
    -Et se priver du frisson de cette aventure ? Une compétition, le danger qu’elle procure ? Vous voulez vraiment m’impressionner, Uriah Goldberg ?
    -J’en rêve à chaque instant, oui…
    Elle réprima un petit sourire qui empourpra légèrement ses joues pailletées.
    -Comment m’allier avec un capitaine dont je ne connais aucunement les prouesses ? Nous sommes des libres marchands, Uriah. Des aventuriers intrépides, des corsaires plein de fougue, de panache et de folie. Nous sommes amenés à soumettre des mondes, balayer des flottes xenos par devoir et apporter la lumière de Terra dans les ténèbres. Nous sommes amenés à vivre de grands destins en ces temps troublés… Pas juste à jouer aux marchands. Vous voulez me prouver qui vous êtes ? Alors battez-moi à cette course si vous le pouvez. Vous voulez m’impressionner ? Alors soumettez Gregor Kysnathian et là je serai peut-être impressionnée et à ce moment-là, je reconsidèrerai votre offre.

    Une heure plus tard, Uriah était en train de rejoindre le ponton menant au Morning Star, en compagnie de Djoko, Altaïr et la Brute.
    -On peut dire que ça s’est bien passé, non ? Lâcha la Brute.
    -Appelle la passerelle, on appareille.
    -Maintenant ? Tu voulais pas qu’on tente de retrouver ce type en fuite avant ?
    -Non. On part tout de suite.
    -Quel cap ? Lui demanda Djoko.
    -Quelle question… On met le cap vers le système Galen. Je dois gagner cette partie, figure-toi.
    -Tu sais que tu joues gros avec cette fille ? Lâcha Altaïr, soudain soucieux. On risque de tout perdre avec tes bêtises.
    Uriah se tourna vers Djoko, n’écoutant pas Altaïr.
    -La corvette d’Absilias, tu crois qu’elle peut appareiller ?
    -Le Vanguard Avenger ? C’est un très vieux navire mais oui… Son esprit est toujours en éveil. Il est rapide mais il lui faudrait un équipage surtout.
    -Vois s’il peut être opérationnel cette nuit, qu’il nous accompagne. Nous en tout cas, on décolle, je veux tout le monde sur le pont, prêt à appareiller dans moins d’une heure.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 11/11/2023 à 15:43 Citer ce message

    Une fois à bord, Uriah réunit ses principaux officiers dans le strategium pour une réunion rapide. Il comptait sur sa toute récente acquisition de la corvette d’Absilias, le Vanguard Avenger pour participer à cette course contre la montre avec Ludivine. Djokovitch leur détailla les points techniques du navire, ancien et un peu fragilisé mais bien plus rapide que le Morning Star, du moins s’il disposait d’un équipage suffisant. Or, pour l’heure, il avait à peine trente pourcent d’hommes d’équipage à bord avant un réel manque d’officiers de pont et de technoprêtres.
    -Nous allons transférer une partie de nos propres effectifs à son bord et nous-même allons voyager avec le Vanguard Avenger. Leur annonça Uriah.
    -Et le Morning Star ? Lui demanda Djoko.
    -Il va nous suivre et devra nous rattraper, je confierai le commandement à un de nos officiers subalternes.
    -La corvette dispose-t-elle d’un navigator ? Je ne pense pas…
    Uriah se tourna vers Altaïr qui était en train de compulser, lui aussi, les documents relatifs au Vanguard Avenger, éparpillés en pagaille sur la table devant eux. Livia Damael qui était présente, à sa demande, prit la parole.
    -Le Vanguard Avenger ne dispose plus de navigator depuis des décennies. Il a navigué il y a encore quelques années de cela, mais n’est plus sorti du système Grief depuis un bon siècle.
    -Il va falloir en recruter un, dans ce cas.
    Uriah fit signe à la nouvelle navigator qu’ils venaient tout juste de recruter pour le Morning Star. La jeune femme était restée dans l’ombre, accrochée à son long bâton occulte, son visage troublant dissimulé derrière ses longs cheveux, aussi noirs que ses robes. Elle approcha.
    -Capitaine ?
    -Jocasta… Nous avons besoin de vos lumières. Quitter le système Grief et rejoindre le système Galen pourrait nous prendre combien de temps ? En passant par le warp, bien entendu.
    Elle se pencha sur les cartes disposées sur la table. Elle laissa ses doigts aux longs ongles pointus peints en noir parcourir lentement les annotations et coordonnées décrivant les routes. Ses yeux se révulsaient, le temps qu’elle se concentre. Elle finit par parler alors que de la vapeur sortait de ses lèvres fendues. Même sa voix paraissait toute droit sortie d’un tombeau. Derrière ses longs cheveux, on pouvait deviner ses yeux d’un bleu éthéré ainsi que les cicatrices ésotériques qui couturaient son visage encore jeune. Seul son œil warp restait dissimulé derrière son bandeau de la Navis.
    -La route est tracée… La voie est connue et nous l’avons déjà parcouru par le passé… Nous devrons entrer en communions avec l’esprit du navire, pourtant je le sens troublé… Oui… Atteindre le point de Mandeville avant de réaliser le saut. Cela pourra prendre une semaine si l’esprit qui nous guide n’est pas réticent… Deux jours warp, je dirais avant d’atteindre le système Galen. Le saut sera court mais non sans danger… Les courants du warp sont perturbés en ce moment. Si nous parvenons à sortir… Une semaine de plus pour rejoindre Galen VI…
    Elle prit une inspiration et sa voix revint à la normale.
    -Cela reste une estimation et non une certitude. Les courants de l’aether sont obscurcis de nos jours.
    -Ce serait possible à réaliser sans navigator ?
    Un petit ricanement jaillit de sa bouche. Une rire presque enfantin qui contrastait avec son apparence sinistre.
    -A moins que vous ne vouliez damner les âmes de tout votre équipage en les offrant en pâture aux rejetons des enfers, je vous le déconseille fortement, capitaine.
    Uriah jeta un regard vers ses officiers puis reporta son attention vers elle.
    -Dans ce cas, comme nous avons deux vaisseaux, nous allons avoir besoin d’un second navigator. Vous en connaitriez un de disponible, ici sur la station ? C’est assez urgent.
    -Je ne suis pas censée en parler… Mais oui, il y en a deux que je connais un peu. Mais je préfère vous prévenir, ils sont dans ma situation. En fuite, ou recherchés.
    -Ce ne sont pas des renégats, au moins ?
    -Comme pour moi, leurs maisons ne sont pas… très prestigieuses, mais normalement rien de plus.
    -Du moment qu’ils n’ont pas l’Inquisition aux trousses, je suis preneur. Vous savez où les trouver ?
    -Aux dernières nouvelles, ils se terrent dans le quartier de la Timone, là où se trouvent les bars à pilotes de la station.
    Uriah désigna Altaïr.
    -On connait l’endroit, tu pourrais envoyer quelqu’un sur place pour les retrouver ?
    -C’est quoi leurs noms ?
    -Caleb Tarkson et Nospherati Ptolemy, répondit Jocasta. Caleb, il y a des chances que vous le trouviez dans une des maisons de jeu. Quant à Nospherati, je ne serai pas surprise qu’il soit vautré dans un de ces bars à hétaïres.
    Altaïr nota les informations sur sa tablette, lançant un petit regard vers Djoko qui préféra lever les yeux au plafond avec un petit sourire.
    -Je vais mettre Säde et Kenway sur le coup avec leurs informateurs. Ils vont nous les trouver, répondit le sénéchal.
    -Parfait. Une fois localisés, je veux que Mademoiselle Jenassis soit consultée sur leurs capacités.
    Altaïr hocha la tête.
    Uriah reporta enfin son regard vers Livia Damael qui était présente à la demande d’Altaïr. Elle était assise à côté de lui et était restée silencieuse jusque-là.
    -Lieutenant Damael, vous pouvez nous commenter vos rapports sur les officiers du Vanguard Avenger ? J’ai cru noter que vous craigniez une sorte de mutinerie à bord si nous venions à en prendre le contrôle ?
    -C’est tout à fait ça, capitaine. Les officiers subalternes restant à bord m’en ont fait part. Ils sont dirigés par le lieutenant Octus Holder, le chef de la sécurité. Lui et ses hommes se disent prêts à prendre les armes pour défendre leur navire.
    Uriah l’interrompit d’un geste de la main.
    -En temps normal, j’apprécierai un tel gage de loyauté de la part de mes hommes d’équipage et c’est là, tout ce que j’attends de mes officiers. La Brute, tu vas m’accompagner sur le Vanguard Avenger justement. Réquisitionne quelques escouades de nos meilleurs hommes. Ceux parmi les troupes de marine du lieutenant Haxton. Nous allons parler à ce lieutenant Holder et ses mutins.
    -Parler ? S’étonna La Brute.
    -Oui. Je suis certains qu’ils assimileront parfaitement ton sens de la diplomatie. Lui dit-il avec un large sourire carnassier que La Brute lui retourna.
    Livia toussota légèrement.
    -Si je puis me permettre, capitaine… Je souhaiterai vous accompagner, je connais le navire et certains de ces hommes et je pourrais très certainement intercéder auprès d’eux.
    -J’apprécie votre soutien, lieutenant Damael mais je souhaite plutôt vous confier une tout autre tâche. Vous m’avez confié que vous souhaitez prendre le commandement de la corvette dont nous parlons et en devenir son capitaine, n’est-ce pas ?
    -En effet, capitaine…
    -Bien… Il se trouve que j’ai besoin de cette corvette mais dès mon retour du système Galen, je pourrai être enclin de répondre favorablement à votre demande. Mais avant cela je vais vous confier une ou deux tâches, lieutenant. Je viens d’acquérir cette compagnie chartiste, or, cela ne vous aura pas échappé que je n’ai pas encore pu mettre la main sur le fleuron de cette compagnie, le Vigor Invictus, notre gigantesque transport de classe Universe. Savez-vous précisément où il se trouve en ce moment ?
    -Eh bien… Selon les derniers rapports, il serait en train de faire route depuis le sous-secteur Badab et doit actuellement être en plein voyage warp. Il est attendu ici, d’ici une dizaine de jours.
    -Bien. Une dizaine de jours donc ? Si j’en crois les estimations de notre navigator, mademoiselle Jenassis, nous serons alors certainement dans le système Galen à ce moment-là. De fait, nous ne pourrons pas l’accueillir, ici sur la station. Voilà pourquoi je dois vous confier cette tâche. D’une part parce que vous connaissez Corvin Klovitz son capitaine et d’autre part… Altaïr va vous faire rédiger une lettre d’accréditation et une lettre de commerce, au nom de la Maison Goldberg ainsi qu’une lettre de crédit pour les frais. Pour commencer, vous allez veillez à ce qu’Ashram Absilias soit envoyé très loin, le plus loin possible de ce sous-secteur, voire de ce segmentum. Une fois chose faite, vous accueillerez Klovitz dès son arrivée sur la station, sans tarder et lui remettrez la lettre que nous allons vous confier. Il devra alors nous remettre son navire et sa loyauté.
    Livia devint soudain livide.
    -C’est que… Sauf votre respect, capitaine… Je serai seule et...
    -C’est la raison pour laquelle La Brute va vous laisser une escorte de ses meilleurs hommes. Le lieutenant Klovitz devra obtempérer d’une manière ou d’une autre. Je vous laisse le convaincre, vous saurez faire ça merveilleusement bien, je n’en doute pas.
    -Et… S’il refuse ?
    -Eh bien vous le ferez abattre.
    Il désigna alors Djoko.
    -De ton côté, vois avec la passerelle, je veux que l’on transfert dans les plus brefs délais, assez de matelots, d’officiers, de troupes et de technaugures sur le Vanguard Avenger. Deux, trois mille hommes, pas plus, juste de quoi être en capacité à naviguer sans problème.
    -Je m’en occupe.

    Une heure plus tard, Uriah, la Brute, Altaïr, Jocasta Jenassis et plusieurs escouades de leurs troupes montaient à bord du Vanguard Avenger, la navette de classe Cobra arrimée à la station. Ils passèrent les gardes et se dirigèrent vers la passerelle mais furent bloqués en chemin par un rassemblement d’hommes d’équipages, de gardes armés et d’une poignée d’officiers. Une cinquantaine en tout. Tous semblaient fermement déterminés, portant des haches, des pics, des coutelas et quelques armes de poing et fusils à pompe.
    -Ce vaisseau est la propriété de la Vigor&Vanguard, il faudra nous passer sur le corps si vous espérer en prendre le contrôle ! Eructa l’un des officiers dans son uniforme rouge et blanc, son sabre à la main. Un type chauve, moustachu et puissamment bâti. Il transpirait à grosse gouttes.
    Uriah fit un pas en avant.
    -Vous êtes certainement le lieutenant Octus Holder, je présume ?
    L’officier le toisa d’un air méprisant.
    -Tu vas dégager de mon navire, sale petit trou du….
    Il ne termina pas sa phrase. Le lieutenant Haxton des troupes de marine lui logea un tir de pistolet radiant en plein bas-ventre. Il s’effondra sur le pont comme un sac, le souffle coupé et restant là, agonisant. Les hommes d’Haxton venaient de pointer leurs bolters et fusils d’assaut compacts, comme un seul homme tout en retirant la sécurité de leurs armes dans un cliquetis d’armes automatiques. Les pointeurs laser de leurs armes ciblant les têtes ou les torses des mutins.
    Uriah prit alors le temps de retirer ses gants calmement puis sortit de sa veste, le contrat que faisait de lui le nouveau propriétaire de la Vigor&Vanguard. Il le leva devant lui.
    -Peut-être n’aviez-vous pas été informé de ce changement, d’où le malentendu. Voilà donc qui est chose faite. Bien… Maintenant que les négociations sont terminées, je vais vous demander de tous déposer vos armes. Je suis Uriah Goldberg de la Maison Goldberg, votre nouveau seigneur capitaine et à ce titre, je prends possession de ce navire et de son équipage. Que ceux qui le contestent fassent un pas vers la droite.
    Une dizaine d’hommes se décalèrent, un air méprisant et de défi sur leur visage. Au sol, à côté d’eux, se trouvait toujours le lieutenant Holder à se vider de son sang en gémissant.
    Uriah les toisa pendant quelques instants, puis fit un geste vers La Brute.
    -Conduisez ces hommes vers le sas le plus proche et faites-les jeter dans le vide pour mutinerie.
    -A vos ordres, capitaine.
    -Emmenez Holder avec eux, qu’on m’en débarrasse.
    Les hommes d’Haxton les empoignèrent et les emmenèrent avec eux. Certains des mutins ne dirent rien, sans doute par fierté mais d’autres se mirent à gémir ou à hurler, à demander qu’on les épargne et qu’ils venaient de changer d’avis. Leurs cris finirent par devenir des malédictions ou des lamentations désespérées alors que les hommes d’Haxton les conduisaient vers leur sentence.
    Uriah se tourna vers ceux qui avaient obtempéré et déposé les armes. Il leur adressa un large sourire.
    -Bien… Qui est le plus gradé parmi vous ?
    Tous hésitèrent à répondre mais finalement l’un d’eux leva la main. Une main augmentique.
    -Quartier-maitre Kreer, Monsieur.
    -He bien, Monsieur Kreer, j’ai hâte que vous nous fassiez visiter la passerelle.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/11/2023 à 19:41 Citer ce message

    Moins d’une heure plus tard, Altaïr recevait un appel vox. Il vint trouver Uriah après s’être entretenu quelques instants avec son interlocutrice. Ils étaient encore sur la somptueuse passerelle gothique du Vanguard Avenger, occupés à prendre leurs marques avec les officiers subalternes.
    -C’était Sâde. Elle et Kenway ont retrouvé les deux navigators dont nous a parlé Jocasta.
    -Ils sont sur la station ?
    -L’un d’eux, il semblerait.
    Uriah fit un geste de la main vers Jocasta qui était resté en retrait. Elle approcha, appuyée sur son bâton de la Navis.
    -C’est lequel ? Demanda-il à Altaïr.
    -Nospherati Ptolemy a embarqué à bord d’une frégate, un peu plus tôt dans la soirée. Ils n’ont donc trouvé que l’autre navigator… Un certain…
    -Caleb Tarkson, leur répondit Jocasta Jenassis. Et c’est dommage.
    -Dommage ? Pourquoi cela ? Lui demanda Uriah. Vous le connaissez ?
    -Disons que je connais mieux les Ptolemy. Pour l’autre, il faudrait que j’en ai le cœur net et que je puisse le rencontrer. De ce que je sais, les Tarkson sont liés à la contrebande et au jeu.
    Uriah resta un instant à observer Jocasta. Un sourire presque amusé sur les lèvres.
    -Par Terra, il me plairait presque déjà.
    Elle écarquilla ses grands yeux d’un bleu presque électrique qui scintillaient derrière ses longs cheveux noirs comme le vide.
    -Ils sont en affaire avec des vauriens…
    -Nous allons le rencontrer et vous allez justement nous accompagner.
    Il se tourna vers Altaïr.
    -Note l’adresse, on redescend sur le quai.

    Vingt minutes plus tard, ils se trouvaient dans le quartier de la Timone, devant l’enseigne aux néons colorés du Hellstrike, un des bars à pilotes. Ils venaient de rejoindre Säde et Kenway qui étaient restés là, en planque, faisant mine de fumer un cigalho dans les ombres brumeuses et crasseuses des coursives environnantes. Depuis la venelle, ils pouvaient entendre de la technika répétitive qui émanaient du bar.
    -A quoi ressemble notre bonhomme ? Leur demanda Uriah.
    -Tout juste la trentaine. Ténébreux, grand, brun avec une courte barbe et un bandeau autour du front. Il porte une veste rouge et un pantalon noir. Il est dans le fond de la salle, installé à une table avec trois autres types. Ils sont en train de jouer une partie de Rois suicidaires. Répondit Säde.
    -Une partie de quoi ? Demanda Jocasta.
    -Une partie de cartes, lui dit Uriah.
    -Comme le tarot de l’Empereur ?
    -Non… Il eut un léger sourire. Là, c’est un jeu de cartes, un jeu d’argent.
    -Ah… Je ne connais pas.
    -On opère comment, cap’taine ? Lui demanda la Brute.
    -On se sépare, idée de ne pas se faire repérer. Toi, tu restes à l’entrée, des fois que notre ami ait des envie de fuite. Syl, tu iras au comptoir en couvrture. Säde et Kenway, vous restez un peu plus loin, au cas où. Jocasta et moi, on va aller le voir.
    Ils entrèrent dans le bar et suivirent le plan d’Uriah. La salle était pleine et de nombreux pilotes et personnel navigants ou matelots et officiers se trouvaient là. Certains chantaient des chants de marins, d’autres trinquaient à la bonne fortune et à l’Empereur-Dieu tandis que d’autres jouaient aux dés ou aux cartes. Malgré l’ambiance bruyante et enfumée, ils n’eurent aucune peine à localiser Caleb Tarkson. Il était bel et bien installé à une table en train de jouer à une partie de Rois suicidaires.
    Uriah reconnut le jeu tout de suite car Djoko et Altaïr lui avait appris à y jouer depuis qu’il était gamin. Le jeu comporte quatre couleurs. Deux rouges, l’Adeptio et le Mandatio ou respectivement, le Calice et le Trône ; et deux couleurs noires, la Discordia et l’Executeria, ou la Masse et l’Epée. A ces couleurs, sont associés des Figures empruntées au passé mythologique. Selon les versions on y retrouve bien souvent, des rois oubliés ou inventés tels qu’Askander, Kaesr, Lotwic et Karolus auxquelles sont associées les Reines, les Fous et les cartes des Nombres. Chaque carte possède une valeur, mais dans une partie des Rois Suicidaires, ce sont les combinaisons de certaines suites qui priment. Ainsi, en sacrifiant ses Rois, on parvient à gagner la partie, d’où le nom de Rois Suicidaires.
    Jocasta resta un peu en retrait, mais Uriah observa la partie pendant quelques instant, cherchant à déceler un potentiel vainqueur mais ne trouva rien de bien probant. Aucun des joueurs ne semblait dominer la partie. En plus du navigator, il y avait un adepte bossu au teint pâle mais très concentré, un officier de la navale à l’allure charismatique et autoritaire, un gros bras tatoué à l’air hargneux et un pilote de navette au crâne allongé typique de certains hors-mondes. Uriah attendit la fin d’une des parties et approcha de la table avec un grand sourire.
    -Je peux me joindre à vous, messieurs ?
    Le gros bras l’observa d’un air amusé, bien qu’un peu méprisant.
    -On parie de l’argent à cette table, petit. On n’est pas là pour jouer.
    -Et qu’est-ce qui vous dit que je n’ai pas l’intention de jouer de l’argent, moi aussi ?
    -Mille crédits pour vous assoir, jeune homme. La mise de départ est de cinq cents, lui dit l’officier.
    Uriah prit une des chaises et prit place. Il sortie de sa veste plusieurs plaquettes de crédits et les posa sur la table.
    -Distribuez les cartes.
    Plusieurs tours passèrent pendant lesquels il resta à observer ce qui se passait à la table, sans pour autant parvenir ni à déceler la moindre triche, ni même à gagner. Ce qui amusa le gros bras qui venait de rafler une belle mise. Depuis son microvox, Uriah pouvait entendre les échanges de ses équipiers qui restaient en position, mais ne sachant pas véritablement comment intervenir. Les parties continuaient et Uriah n’était clairement pas en veine.
    Restée un peu en retrait, installée à une table bien en vue de Tarkson, Jocasta l’observait pendant sa partie, faisant en sorte qu’il la voit. Il restait concentré sur son jeu mais elle ne put s’empêcher de voir qu’un à moment, il l’avait repéré, rivant son regard vers le bandeau qu’elle portait sur le front. L’espace d’un instant, elle sut qu’il venait de comprendre qui elle était. Une navigator, tout comme lui. Ce fut à ce moment qu’il rafla la mise sur un carré de Rois qui l’emportait sur toutes les autres suites. Un coup très rare. Il venait de remporter une très jolie somme au moment où, peut-être déconcentré, une carte glissa de sa manche, dévoilant un cinquième Roi.
    Il resta figé, l’espace d’un instant. Le gros bras et l’officier se levèrent presqu’en même temps. Le premier renversa la table, les cartes et les billets, bien décidé à se jeter sur ce maudit tricheur. L’officier venait de dégainer son pistolet laser et l’adepte tomba à la renverse. Vif comme un félide, Tarkson se jeta de côté, alors que le gros bras bouscula une serveuse qui renversa son plateau et les verres pleins sur la table voisine et percuta l’officier qui s’écroula sur une autre table. Un tir de laser partit vers le plafond. En moins de deux secondes, la situation bascula dans un chaos total. Les cris, la fureur et les premiers coups de poing commencèrent à pleuvoir. Altaïr et Jocasta perdirent le contact avec leur cible en un instant. Uriah venait d’éviter de justesse qu’une chaise le percute. Il bascula sur le côté et eut juste le temps de voir Caleb Tarkson, à quatre pattes sous une table, occupé à fourrer le plus de billets éparpillés au sol dans sa veste. Uriah tenta de se diriger vers lui mais se retrouva bloqué par plusieurs personnes qui venaient de s'empoigner. Il activa son microvox comme il le put.
    -La Brute ! Intercepte-le, il va tenter de nous échapper !
    -Je m’en occupe !
    A peine eut-il terminé sa phrase que Caleb Tarkson venait de surgir de nulle part et se dirigeait, tête baissée, droit vers la sortie. La Brute chercha à l’attraper mais le navigator se faufila telle une anguille entre ses mains et pourtant La Brute avait été chasseur de primes par le passé. Savoir intercepter un individu était plutôt son rayon. Il pesta alors que sa cible lui fila entre les doigts. Il s’élança à sa poursuite tout en activant son microvox.
    -A tous, je me lance à sa poursuite, il se dirige en direction des docks sud.
    Uriah, tout en jouant des coudes, finit par sortir du bar en jurant au bout de quelques instants. Il n’y avait plus, nulle trace de la Brute ou de Tarkson. Il s’élança vers la direction indiquée, à toute jambes, se disant qu’une fois de plus, ça avait trop bien commencé.
    A l’intérieur du bar, Altaïr venait d’aider Jocasta à se relever. La frêle jeune femme avait été bousculée comme une poupée de chiffons et s’était étalée au sol.
    -Dépêchons-nous de sortir de là avant que cela dégénère.
    Elle le regarda, les yeux grand écarquillé, tout en ramassant son bâton et évitant une bouteille qu’elle faillit se prendre en pleine face.
    -Ah parce que vous ne trouvez pas que ça dégénère déjà, là ?
    Il eut un petit sourire en l’attrapant par le bras pour l’emmener avec lui.
    -Une fois que la SecNav va débarquer, croyez-moi ma chère, c’est là que les choses vont véritablement dégénérer et je n’ai aucune envie d’être présent.

    A plusieurs ruelles de là, La Brute s’était lancé dans une course effrénée. En plus d’être rapide, Tarkson était agile. Il parvenait, le Trône savait comment à éviter les obstacles et les passants et La Brute eut même l’impression – parfois – qu’il disparaissait totalement pour apparaitre à quelques mètres de là. Pourtant, il n’avait pas été très difficile de le suivre à la trace, il suffisait de suivre les billets qu’il avait laissé au sol, tombés de sa veste et que les badauds ramassaient en louant l’Empereur et tous ses saints. Il avait bien failli l’attraper à un moment en tentant de le plaquer au sol, mais une fois de plus, il lui avait glissé entre les doigts. Malgré cela, il était parvenu à regagner quelques mètres en sollicitant l’aide de ses muscles synthétiques implantés. Grace à eux, il pouvait courir longtemps sans ressentir la fatigue et ce satané mutant avait beau user de ses tours, il finirait par l’avoir. Sans ralentir, il activa son microvox d’une main.
    -Lindholm, Kenway, il va prendre à droite, à l’angle de Macharius et Via Decima. Votre position ?
    Il n’eut aucune réponse et en tournant à l’angle de la venelle en dérapant au sol, il le vit, vingt mètres devant lui, se précipiter vers une lourde porte coupe-feu hydraulique en train de se refermer. Il allait passer et La Brute sut que lui, n’aurait jamais le temps de passer à son tour, se retrouvant bloqué du mauvais côté de la porte blindée. Au moment où Tarkson allait s’élancer pour franchir la porte, il se prit le poing de Säde en pleine face et vacilla soudain, surpris. Kenway lui bloqua toute retraite et l’empoigna par derrière tandis que Säde pointa son pistolet inferno sur lui.
    -Un seul mauvais tour et je vous fume.
    La Brute parvint jusqu’à eux en levant ses mains en signe d’apaisement.
    -Beau travail à tous les deux mais baissez vos armes. Je ne tiens pas à attirer l’attention plus que ça.
    Säde obtempéra et rengaina son arme. Uriah venait de les rejoindre, un peu essoufflé, il approcha et Tarkson ne put s’empêcher de froncer les sourcils en le reconnaissant.
    -Ecoutez, je ne cherche pas les embrouilles… Désolé pour la partie de tout à l’heure, je veux bien être beau joueur, je vous laisse le fric et on est quittes, d’accord ?
    -Gardez l’argent, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Lui dit Uriah tout en cherchant à reprendre son souffle.
    -Quoi donc, alors ?
    -Vous êtes Caleb de la Maison Tarkson ?
    -Par le warp… Vous êtes qui, vous ?
    -Je prends donc ça pour un oui.

    Un peu plus loin derrière lui, Altaïr et Jocasta venaient de les rejoindre, totalement à bout de souffle. Tarkson la reconnut et reporta son regard vers Uriah. Il observa leur accoutrement à tous les cinq. Ils ne l’avaient pas encore tué et n’étaient même pas là pour l’argent, ce qui devenait réellement intéressant bien qu’intriguant.
    -Vous me voulez quoi ?
    -Nous savons qui vous êtes et j’ai besoin d’un second navigator. Maintenant. Vous êtes en capacité à guider un vaisseau dans le warp, oui ou non ?
    -C’est bien dans mes cordes mais…
    -Mais ?
    Jocasta approcha et les interpela.
    -On aura le temps d’en discuter plus tard, la SecNav… ils approchent… Vite !
    La Brute fit signe à Säde et Kenway.
    -Brouillez les pistes. Nous, on dégage.

    Une heure plus tard, Uriah ressembla ses officiers sur la passerelle du Vanguard Avenger et ordonna à chacun de prendre position à son poste, y compris Jocasta Jenassis et Antinoé, son astropathe. Djokovitch, lui, était aux commandes du Morning Star avec les autres officiers subalternes. Caleb Tarkson avait accepté leur proposition et serait donc son navigator. Il n’avait pas eu trop de réticence à accepter et Jocasta avait même deviné que cela l’arrangeait presque de décamper de Fort Vengeance, comme cherchant à fuir quelque chose de son passé. Pour l’heure, elle allait se trouver sur l’Avenger mais elle se dit qu’elle aurait bien l’occasion d’en apprendre plus sur lui, le temps venu. Pour l’instant, leurs deux navires étaient sur le point de quitter la station spatiale.
    -Maitre-vox, ouvrez un canal avec le Morning Star. Informez le lieutenant Van Bergen que nous sommes parés à appareiller, lâcha Uriah installé sur son trône de commandement, dominant toute la passerelle du Vanguard Avenger.
    -A vos ordres, lui répondit l’officier-vox.
    Il connecta ses interfaces crâniennes au trône et laissa les flux de données couler en lui comme son propre sang s’écoule dans ses veines. L’esprit du navire était ancien. Antique même. Il avait tendance à communiquer avec un langage cryptique, presque comme celui d’un vieil adepte, sage et érudit mais parfois victime de sa vision holistique de connaissances qui dépassaient l’entendement pour l’esprit d’un simple mortel. L’Avenger était une merveille d’archéotechnologie, disposant de machines et de systèmes qui avaient dû faire la gloire d’une époque passé de l’Imperium. Ces merveilles technologiques étaient aujourd’hui telles des pièces d’horlogerie de musées. Elles continuaient de fonctionner sans que l’on ne sache comment des humains les avaient conçus par le passé. Ni pourquoi elles consommaient si peu d’énergie en étant plus performantes que les meilleures machines actuelles. Pourtant, les chiffres, les statistiques et pourcentages défilant sous ses yeux ne mentaient pas. Ce navire était plus ancien que le Morning Star. Bien plus ancien et par bien des aspects, il était plus performant. Plus rapide, plus alerte, plus vif. Tous ses systèmes le surclassaient même si le Morning Star restait et resterait son navire. Le Mechanicus était prêt à toute les tractations pour pouvoir, un jour, mettre ses sales doigts mécaniques avides et bien huilés sur de telles reliques.
    Pourtant, l’esprit du Morning Star avait un lien presque filial avec lui et avec les Goldberg. Certes, le warp l’avait quelque peu altéré et nombreux étaient ceux que cela effrayait à bord. Pourtant ce navire n’avait pas son pareil pour fendre l’Immaterium sans souci, qui était son élément, tout comme il savait se faire passer pour ce qu’il n’était pas. Cette malédiction familiale coulait aussi dans ses veines autant que dans celle de son navire. Mais pour l’heure, il allait devoir se familiariser avec l’esprit de cette corvette véloce et la dompter.
    Il leur faudrait quatre jours pour rejoindre la bordure du système Grief et atteindre la zone de saut, le Point de Mandeville. Quatre jours durant lesquelles la vie à bord allait alterner entre routines quotidiennes, préparations et découvertes du navire et de son architecture fabuleuse. La passerelle, en elle-même aurait tout bonnement pu figurer dans un muséum de la marine impériale tant ses cogitateurs quantiques, ses affichages holospex aux moulures en bronze, cuivre et argent que ses plaquages en acajou et en ivoire lui donnaient des airs de laboratoires des temps anciens. Et tout cela n'était rien comparé aux cabines de luxe qui étaient de véritables suites dignes des palaces d’isin. Des salons, restaurants, salles de bal, piscine et librarium des plus fournis complétaient toute la panoplie proposée à une clientèle de voyageurs de luxe qui avaient dû arpenter les ponts de ce navire dans un autre temps. Ce navire n’avait jamais été conçu pour le guerre, bien qu’il en soit tout à fait capable avec ses multiples batteries de turbo-laser. Non, il avait été conçu essentiellement pour convoyer de richissimes voyageurs en croisière. Uriah se prit à réfléchir. A quelle époque l’Imperium avait-il pu se permettre une telle frivolité ? Pas depuis avant l’Age de l’Apostasie en tout cas. Cela lui donna le tournis lors de ce voyage de quatre jours. Ils disposaient, lui et ses officiers de suite tout bonnement extravagante sur un navire de guerre. Rien que la salle de bain en marbre de chaque suite était bien plus vaste que la plupart des habs de chaque citoyen dans une cité-ruche. Ce navire, s’il était bien utilisé, pourrait rapporter une petite fortune à Uriah. Mais pour l’heure, il était encore loin d’avoir finalisé son projet. Avant cela, il allait devoir consulter l’oracle. Il fit convoquer Antinoé.
    Altaïr lui, passa le plus clair de son temps justement dans l’immense librarium et son laboratorium attenant, occupé à dévorer d’anciens grimoires et à s’amuser à effectuer quelques expériences scientifiques lorsqu’il n’était pas de quart sur le passerelle. La Brute, lui, préféra passer ses heures à s’entrainer au maniement des armes avec les troupes d’abordage. Il passa le plus clair de son temps à inspecter les coins et les recoins du navire afin d’en améliorer sa défense, tout comme il passa en revue les batteries laser idée de les tenir en alerte opérationnelle constante. Le luxe tapageur du Vanguard Avenger et de ses salles de bains, librarium et piscines ne l’impressionnait pas. Pour la Brute, chaque espace de ce navire était un potentiel terrain de guerre à exploiter. Le moment venu, il n’aurait pas besoin de laquais aux perruques poudrées faisant des courbettes mais de troupes de choc prêtes à tuer tout ce qui bouge.

    La veille, avant d’atteindre le Point de Mandeville, Uriah réunit Altaïr, la Brute, Antinoé et Jocasta lors d’un diner dans un des salons.
    -Des nouvelles du Morning Star, messieurs ?
    -Il nous suit, même s’il peine à tenir la voilure, capitaine, lui répondit la Brute.
    -Que Djokovitch maintienne sa vitesse et son cap. Il n’est pas question de mollir. A ce sujet, j’ai cru voir passer un rapport d’avaries ?
    -Nos technaugures sont sur le coup. Nous avons un début de panne sur les boucliers. Cela pourrait prendre deux ou trois jours de réparation.
    -A quoi est-ce dû ?
    -Le navire est ancien… Sa coque est dans un triste état et c’est déjà une chance qu’il ne parte pas en morceaux, si vous voulez mon avis, lui répondit la Brute.
    -Je veux un rapport quotidien sur le sujet. Sinon… Des nouvelles du Daughter of Tempest ?
    -Le navire de Ludivine ? Répondit Altaïr. Pas de nouvelles depuis que l’on a quitté Port Vengeance. Nous savons qu’elle a de l’avance mais toujours aucun retour auspex.
    -On a une estimation ?
    -Douze heures d’avance, pas plus, je dirai.
    -Trône, c’était prévisible. Elle est donc déjà passé dans l’Immaterium.
    -C’est ce que nous pensons aussi, lâcha Antinoé dans un murmure.
    -Ah, à ce sujet, reprit Uriah. J’ai consulté notre Maitre Telepathica ici présente dans la journée. Je tenais à savoir comment nous y prendre pour convaincre les Kysnathian, une fois parvenus dans le système Galen.
    Il se tourna vers elle.
    -Je vous laisse nous éclairer sur vos prédictions ?
    La jeune femme releva le voile de tulle noir qui masquait en partie son visage blafard aux yeux blancs. Son maquillage renforçait encore plus son apparence mortifère. Elle tourna son regard aveugle vers chacun d’eux, parfaitement capable de les voir, avec même encore plus de clarté qu’un voyant. Antinoé ne se contentait pas de voir la forme de leur visage. Elle était aussi capable de voir la couleur et la profondeur de leur âme. Elle s’exprima d’une voix claire tandis que ses lèvres restaient aussi immobiles que son visage, aussi figé que celui d’une défunte.
    -L’autoséance a mis en lumière le schéma d’un des nombreux futurs possibles.
    Elle tira de la manche de ses longues robes vertes de l’Astra Telepathica, trois lames de tarot qu’elle déposa devant elle sur la table. La première lame, le deux d’Executeria, représentait la carte du Vaisseau et était inversé. A sa gauche, elle déposa une seconde lame, un des arcanes majeurs, la carte de la guerre. Là aussi, inversée, selon un schéma descendant. Enfin, elle posa la troisième lame à droite. Le Maitre d’Executeria, la carte du Libre-marchand qu’elle plaça selon un schéma ascendant cette fois-ci. La carte psycho-réactive présentait clairement une libre-marchande aux longs cheveux blonds.
    La Brute observa les cartes d’un air dubitatif.
    -La guerre… Et donc ?
    -Je vois plutôt là, un duel dans lequel la petite Frae Spinaiser va s’empêtrer, lâcha Altaïr.
    -C’est ce que je pense aussi, répondit Uriah. Et si les courants du warp nous sont favorables, nous allons avoir un sérieux dilemme à résoudre.

    Quelques heures plus tard, les courants du warp furent tout, sauf favorables.
    Depuis son dôme de navigation installée dans une des tours au-dessus de la passerelle, Jocasta était cramponnée à son trône, son œil warp grand ouvert sur l’oculus qui donnait tout droit sur l’immaterium bouillonnant de non-vie. Dans le reste du navire, tous les systèmes auxiliaires avaient été coupés, en dehors du champ de Geller, des générateurs d’atmosphère et des réacteurs. Les lumières du navires étaient passées au rouge et chaque occupant devait resté à son poste, en silence ou en prière durant la traversée. Les bruits au-delà de la coque n’avaient rien de naturel et tout le monde le savait. Le warp n'était pas un univers constitué de solides ou de créatures tangibles et pourtant des choses raclaient sur la coque, comme des griffes sur un tableau noir. Griffant et cognant à l’extérieur sans discontinuer malgré la vitesse. Des cris, des hurlements d’agonie alternant avec des rires déments et des murmures d’enfants ou de proches disparus s’entendaient sans cesse et ce, malgré le vide sidéral et l’épaisseur des cloisons. Des choses immatérielles, intangibles étaient là, massées par milliers, agglutinées à la coque qu’ils ne cherchaient qu’à ouvrir de leurs dents, à éventrer de leurs mains griffues s’il n’y avait pas le champ de Geller pour les en empêcher.
    A bord, les prières étaient surtout là pour rassurer l’équipage. Mais en cas de panne de ce champ, les prières ne pourraient rien pour sauver leurs âmes. Le warp était perturbé à cause de la présence toute proche du Maelstrom et de la Cicatrix Maledictum. L’Astronomican avait été voilé, occulté par un orage warp mineur mais suffisant pour aveugler la navigator, le temps de la translation. Elle resta ainsi en transe, durant les six jours cauchemardesques que durèrent le saut. Six jours pendant lesquels son corps était à l’agonie, immobile et incapable de bouger alors que son esprit était projeté hors de son corps, forcé de combattre, une lame ardente à la main et de dégager le voie pour leur navire de force, abattant par centaine, des hordes de spectres et d’entités des enfers qui cherchaient à la terrasser, à briser sa volonté. Sans relâche, elle dût combattre et ouvrir la voie afin de chercher la lumière obscurcie par une éternité de ténèbres. N’importe quel esprit sain aurait succombé sans avoir été formé tels que le sont les navigators. Elle devait tenir et ne pas s’attarder sur les brûlures et les plaies que les démons lui infligeaient à mesure qu’elle avançait en hurlant, tel une petite lueur qui refusait de s’éteindre dans la tempête. Mourir, elle le pouvait assurément. Mais avec elle, périrait plusieurs milliers d’âmes et ça, elle ne pouvait pas se le permettre.
    Dans une dimension où le temps et l’espace n’ont jamais existé, six jours ne signifient rien. Une éternité pour certains ou un battement de cils pour les autres. Aucun appareil de mesure ne fonctionne dans le warp. Tous affichent des données contradictoires et fantaisistes. Nul ne peut le savoir et l’appréhender totalement qu’une fois que le navire quitte complètement l’Immatérium et retourne dans l’espace réel. Tout comme son entrée, l’expérience n’est jamais agréable. Elle peut s’apparenter à être plongé la tête sous l’eau sans même s’y attendre et vivre sa propre noyade en hurlant ou à flotter dans une pièce et voir son corps juste à côté. Tout cela accompagné parfois du mal du warp. Des hallucinations, des saignements de nez, des troubles des sens ou des nausées, dans le meilleur des cas.
    La sortie warp fut brutale, tout autant que l’entrée avec cette impression de se réveiller en sursaut, alors en plein cauchemar et sans savoir où l’on est pendant les premiers instants.
    Des sirènes de bord retentirent et les lumens repassèrent aux couleurs habituelles. Des murmures de soulagement parcoururent tout l’équipage.
    -Redémarrage des systèmes auxiliaires, cria Uriah depuis son trône de commandement.
    -Redémarrage en court, répondit Altaïr depuis un pupitre. Les vibrations du pont confirmèrent que les systèmes étaient de nouveau opérationnels.
    - Rapport d’avaries ?
    -Perte des boucliers, répondit la Brute. Brèches dans les ponts trois et quatre avec multiples avaries.
    -Réparables ?
    -Trois jours je dirais.
    -Des pertes d’équipage ?
    -Oui, capitaine. Je reçois les rapports des officiers de ponts. Entre deux et trois cents hommes n’ont pas survécus.
    -Trône… Recalibrez-moi les augures, je veux connaitre notre position et allez me chercher la navigator.

    Une heure plus tard, Jocasta avait été soigné par les medicae de bord. Elle était parvenue à sortir de son dôme de navigation et à les rejoindre, le corps en sang, griffé, ses robes déchirées et portant des brûlures à de multiples endroits. Les blessures étaient toutes superficielles mais nombreuses et certaines donnaient l’impression d’avoir de nombreux jours. Une fois remise sur pied, elle retrouva l’équipage sur le passerelle.
    -Il s’est passé quoi lors de cette translation ? Lui demanda Uriah.
    -L’astronomican… Il n’était plus visible, j’ai dû guider le vaisseau par mes propres moyens et le sortir de là… presqu’à la main.
    -Par le warp… ça ne vous a pas laissé indemne…
    -Ça ira… On a l’habitude.
    -D’accord. Restez ici, je vais avoir besoin de vous sur la passerelle.
    -Des nouvelles du Morning Star ?
    -Oui, il semblerait que son passage se soit mieux passé, le Trône soit loué. Ma… Frégate a quelques facilités à naviguer dans l’Immaterium… Vous verrez quand nous y retournerons. Ils ont une journée d’avance et nous attendent au point de Mandeville. Ils ont malgré tout subi quelques avaries sur leurs détectaugures et en profitent pour effectuer quelques réparations.
    -Nous ne sommes pas au point de Mandeville, je l’ai ressenti.
    -En effet. Nous avons dérivé un peu, mais nous devrions les rejoindre prochainement.

    Le lendemain, le Vanguard Avenger avait rejoint le Morning Star. Navigant de concert, ils pénétrèrent dans le système Galen, mettant le cap sur Galen VI. Au bout de quatre jours de voyage et après quelques réparations d’urgence, Uriah convoqua ses officiers sur la passerelle.
    -Timonerie, réduction de vitesse, un tiers. Galen VI en visuel.
    Le timonier confirma la manœuvre.
    -Contacts sur les augures, cria un des officiers. Possible vaisseau. Portée : trente-cinq unités sidérales sur le vecteur 0-2-4, Monsieur. Contact dans vingt minutes.
    -Affichez sur les écrans, répondit Uriah. Signature ?
    -Calibrage des auspex en cours… Répondit l’officier aux augures. Identification : navire de transport de classe Goliath. Il s’agit de l’Omnis Delictum, Monsieur.
    -Le navire de Kysnathian, lâcha La Brute, installé à une console, non loin d’Uriah.
    -Vitesse et trajectoire ? Demanda Uriah.
    -L’Omnis Delictum semble… Il est à l’arrêt, Monsieur. Une deuxième signature vient d’apparaitre sur les augures.
    -Position et signature ?
    -Il… Il est situé sur la même position que l’Omnis Delictum, juste sur son flanc bâbord. Frégate de classe Turbulent…
    Uriah ne peut s’empêcher de lâcher un petit sourire.
    -Te voilà enfin, Ludivine… Antinoé avait vu juste…
    -Ils sont en plein abordage, lâcha La Brute depuis sa console.
    -Quoi ? Qui aborde qui ?
    -Le Daughter of Tempest est en train d’aborder le navire de Kysnathian.
    -Cette fille en a une sacrée paire… Bordel de Trône, l’Omnis Delictum fait presque trois fois la taille de sa frégate.
    Une sonnerie retentit depuis une des consoles.
    -Nouveaux contacts sur le vecteur 3-7-5, capitaine. Deux navires en approche rapide à moins de vingt unités. A portée de tir dans quinze minutes. Une classe Carrack et une classe Jericho. Signature en confirmation…
    -Bordel de trône… On pouvait s’y attendre, le Soul of Adamantium et le Lady of Defiance, les deux autres navires des Kysnathian… Je veux tous les hommes à leurs postes de combat et ouvrez-moi un canal avec le Morning Star, maintenant !
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/11/2023 à 15:03 Citer ce message

    Uriah était installé sur son trône de commandement, essayant de lire les données qui défilaient devant ses yeux. Une fois sur la passerelle, pour tous les officiers et sous-officiers présents, Uriah Goldberg était le Seigneur Capitaine. Il avait beau être un jeune libre-marchand, les échanges avaient repris ce formalisme militaire typique que l’on pouvait trouver au sein de la Flotte.
    -Monsieur Bowen, maintenez le cap, vitesse lente, approche tactique.
    Le maitre timonier, un des seconds de Djoko qu’il avait récupéré du Morning Star, obtempéra.
    -Je veux une lecture des augures, lâcha Uriah. Où en sont nos boucliers ? Ils devraient déjà être actifs !
    -Je m’en occupe, répondit Altaïr qui demanda à la Brute de le laisser faire, voyant qu’il peinait à recalibrer les énergies entre les consoles de commande. Il s’installa à un des cogitateurs où des opérateurs travaillaient d’arrache-pied, lui indiquant de se charger plutôt des postes d’artillerie.
    -Lectures des augures en cours, lâcha Jocasta qui surveillait les opérations avec un regard exercé, aux côté d’Uriah. Transport de classe Jericho, moteurs de classe 1 lents mais fonctions vitales pleinement opérationnelles. Distance, vingt unités, à portée de tir du Daughter of Tempest dans sept minutes. Bouclier activé. Il est équipé de tubes lance-torpilles modèle Voss et de batteries latérales à fusion modèle Pyros.
    -Lui, il va falloir le surveiller et se tenir en dehors de l’angle de ses torpilles. Et ne surtout pas s’approcher de ses flancs, ajouta La Brute.
    -Que donne le second navire, le classe Carrack ? Ajouta Uriah.
    -Le Soul of Adamantium, légèrement plus rapide que son comparse. Distance, vingt-cinq unités, à portée de tir dans huit minutes. Fonctions vitales opérationnelles… Bouclier activé. Je détecte malgré tout une panne de ses rétrofusées et une panne de ses batteries dorsales. Ses batteries laser sont toujours opérationnelles et… Il y a un pic d’énergie, elles sont sur le point de faire feu.
    -Sur qui va-t-il tirer ?
    -Augures balistiques en cours… Il n’est pas à portée de notre corvette… Selon son vecteur d’approche, il est fort probable qu’il prenne pour cible le Daughter of Tempest.
    -Trône ! Au risque de tirer aussi sur leur navire amiral ? Ils sont fous ou désespérés ! Uriah se tourna vers le maitre vox.
    -Monsieur Kreer, Ouvrez-moi une liaison vox avec la passerelle du Daughter of Tempest, vite !
    -A vos ordres, Monsieur.
    Un bourdonnement d’électricité statique se répercuta sur la passerelle tandis que certains lumens vacillèrent légèrement.
    -Bouclier activé, lâcha Altaïr avec un petit souffle de satisfaction.
    -Parfait. Monsieur Bowen, correction de trajectoire, cinq degrés tribord. Avance toute. La Brute, informez les postes d’artillerie, je veux une solution de tir sur le Soul of Adamantium avant qu’il ne fasse feu. Maintenez les batteries parées à tirer.
    Sur la passerelle, les ordres se répercutèrent à l’unisson.
    -Que donnent la lecture des augures sur les deux autres navires impliqués dans cet abordage ?
    -Omnis Delictum, transport lourd de classe Goliath, toutes ses fonctions sont actives mais les moteurs sont en panne depuis son abordage. Il semblerait qu’il subisse de lourdes pertes.
    -Et son agresseur, le Daughter of Tempest ?
    -Frégate de classe Turbulent… Signes de nombreuses avaries certainement dues à l’abordage. Plusieurs fonctions semblent inopérantes mais les rapports auspex sont brouillés à cause de la masse de l’Omnis Delictum qui nous cache l’angle de vue.
    -Où en est cette liaison avec le Daughter of Tempest, Monsieur Kreer ?
    -La liaison vox est mauvaise, Monsieur, elle est certainement brouillée, elle aussi, répondit l’opérateur vox.
    -Tentez de la rétablir ça devient urgent. Passez-moi la passerelle du Morning Star en attendant.
    -Contact établi, capitaine.
    -Ici le lieutenant Van Bergen, je vous écoute, lâcha Djoko depuis les ampli-vox.
    -Changement de trajectoire, quinze degrés tribord, lieutenant. On doit leur couper toute possibilité de les prendre à revers. Interception et neutralisation du Lady of Defiance. Voyez avec le lieutenant Haxton s’il est envisageable de saboter son armement. Je veux que ses tubes soient hors circuit. Je n’aimerai pas me prendre une ou deux torpilles en plein dans mes réacteurs. On tente de le récupérer en un seul morceau mais si c’est impossible, vous me le torpillez.
    -A vos ordres.
    Uriah coupa la connexion. L’opérateur vox venait de lui signaler que la connexion était enfin établie avec le Daughter of Tempest.
    -Ici Uriah Goldberg, je veux parler à la capitaine Frae Spinaiser, de toute urgence.
    Des parasites perturbèrent la liaison puis une voix féminine se fit entendre avec des alarmes en fond sonore.
    -Ici le lieutenant Vendenrisch sur la passerelle du Daughter of Tempest. Notre capitaine est occupée. Vous souhaitez lui laisser un message, capitaine Goldberg ?
    -Oui. Dites-lui que deux navires vous arrivent dessus par bâbord avant avec des intentions hostiles. Contact dans moins de trois minutes. Dites-lui aussi que nous sommes disposés à vous en débarrasser, mais seulement sous certaines conditions.
    -Je vais transmettre, on vous recontacte, capitaine Goldberg.

    A peine eut-il coupé la connexion que des alarmes retentirent.
    -Tirs détectés en partance du Soul of Adamantium ! cria quelqu’un depuis une console. Quelques instants après, la frappe de batteries laser s’écrasa contre les boucliers du Daughter of Tempest comme cela avait été anticipé juste avant. La navire encaissa cependant la bordée qui manqua de précision à cause de la distance.
    -On peut pas dire qu’on les avait pas prévenu. Lâcha Uriah entre ses dents.
    -Son navire ne riposte pas ? S’étonna Jocasta.
    -Non… Il est engagé en plein abordage avec le Goliath, ils n’ont aucune possibilité de riposte pour l’instant.
    -Comment peut-on l’aider ?
    -On va prendre pour cible son attaquant. Monsieur Bowen, amenez-nous à portée de canons. Que les batteries se tiennent parées à faire feu. Je veux une solution de tir sur le Soul of Adamantium, maintenant.
    -Solution de tir prête, capitaine.
    -A toutes les batteries, feu !
    Le navire trembla alors que multiples batteries dorsales lâchèrent leurs bordées. Quelques instants plus tard, les boucliers du navire adverse vacillèrent et tombèrent. A plusieurs milliers de kilomètres de là, les impacts crépitèrent sur sa coque.
    -Navire touché. Impacts multiples mais dégâts mineurs, lâcha La Brute depuis sa console de monitoring.
    -Rechargez et tenez-vous parés à faire feu à nouveau. Visez ses batteries dorsales, je veux les faire taire.
    Une nouvelle série d’alertes sonores retentirent sur la passerelle.
    -Torpilles en approche depuis le Lady of Defiance !
    -Calcul de trajectoire ! Monsieur Bowen, manœuvre d’évitement, la barre à tribord toute !
    Les alarmes continuèrent de retentir alors que les lumens d’urgence se mirent à clignoter sur tout le navire, informant chaque homme d’équipage, chaque matelot, d’un impact imminent. La corvette était maniable et répondait aisément aux manœuvres de la timonerie. Tous purent sentir la coque du navire grincer et vibrer tandis que le vaisseau pivotait sur son axe. Les dizaines de tourelles jumelées de défense se mirent à tirer un feu en continue, projetant des obus traçant et pénétrant de gros calibre qui fusaient vers les torpilles. L’une d’elle explosa et l’autre manqua le navire de quelques centaines de mètres. A peine, un cheveux d’écart, à cette échelle.
    -Bien joué ! je veux un rapport auspex, que donne l’attaque du Morning Star contre ce navire ?
    -Contact engagé, capitaine. Le Lady of Defiance est touché et le Morning Star tente de détruire ses tubes lance-torpilles.
    -Qu’il ne les lâche pas ! Postes d’artillerie, je veux une solution de tir sur l’autre navire, le Soul of Adamantium !
    -Nouveau tir du Soul of Adamantium détecté ! Le Daughter of Tempest est de nouveau touché mais son blindage a l’air de tenir, pour l’instant.
    -Solution de tir parée, capitaine !
    -Toutes les batteries, feu !
    De nouveau le navire gronda et vibra tandis que les bordées de macrobatteries illuminèrent les abords du vaisseau. Les tirs fusèrent en direction du Soul of Adamantium qui lui, filait droit sur le Daughter of Tempest. Il tenta de manœuvrer pour éviter les tirs mais fut touché le long de son épine dorsale, ce qui déclencha une série de petites explosions en cascade le long de son fuselage. La lourd transport tangua de côté et pivota sur sa trajectoire tandis que des trainées de gaz incandescents jaillissaient de ses impacts.
    -Navire touché, batteries laser inopérantes, capitaine !
    -Parfait, le voilà désarmé !
    -Communication en provenance du Daughter of Tempest, capitaine, cria l’opérateur vox.
    -Passez-la moi, Monsieur Kreer.
    Il y eut d’abord de la friture puis des bruits sourds, comme des détonations en fond sonore.
    -Capitaine Goldberg, vous êtes finalement parvenu à sortir du warp ? Il était temps.
    -Et vous à vous mettre dans une position des plus délicates, Ludivine. Pourquoi cela ne m’étonne pas ?
    -Est-là, la seule nature de votre message ? Je suis quelque peu occupée.
    -Je venais vous proposer mon assistance. Votre navire est actuellement en mauvaise posture. Je suis disposé à vous débarrasser de deux importuns en approche. Bien entendu, cela nécessite de revoir notre accord.
    -Quel accord ?
    -Je veux la moitié des vaisseaux, et je garde le classe Universe.
    -Vous plaisantez ? Je suis actuellement en train de l’aborder avec mes propres troupes. Dans quelques minutes j’aurai le contrôle de sa passerelle.
    -C’est mon dernier mot, Ludivine. Après cela, je vous laisse à votre sort.
    -Eh bien, que l’Empereur vous garde dans ce cas, Monsieur Goldberg, vous allez en avoir besoin.
    Puis elle coupa la connexion.
    -La sale petite garce ! Fulmina Uriah qui était touché dans son orgueil. Monsieur Bowen, positionnez-vous pour un abordage de l’Omnis Delictum depuis son flanc tribord. On va bien voir, qui arrive à prendre la passerelle de ce rafiot en premier. La Brute, prépare les troupes, on va prendre ce navire, nous aussi.
    -A vos ordres ! Lâcha la Brute avec un sourire carnassier.
    -Monsieur Kreer, passez-moi la passerelle du Morning Star !
    -Contact établi, Monsieur.
    -Lieutenant Van Bergen, comment se passe votre assaut sur le Lady of Defiance ?
    -Nous venons de faire taire ses tubes lance-torpilles. Haxton et ses hommes ont lancé un assaut à son bord et sont en train de saboter ses armes.
    -Parfait, lieutenant. Le classe Jericho et le classe Carrack sont en partie désarmés. Dès que vous le pouvez, vous vous désengagez et vous mettez le cap droit sur le Daughter of Tempest. Armez les tubes lance-torpilles et tenez-vous prêt. A mon commandement, vous me torpillez cette frégate, est-ce bien clair ?
    -Capitaine… Je… Vous voulez que je donne l’ordre de tirer sur le navire de Ludivine Frae Spinaiser ?
    -Exactement. Cette garce se joue de nous et elle va comprendre qui mène la danse ici. Si nous ne récupérons pas ces navires, elle non plus et elle va tout perdre à avoir eu le ventre un peu trop grand.
    -Pardonnez-moi, mais je pense qu’il faudrait plutôt chercher à la raisonner et à lui tendre la main plutôt que de vouloir tout perdre à risquer tout sur le coup de la colère. Elle est à la tête d’une maison libre-marchande. Elle serait une alliée de taille ! D’accord, elle a voulu se montrer trop gourmande et elle en paye le prix. A nous de ne pas commettre la même erreur justement et à lui faire comprendre.

    Altaïr qui venait de suivre la conversation, quitta sa console et vint se tenir à côté d’Uriah, en lui parlant tout bas.
    -Trône, pour une fois, Djoko a raison… On ne va pas torpiller son navire alors qu’il est sans défense par simple caprice ! Raisonne-la ! Si on la combat, on ne va rien gagner dans cette affaire. On va s’en sortir avec quoi ? Une poignée d’épaves ? Bon sang, tu dois la faire changer d’avis. Compter les Frae Spinaiser comme allié serait une aubaine inespérée pour notre maison.
    Uriah avait du mal à contenir sa colère mais il avait pris l’habitude de les écouter. Il fit signe à la Brute de patienter.
    -D’accord. Je veux bien tenter une dernière fois de lui tendre la main.
    -Mais pas en lui mordant tout le bras, ajouta Altaïr. Sors-la de ce pétrin où elle s’est fourrée. Sauve-la, je te jure que ça peut valoir le coup.
    -Et si elle me la fait à l’envers ?
    Altaïr leva les mains.
    -Alors, on suivra ton plan, cap’taine.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 30/11/2023 à 14:44 Citer ce message

    Uriah avait sa mâchoire crispée et le regard sombre, ce qui renforçait sensiblement son visage de mauvais garçon. Ses phalanges étaient cramponnées à son trône de commandement. Il était à deux doigts de torpiller tous ces satanés vaisseaux et même celui de cette peste de Ludivine. Qu’il soit justement tombé amoureux d’elle n’y changeait rien, au contraire. Le véritable amour était une folie après tout. On pouvait clairement tuer par amour. Des navires ou des mondes pouvaient bien brûler. Qu’importe. A présent il était prêt à tout raser s’il ne parvenait pas à avoir cette fille. A la vie, à la mort et au warp tout le reste se mit-il à sourire intérieurement.
    Sur des milliers de kilomètres, des raies d’énergie dévastatrices et des bordées de projectiles de la taille de blindés de l’Astra Militarum se croisaient à des vitesses inimaginables. Les tirs qui touchaient leurs cibles, emmenaient avec eux un lourd tribut en éventrant des coques de dix mètres d’épaisseur de blindage. Les sirènes depuis les consoles de la passerelle n’en finissaient pas de rugir alors que, de toute part, six navires étaient engagés dans un corps à corps mortel. Au moins quatre d’entre eux subissaient des dégâts et avaient certains ponts en feu, alors que d’autres ponts éventrés étaient ouverts à l’horreur du vide sidéral. En quelques instants, des hommes d’équipage partaient par centaines, en tourbillonnant comme des feuilles d’arbre emmenées par la tempête, yeux et bouches grandes ouvertes, figés dans un rictus d’horreur, avalés par l’oubli froid et arbitraire de la mort.
    -Le Soul of Adamantium a modifié sa trajectoire, capitaine, il se dirige droit sur le Daughter of Tempest, cria l’opérateur aux détectaugures depuis son implant-vox. L’homme en question était un technaugure du nom de Mankonix, drapé dans ses robes rouges crénelées de blanc et tâchées d’huile.
    -Adepte, affichez sa signature sur les écrans, je veux suivre sa trajectoire et calculez-moi son vecteur d’interception.
    -Affichage sur l’écran trois, capitaine. Vecteur d’interception déjà calculé, contact dans 2,748 minutes.
    Un affichage apparut en vert surbrillant sur fond noir, montrant les calculs de trajectoire clignotant en vision tactique, avec un défilé de données sur un des côtés de l’écran.
    -Monsieur Kreer, contactez la passerelle du Daughter of Tempest pour… Et puis non. Ne les contactez pas, finalement… ça lui apprendra à vouloir jouer à ce petit jeu avec moi. Contactez plutôt le Morning Star. Donnez-lui l’ordre d’aborder le Lady of Defiance. Je veux qu’il lui coupe toute retraite. Son capitaine aurait déjà dû se rendre, mais s’il faut lui poser une arme sur la tempe pour cela, je veux qu’ils voient qu’on ne plaisante pas.
    -A vos ordres, répondit le maitre-vox.
    -Monsieur Bowen, la barre à quinze degrés bâbord, pleine puissance ! Manœuvre d’engagement avec l’Omnius Delictum. Positionnez-nous sur son flanc tribord au plus près de sa passerelle et tâchez d’éviter ses batteries. Ordre à tout le monde de se préparer à l’impact !
    -A vos ordres, répondirent le timonier et le maitre artilleur.
    Altaïr tourna sa tête vers son capitaine, les yeux écarquillés et son front trempé de sueur.
    -Uriah, je t’en conjure, ne fais pas cette folie !
    Ce dernier se leva de son trône, tandis que le navire pivotait sur son axe et alors que sa structure se mettait à vibrer et grincer. Il ignora la supplique de son sénéchal et désigna d’un doigt la Brute qui attendait ses ordres.
    -Que le lieutenant Haxton se tienne paré, lui et ses troupes de marine. Je veux tout le monde sur le pied de guerre et paré à aborder l’Omnis Delictum dès que nos sabords bâbord vont toucher sa coque. Qu’une de ses escouades nous accompagne.
    -A vos ordres, lâcha la Brute avec un sourire carnassier, tout en vérifiant les chargeurs de ses pistolets bolter. Altaïr en restait bouche bée.
    -On ne va quand même pas aborder un navire quatre fois plus gros ? C’est un pur suicide ! Uriah, des hommes sont en train de mourir par centaines, ressaisis-toi ! Ludivine Frae Spinaiser est encore à l’intérieur !
    Uriah le toisa tout en rengainant son sabre énergétique dans son fourreau et en relevant le menton.
    -He bien justement. Je vais vous sortir de vos chiffres et de vos grimoire poussiéreux, Monsieur le sénéchal et vous montrer comment c’est de vivre avec panache !

    Les minutes qui suivirent illustrèrent les règles de l’art de l’engagement spatial. Le Morning Star lança un abordage sur le Lady of Defiance, après avoir endommagé ses tubes lance-torpille. Le transport de classe Jericho tenta une manœuvre désespérée d’évitement, afin de se positionner à portée de tir avec ses batteries à fusion mais fut largement pris de vitesse par la frégate d’attaque qui lui fondit dessus tel un carnodon sur un grox boiteux. Contournant son angle d’attaque, elle le prit à revers et d’une habile manœuvre de Djokovitch à la barre, colla son flanc à tribord, le long de sa coque, juste au-dessus des batteries. Ses équipes d’abordage n’avaient alors plus qu’à se frayer un chemin jusqu’à la passerelle à coup de sabre et d’armes d’assaut.
    De son côté, le Soul of Adamantium, lancé à pleine puissance se préparait à éperonner le Daughter of Tempest de Ludivine Frae Spinaiser, toujours engagée, elle aussi en plein abordage de l’immense transport de classe Goliath, l’Omnis Delictum. Pourtant, au même moment, ce dernier parvint à se désengager lors d’une manœuvre désespérée, comme un lourd poisson-monde échappant in extremis à un banc de carcharodons affamés. Réactivant ses réacteurs, le massif transporteur parvint à se dégager de son emprise avec le navire de Ludivine, arrachant ses plots d’arrimage et l’envoyant à la dérive dans sa manœuvre. C’est justement cette action qui le sauva d’un éperonnage. Le Soul of Adamantium, toujours à pleine vitesse, le frôla et racla sa quille sur les ponts supérieurs de la frégate dans un crissement de métal torturé, d’étincelles et de fragments arrachés à la structure. Les dégâts furent mineurs comparés à ce que la frégate avait déjà encaissée. Elle ne perdit que quelques sonars, capteurs vox et batteries antiaériennes mais rien de critique.

    Alors que l’Omnis Delictum prenait de la vitesse et s’éloignait du combat, laissant les autres vaisseaux dans son sillage, la corvette d’Uriah, le Vanguard Avenger était parvenu à se positionner habilement pour un abordage. Pourtant, le lourd transport avait remis ses moteurs en marche et la petite corvette était restée solidement amarrée à sa coque, simplement embarquée dans sa fuite, tel un bagage accroché au flanc d’un char Leman Russ.
    Au sein de ses ponts internes et de ses coursives, une tout autre guerre avait lieu. Les troupes de marine du lieutenant Haxton, composées essentiellement de vétérans de la dernière croisade, étaient rompues et endurcies par dix ans de conflits spatiaux. Ils étaient devenus experts pour ouvrir des brèches dans n’importe quelle cloison et saturer une zone avec assez de puissance de feu pour faire taire rapidement tout opposition. A bien des égards, ils n’avaient plus rien à envier aux mythiques kasrkins de Cadia. D’ailleurs, Garvel Haxton avait été lui-même un ancien kasrkin qui avait vu son monde brûler en même temps que la moitié de la galaxie, vingt ans plus tôt lorsqu’Abaddon brisa Cadia en deux en y plongeant une de ses forteresses noires en son cœur. Ce jour, il perdit sa femme, ses deux filles et plusieurs millions de camarades. Autant dire qu’Haxton avait déjà vécu en enfer et en était revenu en en payant le prix fort. Depuis, tout le reste n’était plus que littérature.
    Il avançait, furtif et rapide avec une équipe de quatre de ses meilleurs hommes, armes d’assaut pointées. La Wreking Kru, nom qu’ils se sont donné dans leur jargon militaire, dérivé de wrecking crew, l’équipe de démolition. Tous des vétérans comme lui et tous issus de régiments divers. Il y avait Praxilia, surnommée Praxa, une nerveuse hattusienne à la peau sombre et aux traits androgynes, équipée d’un puissant Mastoff M5 modifié avec balles éclatantes. Il y avait Ulfbjorn, un ancien d’Armageddon, mais lui aussi, tout le monde l’appelle Bjorn, un spécialiste armé d’une mitrailleuse d’assaut Hecuter 6 et d’un tube lance-roquette Achilla Mk III, surtout pour la frime. Le troisième, du nom de Wade était un ancien progenium à la peau mate, qui avait servi plus de cinq ans dans les troupes de choc avant de se faire recruter par Haxton avec d’autres commandos durant la croisade. Wade, c’est l’opérateur et le technicien de l’équipe et pour cette raison, il se déplace avec un bolter compact à chargeur tambour. Enfin, la dernière de l’escouade, c’est Bastonne et c’est son vrai nom. Tasha « Baneblade » Bastonne est une pure catachan avec son franc-parler, sa descente de verres d’amasec, sa lame de qaurante centimètres et son aisance à soulever de la fonte. Elle manie un puissant fusil de combat Persecutor armé de cartouches Executor comme ceux employés par les juges et qui selon la légende serait bêtement tombé d’un camion de l’Arbites.

    Haxton avait laissé Wade et Praxa prendre la tête de leur progression. Lui, il restait en liaison vox avec la vingtaine d’autres escouades envoyées pour faire taire toute résistance et leur permettre, à eux, de progresser rapidement jusqu’à la passerelle. Juste derrière son équipe, les suivaient Uriah Goldberg le seigneur-capitaine et une partie de ses officiers : le premier officier et chef des troupes, mais aussi le sénéchal et Jocasta la nouvelle navigator. L’objectif qui était de prendre la passerelle avant la petite Frae Spinaiser, devait être atteint rapidement et pour l’heure, rien ne garantissait qu’elle n’y était pas encore parvenue. Pourtant Uriah était prêt à parier que ce n’était pas le cas. Il imaginait mal Ludivine fuir ainsi, aux commandes de l’Omnis Delictum en laissant loin derrière sa chère frégate partir à la dérive. Il était clair que la demoiselle n’avait toujours pas pris cette maudite passerelle, ce qui lui donnait encore une chance de remporter la partie.
    Wade venait de poser une charge à fusion sur une porte coupe-feu récalcitrante. Il demanda à tout le monde de reculer de quelques mètres et de ne pas regarder. La Wreking Kru portait des lunettes photoverres qui les protégeaient des flashs, surtout dans la pénombre des ponts, mais ce n’était pas le cas des officiers derrière. La charge détona presque sans bruit sinon avec un bang de surpression et un sifflement causé par le mélange de gaz sous pression porté à un état thermique instable capable de faire fondre une porte blindée en plastacier. Le métal porté à blanc, à peine refroidi, Praxa enjamba le trou de plus d’un mètre de diamètre et progressa dans un nouveau couloir. Ils avaient atteint l’entrepont menant à la passerelle qui devait se situer à moins de trois cents mètres de là, droit devant. Wade vint la rejoindre, concentré et progressant avec elle, en couverture mutuelle. Haxton et Bastonne les suivaient, en binôme, eux aussi. Bjorn fermait la marche et indiqua au reste des officiers que la voie était libre. Ils avancèrent dans une coursive jusqu’à ce que Praxa se fixe. Elle s’accroupie tout en levant un poing, signalant du danger.
    -Tirs nourris à l’avant, avec appuis d’armes lourdes, lâcha-t-elle dans le vox.
    -Contact visuel ? Répondit Haxton.
    -Négatif, chef. Mais ça barde. Je vois aussi deux embranchements à vingt mètres.
    -Ok. Reconnaissance jusqu’aux embranchements. Trouvez-moi un passage. Bastonne et Borjn, vous les couvrez.
    Il n’eut pas besoin d’attendre leur confirmation. Ses gars étaient de pros, ils connaissaient leur affaire. Il rebroussa chemin le long de la coursive, baissant son fusil radiant compact en approchant du libre-marchand.
    -Capitaine, on approche de la passerelle. Il y a un accrochage lourd sur place. On va essayer de trouver une voie de contournement.
    Uriah consulta la Brute du regard. Ce dernier hocha la tête.
    -Haxton a raison, on devrait pourvoir contourner par des coursives latérales, bâbord et tribord et remonter jusqu’à la passerelle.
    Haxton porta la main à son microvox.
    -Mes gars me rapportent des tirs. La voie principale est bloquée et c’est juste à l’embranchement qu’on va devoir prendre.
    -Pas d’autres issues ? Lui demanda Uriah.
    Haxton les contacta.
    -Praxa, tu vois un autre passage ?
    -Affirmatif, il y a une coursive tribord qui doit les contourner. Wade est parti l’explorer.
    -Reçu, garde un œil sur lui et qu’il nous tienne au courant.
    -Noté, chef.

    Au bout de quelques minutes, Haxton eut la confirmation vox, par ses deux binômes que les deux accès possibles étaient bloqués, eux aussi. Pourtant les assaillants ne semblaient pas les prendre pour cible mais tiraient plutôt vers l’avant, donc droit vers la passerelle.
    -C’est très certainement Ludivine, lâcha Uriah à La Brute. On va devoir s’en assurer. On avance, je dois absolument lui parler.
    -Ils ont des armes lourdes avec eux, d’après mes gars, ajouta Haxton. Au moins un fusil à plasma et un multi-laser.
    -Alors dites à vos hommes de ne rien faire d’inconsidéré. Je dois juste m’assurer que c’est bien elle.
    -Et si ça devait mal se passer ?
    -Alors, je compte sur vous et vos démolisseurs pour nous tirer de là, lieutenant.
    Il se tourna vers la Brute.
    -Contacte la passerelle du Vanguard, qu’ils nous envoient des renforts. Et… Tâche aussi de contacter Djoko, je veux savoir ce qu’il en est du Morning Star.

    Ils reprirent leur progression jusqu’à la zone de tir qui se situait à moins de cent mètres, dans une vaste salle, sorte d’embranchement qui donnait vers d’autres coursives latérales. Les tirs fusaient en effet avec une rare violence et le vacarme résonnait, amplifié par les coursives comme dans des tunnels et cavernes. Mêmes les hommes d’Haxton durent trouver des abris où se mettre à couvert afin d’éviter de se prendre des tirs perdus. Ils devinèrent une bonne dizaine de silhouettes en armure et lourdement armées, de dos et retranchées dans cette vaste salle, occupées à faire feu devant eux, en direction de la passerelle.
    -On ne peut plus progresser sans entrer au contact, lâcha Haxton à Uriah.
    Ce dernier, osa un rapide coup d’œil, malgré le danger imminent. Parmi les troupes d’abordage qu’il identifia, il reconnut un colosse à la barbe brune et les robes d’une jeune femme blonde. Il demanda à Haxton et à ses hommes de patienter, armes pointées, tandis qu’il activait son microvox, composant la fréquence de la libre-marchande.
    -Ludivine ? Ici Uriah Goldberg. Besoin d’un petit coup de main ?
    Il y eu un blanc qui dura plusieurs secondes puis des grésillements avant qu’il reconnaisse la voix de la jeune femme.
    -Par Terra, Uriah, vous êtes ici ? Mais… comment… ?
    -Pas le temps de vous expliquer, je peux vous tirez de là mais il va falloir qu’on en discute sérieusement.
    -Où êtes-vous ?
    -Coursive sud, à une trentaine de mètres derrière vous.
    Elle coupa la connexion, se retourna et se mit aussitôt à courir, tête baissée dans sa direction, protégée par son solide maitre d’armes. Ce dernier en profita pour ordonner à ses hommes de les couvrir avec un tir de suppression vers la passerelle. Ludivine parcourut la distance en quelques enjambées et vint se plaquer contre une des parois de la coursive alors qu’Uriah lui apparut, sortant des ombres avec un grand sourire qu’elle lui rendit aussitôt. Il eut, l’espace d’un instant, cette impression qu’elle était presque sur le point de lui sauter dans les bras mais elle n’en fit rien, restant là, le souffle court, en nage, les yeux écarquillées et le cœur battant la chamade à cause de la poussée d’adrénaline et le choc du combat. Uriah avait beau avoir le même âge qu’elle, lui il avait grandi avec un père pirate puis avait traversé d’autres épreuves durant la croisade avec sa tante Isa sur le Morning Star. Ce qui était le plus important, c’est qu’il avait déjà participé à des batailles et vu la mort en face, en vrai. Ludivine était une jeune femme pleine de qualités et certainement très brillante, avec ses défauts aussi dus à l’âge. Elle avait traversé de cruelles épreuves, elle aussi, il n’en demeurait pas moins qu’elle devait vivre là, sa toute première bataille. Et cela changeait tout.
    -Que faites-vous ici ? Finit-elle par lui dire dans un souffle et avec une certaine prudence, voyant qu’il était accompagné d’hommes armés. Son sourire n’avait pas quitté son visage aux joues empourprées.
    Uriah prit alors un air navré.
    -Vous voyez dans quelle situation vous venez de nous mettre ?
    -Je compte prendre le contrôle de ce vaisseau…
    -Avec une dizaine d’hommes ? Je ne dirais rien de leurs qualités ni de leur courage, mais vous êtes dans une impasse, là.
    -Je devais recevoir des renforts, mais…
    -Mais ils ne viendront pas. Aux dernières nouvelles de ma passerelle, votre frégate est à la dérive et vous êtes, là, coupée de toute retraite et de tous renforts.
    Elle le toisa, cherchant à conserver un air fier et digne propre à la noblesse cherchant à ne pas montrer son accablement même dans la défaite.
    -Mais vous êtes là et ensemble, nous pourrions…
    Uriah lui sourit. Il aurait bien botté les fesses de sa fougueuse consœur mais il avait bien plus à gagner en se montrant meilleur stratège.
    Il reprit un air assuré et plein d’autorité.
    -Oui, comme je l’ai dit, je suis disposé à vous sortir de ce mauvais pas. Mais on va le faire selon mes conditions et ce ne sera pas négociable. Vous acceptez ?
    Elle prit une grande inspiration pour se redonner un peu de constance puis finit par hocher la tête.
    -Je vous suis.

    Ils décidèrent d’opter pour une diversion. Les troupes de Ludivine resteraient en position afin d’occuper les hommes d’armes de Kysnathian. Uriah, lui, allaient contourner avec ses officiers par les couloirs bâbord et tenter de prendre les défenseurs à revers. Ludivine demanda de l’accompagner, elle et son maitre d’armes, Corvin Vesuvio. Uriah accepta, la préférant derrière lui plutôt que le warp sait où. Il lui demanda cependant de rester en retrait et de suivre ses consignes. Vesuvio avait même l’air soulagé et se mit d’accord avec le Brute pour former la force de frappe de l’équipe. En forçant les portes de cabines, ils purent traverser une partie de la zone, totalement à couvert. Pendant ce temps, Haxton et son équipe allaient contourner par les coursives tribord, cherchant, eux aussi à prendre les adversaires en tenaille.
    Une fois en vue de la passerelle, ils purent constater à quelle point les défenseurs s’étaient retranchés et barricadés derrière des piles de caisses et autres containers. Une vingtaine d’hommes lourdement armés étaient là, embusqués avec des caisses de munitions derrière eux. Kysnathian était là, avec eux, en compagnie d’un psyker, sans doute un astropathe.
    Les hommes d’Haxton lancèrent une grenade fumigène afin de protéger leur progression et une volée de grenades antichar idée de contenir leurs adversaires.

    Pendant ce temps, Uriah et ses hommes cherchèrent une voie mais un tireur embusqué leur bloquait tout accès sur un des côtés. Il allait faire feu, mais la Brute pointa son pistolet bolter et d’un tir d’une rare précision, lui fit exploser le torse dans une détonation artérielle. Le corps sans vie s’écroula sur la barricade improvisée. Avant de se faire repérer par les autres hommes d’armes occupés par les troupes de Ludivine. La Brute et Vesuvio ouvrirent la marche et se faufilèrent vers un corridor menant droit vers un accès dérobé qui contournait la passerelle. Ils débouchèrent dans une salle et tombèrent nez-à-nez avec deux hommes d’équipage aussi surpris qu’eux mais terrorisés en voyant les pistolets bolter que pointaient les deux archimilitants.
    Les deux matelots bredouillèrent quelque chose au moment où Uriah et les autres apparurent. Jocasta crut alors qu’ils allaient donner l’alerte et souleva le bandeau qu’elle portait sur le front, dévoilant son œil warp et ordonnant à tous ses équipiers de reculer. Un éclair violet et des volutes rouge sang jaillirent alors de son troisième œil et frappèrent les deux matelots dont les yeux se mirent à frire à même leurs orbites comme deux blancs d’œuf plongés dans de l’huile bouillante. Ils se mirent à hurler alors que des flammes violacées jaillirent de leur bouche, de leur nez et de leurs oreilles alors que leur cerveau était porté à ébullition et que la chair de leur visage était consumée par un feu warp intense. Ils tombèrent à genoux en s’étranglant dans leurs propres fluides bouillants et alors qu’une odeur atroce de viande trop cuite emplissait leurs narines. Les deux corps s’affaissèrent, leur face ravagée contre terre, en silence.
    Jocasta remit son bandeau d’une main tremblante, totalement en état de choc, sidérée et pas encore tout à fait consciente de l’effet qu’elle venait de produire. La fois précédente où elle avait fait usage de son œil warp, c’était le jour où Uriah et ses hommes l’avaient secouru des assassins envoyés par la Maison Petrov. Ce soir-là, elle l’avait utilisé sur des agents des forces de l’ordre. Ils étaient tombés et elle n’avait rien vu des effets produits car ils portaient des casques intégraux. Elle avait juste cru qu’ils avaient perdu connaissance. Voilà pourquoi l’Imperium avait toujours craint les navigators…
    Uriah, Ludivine et leurs officiers s’étaient reculés, un peu pris de cours. Mais Jocasta resta là, le souffle coupé, prise soudain d’une crise de panique…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 07/12/2023 à 16:55 Citer ce message

    La Brute avait pris la tête de leur progression, appuyé par Corvin Vesuvio, le maitre d’armes de Ludivine. Elle-même et Uriah les suivaient, accompagnés d’Altaïr et Jocasta. Ils traversèrent un hall sombre aux hautes voutes, menant tout droit vers l’avant de la passerelle, là où des couloirs techniques menaient vers les fosses où se trouvaient les consoles de cogitation des opérateurs. Toutes étaient vides, sauf celles occupées par des servitors. La Brute s’arrêta soudain, faisant signe à tout le monde de faire halte. Il venait de déceler un léger mouvement dans les ombres, quelques bruits métalliques, des frottements de pas. Il se plaqua derrière une des colonnes de contrefort, le long d’une des parois. Uriah vint se tenir juste derrière lui. Vesuvio alla se plaquer le long de la paroi opposée, leur déconseillant de faire un pas de plus. Lui aussi venait de percevoir du mouvement et tenait son pistolet bolter paré. Ludivine venait de le rejoindre, dégainant un élégant pistolet à plasma modèle Courroux dont elle activa l’accumulateur énergétique qui se mit à bourdonner d’une lueur d’un bleu électrique. Uriah la dévisagea de l’autre bout du couloir tout en se sentant soudain un peu démuni avec son pistolet radiant pourtant déjà puissant. Derrière eux, Altaïr préféra sauter dans une des fosses en contrebas, afin de s’y dissimuler mais chuta lourdement deux mètres plus bas, au moment où les ombres se mirent en mouvement. Cinq soldats adverses, restés dissimulés derrière d’épaisses colonnes en plastacier ouvrirent le feu avec leurs mitraillettes compactes modèle Zayth qui relâchèrent un véritable déluge de balles éclatantes qui criblèrent les couverts où ils se trouvaient. L’un d’eux était équipé d’un lance-flammes et projeta une langue de feu en direction de la Brute et d’Uriah qui n’eurent d’autre choix que de rester à bonne distance. La Brute eut cependant un léger angle de tir sur un de leurs assaillants. Il pointa ses deux pistolets bolter et fit feu avec une véritable précision. Le premier bolt le manqua mais le second lui emporta la tête malgré son casque, dans une explosion sanglante.
    -Et de un !
    Uriah tenta un tir à son tour mais ne put que blesser un des tireurs, manquant de précision à cause du lance-flammes qui leur bloquait toute progression. Vesusio effectua un tir de couverture, forçant juste le type au lance-flammes à bouger. Cela fut suffisant pour Ludivine. Elle pointa son pistolet et fit feu. Le tir incandescent de plasma ionisé partit en sifflant et percuta le tireur qui s’embrasa aussitôt ce qui fit détonner son réservoir qui l’engouffra dans une boule de feu. Le malheureux se mit à hurler en battant des bras et en se heurtant aux parois ce qui illumina la zone de pénombre dans laquelle ils se trouvaient tous. Jocasta dévoila son bandeau et foudroya un autre garde à l’aide son troisième œil et lui grilla les yeux et le cerveau avec son feu warp en un instant. En quelques instants, il ne restait plus que deux soldats adverses qui n’en menaient plus très large mais qui voulurent tenir bon malgré tout, un peu comme si leur vie en dépendait. En quelques tirs, ils finirent par se faire blesser et tombèrent au sol. La Brute se précipita vers eux tout en dégainant sa lame monomoléculaire et les acheva à même le sol. Seule Jocasta et Uriah avaient été légèrement blessés par des tirs en grande partie arrêtés par leurs armures. Altaïr s’en sortait avec quelques égratignures aussi mais dans l’ensemble, ils avaient eu chaud et s’en sortaient plutôt bien.
    Pendant ce temps, Vesuvio et Ludivine étaient revenus sur leurs pas, surveillant leurs arrières car une quinzaine de gardes ennemis tenaient toujours la passerelle un peu plus loin et échangeaient des tirs musclés avec les troupes de Ludivine retranchées à une centaine de mètres de là dans une coursive.
    De là où ils étaient, Uriah et son équipe allaient arriver tout droit dans le dos des troupes de Kysnathian. La Brute voxa Haxton. Lui et ses hommes se tenaient prêts à les prendre de flanc. Ils attendaient juste le feu vert pour passer à l’action. Uriah et ses officiers se positionnèrent au bas d’un vaste escalier menant à la passerelle d’où venaient les tirs mais ne bénéficiaient malheureusement pas d’un bon angle de vue sur leurs adversaires. Changer de position allait forcément les exposer et là, les hommes de Kysnathian disposaient encore d’une formidable puissance de feu. C’est là qu’ils allaient devoir compter sur Haxton et ses commandos. La Brute attendit que tout le monde soit en position puis donna l’ordre de lancer l’assaut sous un tir de couverture. Praxa et Wade se précipitèrent vers une des barricades en lançant des grenades. Une grenade fumigène en plein milieu d’un groupe d’ennemis, ainsi qu’une krak sur les deux premiers tireurs. Sans laisser les gardes se ressaisir, Bjorn venait d’ajuster son tube lance-roquette et tira dans la brèche. La roquette détonna dans une boule de feu et de shrapnels, envoyant voler une partie des combattants en l’air. Les survivants furent pris dans un tir croisé de Bastonne et Haxton mais ripostèrent malgré tout de toutes leurs armes. Parmi eux se trouvaient des officiers mais aussi Kysnathian et un psyker protégé par une aura kinésique sur laquelle les tirs n’avaient que peu d’effet. Jocasta avait ressenti sa présence, même sans le voir. Elle voxa quelques indications qui permirent de le localiser plus précisément. Uriah chercha à abattre Kysnathian mais Ludivine l’appela dans le vox.
    -On doit le prendre vivant, on va avoir besoin de lui, lui dit-elle.
    A côté d’Uriah, la Brute hocha la tête.
    -Elle a raison. Les Kysnathian ont un véritable monopole avec les adepta dans le système Galen, on va avoir besoin de lui.
    A ce moment-là, le psyker relâcha une boule de feu qui percuta la Brute alors que ce dernier donnait l’assaut. Son armure pris feu mais il l’ignora en partie et continua d’avancer, tout en tirant des bolts sur tous les inconscients qui lui faisaient face. Le carnage était total. Wade et Praxa se firent blesser aussi mais sans trop de gravité. Un tir de Bastonne recula le psyker puis une rafale de bolts tiré par Haxton mirent fin définitivement à sa sorcellerie. Il bascula tandis que son aura se brisa et qu’une onde glacée traversa toute la passerelle. Les derniers gardes étaient soit morts, soit à terre, grièvement blessés. Vesuvio et Ludivine tenaient en joue Kysnathian. Il déposa ses armes, un air mauvais sur son visage.
    -Vous et votre bande dépenaillée de pirates, soyez tous maudits ! Lâcha-t-il entre ses dents.
    Uriah approcha, pointant son épée énergétique vers lui. Il vint se tenir aux côtés de Ludivine.
    -Ne soyez pas grossier face à une noble dame, Monsieur. Vous faites face à deux Maisons libres-marchandes. Nous avons une offre à vous faire et je vous conseille de bien y réfléchir avant de nous donner votre réponse, capitaine Kysnathian.
    Gregor Kysnathian le regarda avec défi mais son visage prit une tout autre teinte lorsqu’il vit Jocasta approcher dans ses robes sombres, appuyée sur son bâton de la Navis. Elle porta la main sur son bandeau. Même sans son œil warp, la jeune navigator avait un regard des plus troublants. Certains la trouvaient même effrayante avec ses cicatrices ésotériques qui couturaient son visage juvénile et qui lui donnaient des airs de jeune fille diabolique portant les stigmates du warp. Ce qu’elle était, en quelque sorte.
    Kysnathian eut un mouvement de recul accompagné d’un rictus de dégout mêlé à de la crainte. Il chercha à reprendre un semblant d’aplomb, constatant que ses soldats étaient tous, soit morts, soit captifs, comme une partie de ses officiers. Depuis l’autre côté de la passerelle, les troupes de Ludivine, lourdement armées, venaient de prendre position.
    Il toisa les deux jeunes libres-marchands.
    -Dans ce cas, peut-être aurait-il été moins… cavalier de nous retrouver tout simplement autour d’une tasse de tana afin d’en discuter ?
    Uriah rengaina son épée au fourreau et effectua son large sourire qui lui donnait ses airs de prince corsaire des anciennes légendes.
    -Nous avons peut-être mis un peu de bazar sur votre passerelle, j’en conviens. Mais j’aime les entrées fracassantes, ce serait dans mes gênes, parait-il. Et puis je tenais à vous rappeler que c’est vous qui avez déclenché les hostilités en envoyant vos assassins chez le capitaine Ashram Absilias.
    Uriah vit que Kysnathian feignit de ne pas comprendre, mais sa phrase venait de faire mouche.
    -Je… Commença à bredouiller Kysnathian.
    Uriah lança un grand sourire joyeux vers Ludivine avant de reporter son regard vers Kysnathian.
    -Sachez juste que nous venons de mettre fin aux interminables querelles commerciales qui vous déchiraient, vous, les Absilias et les Rasmusen. Finalement, après mûre réflexion, nous ne dirions pas non à une tasse de tana. Sortez aussi une de vos bonnes bouteilles, Gregor, nous avons quelque chose à fêter.
    -… A fêter… ? Lui répondit-il de façon incrédule.
    Uriah ouvrit les bras en grand, comme pour désigner tout ce qui les entourait.
    -Nous avons un nouveau contrat commercial à vous proposer. Vous êtes libre évidemment de l’accepter.
    -Ah, je… ?
    Uriah fit un petit signe en direction de ses officiers.
    -Accompagnez-le jusqu’à ses appartements, je ne voudrais pas qu’il se perdre en chemin. Mademoiselle Frae Spinaiser et moi allons vous rejoindre dans un instant. Il fit signe à Altaïr, lui indiquant discrètement de prendre contact avec le Morning Star, afin de connaitre sa position. Il vit que Vesuvio en faisait de même concernant leur propre navire.
    Il attendit que ses hommes s’éloignent avec Kysnathian. Leurs troupes restèrent en retrait mais prirent position afin de sécuriser totalement la passerelle. Une fois qu’ils furent seuls, Uriah se tourna vers Ludivine, sentant soudain qu’il perdait de nouveau ses moyens.
    -Je vous propose de… vous et moi… de tout partager.
    -Elle l’observa de ses grands yeux violets. L’adrénaline lui avait légèrement dilaté les pupilles et empourpré les joues. Elle avait encore le souffle court. Trône, mais pourquoi se retrouvait-il à ce point démuni face à cette fille ? Se dit-il.
    -Tout ?... Lui dit-elle en clignant des yeux. Par Terra, je… Il va falloir que j’y réfléchisse.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 13/12/2023 à 19:25 Citer ce message

    La journée qui suivit fut consacrée à rassembler les six vaisseaux éparpillés sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, à évaluer les dégâts subits et estimer les pertes en termes d’équipage. C’est là qu’Uriah et ses hommes réalisèrent que mettre la main de force sur de simples navires de commerce était loin d’être une opération sans risque. Quatre navires étaient endommagés et tous avaient perdu entre dix et trente pourcents de leur équipage. Seuls le Vanguard Avenger et l’Omnis Delictum, le Goliath, n’avaient pas subis de dégâts notables. Tous les autres avaient des trous énormes dans leur coque, perdant dans le vide des fragments, des volutes de gaz et d’eau en plus de corps figés dans une ultime agonie. Effectuer un décompte total des dégâts et les chiffrer leur prit une journée de plus. Les réparations prendraient entre deux et quatre semaines, en fonction des navires et il manquait en tout, près de cinquante mille hommes, à répartir sur les six vaisseaux. Le tout était colossal pour un simple accrochage qui aurait dû se régler sans avoir à faire parler la poudre.
    De son côté, Ludivine avait fait le même constat et pour l’heure, Uriah lui proposait de mettre leurs projets en commun. Tous devaient contacter le système Grief pour savoir où en était leurs navires. Si Ludivine avait demandé aux deux vaisseaux qu’elle avait acquis récemment auprès de la Maison Rasmusen de la rejoindre ici dans le système Galen, Uriah envoya un message astropathique à Livia Damael. Elle lui répondit par le même canal dans la journée, confirmant que le lourd transport de classe Universe était désormais sous leur contrôle même si pour cela, elle avait dû faire placer aux fers le capitaine Corvin Klovitz et ses principaux officiers. Elle attendait donc les ordres de son nouveau seigneur-capitaine.

    Un peu plus de trente jours venaient de s’écouler depuis qu’ils avaient quitté Fort Vengeance, bien qu’il ne se fût pas écoulé plus de deux semaines en comptant leur voyage warp. Cette distorsion temporelle était la clé qui permettait de raccourcir des voyages qui aurait pris des mois, voire des années en réalité.
    Pour l’heure ils n’avaient pas d’autres alternatives que de rejoindre Galen VI, le seul monde disposant d’infrastructures portuaires dans les vingt-deux années lumières à la ronde. Au-delà, se situait le système de Surngraad, là où se trouvait le Bastion noir de l’Inquisition, donc autant dire qu’il n’allait même pas être possible de tenter de solliciter l’aide des ordos.

    Le système Galen disposait lui, de deux mondes habitables. Et encore, habitable était un euphémisme car personne n’aurait eu envie d’aller vivre dans de tels endroits. Galen II était un monde pénitencier brutal et étouffant, un enfer carcéral où atterrissaient les pires criminels des trois sous-secteurs environnants. Ceux qui y survivaient étaient fréquemment recrutés dans les légions pénales car leur taux de survie en opération dépassait parfois leur première mission.
    L’autre monde était Galen VI et n’avait pas grand-chose à envier au premier si ce n’est qu’il s’agissait du monde natal de la Brute. Ce monde minier avait jadis été un centre industriel relativement important, du moins depuis le 38ème millénaire. L’exploitation intensive de sels de lithium, de lacs d’ammoniac et de radium avait eu raison de son environnement désormais toxique. Un siècle plus tôt, ce fut pourtant la guerre de Badab qui allait sceller le destin de ce monde. Pour avoir soutenu les sécessionnistes lors du conflit, Galen VI fut frappé durement et une partie de sa population exterminée ou faite prisonnière par les Marines du chapitre Sons of Medusa. Ce point de trahison fut confié à l’Adeptus Arbites et à l’Inquisition. Il n’était pas question de détruire un monde minier car ses ressources étaient indispensables à l’industrie lourde impériale. Après les purges, l’Inquisition trouva plus profitable de condamner la population à six générations de pénitence. Ainsi, durant plus de cent-cinquante ans, des générations de galéniens allaient servir l’Imperium sous le joug de la servitude, que ce soit dans les mines toxiques, dans les fonderies radioactives ou dans les troupes pénales. Leur sort était cruel mais juste et parfois guère différent des citoyens « libres » qui travaillement et mourraient dans exactement les mêmes conditions sur la plupart des mondes-ruches.

    La Brute n’avait pas grandi dans une famille esclave mais au sein d’une famille d’agents des adepta car plusieurs organisations impériales se partageaient le contrôle de Galen VI. L’Inquisition et l’Arbites, pour des raisons de contrôle et de sécurité, mais aussi le Departmento Munitorum et le Mechanicus pour la production et la gestion de la logistique. L’Ecclésiarchie disposait aussi d’un ordre complet de confesseurs et de prêtres qui s’assuraient du maintien en place du Credo et le tout était appuyé par une force locale de défense planétaire soutenue par des troupes de choc lourdes inquisitoriales. Le rang des parents de la Brute lui avait permis de s’élever de son statut de gladiateur des arènes de combat et d’intégrer la schola des élèves-officiers au sein des troupes de défense locale où il servit les années suivantes. Un mariage puis la naissance d’une fille seront les seules maigres consolations de cette vie brutale à cette époque.
    A la fin de l’année 999 du 41ème millénaire, la 13ème Croisade Noire d’Abaddon viendra sceller le futur précaire de l’Imperium, en commençant par la destruction de Cadia et de plusieurs systèmes planétaires de défense. Le cataclysme qui suivit déchira la galaxie en deux par une faille warp qui allait engloutir la moitié des mondes impériaux dans la Grande Nuit. Comme des centaines de millions d’hommes et de femmes, la Brute fut mobilisé et envoyé avec un corps d’armée pour combattre dans les Etendues de Golgotha, vers la frontière de la Grande Faille. La Croisade Indomitus venait de commencer et durerait encore un siècle de plus. C’est lors d’une bataille, à l’époque, qu’il croisa la route d’Isabella Goldberg et de Djokovitch Van Bergen, alors de tout jeunes officiers de la marine impériale. Il ne les reverra que des années plus tard. Il ne reverra jamais sa femme non plus. Il apprit sa mort, tuée lors d’une révolte sur Galen VI. Ce fut la dernière fois qu’il vit aussi sa fille, alors âgée de huit ans.
    Les années qui suivirent furent sans doute les pages la plus sombres de son épopée. De simple survivant d’un massacre total lors d’une campagne titanesque, il passa au rang d’esclave, lui qui avait cherché à s’élever dans un monde en servitude. Passant de mains en mains, il combattit pour des xenos, des pirates puis pour la pègre sur Pireaus. Plus de dix ans s’étaient écoulés quand une nuit, Isabella, surgit de nulle part, le fit sortir d’une arène de combat, les armes à la main, où il était retenu captif pour le compte de la Kasballica. Ce lien et cette dette resterons gravés en lui tels ces années de carnage. Isabella venait de mettre la main sur le Morning Star, arraché des mains de son hérétique de pirate de père et comptait bien en faire son propre vaisseau et reprendre la Lettre de Marque pour son compte. Elle avait besoin d’officiers de confiance à ce moment-là. Djoko serait son pilote, Altaïr, leur complice de toujours serait son sénéchal et forcément, la Brute serait son archimilitant.

    Pendant toutes ces années à combattre dans des fosses, il était juste devenu « La Brute », capable de tuer un drukhari avec une lame ou de démembrer un servitor de combat. Des décennies après, il en gardait encore des stigmates. Des muscles synthétiques sous ses cicatrices, un blindage sous-dermique et une résistance naturelle à certains polluants, en plus de facultés martiales hors du commun.
    Son nom ? Son véritable nom, seule Isabella le connaissait, parait-il, car son passé était mort et enterré de longue date. Djoko avait dû le connaitre aussi mais racontait qu’il ne s’en souvenait plus. Son nom n’avait fait que lui attirer la mort de toute façon, car il était synonyme de légende, de héros demi-dieu et de gloire. Or sa vie n’avait rien eu de glorieux. Que restait-il aujourd’hui ? A peine de cruels souvenirs qui n’auraient jamais dû remonter… Pourtant, là en approchant de Galen VI il ne put s'empêcher de repenser à la mort de sa femme des années auparavant et au fait que sa fille Alicia, si elle était encore en vie, avait eu vingt-trois ans le mois dernier.
    -Fais-nous préparer une navette, nous retournons sur le Morning Star, lui dit Uriah qui le tira de ses pensées. Appelle Djoko et dit-lui de préparer la passerelle, nous mettons le cap sur Galen VI.
    Ils avaient décidé de partir en avant, avec leur navire principal, comme il était un des plus rapides. De plus, Uriah voulait arriver en avance afin de négocier avec les autorités avant que les cinq autres navires ne suivent. Il craignait qu’arriver ainsi, en masse, risquerait de donner une image agressive et préférait clairement l’éviter. On parlait de l’Arbites et de l’inquisition, il n’était pas question de faire n’importe quoi.
    Il parvint à convaincre Ludivine de l’accompagner à bord du Morning Star, plus rapide que le Daughter of Tempest. Elle finit par accepter, tombant d’accord avec Uriah. Elle laissa cependant le commandement à d’autres officiers de sa passerelle, dont sa pilote. Ludivine voyagerait avec Uriah, en compagnie de Vesuvio et de Syulf Solimar son sénéchal.
    Elle et Uriah en firent de même sur les autres navires, y transférant une partie de leurs officiers et de leurs troupes afin de contenir tout risque de mutinerie. Mais même ainsi, l’équilibre allait rester précaire, raison pour laquelle ils laissèrent la frégate de Ludivine épaulée par le Vanguard Avenger. En cas de sédition des autres navires, ils auraient la puissance de feu de leur côté. Cette décision n’était pas la meilleure mais faute de mieux, elle serait la moins pire en attendant que de nouveaux capitaines soient nommés et un équipage reconstitué.

    Le Morning Star mit quatre jours à rejoindre Galen VI. Quatre jours pendant lesquels, ils eurent tout le loisir de se remettre de leur dernier combat. Altaïr, ce qui n’était pas habituel, passa du temps au stand de tir et s’entraina aux données balistiques et à mieux estimer son environnement en situation de combat, points qui lui avaient fait défaut jusque-là. De son côté, la Brute l’accompagna mais travailla sa souplesse et son endurance, comme c’était souvent le cas. Uriah avait délaisser les armes et se consacrait presque exclusivement à discuter avec Ludivine. Il s’était arrangé pour lui trouver une suite, pour elle et ses officiers et fit en sorte qu’elle soit traitée telle une invitée de marque afin d’agrémenter au mieux ces quatre jours. A plusieurs reprises il tenta de parler affaires, tout en mêlant des sentiments naissant en même temps. Mais force était de constater que les deux s’aventuraient sur un terrain de plus en plus glissant…

    Un soir, Ludivine et Uriah discutaient en privé sur un des canapés d’un des salons du stratégium, face à une des baies donnant sur l’espace.
    -Si c’est quand même pas malheureux, lâcha Djoko tout en les observant de loin. Ils étaient assis à la table de leur strategium tandis que Jocasta venait tout juste de s’éclipser. Elle avait prétexté devoir méditer et entrainer son esprit à mieux gérer les distorsions temporelles, ce qui les laissa perplexes comme toutes ses warperies en général.
    -Quoi donc ? Demanda la Brute qui se resservit un shot de raenka.
    -Leur petit manège à tous les deux, ajouta Altaïr.
    La Brute jeta un coup d’œil dans leur direction.
    -C’est une affaire qui roule, faut leur laisser le temps.
    -Oui, bin à ce rythme-là, Guilliman sera un vieillard impotent avant qu’Uriah ait pu conclure avec la petite, lâcha Djoko d’un air dépité. Non mais ils s’y prennent comme des manches aussi.
    Altaïr le regarda avec un large sourire.
    -Aaaah, mais venant de notre grand Djoko, je me dis qu’ils ont peut-être bien raison de prendre tout leur temps, vois-tu. On a arrêté de compter tes multiples conquêtes sans lendemain depuis bien longtemps. Ton histoire avec Montoya est finie ou elle a repris ? C’était avant ou après celle avec Alexia ? Je ne sais plus…
    -Va chier, avec tes vieux grimoires. Ça fait six ou… peut-être huit ans que je suis avec Bonnett, je te le rappelle. Morgane Montoya c’est de l’histoire ancienne et Alexia ça n’a jamais compté en plus. J’étais déjà avec Alisabeth Bonnett à l’époque.
    -Ah ! Qu’est-ce que je disais !
    -On va avoir un enfant d’ailleurs.
    Altaïr et le Brute se figèrent, se demandant s’ils avaient bien entendu. Ils connaissant trop bien Djoko pour savoir qu’il ne plaisantait pas avec ce genre de sujet.
    -Merde, toi et Bonnett ? Tu comptais pas nous le dire ?
    -Bin, là je vous le dis.
    -C’est une grande nouvelle… Djoko va devenir papa… Lâcha la Brute.
    -Ouais bin, je ne sais pas si c’est la meilleure idée du siècle, vu la gueule de la galaxie.
    -Arrête, Bonnett doit être ravie en plus. Et toi, tu devrais l’être aussi, espèce de tête de grox.
    Djoko pointa Uriah du menton.
    -N’empêche que les deux, là-bas, s’y prennent comme des manches. Regardez-moi ces empotés !
    -Ils n’ont que dix-neuf, d’un autre côté… Ajouta la Brute
    -D’ailleurs notre cher capitaine aura vingt ans dans une dizaine de jours, je vous le rappelle.
    -Bin heureusement que tu es là avec ton abaque pour nous rappeler les chiffres, Monsieur la Science, parce que les dates et moi, ça fait deux, lâcha Djoko.
    -Va falloir qu’on lui trouve un cadeau, compléta la Brute.
    -Je vous laisse y réfléchir, mes amis. Et soyez original pour une fois. Moi, je vais commencer à plancher sur le mariage à organiser. Il va nous falloir un cardinal aussi, je veux que ça marque les esprits.
    Djoko lâcha un petit rire.
    -T’as pas l’impression de t’emballer un peu, là ? Et pourquoi pas le Primarque aussi ?
    -Non, justement, je me dis qu’on a enfin là, l’opportunité de monter une vraie dynastie digne de ce nom et de jouer dans la cour des grands de ce secteur si les deux gamins ne me sabotent pas tout avant.

    Au quatrième jour, la passerelle les informa qu’ils étaient en approche de Galen VI. La station Purgatoria située en orbite du monde minier les contacta afin de demander de s’identifier. Ils furent autorisés à s’arrimer à un des docks de la petite station. Une fois la manœuvre d’amarrage effectuée, ils débarquèrent. Uriah demanda à Djoko de rester à bord et de prendre le quart sur la passerelle. Son passif avec les autorités et l’Inquisition risquait de leur jouer des tours. Officiellement il était toujours recherché pour vol, contrebande, désertion et insubordination. S’il était pris, il risquait la pendaison mais en un tel lieu, il risquait un sort bien moins enviable.
    Uriah décida de se rendre sur la station, accompagné de la Brute, Altaïr et Jocasta mais aussi de Ludivine et ses deux officiers. Mais en descendant de la rampe, ils virent le comité d’accueil composé d’adeptes et d’arbitrators équipés d’auspex genetor.
    Uriah tressaillit et conseilla aussitôt à Altaïr de remonter à bord. S’il était identifié, son passé de contrebandier et de faussaire n’allait pas jouer en leur faveur, là non plus.
    -Ils vont capter nos empreintes genetica. Toi aussi s’ils te trouvent…
    -J’ai compris, je remonte rejoindre Djoko. Je laisse mon microvox ouvert, au cas où.

    Ils se présentèrent au contrôle de la station et durent remplir chacun un formulaire, laisser leurs empreintes génétiques et fournir la raison de leur visite en un tel lieu de haute sécurité. Ils expliquèrent être des libres-marchands qui subirent une attaque de pirates dans les environs, demandant ainsi la possibilité d’effectuer des réparations mais aussi de pouvoir recruter de nouveaux hommes d’équipage parmi les prisonniers.
    Un marshal de l’Arbites, attentif à leur histoire de pirates, leur demanda qu’ils leur fournissent tous les détails, le plus rapidement possible, afin qu’il envoie des navires traquer une telle vermine. Devant son insistance, Uriah et la Brute décidèrent de tempérer et lui promirent qu’ils allaient évidemment répondre à sa demande dès que possible. Ils allaient évidemment devoir falsifier des preuves et cela ne les enchantaient guère.
    Un adepte du Munitorum du nom de Ghisbert Arnasher se présenta à eux et leur présenta rapidement la station, du moins les seules zones autorisées. Uriah lui fit part de sa demande de réparation ainsi que sa demande en main d’œuvre. L’adepte les convia dans un des bureaux afin de commencer à établir les chiffrages, les devis et les délais. Ils évoquèrent les cinq autres navires. Après une bonne demi-journée de travail, il fut estimé que les travaux, seuls, sur le Morning Star, prendraient deux semaines en tout. Près de quatre-cents mètres de surface de coque allait devoir être colmaté, sans parler des réparations internes à réaliser sur les ponts et coursives. Ces deux semaines allaient permettre aussi de recruter les dix-mille hommes nécessaires qui manquaient à son équipage. La somme a engager qui se chiffrait en millions, était conséquente mais parut des plus raisonnables, notamment à cause du coup de la main d’œuvre qui était quasiment nul. Ils n’eurent à engager qu’à peine plus que le coût des matières premières. Sur Fort Godwinne ou sur Pireaus ou même Fort Vengeance, ils auraient pu multiplier ces coûts par cinq ou six.

    Dans cinq jours, les cinq autres navires allaient arriver, eux aussi mais le sous-prefectus Arnasher parut moins confiant.
    -Comprenez bien que nous sommes une petite structure et Fort Purgatoria n’a pas vocation à effectuer les réparations de toute une flotte.
    -Nous paierons, bien évidemment, lâcha Ludivine qui fronçait un peu les sourcils, réalisant que sa frégate risquait fort d’être reléguée avec les simples transports.
    L’adepte leva une main augmentique en signe d’apaisement.
    -Nous sommes aussi limités par nos propres ressources. De plus nous ne disposons que de trois docks d’arrimage disponibles. Nous verrons ce que nous pourrons faire mais je vous recommanderai de prioriser peut-être certains navires.
    Uriah hocha la tête.
    -Nous ferons cela. Le navire de mademoiselle Frae Spinaiser fera partie des trois prochains dans ce cas.
    A la sortie de la réunion, ils décidèrent de retourner à bord du Morning Star. De toute façon, le cycle nocturne avait déjà commencé. Avant de remonter ils restèrent à discuter devant une des baies vitrées donnant sur le monde minier en contrebas. Ses étendus désertiques ocre rouge emplissaient presque toute la vue.
    Ludivine préféra se retirer avec ses officiers et remonta à bord dans sa suite. Elle les salua avant de leur fausser compagnie.
    -Je pense que j’ai fait économiser une jolie somme pour les travaux, c’est Altaïr qui va être content, souffla Uriah.
    -Je vais demander une accréditation pour faire un saut à la surface dès demain, si tu n’y vois pas d’inconvénient, lui glissa la Brute.
    -Pour ?
    -Par raison… Personnelle.
    Uriah se rappela qu’il avait laissé de la famille ici et hocha la tête.
    -D’accord, mais je préférerai que tu n’y ailles pas seul.
    Son regard fut alors attiré par un groupe de cinq individus vêtus de longs manteaux et escortant un navigator passant dans un couloir proche. Sans doute ses gardes du corps.
    Jocasta attrapa le bras d’Uriah et resta figée, les yeux écarquillés, le temps qu’ils passent.
    -Le navigator… je le connais, c’est un de mes cousins de notre Maison mais les… hommes qui l’accompagnent…
    -Ses gardes du corps ?
    -Ce ne sont en rien des gardes du corps, souffla la Brute, tout en effleurant les crosses de ses deux pistolets bolter.
    -Il a raison… Je reconnais leur blason. Ce sont des émissaires de la Maison Petrov.
    -Les même que ceux qui cherchaient à te tuer le jour où on t’a rencontré ?
    -Et pas juste me tuer. Ils cherchent à éliminer toute ma famille.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 21/12/2023 à 23:27 Citer ce message

    Uriah activa son microvox, tandis que la Brute suivait le petit groupe de loin. Il appela la passerelle du Morning Star.
    -Altaïr, Djoko est avec toi ?
    -Il est là, oui. Besoin de nous ?
    -Oui, on est bien certains qu’il n’y a pas d’autres vaisseaux dans les parages ? A part ceux de l’Arbites, je veux dire.
    -On va vérifier ça avec le Magos Coriolis, le maitre des auspex. On te rappelle.
    -D’accord, faites ça.
    Il coupa la connexion et reporta son attention vers la Brute. Jocasta le suivait, à ses côtés, visiblement soucieuse de voir que des agents d’une maison rivale étaient ici, sur la même station qu’eux. La Brute se tourna vers eux et leur fit signe de le suivre discrètement.
    -Ils se dirigent vers un des hangars à navettes, leur dit-il. On fait quoi ?
    Uriah interrogea Jocasta du regard.
    -Ton cousin… Vous êtes proches tous les deux ? Tu tiens à le sauver ?
    -Proches… Non, pas vraiment mais oui, nous aurions un certain intérêt à le sauver. Cela ferait un navigator de plus au service de la Maison Goldberg et croyez-moi, ce n’est pas rien. De plus, je ne peux rester indifférente au fait qu’ils cherchent à annihiler ma propre famille.
    -Et tu saurais le convaincre de travailler pour moi ?
    -Si nous le sauvons, cela ne devrait pas être trop difficile, à mon avis.
    -Alors hâtons-nous.
    Il fit signe à la Brute de passer devant. Ce dernier hocha la tête tout en dégainant ses deux pistolets bolter. Cinquante mètres environ les séparaient d’une écoutille qui s’était refermée sur le passage de leurs ravisseurs. Ces derniers venaient de les repérer et cherchaient à les distancer. Le couloir situé au-delà, menait tout droit vers une zone technique qui donnait vers des hangars à navettes. Ils s’y précipitèrent, ouvrirent la porte en enclenchant la rune d’accès et pointant leurs armes, vérifièrent que la voie était libre. Ce qui était bien le cas. Les couloirs et salles techniques situées juste après étaient faiblement éclairées et désertes, à l’exception de quelques servitors monotâches dédiés à quelques opérations de maintenance. Se montrant discrets, en suivant les indications de leur archimilitant, ils progressèrent de salle en salle jusqu’au moment où Jocasta les arrêta d’un geste. Elle venait de repérer à l’avance, deux hommes en armures intégrales noires et armés de fusils laser courts, qui les attendaient en embuscade. Il s’agissait bien de ces hommes de la Maison Petrov. Ils ouvrirent le feu en rafale, saturant le couloir de traits d’un rouge incandescent, qui illuminèrent les parois de façon stroboscopique. Ils se plaquèrent de chaque côté d’une coursive derrière des contreforts, pourtant un tir chanceux lacéra le mollet de la Brute qui se mit à grogner de douleur. Il riposta, appuyé par Uriah et fit mouche. Collant deux bolts sur un des tireurs et le réduisant en bouillie sanglante en un instant. Ses restes maculèrent une cloison de manière écœurante. Uriah avait touché le second tireur mais trop légèrement, ce qui ne lui occasionna que de légères blessures.

    Jocasta en avait profité pour se servir du warp pour plier l’espace-temps à sa volonté. Elle se projeta à travers une bulle temporelle et se matérialisa dans un des couloirs derrière le dernier tireur. Celui-ci prit ses jambes à son cou et détalla dans une étroite coursive adjacente. Elle en profita pour ressentir la signature warp de l’autre navigator dans cette même direction et s’y dirigea, pourtant le fuyard ouvrit la feu et la toucha de justesse. Les tirs de laser furent absorbés par son armure composite d’origine xenos, ce qui ne l’empêcha pas de tomber à la renverse dans le couloir en poussant un petit cri.
    Mais la Brute, ignorant sa blessure, l’avait déjà rejoint en quelques enjambée et chercha à charger le fuyard, Uriah sur ses talons, dégaina son épée et s’arrêta devant Jocasta, l’aidant à se relever, voyant qu’elle serrait les dents.
    -Pas trop blessée ?
    -Allez-y, ça ira…
    Une fois dans la coursive, la Brute repéra sa cible qui venait de passer une porte, il s’y engagea à son tour mais le type l’y attendait et lui sauta dessus, cherchant à le frapper avec son poignard monomoléculaire. Il évita la lame de justesse, dégaina sa propre épée, il chercha à le frapper en retour et à faire feu de son autre main, mais son agresseur l’en empêcha. Uriah arriva à ce moment-là et planta le type avec son épée énergétique. Touché grièvement, il tomba au sol, ce qui laissa le champ libre à la Brute qui se rua dans la salle suivante, un entrepôt où les trois derniers assaillants se repliaient avec leur prisonnier. Deux d’entre eux ouvrirent le feu à l’aide de leurs pistolets radiant mais même à cette distance, ils manquèrent leur cible. La Brute évita une des rafales et presque sans prendre la peine de viser, avait ressorti son deuxième pistolet bolter et les abattit sans la moindre sommation. Eux aussi furent démembrés par les bolts explosifs qui ne leur laissèrent aucune chance. Le dernier homme avait disparu, emmenant avec lui le navigator captif vers une navette Arvus. Il était en train de crier quelque chose au pilote. A travers les piles de caisses et les volutes de fumées et de vapeur, Il le chercha du regard, ses armes à la main. Uriah en fit de même mais se dirigea vers la rampe arrière abaissée de la navette Arvus dont les moteurs venaient de démarrer. Jocasta le suivait de près. Il vit le type en question avec le navigator, il était occupé à parler au pilote. D’une voix forte, Uriah lui cria de lâcher son arme tout en approchant. L’homme de main poussa le navigator, cherchant à le faire tomber sur Uriah mais n’y parvint pas. Il tira et manqua sa cible, du coup il dégaina sa dague et chercha à planter Uriah avec mais ce dernier d’un geste souple du poignet, sectionna la lame en deux avec son épée énergétique. Le pilote qui s’était retourné et qui venait de voir la scène, venait aussi de dégainer son pistolet laser et fit feu au moment où, anticipant son action, Jocasta venait de lui tirer dessus avec son canon poing. Elle avait chargé son élégant pistolet Kayer-Addin avec des balles électrostatiques capable de sonner un adversaire. Le projectile n’eut pas l’effet escompté, pourtant l’impact suffit à dévier la rafale de laser qui manqua la tête d’Uriah de peu, sectionnant au passage, une ou deux plumes de son couvre-chef.
    Les deux hommes allaient riposter mais en voyant la Brute qui approchait d’un pas décidé, ses bras épais maculés de sang et ses deux pistolets bolter menaçant parés à faire feu, tous deux déposèrent leurs armes et se rendirent. Uriah demanda à la Brute d’emmener l’homme de main et chargea Jocasta de s’occuper du navigator pendant qu’il rengainait son épée et vint s’entretenir avec le pilote.
    -Je vous laisse partir si vous me dites pour qui vous travaillez.
    -Je… Je ne suis pas censé être autorisé à…
    -Je sais, mais il se trouve que nous venons d’abattre quatre inconscients qui interfèrent dans mes projets. Je ne plaisante pas. Qui vous a envoyé ?
    -Je ne suis qu’un simple pilote… Leurs affaires ne me regardent pas.
    -Cette navette vient bien d’un vaisseau ? Si je dois vous abattre, je finirais assez facilement par retrouver son matricule et donc son navire. Parlez, ça vous épargnera la vie, croyez-moi.
    -L’Anacreon Decimus, un navire marchand de classe Orion. C’est de là que vient cette navette. Je n’en dirais pas plus.
    -Bien. C’est tout ce que j’avais besoin de savoir, de toute façon. Vous pouvez rejoindre votre navire.

    Uriah redescendit de l’Arvus et vint retrouver la Brute, Jocasta, le navigator et le captif.
    -Tâchons de dissimuler les corps et tournons sur le Morning Star.
    Il désigna l’homme de main que tenait la brute qui venait au passage de récupérer des pièces d’armures.
    -Je te laisserais le faire parler. Je vais contacter Altaïr, j’ai besoin d’informations sur un navire.

    Une heure plus tard, ils étaient dans le strategium en train de débriefer sur les derniers évènements et faire soigner les quelques blessures. Ils n’avaient pas eu le temps de se charger des corps car des hommes armés et des techniciens, attirés par les coups de feu venaient de faire irruption. L’alerte fut donnée et ils n’eurent que le temps de décamper pour remonter à bord de leur navire.
    Le navigator se nommait Josmane Jenassis et était bien le digne cousin de Jocasta. Lui aussi possédait un visage à faire des cauchemars et semblait bien plus terrorisé en réalité par la situation. Il était évidemment heureux d’être encore en vie et leur était reconnaissant. En revanche, il craignait pour les représailles. Il était très conscient que les Petrov avaient du poids et des relations. D’autant plus qu’Uriah venait d’apprendre par son sénéchal que les Petrov étaient très certainement en affaire avec la Maison Macritch, puisqu’un de leur navire, l’Anacreon Decimus mouillait en effet, en orbite basse au-dessus de Galen VI. Et cerise sur le gâteau, il se trouvait que cette peste d’Alexia Coligny, croisé quelques jours plus tôt sur Fort Vengeance était justement la capitaine de ce navire. Un autre navire était aussi dans les environs, un transport de classe Loki appartenant à la Maison du libre-marchand Arden Lang. Altaïr doutait cependant que ce dernier soit impliqué dans quoi que ce soit.
    -Les Macritch ? S’étonna Jocasta.
    -Oui, un puissant empire militaro-commercial. Ils possèdent l’Alliance Trygone, une grosse maison chartiste et le Groupe Aureus qui compte un conglomérat minier et une alliance bancaire. Autant dire qu’ils travaillent pour la plupart des maisons nobles et bon nombre d’adepta. On ne va clairement pas s’y frotter.
    -On a pourtant abattu quatre des leurs et on a un prisonnier, lâcha la Brute.
    -Techniquement, ce sont les hommes de main de la Maison Petrov, leur navigator, pas de la Maison Macritch.
    -Ça ne change rien.
    -Peut-être que si, ajouta la navigator. Une vendetta entre maisons de la Navis serait parfaitement tolérée, même pour les Macritch. Mais cette version devra être officielle sinon, c’est vous qui risquez bien d’être en guerre ouverte avec une puissante maison marchande.
    -A réfléchir, en effet, répondit Uriah, mais nous allons devoir marcher sur des œufs avec l’Arbites dans les parages…
    Altaïr fit alors son apparition dans le strategium, une missive à la main.
    -Je reviens de la passerelle, on a un autre problème.
    -Notre histoire d’attaque de pirates ? C’est vrai qu’on devait leur livrer notre version… Peut-être ferions-nous mieux de dire que nos deux maisons, celle de Ludivine et la mienne, se sont quelque peu querellées ?
    -Non, ça c’est surement le cadet de nos soucis…
    -Ils ont trouvé les corps ?
    Altaïr se contenta de lui tendre le document. Uriah blêmit en reconnaissant le i barré des Ordos. Il n’était pas sans savoir qu’ici-même sur Fort Purgatoria se trouvait bien un bureau de l’Inquisition.
    -Eh bien ? Lui demanda la Brute, après quelques instants.
    -L’inquisitrice Taria Shard sollicite ma présence ainsi que celle de Ludivine dans ses quartiers, séance tenante…
    -Nous voilà bien, souffla la Brute.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/01/2024 à 23:51 Citer ce message

    Pour les besoins de cet entretien, Altaïr demanda à Säde son assistance pour l’aider à se déguiser. Il allait accompagner Uriah mais sous l’identité d’un simple intendant, un de ces factotums à leur service. Ce qui lui permit de passer les contrôles sans problème. Uriah le présenta comme un simple adepte de sa suite. Cela parut convaincre les arbitratos. En revanche, ils prélevèrent ses empreintes rétiniennes. Altaïr allait devoir la jouer serré car tôt ou tard, leur base de données finirait peut-être par faire le lien avec son propre passé dans le commerce froid.
    Ils furent conduits jusqu’aux bureaux des ordos où des commandos des troupes de choc étaient en faction. Chacun était équipé d’une solide armure carapace intégrale noire et rouge et armé d’armes d’assaut. Leur physique, même sans armure ne devait avoir rien à envier à la Brute. Tout comme leurs prouesses martiales. Jouer aux malins avec eux était le meilleur moyen de finir d’une mort extrêmement brutale et rapide. Ils leur demandèrent de s’arrêter et de leur remettre toutes leurs armes à feu, ce qu’ils firent.
    Une fois chose faite, ils furent conduits vers une zone de haute sécurité jusqu’à une double-porte. On leur indiqua d’entrer. Deux autres commandos, identiques à ceux se trouvant dans les coursives étaient en faction, les scrutant de leurs optiques rouges.
    Uriah et Ludivine n’en menaient clairement pas large. Les suivaient Altaïr, La Brute et Jocasta. La pièce était vaste et plutôt profonde avec un bureau tout au fond, à vingt ou trente mètres de là, le tout élégamment décoré mais de manière assez sobre. Une femme d’âge mûr, aux cheveux courts et argentés était affairée à rédiger un document. Sous un plastron argenté, elle portait un uniforme gris d’officier comme on en trouve au sein de certains régiments de l’Astra Militarum. Son visage était sillonné d’anciennes cicatrices. Son seau des ordos pendait à une chaine en argent.
    Un gros félide au pelage bleu clair était posé nonchalamment sur un sofa à sa droite, il les scruta avec attention. Se pupilles se dilatèrent tandis qu’il observait Jocasta. A sa gauche, un homme à l’apparence sinistre et masqué se tenait là, dos à une bibliothèque avec ses mains dans le dos et une épée à la ceinture. Aussi immobile qu’une statue, il les observait lui aussi en silence et avec la plus grande attention.
    Uriah se pencha légèrement vers Altaïr tout en avançant.
    -C’est quoi cette bestiole ? Lui dit-il à voix basse.
    -Un gyrinx.
    -Un quoi ?
    -Une sorte de félide psychique.
    -Oh…
    Sans relever la tête de son bureau, l’inquisitrice effectua un geste de la main, dans leur direction.
    -Approchez.
    Une fois parvenus à moins de deux mètres de son large bureau, elle releva son visage vers eux. Désignant deux fauteuils juste devant son bureau, elle indiqua à Uriah et Ludivine de s’assoir. Ce qu’ils firent sans discuter. Elle les observa avant de poursuivre.
    -Savez-vous qui je suis ?
    Uriah s’éclaircit la gorge.
    -Vous êtes l’Inquisitrice Taria Shard.
    -De la Très Sainte Inquisition. De l’Ordo Hereticus pour être plus précise. J’ai la charge de ce monde et de cette station. Cela ne vous parle peut-être pas mais qu’importe. Même si vous me paraissez bien jeunes tous les deux, je sais que vous avez reçu une éducation et savez pertinemment ce qu’est l’Inquisition. N’est-ce pas ?
    -Oui, Madame, émit Ludivine dans un simple souffle.
    -Voilà qui me hôte un doute. Au moins par égard pour vos parents qui ont servi ces dernières années au sein de la Croisade Indomitus, je ne vous mettrai pas aux arrêts.
    Elle plongea son regard perçant comme une lame de force dans celui d’Uriah.
    -Je suis étonnée de ne pas voir votre tante Isabella. Que devient-elle ?
    -Elle a disparu. J’ignore actuellement où elle est.
    -Ceci explique donc cela… Même si la fougue de la jeunesse ne doit pas tout excuser, voyez-vous. Savez-vous pourquoi vous êtes ici ?
    Les deux jeunes capitaine répondirent non en même temps, visiblement très nerveux. Le gyrinx feula légèrement.
    L’inquisitrice se cala dans son fauteuil, joignant ses doigts bagués.
    -L’un de vous deux est sincère au moins. Commencez par me parler de la raison de votre venue ici, sur Port Purgatoria. En général, personne ne vient ici de son plein gré ou sans une excellente raison. Racontez-moi votre histoire de pirates qui vous ont attaqué. Et je ne veux pas entendre la soupe que vous avez cru bon servir à l’Arbites.
    Ludivine se prit sa visage entre ses mains alors qu’Uriah se râcla la gorge avant de répondre.
    -Nous n’avons pas tout dit, en effet…
    L’Inquisitrice l’encouragea à poursuivre, d’un geste de la main.
    -Il n’y avait pas de pirates. Il s’agit d’un simple différent commercial. Un point de désaccord avec la Maison Kysnathian. Nos navires ont tous été engagés dans cet accrochage aux abords du système. Six de nos navires en tout, avec celui qui est déjà à quai. A présent, nous sommes en passe de trouver un accord. Rien de plus… Nous sommes ici pour quelques réparations en réalité.
    Taria Shard hocha lentement la tête puis interrogea Ludivine du regard.
    -Je confirme ce que vient de dire mon… Confrère, répondit la jeune capitaine dans un léger murmure.
    L’inquisitrice les jaugea du regard tous les deux.
    -Ai-je l’air d’une réparatrice de navette Arvus ? Vos histoires de petite guerre commerciale que vous apportez ici, ne m’intéressent en rien, voyez-vous ?
    Uriah préféra ne rien répondre. Tout comme Ludivine.
    L’inquisitrice se contenta d’activer une tablette de données posée sur son bureau et leur montra l’écran. On pouvait y voir des coursives dans une petite séquence vidéopix. Quatre individus escortaient un navigator suivis quelques dizaines de mètres plus loin par Uriah et ses hommes.
    Ludivine fronça les sourcils, ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait. Et pour cause, elle n’était pas présente au moment des faits. En revanche, Uriah, la Brute et Jocasta comprirent aussitôt leur imprudence. L’inquisitrice reprit :
    -Cette station est un lieu de haute sécurité à cause de la population carcérale qui se trouve en surface mais aussi en orbite. Une partie de ces criminels sont des troupes pénales qui rêveraient de vous ouvrir la gorge si nous ne maintenions pas une sécurité maximale en un tel lieu. Raison pour laquelle une majorité de nos coursives est surveillée par des servo-pix. Cela me permet de toujours avoir un œil sur ce qui s’y passe. Alors, comprenez bien que mentir à l’Arbites pour mettre les pieds sur ma station et y abattre froidement quatre personnes, à peine une heure après, ça va peut-être me concerner.
    Elle reposa la tablette sur son bureau avec un geste sec dont l’écho claqua dans toute la pièce. Son regard ne quittait pas Uriah.
    -On y voit toute la séquence en détails. Pour l’instant, l’Arbites ne l’a pas encore visionné mais un mot de ma part et vous et vos as de la gâchette allez vous retrouver à casser des cailloux à la surface de ce monde irradié pendant les soixante prochaines années si vous survivez aux six premiers mois.
    Elle laissa passer quelques secondes, des fois que l’un d’eux décide d’ouvrir la bouche. Mais ils eurent au moins la sagesse de ne même plus oser respirer. Elle préleva des documents dans une des pochettes posées sur son bureau. Le premier était une affiche sur laquelle il était indiqué « Recherché mort ou vif » écrit en gras. Le visage de Djoko ainsi que son nom y figuraient juste en-dessous, accompagnés d’une forte somme d’argent. Bien que l’intéressé aurait été certainement déçu de ne pas valoir plus que cela. Elle posa l’affiche devant eux et en sortit une autre, cette fois-ci au nom d’Altaïr et la posa juste à côté.
    -J’en ai tout une petite collection comme ça. Je suis certaine que le Juge Carmeda serait soulagé de mettre la main sur cette petite bande de malfrats. Je continue ?
    Uriah hocha la tête en signe de négation. Ludivine avait son visage baissé, ses mains jointes et Uriah pouvait l’entendre réciter tout bas et en boucle, la Prière de l’Empereur.
    -Bien, continua l’inquisitrice. Puisque tout le monde est concentré, vous allez me parler de ce que l’on voit sur cette vidéo-pix. Nous sommes d’accord sur le fait que l’on reconnait bien votre équipe.
    Elle porta son regard sur Jocasta puis sur la Brute.
    -Je viens de réaliser que c’est vous… Vous avez abattu quatre hommes et aurez même pu abattre les six à vous tout seul. Vos talents doivent être appréciés, j’imagine ?
    La Brute était au garde-à-vous, posté derrière le siège d’Uriah. A ses côtés, Jocasta cherchait à se faire oublier derrière ses propres cheveux noirs comme la nuit. Altaïr espérait juste que ce maudit félide cesse de le dévisager.
    -Ils le sont, Madame, répondit la Brute de sa voix grave et non sans une pointe de fierté.
    -Je n’en doute pas. Mais nous ne sommes pas ici dans une kermesse des FDP. Il y a des règles à ne pas dépasser.
    Elle feuilleta les documents de sa pochette puis s’arrêta sur un des dossiers.
    -D’un autre côté, avec un tel nom de famille, il y a sans doute une certaine logique…
    Uriah fronça les sourcils à cette remarque, réalisant que la Brute avait un véritable patronyme qu’il ne connaissait toujours pas. La Brute n’avait jamais eu de nom et tout le monde s’en était accommodé et pourtant… il était vrai que tante Isa lui avait dit qu’elle seule connaissait sa véritable identité.
    -Je veux toute l’histoire, lui demanda alors l’inquisitrice.
    Uriah lui raconta tout. Le cousin de Jocasta captif d’hommes de main d’un rival de la Maison Petrov, leur tentative pour le libérer, les tirs, la riposte. Les morts et un des tireurs retenu encore captif.
    -Ce sont eux qui ont ouvert le feu en premier, ajouta enfin Uriah. Nous n’avons fait que riposter.
    -Vraiment ? Dit-elle d’un air dubitatif.
    Altaïr qui n’avait pas parlé jusque-là, désigna la tablette de données.
    -Les enregistrements doivent certainement le confirmer, dit-il.
    Elle déroula de nouveau la vidéo et s’arrêta au moment des premiers tirs. Elle repassa la séquence plusieurs fois. On y voyait clairement deux hommes embusqués dans une coursive, puis qui leur tiraient dessus à l’aide de carabines laser. Elle coupa l’alimentation et reposa la tablette, se calant de nouveau dans son fauteuil. Elle resta à observer Jocasta.
    -Une histoire entre maisons navigators, donc ?
    -En effet, Madame. Ils détenaient mon cousin et je ne…
    -Quand bien même ce serait le paternova en personne ! Vos histoires de vendetta de la Navis Nobilite m’ennuient sérieusement. Tout comme vos querelles commerciales m’exaspèrent. Savez-vous pour qui travaille vos rivaux ?
    -J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une maison marchande, les Macritch, Madame.
    -Justement et il ne s’agit pas de n’importe quelle maison commerciale. Je viens de m’entretenir juste avant, avec Alexia Covigny, la capitaine de l’Anacreon Decimus qui mouille quelque part en orbite de Galen VI. En signe d’apaisement, vous allez restituer votre prisonnier à leur navigator et eux en feront de même avec votre… Je ne sais quel cousin.
    Uriah hocha la tête.
    -C’est d’accord.
    -Je n’ai pas terminé. Parlez-moi de vos autres vaisseaux, ceux censés arriver ici dans cinq jours, dit-elle en reportant son regard vers Uriah et Ludivine. De quel genre de navires parle-t-on ?
    Ils lui firent un rapide résumé des navires en question.
    Uriah commença à deviner les filets dans lesquels il venait de s’engluer…

    -Ce monde miteux autour duquel nous gravitons compte vingt-six millions de pénitents dont le seul et unique crime est de porter les péchés des pères de leurs aïeux qui avaient soutenu jadis une sédition, leur répondit l’inquisitrice.
    Elle croisa les doigts tout en les dévisageant un à un.
    -Vous autres libres-marchands, vous imaginez être au-dessus des lois. Il n’en est rien. Vous l’oubliez même parfois mais vous avez des devoirs. Des serments qui vous lient de manière héréditaire à l’Adeptus Terra. Vous avez de la chance que j’ai d’autres hérétiques à fouetter en ce moment et que l’Imperium ait des besoins car je serais en droit de vous jeter aux légions pénales tous les cinq et de faire saisir votre petite flotte. D’un autre côté, votre désinvolture mérite une sanction mais pour cette fois, je resterai magnanime. J’ai besoin d’un vaisseau pour une mission classifiée et vous allez me le fournir avec son équipage. Je vous laisse décider quel vaisseau vous allez me remettre, alors autant vous montrer très raisonnables. Je veux un navire avant tout discret et capable de se défendre. Il devra être rapide au besoin. Je vous laisse y réfléchir entre vous, vous avez trois jours pour me donner une réponse. En attendant, je vous encourage vivement à ne pas quitter la station, il est possible que j’ai besoin de vous dans les prochains jours. Si notre accord me satisfait, je ferai en sorte d’oublier certains dossiers. Qui sait ? peut-être finiront-ils par se perdre. Pour le reste… A savoir les réparations et les besoins en recrutement, vous verrez cela directement avec l’adepte Arnasher. Vous pouvez disposer.

    Une fois de retour dans les coursives de la station, en direction du quai où était amarré le Morning Star, Uriah constata que Ludivine avait encore les mains qui tremblaient. Il décida de les réunir tous les cinq dans le strategium à bord de son vaisseau.
    Une fois tous installés, il demanda à Altaïr de leur servir un amasec à chacun. Ce qu’il fit.
    Ludivine était encore sous le choc, à mi-chemin entre furieuse et abasourdie. L’Inquisition. Rien que ça. Elle s’était crue morte, jetée dans le vide comme une vulgaire criminelle, ou pire encore, enchainée comme une esclave au fond d’une mine de radium. Elle lança un regard noir à Uriah.
    -Il est hors de question que je cède le Daughter of Tempest !
    Uriah effectua aussitôt un signe d’apaisement avec ses mains.
    -Il n’en a jamais été question, rassurez-vous, je ne le permettrai pas. Pas plus que je ne céderai le Morning Star. Nous ne céderons pas nos deux navires amiraux.
    Ludivine radoucit alors son ton, voyant qu’ils étaient d’accord.
    -Alors lequel allons-nous lui laisser ? Demanda Altaïr qui en profitait pour retirer ses postiches. La corvette ?
    -Quoi ? Le Vanguard Avenger ? Lui dit Uriah. Il n’en est pas question, c’est le plus rapide de notre flotte. Non, nous allons lui laisser un de nos transports. Elle veut quelque chose de discret ?
    -Ce ne sera pas le Vigor Invictus, le classe Universe dans ce cas, répondit Jocasta.
    -Ni l’Omnis Delictum, ajouta la Brute. Trop gros.
    Uriah demanda à Altaïr de leur projeter les données qu’ils avaient recueillis sur les autres vaisseaux depuis un écran holo. Ils passèrent en revue les schémas techniques des navires et finirent par tous tomber d’accord sur le Soul of Adamantium, le transport de classe Carrack, celui qui avait attaqué le navire de Ludivine justement, quelques jours auparavant. Il était suffisamment rapide et bien armé, ce qui devrait satisfaire l’inquisitrice.
    -Bien, et maintenant que nous voilà avec huit vaisseaux, j’imagine qu’il ne reste plus qu’à leur trouver des contrats commerciaux ? Ajouta Altaïr.
    -Nous allons d’abord les faire réparer. Il se fait tard, mais demain, j’aimerai que tu t’occupes de ces détails avec le type du Munitorum.
    -Votre sénéchal n’a pas tort, capitaine, ajouta Jocasta qui déploya une carte holo du secteur Maelstöm. Nous devrions mettre ces prochains jours à profit afin d’établir les possibles entreprises commerciales à répartir entre nos navires. J’ai déjà commencé à y réfléchir…
    Elle arrêta un instant son regard sur Ludivine.
    -Si la capitaine Frae Spinaiser n’y voit pas d’inconvénient concernant ses propres navires, bien évidemment.
    Cette dernière eut une petite moue, restant pensive. En plus de sa solide frégate, elle disposait de deux autres navires dans le système Grief voisin. Mais si elle suivait le plan initial d’Uriah, ensemble ils allaient aligner huit navires et pas des moindres. Cela pouvait les propulser au niveau totalement inattendu d’une puissante maison libre-marchande. Certes, encore loin de la dynastie des Princes McIntyre mais déjà au niveau de la flotte d’Arden Lang ou de celle de la Duchesse Tzarine-Zetkin. Toutes les autres maisons libres-marchandes avaient monté des alliances afin de se renforcer face à la concurrence et aux menaces dans la région. Les xenos avides et les séides des Sombres Puissances étaient partout au pourtour des frontières. Parfois s’infiltrant dans des systèmes pourtant réputés sûrs. Seule, dans cet univers de menaces permanentes, elle savait qu’elle aurait beaucoup de mal à garder plus de deux vaisseaux. Doubler Uriah avait été une option mais à présent, cela aurait été le signe d’un caprice puéril. Lui faire confiance après cette attaque imprudente sur la station ? Trône, mais qu’est-ce qui lui était passé par la tête ? Avec l’inquisition et l’Arbites juste à côté en plus ? Certes, le geste était honorable vis-à-vis de sa navigator mais cela n’aura-t-il pas des conséquences bien pires à termes ? Si elle devait s’engager commercialement avec Uriah, il était certain qu’elle allait devoir imposer des règles afin d’éviter de tels imprudences à l’avenir.
    Et si elle devait s’engager bien plus avec lui ?
    Bien sûr qu’elle y pensait et n’en finissait pas de se dire que c’était bien trop prématuré, sinon une pure folie.
    D’un autre côté…
    N’était-ce pas là, le seul choix logique ? Un calcul des plus raisonnables face à l’inconnu ?
    Folie ou raison ?
    Et pourquoi pas les deux, au final ?
    Cette nuit allait devoir assurément lui porter conseil.

    Elle sortit de ses rêveries et adressa un sourire charmant à Uriah.
    -Il se fait tard et je tombe de sommeil. Nous en rappellerons demain si vous le voulez bien ? Cette journée a déjà apporté son lot d’émotions.
    Il se leva pour la raccompagner à la porte. Une fois sorti du strategium, il lui effleura la main. Corvin Vesuvio l’attendait non loin de là, à côté d’un des élévateurs dont il tenait la porte ouverte.
    -Alors demain, vous et moi, nous parlerons de…
    Elle lui déposa un baiser sur la joue.
    -Bonne nuit, capitaine Goldberg, lui dit-elle juste avant de s’éloigner vers l’élévateur.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 11/01/2024 à 18:06 Citer ce message

    Le strategium fut transformé en salle de travail pour les deux jours suivants. Alors que Jocasta et Djoko cartographiaient les routes warp commerciales envisageables dans toute la Zone du Maelström, Altaïr, Uriah et Ludivine se chargeaient de négocier les besoins en main d’œuvre et en matériaux de réparation.
    Cinquante mille prisonniers allaient être transféré dans les deux semaines en cours, vers leurs vaisseaux où ils serviraient désormais de renfort aux équipages. Enfin, concernant les réparations, les deux frégates seraient prioritaires. Selon la Magos Theodix Argentus du Morning Star, les travaux sur les deux coques prendraient une semaine, ce qui serait suffisant pour appareiller. Le reste des travaux de maintenance des ponts internes pourraient parfaitement avoir lieu en route, alors que les navires se dirigeraient vers les confins du système, vers sa zone de saut. De plus, en se débarrassant du Soul of Adamantium, il ne leur resterait plus qu’un seul navire à faire réparer, le Lady of Defiance. Ce dernier en avait pour trois à quatre semaines de travaux, ils le laisseraient donc à quai pendant tout ce temps, ce qui leur permettra de regrouper leur flottille avant de partir à l’aventure.
    Le deuxième jour, Uriah transmit la nouvelle à l’Inquisitrice Shard, l’informant qu’ils lui fournissaient le transport de classe Carrack ce qui sembla lui convenir. Il en profita pour s’entretenir un peu avec elle puis il suivit la demande de l’inquisitrice, à savoir restituer le captif à la Maison Petrov. Il chargea Säde de s’en occuper.
    De son côté, la Brute avait toujours l’intention de descendre en surface dès le lendemain, aussi ils profitèrent de cette occasion.
    -Nous allons finalement t’accompagner, lui dit Uriah. D’après ce que m’a dit l’Inquisitrice, tout à l’heure, il y a une mission écclésiarchique en surface. Un détachement de confesseurs ou quelque chose de ce goût-là et nous pourrions en profiter pour négocier avec eux. L’Inquisitrice m’a parlé d’un cardinal, mais je pense que son diacre – un certain Otto Astrimov - devrait suffire pour lui proposer un contrat de transports de leurs prêtres sur le classe Jericho. D’ailleurs, informez notre propre missionnaire, Helleth de Shaad, je veux qu’elle nous accompagne, elle devrait savoir leur parler.
    La Brute hocha la tête et quitta la pièce. Uriah reporta son attention vers Djoko, Altaïr et Jocasta.
    -Où en sont ces histoires de routes warp ?
    -Seuls les navires disposant de navigators pourront voyager en dehors des routes connues. Le Morning Star, le Daughter of Tempest et le Vanguard Avenger. Les cinq autres devront restés sur des routes warp strictement tracées. Et encore, leurs sauts devront être très courts, répondit Jocasta.
    -Ce qui complique nos projets, non ? Lui demanda Altaïr.
    -Cela va rallonger les délais car ils devront suivre des routes warp qui… Comment dire ? Même si la notion de détour n’est pas applicable dans le warp, les faire emprunter des routes fiables, sera plus long, en effet.
    -Mais cela réduit considérablement le danger, non ? Demanda Uriah.
    -Oui, considérablement. Même si l’Immaterium n’est pas un environnement stable, de nature. Le danger reste permanent.
    -Bien. Inutile de perdre nos navires alors à peine acquis. Nous choisirons la prudence, quitte à prendre du délai pour cela. Vous avez pu avancer sur ces histoires d’entreprises à monter ? Ludivine a donné son avis ?
    -Nous avons déjà avancé avec Djoko et Jocasta. Ludivine est d’accord. Nous proposons de commercer sur trois sous-secteurs sur lesquels repartir six vaisseaux en trois binômes : Badab, Karthago et Khymara. Le Vigor Invictus et l’Invincible Horizon feront la route de Babab V vers le système Pireaus pour du transport de minerais principalement. L’Asidus Excelsior et le Lady of Defiance feront du transport de pèlerins et de dignitaires de Isin vers Vyaniah et inversement. Et enfin l’Omnis Delictum et le Vanguard Avenger feront le trajet Pireaus – Archaea – Sagan, le monde dîme, pour tout ce qui est vivres, matières premières et troupes.
    -Parfait, ce qui laissera toute liberté au Daughter of Tempest et à nous de partir explorer ces fameux mondes perdus.
    -Le système Morgan’s Reach ? Lui demanda Altaïr.
    -Lui et trois autres systèmes complets. Tartuga, Verkruz et Zathatetus, répondit Djoko. Il semblerait que l’Administratum n’ait plus aucun contact avec eux depuis plus d’un siècle maintenant. Les derniers échanges remonteraient même au début de la guerre de Badab, au début des années 900.
    -Et personne ne s’en est inquiété depuis ? S’étonna Jocasta.
    -Si. L’Administratum s’en inquiète, justement, répondit Altaïr.
    -Plus d’un siècle après ?
    -On connait la lenteur administrative, ajouta Uriah. De plus, l’Imperium est englué dans une guerre totale depuis cette période. Il y a eu des priorités à gérer entre temps et cela nous offre là une formidable opportunité de reconnecter ces mondes au reste de l’Imperium.
    -Oui, enfin, attendons de voir à quoi ces mondes ressemblent aujourd’hui avant de reconnecter quoi que ce soit, ajouta Djoko avec son habituel sarcasme.
    -On sait quoi d’ailleurs sur ces systèmes ?
    -Une poignée de mondes frontières vaguement habitables, dont certains avec des ressources exploitables. Qu’ils étaient en bordure de la Zone du Maelström, leur dit Djoko, quelque part entre les Etoiles livides et les Etendues de Khymara. Une route warp passaient par là mais elle a été coupée sans que l’on ne sache comment durant la guerre de Badab. Certains parlent d’une vague tyranide ou ork qui serait passé par là. On sait que des orages warp localisés sont apparus dans cette région, comme l’Astra Noctae, le Malefex Noctis ou les Rapides warp de Cataractae. Des marines de légions renégates y ont été signalé. Plus récemment, la Grande Faille n’aura rien arrangé. D’ailleurs, nous avons pu l’expérimenter nous aussi il y a quelques années de cela. Mym Feist, le précédent navigator nous avait parlé d’une corvette perdue quelque part dans cette même région. Nous avons mis une année avec ta tante et l’équipage a le rechercher mais en vain. La zone est dangereuse désormais.
    -Je connais cette histoire. Tante Isa me la racontait le soir pour m’endormir. Le Princess Disillusion, corvette du capitaine pirate Helstrom, une classe Havoc lourdement armée et perdue après un incident warp… J’étais encore gamin, c’était juste avant que je rejoigne le Morning Star. Mais cette corvette, elle existe vraiment ? C’est pas une légende ?
    -Mym en était convaincu en tout cas. C’était le navigator de cette corvette et selon lui, elle se trouvait à la dérive au sein d’un champ d’astéroïdes. Il était prêt à risquer sa vie pour cette quête, ajouta Altaïr. Le seul risque est qu’elle ait déjà été découverte ou que ce soit un navire fantôme désormais.
    Uriah eut alors un large sourire tout en pointant la carte stellaire.
    -Vu que nous allons retourner dans cette région, nous en profiterons pour reprendre les recherches et nous en assurer. Pour cela, je compte sur nos astropathes et nos navigators. Leurs capacités psychiques devraient nous aider. En tout cas, je ne passerai pas à côté de l’opportunité de récupérer une seconde corvette.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 18/01/2024 à 20:31 Citer ce message

    Uriah avait organisé une réunion avec certains de ses officiers. Les prochains jours étaient consacrés entièrement à la réparation de la coque du Morning Star ainsi qu’au recrutement de quelques milliers de manœuvres pour remplacer les pertes récentes. Il confia la supervision des réparations à son premier technaugure, la Magos Theodix Argentus qui s’attela à la tâche avec toute passion dont pouvaient faire preuve les technoprêtres. L’acheminement des nouveaux matelots, était organisé lui, sous la vigilance de son chef bosco, le taciturne Casper Arkhan, un colosse à la peau sombre qui avait la charge des équipes disciplinaires à bord. Si tout se passait bien, d’ici les deux prochains jours, leurs autres navires seraient là, eux aussi.
    Tandis que les travaux et l’arrivée des équipes de travail suivaient son cours, le lendemain matin la Brute avait planifié sa descente à la surface de Galen VI.
    -Tu es bien certain de vouloir mettre les pieds sur ce monde carcéral poussiéreux ? Lui redemanda Uriah.
    -C’est important pour moi, se contenta de répondre son archimilitant, avec son habituel air taciturne.
    -Si j’ai bien compris, tu es né ici… Tu y as encore de la famille, c’est ça ?
    -On verra bien. Je dois juste m’en assurer.
    Uriah se contenta de hocher la tête. Djoko qui passait par là pour se servir un amasec, leva les yeux au plafond.
    -Les réunions de famille chez la Brute, ça doit être quelque chose.
    Ce dernier lui lança un regard noir, aussi Djoko reposa la bouteille et esquissa un large sourire.
    -C’est bon, je retourne sur la passerelle, je n’avais rien d’autre à faire de toute façon…
    Uriah reporta son attention vers la Brute.
    -Si c’est important pour toi, nous allons t’y accompagner. De toute façon, il reste encore trois jours de travail sur la coque et les autres navires seront là d’ici deux jours, nous devons bien tuer le temps en attendant. Et puis, j’ai envie d’aller parler à ce diacre. Il n’est pas impossible que je parvienne à négocier un contrat de transport pour ses ouailles.
    Il se tourna vers Altaïr.
    -Trouve-moi Helleth, notre Missionnaire, je vais l’emmener avec nous, elle pourra toujours l’aider à la convaincre.

    Trois heures plus tard, leur navette Aquila se posait sur le petit astroport de Vieille-Ville, la capitale de Galen VI. Uriah avait donc accompagné la Brute, en plus d’Altaïr, Jocasta et Helleth, leur missionnaire.

    En réalité, capitale était un terme un peu exagéré, car elle était l’unique agglomération de la planète. Au plus fort de son histoire, vers le 38ème millénaire, Galen VI avait été un monde industriel de moyenne importance pour la région grâce à sa proximité avec le système forteresse de Surngraad et le port orbital du système Grief. Ce fameux triangle connu sous le nom bien célèbre de Silent Reach avait été le haut lieu d’une des plus grandes batailles navales un siècle plus tôt, lors de la guerre de Badab. Plusieurs chapitres furent impliqués et deux maitres de chapitres perdirent la vie dans le système Grief selon certaines archives interdites. Durant ce conflit, Galen était un des systèmes vassaux des Mantis Warriors, alors accusés de sédition car en soutien à Huron Sombrecoeur. Galen VI en subit de lourdes représailles avec un bombardement orbital qui rasa une majeure partie des infrastructures et un assaut terrestre des Sons of Medusa qui écrasa toute résistance. Cent ans plus tard, seule la capitale, Vieille-Ville avait été entièrement reconstruite et regroupait aussi bien la ville, les pénitenciers, les manufactura et les bâtiments des adepta, le tout sur une dizaine de kilomètres de diamètre. La logique impériale était avant tout pratique étant donné que sa population de vingt-cinq millions d’habitants purgeait une pénitence sur six générations.

    Ils durent laisser leur navette ainsi que le pilote à l’astroport à une dizaine de kilomètres de la capitale car le survol de la planète était interdit – pour des raisons de sécurité. Passés les formalités de douane, ils firent le reste du trajet dans un camion brinquebalant qui servait de navette et transport en tout genre entre l’astroport et la ville. Le lourd transport les déposa à une des portes de la ville, eux et une bonne douzaines d’adeptes en transit. Comme la majeure partie des villes industrielles ou des proto-ruches, la proximité étouffante de massives manufactoria parmi les blocs habs de toute taille avait fait de Vieille-Ville un agglomérat urbain dense où des chappes de brouillard ocre brun ne parvenaient jamais à se dissiper totalement. Ici le port de masques respirateurs était plus que conseillé, mais pas imposé. Ceux qui n’en avaient pas les moyens portaient un simple foulard sur le nez même si la majeure partie des habitants disposait de masque ou de filtres et de vêtements de protection. Ici toute la population était forcée de travailler pour les adepta, sans exception, tel était le poids de la servitude à vie. Raison pour laquelle chaque habitant naissait, vivait et mourrait dans Vieille-Ville. On y vivait de manière collective dans des dormitorium, on y mangeait dans des refectorium et les seules attractions étaient les arènes de combat. Devenir gladiateur était une autre façon de vivre sa servitude et d’en contrôler une partie grâce à l’espoir d’un affranchissement. Cela évitait l’enrôlement dans les légions pénales aussi mais surtout, cela permettait de tenir la foule et contrôlait en elle, un certain esprit de révolte. Disons, dans la plupart des cas. Au pire, l’Arbites savait reprendre le contrôle. D’ailleurs, la présence de l’Arbites était partout grâce à un réseau de tours panoptiques qui jalonnait la ville à intervalle régulier. Des vigies mais aussi des servo-crânes de surveillance venaient renforcer leur présence, appuyée par des soldats du 11e régiment d'infanterie légère Markgraf qui en gardaient les principaux accès. On pouvait les reconnaitre à leurs uniformes anti-corrosion et leur masque respirateur.

    -Tu sais où tu dois aller ? Demanda Altaïr à la Brute.
    Ce dernier était en train d’observer les rues tortueuses de la ville industrielle, encombrée de massifs gazoducs, d’immenses cheminées crachant des fumées épaisses et de tuyaux oxydés, de toutes tailles qui serpentaient sans que l’on ne sache où ils menaient réellement.
    -Je crois… Mais la ville a changé.
    -Cela fait combien de temps que vous n’êtes pas revenu ici ? Lui demanda Jocasta.
    -Quinze ans, au moins.
    -Et tu recherches qui, si c’est pas indiscret ? Lui demanda Uriah.
    -J’en parlerai plus tard… Je dois d’abord trouver un endroit, un bâtiment de l’Administratum, mais je ne sais plus. Il y a la Tour du cardinal dont je me souviens.
    -Bien, lui répondit Uriah, on doit justement rencontrer l’Ecclésiarchie. On te suit.

    Après une bonne heure à tourner en ville et à se perdre dans des dédales de habs collectifs austères à n’en plus finir, Uriah attrapa Altaïr par la manche et lui glissa tout bas.
    -On va l’aider, sinon j’ai bien peur qu’on soit encore là demain à tourner en rond dans ce goulag à ciel ouvert. Ce dernier hocha la tête et tous deux allèrent trouver un petit groupe de marchands moribonds et émaciés qui vendaient des pains de viande reconstituée contre des tickets de rationnement. Après avoir échangé avec eux quelques instants, ils eurent l’information recherchée et comprirent qu’ils faisaient fausse-route, en se dirigeant totalement à l’opposé. Au bout de quarante-cinq minutes de marche plutôt pénibles dans des rues encombrées d’engins de levages et de transport, ils finirent par aboutir devant la haute tour qui servait de bâtiment écclésiarchique. Ils furent notamment surpris de voir des sœurs de bataille en tenue martiale complète en garder l’entrée.
    -Cela n’a rien d’étonnant, rassurez-vous, leur annonça Helleth de Shaad. J’ai cru comprendre que le cardinal et l’ordre épiscopal qui l’accompagne ont besoin d’une certaine protection. Les sœurs ont ce privilège, par la grâce de Terra, fit-elle en effectuant le signe de l’Aquila.
    -Vous-même êtes une ancienne de la Sororitas, peut-être pourriez-vous nous… ?
    -Vous aidez à entrer ?
    -Notamment, oui.
    Helleth était un petit bout de femme qui avait conservé le physique d’une combattante. Ses cheveux courts et ses bras couverts de tatouages de dévotions ne démentaient pas la ferveur qui l’animait. Son histoire, voulait qu’elle fût une sœur supérieure de l’Adepta Sororitas qui combattit ces dernières années durant la Croisade Indomitus. Le reste de son passé restait cependant assez confus, rare rescapée d’une terrible bataille, elle se serait portée volontaire pour intégrer les sœurs Repentia mais force était de constater que son sacrifice ne dut pas se passer comme prévu puisqu’un jour, ce fut le Père Gibbs, feu l’ancien confesseur du vaisseau qui finit par la recruter dans les bas-fonds d’un monde moribond, faisant d’elle son successeur.
    Les véritables raisons qui l’avaient poussé à rejoindre un équipage libre-marchand restaient inconnues mais cela convenait à Uriah. Il savait qu’on pouvait la croiser le plus clair de son temps parmi l’équipage, là où elle était des plus appréciées selon Altaïr. Helleth avait un certain charisme qui passait particulièrement bien. De plus, ses discours, ses chants et ses prières étaient véritablement appréciés par les matelots, notamment lors des sauts warp, qui étaient toujours une grande source d’inquiétude pour l’équipage.

    Uriah approcha des deux sœurs en faction.
    -Je me nomme Uriah de la Maison libre-marchande Goldberg, je souhaiterai m’entretenir avec le diacre. Otto….
    Les sœurs lui barrèrent le passage, leur bolter bien en main.
    -Personne n’entre, citoyen.
    Helleth qui se tenait à ses côtés, lui fit un petit signe, désignant l’accréditation qu’il gardait dans une de ses poches, étant donné que les sœurs n’avaient pas l’intention de le laisser passer. Il déploya le document et le tendit à l’une d’elle, qui s’en saisit et le parcourut avant de lui rendre.
    -Fort bien, capitaine. Dans ce cas, veuillez me suivre.
    Elle les conduisit à l’intérieur du vaste et sombre bâtiment jusqu’à leur indiquer une salle dallée où se trouvaient des bancs en pierre. Elle leur demanda de patienter là, ce qu’ils firent jusqu’à ce qu’un sacristain vienne les recevoir. Il les conduisit jusqu’au bureau du diacre situé au dixième étage de la tour, qu’ils durent gravir à pied.
    Parvenus enfin à l’étage souhaité, tous étaient un peu essoufflé, mais ce n’était rien comparé à Uriah qui peinait à gravir les dernières marches, totalement à bout de souffle.
    -Vous n’avez jamais songé à faire installer un élévateur ? Finit-il par faire remarquer au sacristain. Ce dernier se tourna vers lui.
    -Par Sainte Terra, nous en avions un mais l’avons supprimé. Eprouver notre chair ne peut que renforcer notre foi, capitaine, lui dit-il avec un large sourire extatique sur son visage austère. Je vous laisse y méditer quelques instants, pendant que je vais prévenir le diacre de votre visite.
    Il se dirigea vers le couloir qui menait vers une porte bardée de fer. Il toqua puis y entra, les laissant patienter dans le couloir. Cela laissa le temps à Uriah de reprendre un peu son souffle tout en maudissant ce satané prêtre. Au bout de quelques minutes, le sacristain ressortit dans le couloir et vint les trouver.
    -Le diacre vous accorde cinq minutes. Un conseil, soyez brefs et allez à l’essentiel.
    Puis il leur fit signe d’entrer.
    Le diacre Otto Astrimov était à son bureau, occupé à rédiger une missive. Même assis, il donnait l’impression d’être grand. C’était un homme mûr, sec et au visage austère. Il releva son regard vers les nouveaux venus, sans pour autant cesser d’écrire à l’aide de son stylus.
    -Vous devez être le capitaine… Goldman ? Dit-il en dévisageant Altaïr.
    -Goldberg, lui répondit Uriah. Je suis le capitaine Uriah Golberg.
    -Ah. Vous paraissez si jeune. Et que me vaut cette visite ? Je n’ai que peu de temps à vous accorder.
    -Oui, votre… On nous a prévenu de… Hum… En tant que libre-marchand, je souhaitais vous apporter les services de mes navires. J’ai notamment un transport de classe Jericho disponible pour convoyer des pèlerins ou pour tout personnel écclésiarchique.
    -Vous disposez de plusieurs vaisseaux, dites-vous ?
    -Absolument. Une petite flotte. Enfin, huit vaisseaux, pour être exact.
    -Ce qui est impressionnant même si je n’ai pas de tels besoin… En revanche, votre transport pèlerin pourrait bien me servir. Il dessert la région ?
    -Il devrait effectuer un trajet entre Vyaniah dans l’Amas de Khymara et Isin dans le sous-secteur Badab.
    -Le système Vyaniah est très intéressant. C’est là où se trouvent les mondes chapelles et le siège de l’Ecclésiarchie du secteur, mais aussi plusieurs ordres de l’Adepta Sororitas en plus de deux lunes cimetières où se trouvent les mausolées d’illustres maisons impliquant de nombreux pèlerinages. Cela pourrait m’intéresser, j’ai besoin régulièrement de maintenir des contacts avec le système Vyaniah, en effet. Il ne vous aura pas échappé que nous disposons d’un détachement de la Sororitas, ici sur Galen VI. La palatine en charge de ses sœurs saurait apprécier un trajet régulier entre ici et les mondes chapelles. En revanche… le système Isin est vraiment très excentrée par rapport au système Galen, je ne vois pas bien comment en tirer un quelconque avantage.

    Jocasta se pencha vers Uriah et lui murmura quelques mots qu’il reformula ensuite à l’écclésiaste.
    -Eh bien disons que nous pourrions modifier quelque peu sa route et le faire passer plutôt par le système Galen.
    -Cela serait-il envisageable ?
    -Si cela permet de trouver un accord, j’en serais particulièrement satisfait.
    -Si vous avez la capacité de me fournir un trajet régulier entre ces deux sous-secteurs, nous pourrions trouver un accord dans ce cas. Et vos autres navires ? Avez-vous d’autres projets en cours ?
    -Des projets commerciaux mais aussi de l’exploration.
    -De l’exploration de quelle genre ?
    -Plusieurs systèmes perdus qu’il faudra recartographier.
    -Voilà qui est intéressant… Vous sauriez aussi retrouver des vaisseaux ?
    Altaïr et Uriah eurent soudain leurs yeux qui s’écarquillèrent.
    -Des vaisseaux ?
    -En réalité ils ont très certainement été détruits ou perdus depuis bien des années. En revanche, c’est ce qu’ils transportaient qui m’importe le plus.
    -Une cargaison ?
    -Des reliques.
    -Qui doivent donc avoir une grande valeur, murmura Altaïr.
    -Une valeur immense à nos yeux, vous pensez bien… Le Cardinal Ignatius est intimement convaincu qu’elles sont quelque part, toujours intactes mais sans doute entre des mains profanes qui ignorent de quoi il peut s’agir. D’où l’importance de les retrouver avant que des yeux impies ne se posent dessus. Que le Trône nous en préserve…
    -Nous sommes bien d’accord, lui répondit Uriah, tout en mettant un coup de coude à Altaïr au passage.
    -Comprenez bien que le Ministorum vous serait des plus reconnaissants si vous nous rendiez un tel service.
    -Considérez que je suis votre homme dans ce cas.
    -Parfait. Je dois cependant vous laisser car j’ai un autre rendez-vous. Je vous laisse me formaliser une proposition pour votre transport pèlerin. Nous pourrons alors reparler aussi de ces reliques. Voyez avec mon secrétaire, il vous proposera un prochain rendez-vous.

    Ils ressortirent et retrouvèrent le sacristain dans le couloir. Le rendez-vous fut fixé au lendemain matin à 8 heures. Ils ressortirent de la tour et la Brute les dirigea vers des marchands ambulants où ils achetèrent quelques pains de viande reconstituée. Uriah préféra ne même pas en goûter un, plutôt habitué à déguster de la véritable nourriture et non pas cette pitance infame dont la viande avait des origines plus que suspectes. Les autres, moins regardant, semblaient se régaler. Ils trouvèrent une petite place où ils se posèrent le temps de faire un point sur la situation. L’idée des reliques était tentante même s’ils devaient tout d’abord penser à monter des entreprises commerciales afin de renflouer les caisses qui se vidaient comme neige au soleil, surtout avec les dernières réparations.
    -Tu penses que Ludivine acceptera ce que le diacre nous propose ? Demanda Altaïr.
    -Je pense même qu’elle en sera ravie. Cette proposition commerciale justement, nous avons ce genre de document à bord du vaisseau ? Lui demanda Uriah.
    -Mieux que ça, lui dit-il tout en sortant sa tablette de données. J’ai un modèle déjà enregistré ici. Il me reste à entrer les dates, les noms et à l’imprimer sur du parchemin.
    -Les miracles de l’Omnimessie ! C’est excellent ! Tu peux faire ça ici ?
    -Si je me connecte à un des gros cogitateurs de l’Administratum, en moins de trente minutes, ça devrait être possible. Je crois que la Brute devait y passer, non ?
    Ils se tournèrent vers l’intéressé. Ce dernier hocha la tête.
    -Oui, allons-y, j’ai justement des questions à leur poser.

    Trente minutes plus tard, ils trouvèrent le bâtiment de l’Administratum. Altaïr y accompagna la Brute tandis que le reste de l’équipe les attendait dehors. Altaïr trouva un adepte qui accepta de lui imprimer les documents pour le diacre tandis que la Brute en profita pour interroger d’autres clercs sur les membres de sa famille.
    Ils ressortirent quelques minutes plus tard. Uriah était satisfait de voir que les documents étaient déjà prêts. En revanche, la Brute affichait une mine sombre.
    -De mauvaises nouvelles ?
    -Oui et non.
    -On ne peut pas dire que notre Brute est très prolixe lorsqu’il doit parler de sa famille, lâcha Altaïr.
    -Cela n’a pas trop d’intérêt. Je vous en parlerai peut-être une autre fois. Disons que pour moi c’était du passé. Je ne pensais pas remettre les pieds ici sur Galen VI. J’ai un frère écclésiaste qui servait ici. J’en toucherai peut-être un mot demain au diacre.
    -Tu as un frère ? S’étonna Altaïr.
    -Je le croyais mort lui aussi, mais apparemment certains sont toujours en vie.
    -Certains ? S’étonna Uriah.
    -Je dois passer à la Castra Exercitus, ils ont peut-être une autre piste.
    -La quoi ? S’étonna Jocasta.
    -La caserne. Les troupes que l’on a croisé en ville. Il y a un régiment d’infanterie en faction ici, le 11ème Markgraf.
    -Des FDP ? Lui demanda Uriah.
    -Non, Astra Militarum.
    -Et tu y cherches quelqu’un ?
    -Oui. Je dois juste leur poser la question.
    -D’accord, si c’est important pour toi, on t’y accompagne.
    La caserne était à une quinzaine de minutes de là. Ils trouvèrent le large bâtiment en question. Uriah voyait bien que la Brute n’avait pas l’air très à l’aise, aussi il décida de l’accompagner. Ils purent s’entretenir avec des gardes en faction à l’entrée. Un sous-officier vient alors échanger avec eux pendant quelques minutes. Ils le remercièrent et rejoignirent le reste de l’équipe.
    -Qui est cette Alicia Lysander que tu recherches ? Lui demanda Uriah. J’imagine que ce n’est pas ta mère ? Ta femme ?
    -Ma fille.
    -Tu as une fille ?
    -Il faut croire.
    -Comment ça ? Lui demanda Jocasta, vous ne saviez pas que vous aviez une fille ?
    -Elle avait sept ou huit ans la dernière fois que je l’ai vu il y a quinze ans. A ses yeux je suis mort il y a bien longtemps et je pensais que c’était le cas pour elle aussi.
    -Attends, mais… Lysander, c’est aussi ton nom ? Lui demanda Uriah, soudain tout fébrile.
    La Brute se contenta de hocher la tête, presque gêné.
    -Lysander, comme ce héros Space Marine de ces romans héroïques que me lisait tante Isa ? Tu as un nom qui est porté par un demi-dieu ! Lui dit Uriah tout en écarquillant les yeux.
    -Oui, enfin, Lysander est un nom commun dans l’Imperium, faut pas quand même s’enflammer, lâcha Altaïr avec un haussement d’épaules.
    -Quand même… Ce nom…
    -Si je préfère taire ce nom, justement c’est bien pour une raison, ajouta la Brute. Ce nom n’a apporté que la mort.
    -Et une fille qui est toujours là. Elle travaille ici ? C’est une militaire ?
    -Elle est lieutenant dans le 11ème régiment. Mais là, elle est de service dans une mine à quarante kilomètres au nord de la ville à ce qu’ils ont dit.
    -Comment fait-on pour y aller ?
    -Il y a un convoi qui part de la porte de la Miséricorde dans moins d’une heure.
    -Tu veux la voir ? Lui demanda Uriah.
    -On n’aura pas le temps… Demain matin, on retourne voir le diacre.
    Uriah lui tapa sur l’épaule, dévoilant un large sourire.
    -Si, bien sûr qu’on a le temps. Nous sommes en début d’après-midi. Si nous nous hâtons, nous y serons en fin d’après-midi ou tout début de soirée. On trouvera le moyen de dormir sur place, comme ça, tu vas pouvoir retrouver ta fille. Allons prendre ce convoi !
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 26/01/2024 à 16:41 Citer ce message

    Ils voyagèrent à bord d’un de ces lourds Cargo-8 jaunes poussiéreux du Departmento Munitorum. Uriah, Altaïr, la Brute, Jocasta et Helleth leur missionnaire montèrent à bord du véhicule. Ces énormes camions tractaient plusieurs containers qui sillonnaient la Route 95 en direction de Little Rock, situé à quarante kilomètres plus au nord. De là, la route menait à la mine d’Eta Magna et continuait même plus au nord vers d’autres mines et carrières. Le trajet leur prit moins d’une heure, brinquebalés dans un des containers passagers, sous un soleil de plomb et dans une chaleur et une poussière pénibles à supporter. Le chauffeur et son assistante étaient deux clercs du Minutorum, des logisticiens reconnaissables à leur tunique et leur uniforme gris et à leurs tablettes de données qu’ils ne lâchaient jamais. Les logisticiens du Munitorum constituaient la colonne vertébrale de toute la logistique impériale qui gérait le transport de prométhéum, de matières premières mais aussi d’armement, de véhicules, de troupes, en passant par les rations de combat, les fûts d’amasec, les crayons à papiers, les paquets de cigalhos et tout ce qui pouvait se transporter. Aucun monde ni aucun conflit ne pouvaient être approvisionné sans la logistique du Munitorum. Un adage bien connu, disait que dernière chaque soldat de l’Astra Militarum, se trouvaient au moins sept clercs du Minutorum pour assurer toute la logistique de guerre.
    Ces adeptes n’étaient pourtant pas des combattants mais ils possédaient un savoir encyclopédique impressionnant en matière de stratégie bureaucratique et de références de l’immense nomenclature de bordereaux colorés aux désignations des plus cryptiques pour le simple profane. Malgré cela, il était toujours tragique de constater que vingt pourcents des chargements convoyés se perdaient dans la nature, ce qui était totalement accepté par le Munitorum qui s’en remettait aux aléas de quelques causes inconnues ou à de simples bugs de cogitateurs. Auditer et réformer un système qui avait fait ses preuves aurait été bien trop couteux de toute façon.
    Les deux clercs en question portaient la même tenue grise marquée du logo stylisé de l’Administratum avec les patchs du Minutorum. Celui du chauffeur indiquait fièrement son statut d’ordonnateur, un grade de sous-logicien adjoint, un de ces obscurs titres qui ne signifiait strictement rien en dehors de leurs officio. Pour tout le monde, ce n’étaient que des clercs ou des adeptes de base. Mais pour eux, cela signifiait qu’armé de sa tablette de données, il avait le destin d’un monde impérial entre ses mains et ça, en général, les clercs du Munitorum aimaient le faire ressentir à tous les agents de l’Imperium, car sans eux, ils n’auraient aucune chance d’avoir dans leur besace, leur boite de hachis de grox en gelée. Ce simple pouvoir était là, toute la fierté du Departmento Munitorum.
    Le chauffeur s’appelait Enosh. Il n’était pas très grand, le crâne rasé, la cinquantaine. Il s’épongeait le front régulièrement avec un mouchoir et selon lui, l’attentisme était une grande vertu qui pouvait résoudre bien des situations. Son assistante, une certaine Agusta, était une jeune femme brune avec un air blasé, toujours à marmonner en lisant sa tablette et en mâchant une sorte de chique qui avait tendance à lui noircir les dents.
    Enosh leur confia qu’ils étaient plutôt contents d’avoir des passagers car il n’était pas rare que des pillards des sables attaquent parfois les convois. Il leur montra que le convoi était équipé, à l’avant et à l’arrière, de bolters jumelés montés sur pivot mais malgré cela et les patrouilles des troupes locales, il leur précisa que cela n’arrêtait pas toujours les pillards.
    Quoi qu’il en soit, le trajet à vide se déroula sans encombre. Le lourd transport s’arrêta finalement dans un crissement de pneus, de sifflement des condensateurs thermiques et dans un nuage de poussière qui masquait en partie, l’entrée fortifiée de la mine. Uriah et son équipe descendirent de leur container en sautant au sol, voyant que les deux clercs étaient descendus aussi, inspectant les larges roues segmentées et l’état du camion dont le moteur continuait de siffler pour tenter de se refroidir. La première chose qu’il aperçurent, étaient une étendue de désert d’un côté et des masses rocheuses de l’autre, dont des galeries avaient été percées. L’entrée principale était fortifiée par une enceinte défendue par des parapets d’où l’on devinait des gardes armés et des autocanons en batterie. Les deux adeptes du Munitorum se dirigèrent vers les portes de l’enceinte. Un des gardes leur ouvrit et vint vérifier leurs bordereaux tout en discutant avec eux. Visiblement, ils avaient l’air de se connaitre. Uriah approcha avec la Brute. Le reste de l’équipe les suivait. Le garde reporta son attention vers eux. Il jeta un regard aux deux adeptes.
    -Ces gens sont avec vous ?
    -Ils ont fait le voyage à bord, répondit le chauffeur. Ils veulent parler à votre officier apparemment.
    Le soldat se tourna vers la Brute. Ce dernier identifia un grade de sergent sur l’uniforme du garde.
    -Vous venez pour quoi ? Lui demanda ce dernier.
    -Je souhaite rencontrer votre officier, comme l’a dit l’adepte. Une certaine lieutenant Lysander. Je peux la voir ?
    - Ça dépend.
    -Ça dépend de quoi ?
    -De qui la demande. Je n’étais pas informé de votre visite et je n’ai rien sur mes registres. C’est réglementé ici. Vous avez un ordre de mission ou quelque chose comme ça ?
    -Non… Nous ne sommes pas là en mission, c’est… Comment dire… Une simple visite.
    -Vous savez où vous êtes, ici ? C’est un colonie pénale. Personne ne vient en simple visite.
    -Informez juste la lieutenant Alicia Lysander de notre visite, nous allons l’attendre.
    -Bien… Dans ce cas, je vais voir pour la prévenir, mais vous attendez dehors.

    Le sous-officier retourna à l’intérieur de l’enceinte et fit fermer les portes derrière lui, accompagnant les deux adeptes vers un bureau. Uriah et son équipe restèrent à l’extérieur et décidèrent de revenir vers le camion garé juste en face, afin de se mettre un peu à l’ombre.
    Vingt minutes s’écoulèrent sans que rien ne se passe. La Brute en avait assez de jouer à jeter des cailloux sur les lézards des sables, aussi finit-il par se lever et revenir vers la porte d’enceinte afin d’interpeler les gardes au-dessus du parapet. Personne ne semblait pour autant lui répondre, aussi Uriah décida d’intervenir pour donner de la voix. Les portes s’ouvrirent de nouveau et le sergent l’interrogea du regard.
    -Nous attendons depuis presque trente minutes, indiqua Uriah.
    -Et ? S’étonna le garde.
    -Et quitte à devoir patienter, j’aurai apprécié ne pas le faire adossé à un camion, voyez-vous.
    -Vous venez aussi parler au lieutenant ? Je n’ai pas retenu votre nom…
    -Je suis le Seigneur-Capitaine Uriah Goldberg, de la Maison libre-marchande Goldberg.
    -Par Terra… Mais il fallait me le dire tout de suite, Seigneur, je suis confus d’un tel malentendu… Voyons, ne restez pas ainsi, suivez-moi. Je me demande bien quel est le crétin qui vous a laissé ainsi dehors !
    Uriah lui lança un regard appuyé.
    -J’ai bien ma petite idée, croyez-moi.
    Alors qu’ils le suivaient à l’intérieur, ils eurent une idée de la structure même d’une partie de la mine en question. Des dizaines d’ouvriers y travaillaient, poussant des chariots emplis de cristaux d’un bleu clair. Chariots qui étaient ensuite vidés dans des caisses de transports, elles-mêmes empilées, répertoriées et étiquetées minutieusement par les deux adeptes en vue du chargement vers les containers du camion. Un peu plus loin, les bruits étaient couverts par le vacarme de marteau-piqueurs et autres engins de chantier.
    -C’est quel type de cristal ? Demanda Altaïr au sergent, en haussant la voix, tout en passant devant les caisses. Il semblait réellement intéressé.
    -C’est une mine de lithicarium, ici.
    -Ah ?
    Le soldat vit que cela ne lui disait visiblement rien. Il se contenta de hausser les épaules.
    -Je ne suis pas un expert comme les magos, mais, parait que ça rentre dans la fabrication des cellules énergétiques des armes laser. Me demandez pas comment ça marche, j’y connais rien aux arcanes de la Machine, je sais juste que ces foutus technoprêtres en ont besoin.
    Altaïr nota cela dans un coin de sa mémoire mais préféra ne rien ajouter.
    -La lieutenant Lysander serait-elle dans les parages ? Demanda Uriah.
    Le sergent se contenta de lui indiquer un couloir.
    -Juste au bout, sur votre droite, vous avez le quartier des officiers. Si elle n’y est pas, quelqu’un saura vous renseigner.
    Uriah le remercia et indiqua à son équipe de le suivre. Ils eurent une idée de l’étendue de la mine, voyant des tunnels et boyaux qui s’étendaient dans les parois rocheuses étayées et éclairées par des lumiglobes au phosphore. Des wagonnets montés sur rails étaient tirés ou poussés par des mineurs dans chaque tunnel. De-ci, de-là, des gardes armés surveillaient les mineurs. Ils empruntèrent le chemin désigné et tombèrent sur une petite salle où un magos était en pleine discussion avec d’autres soldats, tous gradés. Ils s’interrompirent et les regardèrent approcher. Un sous-officier les interpela.
    -Vous cherchez quelque chose ?
    -Oui, nous cherchons le lieutenant Alicia Lysander.
    -Elle est occupée en ce moment.
    ++Question : Nature de votre demande ? ++ Les interrogea le magos de sa voix métallique et monocorde. Il affichait toute la panoplie des prêtres de son ordre, avec ses robes rouges crénelées de blanc, sa hache omnissienne et ses implants mécaniques et autres mécadendrites.
    -Un sujet personnel. Je suis le seigneur-capitaine Uriah Goldberg, libre-marchand. Nous avons fait route vers ce monde pour affaires et il se trouve qu’un de mes officiers est un parent du lieutenant Lysander.
    -Vraiment ? S’étonna le soldat. Elle ne nous a rien dit.
    -Elle est ici… Je veux dire dans cette mine ?
    ++Affirmatif. Le lieutenant Lysander rempli ses fonctions actuellement dans les parties inférieures de la mine++ Répondit la magos.
    -Peut-on la contacter ?
    Le sergent fit un signe vers leur opérateur vox. Ce dernier haussa les épaules de manière navrée.
    -Le vox ne capte pas, vous savez… il y a trop d’interférences.
    ++Correction : Loué soit l’Omnimessie, l’esprit du vox fonctionne parfaitement. Précision : Il s’agit des ondes antirésonances générées par la nature piézoélectrique du lithicarium qui interfère sur l’élasticité des vibrations acoustiques. Un humain non modifié n’est pas en mesure de percevoir ces ondes, ce qui n’est en rien la faute du vox, mais la faute d’une biologie non augmentée. ++
    -Très bien, magos… Merci pour ces… précisions. Mais y aurait-il un moyen de nous conduire au lieutenant, tout simplement ?
    Ce dernier ne lui fournit aucune réponse, préférant échanger en binaire avec son servo-crâne. En revanche, le sergent fit un signe à Uriah.
    -Elle est tout en bas et ne remontera qu’en fin de journée. C’est urgent ?
    -Nous espérons repartir avec le camion du Munitorum, donc oui…
    -Ah oui… Il repart dans une heure. Eh bien, pour cela, il vous faudrait descendre dans la mine, je suppose. En théorie, vous n’êtes pas censé y descendre.
    -C’est dangereux ? Demanda Altaïr.
    -Si c’est dangereux ? Trône, c’est une mine à quelques six-cents mètres sous terre, donc oui. Si vous avez un problème en bas, on ne sera pas responsable.
    Uriah interrogea la Brute qui paraissait plus que déterminé. Les autres semblaient tous d’accord.
    -Bien. Si on doit descendre, on fait comment ?
    -Venez, je vais vous mener au monte-charge, mais je maintiens que c’est surement pas une bonne idée.
    Le monte-charge était une machinerie antique, grinçante et haletante comme une pièce archeotech rongée par les siècles. La descente était tout simplement oppressante et interminable. On eut dit qu’ils descendaient vers quelques enfers d’où ils n’allaient jamais revenir. Plus ils descendaient, plus Jocasta, restée silencieuse jusque-là, devenait nerveuse et agitée. Helleth, installée à son opposée, était concentrée à réciter des mantras, les yeux fermés, durant toute la descente.
    -Quelque chose ne va pas ? Lui demanda Altaïr.
    -Un mauvais pressentiment. Il y a des ondes… Répondit la navigator.
    -Le truc dont parlait le magos ?
    -Non… Un danger… Quelque chose s’est réveillé.
    -Quoi ? S’étonna aussitôt Uriah. Helleth se mit à se signer avant de détacher l’épée tronçonneuse qu’elle portait dans le dos. La Brute venait de mettre la main sur la crosse de ses pistolets bolter. Il les dégaina.
    -Des tirs… J’entends des tirs.
    Le monte-charge venait de décélérer avant de s’arrêter d’une façon un peu brusque. La porte grillagée s’ouvrit et ils se trouvèrent aussitôt face à un groupe de mineurs paniqués qui se ruèrent vers eux en criant.
    -Remontez ! Remontez vite !! Fermez cette grille par le Trône !
    La Brute en attrapa un au passage et le plaqua contre la parois.
    -Parle, par Terra ! Qu’est-ce qui se passe ici ?
    Le type avait les yeux écarquillés et semblait réellement paniqué.
    -Les monstres ! les monstres !
    Ils sortirent du monte-charge et Jocasta en profita pour se coller devant l’un d’eux, dévoilant son simple regard. Nul besoin de brandir son troisième œil pour tétaniser quelqu’un. Son regard pouvait déjà effrayer.
    -Quel monstre ? Où ça ?
    Le type leur indiqua une direction en criant. Il se dégagea à son tour et avec ses camarades, refermèrent la grille du monte-charge qu’ils remirent en marche.
    -On les laisse repartir ? Demanda Helleth.
    -Oui, avec un peu de chance, ils préviendront les secours en surface.
    -Espérons, leur répondit Altaïr.
    Uriah et ses hommes avaient sortis leurs armes et se tournèrent vers un des couloirs indiqués. D’autres mineurs refluaient en courant et en criant. Ils perçurent des tirs et virent les murs d’une parois en pierre trembler alors que des fragments de roche volaient en tous sens. Un créature de trois mètres, couverte d’une sorte de carapace bleutée émergea. Ses longs bras terminés par des pinces et se gueule munie d’une paire de mandibules immenses. Elle poussa un rugissement subsonique tout en terminant d’éviscérer un des mineurs qu’elle coupa en deux. La bête tourna sa tête insectoïde vers eux, faisant claquer ses mandibules dans une série de sons qui rappelait une sorte de langage inintelligible.
    Uriah en resta totalement tétanisé, incapable de bouger. Helleth s’interposa, son épée tronçonneuse brandie alors qu’elle enroulait son chapelet autour de sa garde, tout en récitant une litanie de détestation.
    -Par le warp, qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Me dites pas que c’est ça, ce qu’on appelle un tyranide ? Leur demanda Jocasta avec inquiétude, tout en pointant son pistolet mais réalisant que l’arme n’allait pas lui servir à grand-chose.
    -Non… C’est un ambull, lâcha Altaïr. Une bête des profondeurs qui vit justement dans ce genre de galeries.
    -Ça se tue comment, ces saloperies ? Lui demanda la Brute.
    -Avec une puissance de feu maximale, lui répondit Altaïr qui visa avec précision et ouvrit le feu avec son pistolet bolter. Il tira deux bolts qui firent mouche en pleine tête de la bête qui cherchait à les charger. Les bolts percèrent la cuirasse et éclatèrent avec une large giclée d’ichor, ce qui força la créature à reculer en poussant un rugissement, ses sens largement amoindris. Elle tituba et chercha à reprendre l’équilibre, loin d’être mortellement touchée.
    Elle allait s’apprêter à bondir mais la Brute ouvrit le feu en rafale de ses deux pistolets bolters et fit mouche, touchant la bête en plein torse, explosant sa cuirasse alors que quatre bolts détonnaient dans sa poitrine. Jocasta venait de découvrir son œil warp et foudroya la bête à son tour. L’ambull tituba de quelques pas en arrière puis s’écroula, tué sur le coup tandis que des fluides violacés et jaunes giclaient de ses plaies béantes et fumantes.
    Uriah venait tout juste de reprendre ses esprits, alors que la sœur s’occupait de la couvrir, s’assurant que nul autre danger ne surgisse de cette grotte maudite.
    -En avant ! Leur cria la Brute qui déjà, s’élançait vers les autres tunnels d’où venait le bruit des combats.
    Enjambant le corps de la bête et les quelques cadavres de mineurs éparpillés, ils se dirigèrent vers un ensemble de couloirs menant vers les tirs et les cris qu’ils percevaient plus loin. Ils empruntèrent une passerelle et finirent par déboucher dans une vaste caverne en cours d’excavation. Une poignée de gardes étaient retranchés là, derrière des colonnes de roche, occupés à dispenser un tir nourri sur deux autres ambulls. Les tirs combinés de laser et d’armes d’assaut légères ricochaient sur leur cuirasse sans leur occasionner beaucoup de dégâts, sinon les rendre encore plus furieuses. Les créatures semblaient avoir émergés d’une vaste cavité creusée tout au fond de la grotte et s’en était pris à des mineurs et d’autres gardes dont les corps démembrés gisaient là. Altaïr et la Brute ouvrirent le feu sur la première des créatures, relâchant une volée de bolts explosifs qui détonèrent dans le corps et la tête de l’ambull alors que ce dernier venait de se saisir d’un des gardes. Uriah ouvrit alors le feu en rafale de son pistolet laser radiant. Malgré la puissance de feu de l’arme, capable de traverser un adversaire, il réalisa que ses tirs n’eurent que peu d’effets sur la bête.
    Jocasta, comme précédemment, la foudroya de son œil warp. La bête, déjà grièvement touchée, poussa un hululement tandis que ses yeux explosaient en giclant. La frappe tua le malheureux garde déjà blessé, au passage. L’autre ambull en profita pour charger mais ils appelèrent les gardes restant, leur criant de les suivre et de se replier de toute urgence. Une jeune femme était parmi eux, une officier et la Brute ne put qu’être soudain saisi d’une joie mêlée d’inquiétude. Cette soldate devait très certainement être sa propre fille et elle ignorait tout de lui. Il n’avait pourtant pas le temps de s’éterniser sur ses pensées personnelles. Ils allaient devoir se sortir de là, sous peine de finir au menu de ces satanés bestioles.
    Ils couvrirent la retraite des derniers rescapés. Ils n’étaient plus que trois en comptant le lieutenant. Cette dernière, comme ses hommes, étaient étonnés de voir cet étrange équipe venir les sortir de là, mais préféraient garder leurs questions pour plus tard. L’urgence était de sortir de cette mine et de distancer l’ambull qui cherchait à les talonner. Les parois étaient étroites, pourtant il n’avait aucune peine à agrandir les accès à l’aide de ses puissantes pinces. Tout en rebroussant chemin, Uriah nota des caisses et barils dans un des tunnels et reconnut les symboles marqués dessus indiquant qu’il s’agissait d’explosifs. Tout en couvrant leurs arrières, il interpela la Brute.
    -Tu crois qu’on pourrait tout faire sauter ? Tu t’y connais en explosifs, non ?
    -Je m’y connais, oui.
    -Mauvais idée, leur cria Altaïr, tout en débouchant dans la première salle, celle où se situait le monte-charge. Si on fait sauter ces caisses, je crains que toute la caverne ne s’effondre et nous avec.
    -Alors ne perdons pas de temps, tout le monde au monte-charge et vite !

    Alors qu’ils rebroussaient chemin, une autre créature en profita pour jaillir d’un large puit inondé. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un ambull et ils ne surent dire de quoi il s’agissait. Son corps était serpentin mais tenait en même temps du mille-pattes géant. Enroulée sur elle-même, la créature était déjà grande mais elle devait faire plusieurs mètres de long, sans doute huit à dix mètres. Son corps était couvert d’écailles cristallines bleutées, elles aussi et même des gemmes de lithicarium semblaient pousser sur sa cuirasse. Enfin, c’était surtout sa gueule démesurée et garnie de crocs longs comme des dagues qui était la plus impressionnante. Ses crocs semblaient faits d’une sorte de cristal scintillant et extrêmement dur. La créature était étrangement capable de se déplacer dans un silence presque absolu. Elle bougeait avec une lenteur infinie et pourtant, l’instant d’après, elle frappa et happa un des malheureux mineurs qui n’avait pas pu fuir et qui était resté dans la grotte. Elle s’en saisit dans sa gueule immense, brisa son corps entre ses crocs de diamant et le goba tout cru.
    Depuis la tunnel adjacent, le dernier ambull était occupé pendant ce temps à se frayer un chemin vers eux. Le groupe de rescapés se mit à reculer tout en ouvrant le feu, se concentrant d’abord sur l’ambull, plus proche.
    Altaïr, Uriah et les gardes restant se précipitèrent vers le monte-charge qui était en train de redescendre et qui semblait mettre un temps interminable à arriver. Pour les couvrir, Helleth, Jocasta et la Brute continuaient de faire feu. L’ambull finit par tomber et malgré une attaque qui emporta un des gardes, les bolts de la Brute eurent raison de la créature cristalline dont une partie du corps explosa en milliers de fragments. La bête retomba, morte elle aussi non sans avoir effectué un carnage juste avant.
    -Pas de blessés ? Tout le monde va bien ? Cria Uriah qui venait de dégainer son épée énergétique, au cas où.
    -On a de la chance de bien s’en sortir, répondit Helleth qui inspectait les restes des créatures avec un certain dégoût.
    -On ferait mieux de remonter, leur répondit la lieutenant. Le monte-charge est là. A son bord se trouvait quatre soldats lourdement armés.
    -Tout va bien ? Lui demandèrent-ils. Vous n’avez rien.
    -Ça va, mais il vaudrait mieux remonter, je dois parler au magos de toute urgence.

    Pendant la lente remontée, elle porta son attention vers Uriah. Ce dernier ne pouvait s’empêcher de la dévisager. Il était difficile de voir dans cette jeune femme un quelconque lien de parenté avec la Brute. Lui qui était un colosse martial tout en muscles, au crâne rasé et le corps couvert de cicatrices alors que la jeune lieutenant était plutôt fine et non dénuée de charme, même si elle affichait une certaine froideur et une distance toute professionnelle, propre aux officiers de l’Astra Militarum. Son uniforme portait des décorations et une ancienne cicatrice lui barrait sa joue gauche, signe qu’elle avait déjà connu des combats. La Brute l’avait aussitôt noté non sans une pointe de fierté.
    -Au fait, je n’ai pas retenu votre nom ? Dit-elle à Uriah. Je vous dois une fière chandelle, qui que vous soyez d’ailleurs.
    -Capitaine Uriah Goldberg. Je suis libre-marchand et voici une partie de mes principaux officiers.
    -Pardonnez ma question indiscrète, capitaine, mais que fait un libre-marchand, ici au fond de la mine carcérale de Eta Magna au fin fond du monde perdu de Galen VI ?
    -C’est bien là toute la question, lieutenant. Une longue histoire à laquelle je ne saurai répondre… Du moins pas de ce monte-charge avec le warp sait quelle créature des profondeurs à nos trousses. Je préfère trouver un moment plus calme. Vous aurez peut-être besoin de boire un bon amasec avant.
    -On en a tous besoin, croyez-moi. Mais avant cela, je dois organiser la sécurisation de toute la mine et rendre compte à mon commandement.
    Elle soupira avant de poursuivre.
    -Vos hommes sont terriblement efficaces. Et bien équipé. Je paierais cher pour que le Munitorum nous fournisse des bolters comme vous avez, croyez-moi.

    Le monte-charge finit par arriver en surface. Là, un grand tumulte régnait dans toute la mine. Les gardes peinaient à maintenir un semblant d’ordre et tous les mineurs étaient au bord de l’émeute, reclamant des comptes et cherchaient à comprendre ce qui venait de se passer, combien y avait-il eu de victimes ? Où étaient les blessés ? Comment se faisait-il que personne ne venait les secourir. Alicia Lysander dégaina son pistolet laser Mk III et lâcha une rafale vers le plafond. Les traits d’un rouge vif zebrèrent la pénombre.
    -Il suffit ! cria-t-elle en direction des mineurs. Sa voix résonna dans toute la cavité. Elle pointa son arme vers un des mineurs. Un type musclés avec quelques augmentiques industriels.
    -Quelque chose à ajouter, Sharpe ?
    Il recula d’un pas, levant les mains en signe d’apaisement.
    Elle fit un geste vers le sergent, celui qui s’entretenait un peu plus tôt avec le magos, juste avant qu’Uriah et ses hommes ne descendent.
    -Sergent Kreel, que tout le monde retourne à son poste de travail et faites-moi condamner ce monte-charge.
    -A vos ordres, lieutenant.
    Le sergent ordonna à ses hommes de remettre tout le monde au travail.
    Elle rengaina son arme et interpela l’officier vox.
    -Où est le Magos Ogonax ? Je dois lui parler.
    -Il supervise le chargement du convoi, à l’extérieur. Comme il manquait du monde pour…
    -Evidemment…
    -Vous voulez que j’aille le chercher ?
    -Non. Contactez plutôt l’état-major, vous me les passez dès que vous aurez la liaison.
    -A vos ordres.
    Elle se tourna vers Uriah tout en le pointant du doigt.
    -Ah c’est vrai, vous aviez quelque chose à me dire, c’est ça ? Suivez-moi, je vous dois un amasec.
    Uriah lui désigna son archimilitant.
    -En vérité, mon second aurait… Quelque chose à vous révéler.
    Elle se retourna le dévisagea avec un air intrigué.
    -On se connait ?
    -Je m’appelle la Br… Je suis le premier lieutenant… Je… On peut parler en privé ?
    -Eh bien oui, suivez-moi, il y a un bureau juste là.

    Alors que la Brute suivait la lieutenant, Uriah se pencha vers Altaïr.
    -Tu crois qu’on pourrait se remonter quelques trophées ?
    -Comme quoi ?
    Uriah sortit un fragment de cristal d’une de ses poches.
    -C’est un morceaux de dent de la bête rampante cristalline ? Lui demanda Altaïr.
    -C’est ça. On dirait une sorte de diamant. J’en ferai bien tailler un morceau pour en faire une superbe bague pour Ludivine. Tu en penses quoi ?
    -Qu’elle devrait apprécier, sauf si tu lui dis d’où ça vient.
    -Je verrais bien aussi une tête d’ambull dans le strategium. Ça aurait du style. Tu penses qu’on pourrait en remonter une ?
    -Personne n’y verra d’inconvénient à mon avis, surtout pas la lieutenant.
    -Elle est très charmante, tu ne trouves pas ?
    -Qui ça ? La fille de la Brute ? Je te rappelle que tu es presque marié à Ludivine, mon cher.
    -Presque ? Allons bon, espèce de vieux marieur. Il n’y a rien entre elle et moi. Enfin si, mais c’est même pas encore complètement officiel. Et puis l’un n’empêche pas l’autre.
    -Je me disais bien aussi que l’éducation de Djoko allait laisser des traces sur toi…
    -Oui, bin j’y suis pour rien si sa fille est aussi charmante.
    -C’est une militaire.
    -Et alors ?
    -C’est bien ce qui m’inquiète, tu sembles n’être attirée que par des meneuses d’hommes, mon cher Uriah. Ce sont elles qui vont finir par te faire perdre la tête.
    -J’aime les femmes qui ont un fort caractère, voilà tout… Au lieu de débitter des énormités, tu crois que la Brute va s’en sortir avec elle ?
    -Peut-être pas aussi bien que face à trois ambulls, mais on va croiser les doigts pour lui.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 02/02/2024 à 18:20 Citer ce message

    Uriah et le reste de l’équipe se chargèrent des préparatifs pour le départ. Ils profitèrent du fait qu’une équipe redescende dans la mine afin de contenir toute nouvelle menace, pour les accompagner. Comme Uriah l’avait souhaité, ils remontèrent une tête d’ambull comme trophée. Il fallut deux hommes pour la porter tellement elle était massive. Ils purent remonter aussi quelques dents de l’horreur rampante, faites d’une sorte de diamant. Altaïr déplora le fait que les corps des ambulls ne puissent être conservés pour le voyage car leur chair était un mets des plus délicats et des plus appréciés au sein de la noblesse. Le kilo se vendait à des prix prohibitifs, aussi il en était à se demander s’il n’y avait pas un possible commerce à monter sur Galen VI.
    Ces derniers préparatifs leur prirent une bonne heure. Pendant ce laps de temps, la Brute se trouvait dans la petite pièce qui tenait lieu de bureau au lieutenant Lysander. La structure faisait partie d’un ensemble de blocs modulables qui servait de pièces de vie pour le personnel. Elle prit place dans son fauteuil, derrière son bureau, posant sa casquette d’officier à côté d’elle et indiquant d’un geste de la main à la Brute de prendre une chaise.
    -Je vous en prie, asseyez-vous, lui dit-elle. Ce qu’il fit. Elle attrapa une bouteille d’amasec dans son tiroir, en sortit aussi deux verres et en versa une rasade à chacun. Il prit son verre et la gratifia d’un signe de remerciement.
    -Je vous dois bien ça. Et je dois un verre au reste de votre équipe aussi, je n’oublie pas, dit-elle. C’est un beau bordel… J’ai perdu quatre de mes hommes en bas, sans compter le double de mineurs, je pense.
    -C’était un accident…
    -C’est exactement ce qui figurera dans le rapport. De toute façon, le Minutorum et le Mechanicus se contrefoutent de ce genre de détails, le reste n’est que de la paperasse qui sera archivée et jamais lue. De la paperasse et des soldats morts bêtement. Je dois écrire à leur famille qu’ils ont fait leur devoir envers le Trône et sont morts bravement.
    -Ce qui est le cas.
    -Bien sûr que c’est le cas, mais on aurait pu éviter ça, si vous voulez mon avis. Pas parce qu’ils sont morts par accident mais parce que ça fait des mois que je réclame des moyens au Munitorum et au Mechanicus et qu’ils font la sourde oreille. Bref, en tout cas, je dois bien avouer que vous êtes un sacré bon tireur.
    -Y a quelques années de pratique, c’est vrai. Mais deux pistolets bolter, ça aide aussi.
    Elle l’observa avant de poursuivre. Elle ne pouvait pas ignorer ses tatouages, son physique ni ses cicatrices. Certaines étaient anciennes.
    -Militaire, c’est ça ? Vous avez servi dans l’Astra Militarum, aussi ?
    -Officier dans la navale.
    -Oh… Sans vouloir vous offenser, vous êtes plutôt… costaud pour un officier de la marine. Les hors-mondes sont assez fins en général.
    -C’est parce que je ne suis pas hors-monde. Et parce que j’ai un long passé de combattant.
    -Je me doutais bien que vous étiez formé aux arts du combat. D’ailleurs, votre visage ne m’est pas inconnu étrangement. Votre accent aussi. Vous êtes galennien c’est bien cela ? On s’est déjà croisé, non ?
    -Justement, c’est ça le sujet. On s’est bien croisé mais c’était il y a longtemps.
    La Brute ne pouvait s’empêcher de l’observer. Il voyait la cicatrice qui courrait sur sa joue, comme la marque indélébile d’un coup qui aurait pu lui être fatal. Une lame. C’est la marque d’une lame qui lui avait fait ça, se dit-il. Une lame dentelée, vicieuse, faire pour étriper ou égorger salement, une arme d’hérétique. Il s’imagina un instant tenir le sale fils de grox qui lui avait fait ça pour pouvoir lui broyer le crâne à main nue.
    -Oh, laissez-moi deviner, répondit-elle… C’était lors des révoltes contre les troupes de Septimus Void, il y a quatre ans ? Ou le conflit de Silent Reach contre les Maelstrom Dogs ?
    -Non, c’était bien avant ça.
    La Brute laissa passer quelques instants avant de poursuivre. Il attarda son regard sur l’uniforme vert-de-gris qu’elle portait. Elle avait donc fait la seconde bataille de Silent Reach. Une guerre navale titanesque qui avait bien failli tourner au fiasco pour les troupes impériales. Elle parlait aussi de Septimus Void, le prince pirate qui tenait de la légende depuis des siècles. Bien des rumeurs courraient sur son compte car aucun humain naturel ne pouvait vivre aussi longtemps. Il attarda son regard sur ses grades, ses décorations. La Médaille écarlate pour blessure grave au combat, le Crâne ailé pour avoir mené une victoire décisive sous son commandement, la Citation de l’Ordre de l’Aigle écarlate, pour blessures et victoire lors d’un assaut aéroporté, ce qui en soit était une prouesse martiale. La Médaille du triple crâne pour avoir survécu à un assaut victorieux malgré plus de 66% de pertes, l’Aquila d’acier pour avoir vaincu un ennemi supérieur en nombre et ainsi avoir renversé le cours d’une bataille. Et enfin, non des moindres, il reconnut la Médaille d’honneur de Sainte Alicia Antiphonia arborant les doubles lauriers pour distinction au combat.
    Alicia avait participé à la croisade de la Sainte dont elle portait le même nom… La Croisade d’Endymion là où la Sainte serait morte trois fois face à la tricherie de l’Alpha Legion et au carnage des Night Lords et des Red Corsairs. Les pertes impériales y furent épouvantables et la Sainte, trois fois réincarnée ne dut sa survie que grâce au sacrifice des Sœurs de l’Ordre de la Rose Sacrée. L’ordre auquel appartenait Helleth de Shaad justement.
    La Brute en resta sans voix. Lui-même au même âge était loin d’avoir reçu autant de distinctions. Elle portait un Aquila en argent autour du coup… Médaillon qu’il reconnut tout de suite. Derrière elle sur une étagère, parmi les traités du Strategos et des mémoires historicae des conflits militaires de la région, se trouvaient des codes sur la Lex Imperialis ainsi que le Credo Imperialis. C’était un ancien missel avec sa couverture en cuir rappé mais il le reconnut lui aussi. Une icône de la Sainte était là aussi aux côté d’une représentation de l’Empereur-Dieu.
    -Vous m’intriguez. D’ailleurs, je réalise que n’ai pas retenu votre nom… Lui dit-elle, le voyant perdu dans ses pensées.
    Il s’était préparé à cette question depuis ces derniers jours. Son nom… Depuis combien d’années n’avait-il pas dévoilé son nom. Dix ans ? Plus ? Il en avait perdu le compte depuis le jour où ses geôliers avaient fait de lui une machine à tuer à qui ils avaient arraché son humanité. Les souvenirs remontaient et ils faisaient mal. A une époque, il en avait presque oublié son nom… Un nom qui renvoyait à un âge héroïque, à Terra et un possible aïeul légendaire. Un nom qui ne lui avait pourtant pas porté chance.
    -Lysander…
    -Oui, c’est mon nom, lui dit-elle.
    -Je m’appelle Lysander.
    Elle lui lança un regard mi-intrigué, mi-amusé, ne sachant pas bien si c’était là une sorte d’humour.
    -Handrick Lysander, finit-il par articuler, comme si ces syllabes étaient dures à sortir. Handrick Lysander, c’est mon nom.
    -C’est une blague ? C’était le nom de mon père…. Il est mort lors de…
    -Non. Et tu es bien ma fille.
    Pour toute réponse, elle vida son verre et s’en resservit un autre, qu’elle vida à nouveau mais avec une grimace au passage.
    -Trône… Mais… Je ne comprends pas… Mon père est mort il y a des années de cela, je n’étais encore qu’une enfant. Oui, il était officier dans la marine mais son vaisseau a été détruit par les Red Corsairs et il n’a pas survécu…
    -J’ai bien failli le croire moi aussi, à un moment et pourtant. Je suis là.
    Elle se calla dans son fauteuil, restant là à l’observer.
    -Qu’est-ce qui me prouve que… ?
    -Ta mère s’appelait Attia et tu as le bleu de ses yeux. Elle était sergent dans le 33ème régiment Volk Progenium, ici sur Galen. L’Aquila qui tu portes autour de cou, c’est moi qui lui avais offert, le jour où j’ai rejoint la Croisade Indomitus. Ta grand-mère Quintilla… Ma mère, était adepte ici, au bastion de l’Administratum. Ton grand-père Amos, lui, était abbé-instructeur, il enseignait à la Schola où tu as été formée. Ton oncle, Keghan est prêtre et c’est son livre de prières que tu as derrière toi. Enfin, je ne sais même pas s’il est toujours en vie.
    Elle porta sa main à sa bouche, commençant à réaliser.
    -Il est toujours en vie… Enfin, je crois, dit-elle dans un simple souffle. Il est parti en mission pour le cardinal. Mais alors… Vous êtes… ?
    -Je suis fier de te rencontrer, Alicia.
    -Mais pourquoi ?... Pourquoi toutes ces années ? Pourquoi…
    -Parce que comme tu l’as dit, j’étais mort. On a été une poignée à échapper au désastre de Golgotha. Après trois ans à lutter contre les forces hérétiques jaillis de la Grande Faille et à reprendre une poignée de mondes moribonds, toute notre flotte a été détruite par des barges de bataille des légions renégates. Ils n’ont même pas ralenti ni dévié de leur trajectoire lorsque nos navires furent atomisés à coup de torpilles cycloniques, comme s’ils n’avaient jamais existé. Nous n’étions que quelques miraculés à dériver à bord de navettes et de capsules de sauvetages pendant deux mois. Pour l’amirauté, nous étions tous morts à ce moment-là. Jusqu’à ce qu’une flottille de récupérateurs vienne piller les épaves. C’est là qu’ils nous ont ramassé. On n’était plus qu’un quart à avoir survécu à ce moment-là. On était moins d’une cinquantaine dont la plupart, en très mauvais état.
    -Mais vous n’avez pas pu rejoindre les forces armées ?
    -Malheureusement, ceux qui nous ont retrouvé faisaient partie du clan des technomades, des pillards et esclavagistes sans foi ni loi.
    Il vit sa fille lâcher un juron, à l’évocation de ce nom. Elle semblait les connaitre aussi. Il poursuivit.
    -Seuls les plus solides d’entre nous ont été récupéré. Les autres ont été laissé à leur triste sort, à crever à la dérive. Ce qui était peut-être une bénédiction dans un certain sens. J’ai fait partie des moins chanceux. Nous, on a été vendu comme esclaves à une organisation criminelle qui faisait partie de la Kasballica.
    -Ces enfoirés de barons du commerce froid…
    -Exactement. Ces fils de grox nous ont enchainé, torturé, marqué comme des bêtes et envoyé comme divertissement dans des arènes de combat pour nous étriper entre nous. Un an après, j’étais le seul à avoir survécu, forcé de combattre contre mes propres camarades.
    -Mais vous vous en êtes sorti finalement.
    -Oui mais ça, je ne le dois qu’à Isabella. C’est elle un jour qui a monté une équipe avec Altaïr et Djoko et un projet d’évasion.
    -Qui est cette… Isabella ?
    -Isabella de la Maison Goldberg. Une libre-marchande exceptionnelle à qui je dois ma vie. Je l’avais connu au début de la croisade quand elle servait elle aussi dans la navale.
    -La libre-marchande pour qui vous… enfin, pour qui tu travailles actuellement ? Cette équipe qui est avec toi ?
    -C’est ça. C’est une longue histoire. Là, c’est son neveu qui a repris la charge de leur Maison. J’ai une dette envers eux. Mais aujourd’hui je te retrouve aussi. Pendant toutes ces années… Je… Jamais je ne pensais revenir ici sur Galen…
    -Et à présent, j’imagine que tu vas devoir repartir à bord de ton vaisseau ?
    -Dans quelques jours, oui. On attend le reste de nos navires qui ont besoin de quelques réparations et de recrutement.
    -Le reste de vos navires ? Parce que vous avez plusieurs vaisseaux ?
    -Huit, en tout.
    -Je suis impressionnée… Ah, c’est donc vous qui recrutez parmi les forçats ? J’ai entendu parler de ça. Tu fais donc partie des officiers, j’imagine ?
    -Je suis le second du capitaine, en réalité.
    -Oh… J’imagine que cela doit être une sacrée responsabilité. Félicitations.
    -D’ailleurs, si un jour tu souhaites nous rejoindre, il y aurait une place pour quelqu’un comme toi, tu sais.
    -Ça me flatte que tu y penses. Mais vois-tu… J’ai des devoirs et obligations sur Galen. Je ne peux pas lâcher mon poste comme ça.
    -C’est tout à ton honneur. Tu n’es pas affectée qu’a cette mine, dit-moi ?
    -Non, en effet. J’y travaille qu’une à deux semaines par mois. Le reste du temps, je suis à l’état-major à la capitale, ou bien, envoyée en patrouille contre les gangs des pillards des sables qui harcèlent nos convois.
    -Eh bien, si un jour tu te lasses de cette routine, tu as une place déjà toute trouvée à bord.
    -Je ne connais rien à la vie d’un vaisseau, tu sais.
    -Tu apprendras vite, je ne me fais pas de souci. Si tu as accès à un astropathe, tu sauras me joindre.
    Quelqu’un toqua à la porte puis entra. Il s’agissait d’Uriah.
    -Pardonnez cette interruption mais nous allons devoir repartir. Les chauffeurs du convois nous attendent.
    La lieutenant se leva et fit un geste en direction de la Brute.
    -Nous parlions et je n’ai pas vu l’heure tourner, en effet. Elle lui désigna la bouteille d’amasec. Vous prendrez bien un verre avant de partir ?
    Uriah prit une mine faussement hésitante.
    -En temps normal, j’aurai décliné, mais là… je ne dis pas non.
    -Vous voulez qu’on appelle le reste de vos hommes ?
    -Allons, inutile de les déranger, ils ont des affaires à charger dans le camion de toute façon et puis, je ne comptais pas trop trainer sous peine de voir les deux adeptes filer sans nous.
    Il vida son verre et fit signe à la Brute de le suivre. Il allait pour saluer la lieutenant mais cette dernière leur indiqua qu’elle allait les accompagner jusqu’au camion, ce qu’elle fit.
    Le reste de l’équipe les y attendait, tandis que le moteur du lourd Cargo-8 ronronnait. La Brute et sa fille restèrent là, un moment à se dire au revoir, d’une façon un peu maladroite avec juste un petit signe de tête et un léger sourire gêné. Uriah en profita pour s’interposer et tendit sa main vers elle, paume vers le haut. Elle ne comprit pas le geste et naturellement lui serra la main, mais il la lui prit et effectua un baise-main qui la surprit.
    -Très chère, c’était un plaisir de vous rencontrer. Au plaisir de vous revoir prochainement.
    Puis ils montèrent à bord du camion dans la soute arrière et le véhicule démarra bruyamment, juste après, dans un vacarme et un panache de fumée.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 03/02/2024 à 00:35 Citer ce message

    Sur le trajet, la Brute leur raconta brièvement qu’il était heureux d’avoir pu voir sa fille. Il resta cependant assez peu loquace sur le sujet mais ceux qui le connaissaient bien, virent qu’il était réellement fier d’elle. Uriah, de son côté était satisfait aussi. Il était heureux comme un gosse avec son trophée, un peu comme s’il sentait que son prochain anniversaire approchait à grand pas et qu’il s’offrait déjà son cadeau en avance. De plus, il se sentait en veine en ce moment, dans moins de deux jours, leurs autres navires seraient là, un jour ou deux après, le Morning Star pourrait enfin prendre le large et partir pour l’aventure. Certes, il y aurait aussi toute la partie commerciale à gérer pour leur petite flotte mais pour cela, il savait qu’il pouvait compter sur les talents d’Altaïr mais aussi sur ceux de Jocasta et Djoko pour la partie navigation. Il restait Ludivine, bien évidemment. Avec elle, il allait devoir passer à des sujets très sérieux. Ce vieux malin d’Altaïr avait beau radoter, il avait raison sur un point, il n’allait pas pouvoir rester de simples partenaires, Ludivine et lui. Ils ne tenaient pas un petit négoce d’amasec en bas de la rue. Ils avaient la possibilité de bâtir une dynastie. De placer leur nom dans la carré de tête des Maisons libres-marchandes du secteur mais pour cela, il ne pouvait être question de partenariat. Une dynastie ne sa bâtissait pas sur un partenariat mais par un contrat, une alliance et un mariage. Et ce mariage engendrait nécessairement des héritiers. Voilà ce que signifiait bâtir une dynastie… Car jouer dans la cour des grands de ce secteur allait forcément attirer de l’influence mais aussi des convoitises et des inévitables guerres commerciales. Alors autant marquer le coup rapidement et imposer son style tout en affichant une certaine puissance. Mais pour commencer, il allait devoir épouser Ludivine et même si cela l’effrayait, il se disait au fond de lui, qu’il y avait véritablement pire dans la vie.
    Uriah fut tiré de ses rêveries par la voix d’Helleth qui les alerta. Elle s’était levée de son siège où ils étaient installés dans le container à l’arrière du camion et scruta l’extérieur depuis une des meurtrières. Les soubresauts et la poussière n’aidaient pas à la bonne visibilité.
    -Vous avez entendus ça ?
    -Quoi donc ? Lui répondit Uriah. Les autres donnaient cette même impression de n’avoir rien entendu de particulier en dehors du vacarme du convoi.
    -Des bruits de moteurs…
    -On est sur une route, lui répondit Uriah. On doit forcément croiser d’autres véhicules, non ?
    La Brute se leva à son tour et ouvrit une des écoutilles donnant sur le toit. Avant même de regarder dehors, il sût que l’intuition de la sœur ne devait pas la tromper.
    -Des pillards des sables en approche, dit-il en se hissant sur le toit.
    -Tu vas où ? Cria Uriah.
    -Il y a un bolter jumelé sur le container arrière, se contenta-t-il de répondre.
    L’instant d’après, ils avaient tous sortis leurs armes alors que le bruits de coups de feu s’entendaient déjà. Des impacts se mirent à tinter sur la coque du container et des cris parvinrent de l’habitacle. Ils reconnurent la voix d’Agusta, la conductrice qui les appela à l’aide. Helleth fut le deuxième à se hisser sur le toit en passant par la trappe, suivit par Jocasta qui retira le bandeau qu’elle portait sur le front et relâcha un feu warp de son troisième œil droit sur trois motards qui venaient droit sur eux. Ils furent tous les trois balayés par l’onde de choc qui les propulsa en arrière, le visage en feu tandis que leurs motos firent des embardés et des tonneaux. Altaïr ouvrit le feu à son tour, touchant un autre motard arrivant par le flanc droit de leur camion.
    Les pillards étaient un mélange de hors-la-loi et de déserteurs moribonds mais farouchement déterminés, équipés d’armes de récupération et de véhicules bricolés. Un assortiment de motos, de quads et de véhicules tout-terrain leur fonçait dessus alors que leurs occupants ouvraient le feu de toutes leurs armes. Certains des pillards s’apprêtaient même à sauter sur le camion qui filait toujours à toute vitesse droit devant sur la route. Uriah tenta de placer un coup d’épée énergétique sur un des types accroché au container mais le manqua de peu, pendant ce temps, la Brute tentait de passer de toit en toit de chaque container mais les soubresauts et surtout les tirs lui firent perdre l’équilibre et il progressait avec une grande difficulté, obligé de s’accrocher d’une main et de dégainer un de ses pistolets de l’autre. Il échangea plusieurs tirs sans succès. Depuis le container, Jocasta foudroya un autre pillard dont la moto vint percuter une des remorques avant de passer sous ses roues avec son conducteur et Altaïr parvint à en abattre un autre qui bascula de sa moto qui continua toute seule avant de percuter un rocher.
    Helleth, qui était au niveau de la cabine, avait basculé le corps d’Enosh, l’adepte criblé de balles, dans le vide sous les cris de protestation d’Agusta, toujours au volant. Helleth se moqua de ses hurlement et s’installa à la place du mort, arma d’un coup sec la double culasse du bolter jumelé monté sur pivot et le fit coulisser en direction d’un tout-terrain situé trente mètres devant. Elle commença à faire pleuvoir les bolts. Depuis les containers à l’arrière, d’autres pillards venaient de s’accrocher aux montants latéraux, alors que le convoi filait toujours à pleine vitesse. L’un d’eux lança un cocktail molotov qui explosa là où se trouvait Jocasta. Une partie de ses robes commencèrent à prendre feu et elle se mit aussitôt à hurler. Uriah qui était occupé à tirer avec son pistolet radiant, se précipita pour l’aider. Il attrapa un sac en toile dans le container et l’enveloppa aussitôt avec, cherchant à étouffer les flammes. Le pyromane se jeta alors sur Altaïr avec une lame à la main et lui fendit la joue gauche avec. Luttant en plein corps à corps, il chercha à lui tirer dessus mais manqua ses tirs.
    La Brute, en queue de convoi était dans la même situation, un des assaillants venait de lui sauter dessus et manqua lui asséner un coup d’épée mais la frappe, mal ajustée le manqua et rebondit sur la porte du container. Le pillard manqua son coup et perdit son arme qui vola dans les air. De son autre main, il dégaina un pistolet mitrailleur mais la Brute s’arcbouta et lui décocha un grand coup de botte en plein torse lui faisant perdre l’équilibre. Le pillard chercha à se rattraper, lâcha son pistolet, glissa entre les deux containers en hurlant et fut happé dans le vide avant de passer sous les roues de la remorque.

    Une rafale de gros calibre manqua la Brute de peu, pourtant il sentit deux impacts ou peut-être des éclats lui lacérer les jambes malgré ses protections. Il serra les dents, les blessures étaient mineures et il en avait vu d’autres. Il s’agrippa au toit du dernier container, pointa son pistolet bolter et commença à faire un carton sur les deux quads qui tentaient de les prendre par les flancs. Il tua le conducteur de l’un des deux, envoyant le petit tout-terrain et ses deux occupants d’écraser sous une de leurs remorques qui fit une violente embardée alors qu’elle broyait ferraille et os sans distinction.
    Depuis le container de tête, Uriah était parvenu à sauver Jocasta in extremis, elle avait ses robes déchirées et brûlés et s’en sortait avec quelques brûlures mais sans trop de gravité. Il la laissa et vint aider Altaïr qui peinait à se sortir du corps à corps avec son adversaire mais c’est à ce moment qu’une rafale de balles de gros calibre traversa tout le container. Uriah évita les tirs de peu mais Jocasta, encore en état de choc se prit une balle en plein plastron. L’impact la propulsa dans le container où elle s’écroula au sol, inconsciente.
    A l’extérieur la situation devenait tout autant compliquée. La conductrice venait de se prendre deux balles parmi celles qui avaient touché le container. Elle gisait désormais le tête sur le volant alors qu’Helleth criait que quelqu’un vienne l’aider. Le camion, lui filait à une folle vitesse et avait quitté la piste, continuant tout droit en plein désert. Seul la Brute savait conduire un camion mais Uriah décida de se précipiter vers la cabine. Lui et ses compagnons continuaient de faire feu et abattirent les derniers pillards. Jocasta était mal en point, une balle avait bien failli lui perforer un poumon et elle devait bien avoir deux ou trois côtes cassées. Altaïr avait le visage en sang mais s’en sortait déjà mieux, quant à la Brute, malgré ses blessures aux jambes, il restait encore combattif. Les deux derniers véhicules des assaillants finirent par rebrousser chemin et partirent dans un panache de fumée et de poussière.
    Uriah se glissa vers la cabine, attrapa le corps de la malheureuse pilote et la bascula dehors où elle percuta le sol du désert à pleine vitesse. Il chercha à s’installer aux commandes mais à part tourner le volant, il ne savait pas bien quoi faire. Il voxa la Brute.
    -Je fais comment pour arrêter cet engin de malheur ! Cria-t-il.
    La Brute peinait pour refaire le chemin en sens inverse, lui qui était enfin parvenu tout au bout du convoi.
    -La pédale du milieu, appuis sur la pédale du milieu !
    Uriah chercha entre ses pieds et ne vit que deux pédales.
    -Bordel, mais c’est laquelle la pédale du milieu ! Y a que deux pédales dans ce foutu camion !
    La Brute jura entre ses dents, préférant chercher à rejoindre la cabine. Mais en sautant de toit en toit, il vit le décor qui se profilait droit devant eux. A moins de trois-cents mètres se trouvait un large canyon qui donnait tout droit vers un précipice.
    -Freine ! Hurla-t-il à haute voix. La pédale de gauche ! Freine !
    Uriah, depuis la cabine, qui ne voyait pas vers quel danger filait le camion, n’arrivait pas non plus à entendre la voix de la Brute, à cause du bruit du moteur. Ce fut Helleth, installée juste à côté qui comprit ce qui se trouvait devant eux. Elle lui cria d’appuyer tout de suite sur le frein, ce qu’il finit par faire, faisant piler le convoi qui continua de glisser sur une centaine de mètres dans un crissement assourdissant tandis qu’ils se sentaient tous écrasés par la pression. L’engin finit enfin par s’arrêter, à quelques mètres du précipice. Uriah finit par souffler tandis qu’Helleth, à ses côtés, remerciait l’Empereur pour sa si grande clémence. Il se tourna vers elle.
    -Vérifie qu’il ne reste pas un de ces sauvages accrochés à un des containers, on sait jamais.
    Elle hocha la tête et sauta de la cabine, tout en dégainant son pistolet lance-flammes.
    Il descendit à son tour et vint retrouver les autres à l’arrière. La Brute était en train de s’occuper de Jocasta. Il sortit son medikit et commença à traiter sa blessure. Son plastron pare-balles avait été pulvérisé par l’impact.
    -Elle va s’en sortir ? lui demanda Uriah.
    -Oui, mais c’est pas passé loin. A deux centimètres près, la balle traversait un poumon et là, en plein désert, elle n’aurait pas tenu vingt minutes. Elle devra passer au bloc voir « l’amputeur », sa plaie n’est pas très profonde mais quand même, elle a des côtes cassées aussi.
    -Oui, bin vous y passerez tous les trois avec Altaïr, vous pissez le sang, il vous rafistolera.
    Au bout de quelques minutes, Helleth vint les rejoindre. Elle indiqua qu’il n’y avait plus de danger à l’horizon.
    -On fait quoi en attendant ? Lui demanda-t-elle.
    -Comment ça, on fait quoi ?
    -On a perdu les deux adeptes.
    -Quels adeptes ? On a deux containers emplis de minerais, moi c’est tout ce que je vois.
    Altaïr dévoila son grand sourire de malfrat mais le regretta aussitôt, à cause de sa joue qui le faisait souffrir le martyr.
    La Brute leur lança un regard noir, comme Helleth.
    -Non, mais vous n’êtes pas sérieux ? C’est pas comme si le munitorum n’attendait pas le chargement et puis la capitale est emplie de troupes et d’arbitrators.
    -Ah oui ? Moi je dis que le convoi est tombé entre les mains de pillards des sables, voilà tout, lâcha Uriah.
    -Et comment tu remontes tes containers en orbites depuis l’astroport sans que ça se voit ?
    Uriah tapota l’épaule d’Altaïr.
    -Il va nous trouver une idée, j’en suis sûr.
    La Brute les foudroya du regard.
    -Parce qu’on n’a pas eu déjà assez de problème en orbite avec l’inquisitrice. Ne compte pas sur moi pour finir aux légions pénales, tout ça pour des caisses de cristaux pour cellules laser, non mais sérieux ?
    Uriah tapa dans un pierre au sol, du bout de sa botte.
    -Non, mais je disais ça comme ça… Peut-être que juste un container pourrait disparaitre… après tout, on leur rend service, non ?
    -A qui tu penses rendre service ?
    -Je sais pas… Ta fille ? Tu comptes pas l’inviter un soir à bord d’ailleurs ?
    -Non, pourquoi ?
    -Alors, je vais l’inviter à diner, dans ce cas.
    Altaïr vint alors s’interposer.
    -Oui, mais non, en fait. Je crois qu’il est temps de rentrer et prendre un peu de repos. Rester trop longtemps sur une fichue planète, c’est jamais bon pour la santé de toute façon. La preuve, non ?
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 05/02/2024 à 23:09 Citer ce message

    Dans la soirée, ils laissèrent le Cargo-8 à la Porte de la Miséricorde, de là où ils étaient partis dans l’après-midi. La Brute se chargea des formalités. Là, il tomba sur un adepte identique à tous les autres clercs du Munitorum, vêtus de leur long manteau gris aux insignes noirs et blancs et aux cheveux rasés dévoilant leurs implants crâniens. Ce dernier approcha avec une tablette à la main tandis que la Brute sautait de la cabine.
    -C’est quoi tous ces impacts sur la carrosserie, par la Trône, les têtes de boulons vont encore nous facturer une fortune en réparation.
    La Brute approcha tout en lui désignant les dégâts.
    -Si vous regardez attentivement, vous verrez que ce sont des impacts de balles de différents calibres et non de laser. La signature typique des pillards des sables, mais une chance, le chargement est intact. Ce sont eux qui ont attaqué le convoi. Sur la route du retour, à mi-chemin je dirais, un peu avant la passe du canyon.
    L’adepte lui lança un petit sourire en coin.
    -Ça va, je sais reconnaitre ce genre de calibre, l’ami. La logistique c’est notre fonction et les armes ça nous connait, croyez-moi, dit-il tout en prenant des notes sur sa tablette. En effet, cela ressemble bien aux données relevées lors des dernières attaques. Salopards de pillards, j’te foutrai ça au bout d’une corde, moi…
    La Brute l’observa d’un œil perplexe. Certes, l’adepte devait connaitre les fiches techniques de la plupart des armes mais il doutait qu’il n’ait jamais tenu un fusil d’assaut entre ses mains, sinon juste pour l’inspecter. A l’arrière, Uriah et Helleth aidaient Jocasta à descendre tout doucement. Altaïr les suivait.
    -Et où sont Enosh et Agusta ? continua l’adepte tout en écrivant sur sa tablette. Je ne les vois pas.
    -Ils sont morts lors de l’attaque. Leurs corps sont là-bas, quelque part sur la piste, répondit la Brute sans plus de ménagement.
    L’adepte vacilla à cette annonce.
    -Quoi ? Vous êtes sûr qu’ils sont… ?
    La Brute se calla juste devant lui, le dominant de toute sa carrure.
    -Ils ont fait leur devoir envers le Trône, adepte. Vous seriez bien avisé de renforcer les équipages de vos convois à l’avenir. L’armement est suffisant, mais pas vos hommes.
    -Ça… Je suis bien d’accord avec vous, car on est en sous-effectif de partout. On fait avec, voilà tout. Pour autant… Leurs corps… Vous avez laissé les corps là-bas, dans ce maudit désert avec ces charognards ?
    -On était attaqués et on a eu des blessés aussi. Il désigna Jocasta du doigt.
    -Oui mais vous auriez pu ramener leurs corps… On parle là d’adeptes de l’Imperium… De bons et loyaux serviteurs du Trône… Oh, par Terra quel malheur, mais comment je vais justifier cela dans mon rapport, moi ?
    -Croyez bien que si nous avions pu les ramener, nous aurions tout fait pour.
    L’adepte eut un rictus amer.
    -Vous n’avez pas fait assez alors. Ils méritent une sépulture décente et de finir honorés en poursuivant leur devoir. Ils avaient toujours souhaité devenir un jour des servo-crâne et à présent… Mais quel malheur…
    L’adepte s’en retourna vers son bureau, profondément bouleversé, laissant la Brute à ses pensées. Uriah l’appela. Il finit par les rejoindre, ils retournèrent vers l’astroport en car et reprirent leur navette pour remonter en orbite.

    Sur la station Purgatoria, ils décidèrent de remonter à bord du Morning Star. De toute façon Jocasta avait besoin de passer au bloc et même Altaïr et la Brute y firent un saut rapide pour se faire recoudre, bien que cela ne prenne pas trop de temps pour ces deux-là. Altaïr avait du travail de toute manière, il allait devoir réunir ses équipes, celles de Maitre Aldorf et le concours de Djoko afin de préparer des contrats établissant des routes commerciales entre plusieurs systèmes. Ils allaient devoir contacter plusieurs maisons nobles, des adepta et des guildes marchandes afin de remettre en place certaines entreprises commerciales. Leurs navires chartistes, étant désormais leurs filiales, allaient devoir honorer ces nouveaux contrats, raison pour laquelle ils allaient devoir garder ou non, certains de leurs capitaine. Livia Damael se verrait confier le Vanguard Avenger, comme convenu. En revanche, Corvin Klovitz, l’ancien bras-droit d’Absilias allait devoir sauter. Altaïr ne le jugeait pas fiable, surtout selon les dernières informations astropathiques relayées par Livia. Ce dernier était près à prendre les armes contre eux et pour l’heure il était aux fers et c’était heureux. Il en était de même pour Gregor Kysnathian et son bras-droit, Rubot Ambrosius. Avec l’histoire de l’abordage, ces deux-là se rebelleraient tôt ou tard, ce qui n’était pas le cas de Nyxanne Morteval ni des capitaines du côté des Rasmusen qui eux, étaient déjà tout acquis aux Frae Spinaiser. Ils allaient donc devoir s’assurer de constituer des équipes solides si Uriah et Ludivine espéraient un jour voir fructifier leur flotte.

    Uriah en profita justement pour chercher Ludivine à bord. Il la trouva sur la passerelle occupée à analyser des données auspex.
    -C’est une bonne chose que vous soyez là, je souhaitais justement vous parler.
    Elle se tourna vers lui.
    -Moi aussi, voilà qui tombe bien.
    -Je vous en prie, fit-il d’un geste de la main.
    -Les données indiquent que le reste de notre flotte est en approche. Le gros des navires sera là dans deux jours, ils viennent de dépasser la bordure des Confins et devraient pénétrer dans la Zone de la Biosphère, entre les orbites de Galen VII et VIII apparemment.
    Les termes renvoyaient à un jargon naval désignant les différentes partie d’un système solaire. En bordure d’un système, c’est-à-dire à son point le plus éloigné de son étoile, se situait ce qu’on appelait le Point de Mandeville, là où les zones de saut warp étaient possibles sans le danger d’un puit gravifique ou toute collision avec des corps célestes mineurs. Ensuite venait la zone d’entrée dans le système, que l’on appelait les Confins. Là où se trouvaient souvent des géantes gazeuses, des mondes stériles et glacés mais riches en minerais rares. Venait ensuite la zone intermédiaire surnommée la Biosphère car c’était dans cette partie centrale d’un système où l’on pouvait trouver parfois de la vie. Certains mondes étaient habitables, voire habités par diverses espèces. On y trouvait donc de multiples ressources, ce qui ne rendaient pas ces mondes moins dangereux pour autant. Après la Biosphère venait enfin le Chaudron, le zone la plus proche de son soleil. Là, la vie était parfois possible mais sous des températures souvent torrides voire impossibles pour que le vie s’y développe. Entre chacune de ces trois zones se trouvaient inévitablement des ceintures d’astéroïdes, des nuages de gaz et de poussière, des puits gravifiques et tout un ensembles d’anomalies des plus mortelles pour les moins prudents.
    -Dans deux jours donc ? Lui répondit Uriah. C’est plutôt une bonne nouvelle.
    -En effet, j’ai hâte de retrouver le Daughter of Tempest, dit-elle avec un sourire un peu gêné… Non pas que je ne sois pas bien accueillie sur le Morning Star, bien au contraire et soyez assuré que votre présence me ravie, mais…
    -Mais le Daughter of Tempest est votre maison, rétorqua Uriah. Il était parfaitement conscient du fait que l’atmosphère du Morning Star était très particulière. Elle pouvait rendre mal à l’aise certaines personnes du fait de son passé blasphématoire et de l’affinité que l’esprit du vaisseau entretenait avec le warp. Antinoé et Jocasta ne le ressentaient que trop bien. Le Morning Star possédait un écho, une résonnance qui en avait toujours fait un navire touché par la warp qui était son élément.
    -Oui, sans lui, je me sens un peu plus orpheline. Si j’en crois donc les derniers relevés que je consultais, il devrait être là demain, en même temps que le Vanguard et l’Invincible Horizon. Ils sont parvenus à distancer quelque peu le reste de la flotte et devraient donc prendre de l’avance.
    -Excellente nouvelle, je vais en informer le reste des officiers.
    Il allait pour repartir, elle l’interpela par son prénom.
    -Oui ?
    -Vous dînez avec moi ce soir ?
    -C’est que… Je pense avoir pas mal de travail avec Altaïr et…
    -Oh, je me sentais un peu seule en ce moment…
    Il vit qu’elle semblait réellement déçue.
    -Mais, je pense qu’il saura se débrouiller tout seul, c’est un grand garçon. J’accepte volontiers.
    Elle le gratifia d’un grand sourire qui désarma Uriah une fois de plus.
    -Quand il sera là, il faudra que je vous présente Rollo, le chef cuisinier que j’ai à bord de mon navire, lui dit-elle.
    -Rollo ?
    -Oui, c’est un ratling. Ces petits abhumains savent cuisiner à merveille.
    -On en reparle ce soir, lui dit-il en lui faisant un délicat baise-main.

    En sortant de la passerelle, il attrapa la Brute au passage.
    -Ah, te voilà, lui dit ce dernier. On a reçu un message de l’Inquisitrice.
    -Qu’est-ce qu’elle me veut encore celle-là ?
    -Elle veut te voir, elle a à te parler.
    -Eh merde, j’avais vraiment besoin de ça.
    -Tu veux que je t’accompagne.
    -Oui, on ne sera jamais trop de deux. Allons-y.

    Ils passèrent les contrôles habituels dans la zone interdite, réservée à l’Inquisition sur la station. L’Inquisitrice Taria Shard les attendait dans son bureau. Elle leur fit signe d’approcher et de s’assoir.
    -Vos affaires se passent comme vous le vouliez ? Demanda-t-elle.
    -Oui. D’ailleurs merci pour le nom du diacre, cela s’est avéré très utile.
    -Allons, je vous en prie, si l’on ne peut pas se rendre parfois quelques petits services entre serviteurs du Trône de Terra…
    -En effet…
    -A ce sujet, où en est le vaisseau que vous m’offrez ? En approche, j’imagine ?
    -Absolument, Madame. Selon les derniers rapports, il sera là d’ici deux jours.
    Uriah manqua s’étrangler en entendant le mot « offrez » mais n’en montra rien.
    -Parfait. Vous ne comptiez pas repartir tout de suite, de toute façon ?
    -Disons… Si… D’ici deux ou trois jours mais je dois attendre les réparations du navire de Ludivine avant cela.
    -Ah, la petite Frae Spinaiser ? Voilà qui est éminemment touchant de votre part. Faites cela, quelques jours de plus devraient vous arranger.
    -Nous arranger ?
    -Vous allez comprendre.
    Elle activa une tablette de données et laissa l’écran afficher l’image d’un homme captif, en tenue carcérale orange. Le type avait une véritable tête de psychotique.
    -Je vous présente Merek Quintor, un agent de la Kasballica, actuellement détenu dans le penitarium IV, un astéroïde de haute sécurité qui orbite autour de cette planète. Inutile de vous demander si vous savez ce qu’est la Kasballica ?
    -En effet, répondit Uriah. C’est une vaste organisation criminelle spécialisée dans le commerce illégal d’artefacts interdits.
    Elle lui lança un regard sombre.
    -Vous en savez déjà beaucoup trop.
    -Je me renseigne, voilà tout… Mais rien de plus…
    -Je plaisante. Détendez-vous, capitaine. Il se trouve que je vais avoir justement besoin de vos services étant donné que vous proposez aimablement de vous rendre disponible ces prochains jours. Je vais permettre à Merek Quintor de s’évader et pour cela, j’ai besoin d’une équipe qui s’y connait dans ce genre de chose. L’évasion, voyez-vous ? Je tiens évidemment à ce qu’il pense que cette évasion est favorisée par quelques complices, auquel cas mes agents s’en seraient chargés. Malheureusement, Quintor les reconnaitrait, voilà pourquoi j’ai besoin d’inconnus. L’objectif est très simple. Vous passerez pour des agents de maintenance, mes hommes vont vous fournir des accréditations et des tenues. Vous entrez dans la prison. On ne peut y accéder qu’en navette. Je vais vous fournir aussi un plan de la prison. A l’intérieur se trouvent quelques cinquante détenus en confinement total, tous de dangereux criminels ou hérétiques. Mais seul Quintor m’intéresse. Vous le sortez de là et vous trouvez un moyen de le ramener à votre navette. Une quinzaine d’arbitrators lourdement armés sont en poste dans la prison. Avec eux se trouvent des technomécanos, des technoprêtres et quelques servitors. Il faudra évidemment éviter de les alerter. Vous le conduirez jusqu’au navire que vous me fournissez. De là, je compte sur lui pour me mener jusqu’à ses complices car finalement, ce sont eux qui m’intéressent. D’ailleurs, Vous étiez dans le système Grief, il y a encore quelques jours de cela, non ?
    -En effet, lui répondit Uriah.
    Elle afficha une nouvelle image sur sa tablette et la leur montra. Ils reconnurent la femme sur la capture pix.
    -Alors, peut-être avez-vous – par pur hasard, croisé cette femme ?
    Uriah fit mine de la regarder en détails.
    -Cela ne me dit rien. Nous avons croisé beaucoup de gens, là-bas.
    -Vraiment ? Je vous en prie, regardez un peu mieux. Prenez votre temps. J’insiste.
    Uriah comprit qu’il ne pourrait pas continuer de lui mentir plus longtemps, car elle savait déjà qu’il lui mentait, d’autant plus que la Brute à ses côtés était un bien piètre menteur.
    -Eh bien… Il se pencha en avant, faisant mine de plisser les yeux. Peut-être, oui. Il est possible que nous l’ayons croisé un soir dans un bar.
    -Elle s’appelle Livia Damael et travaillait récemment pour Ashram Absilias. Un nom qui vous est plus que familier à ce que j’ai compris. Il se trouve que Miss Damael est une de ces « baronnes » de la Kasballica. Une des têtes d’une puissante mafia locale qui s’intéresse de près à certains objets, disons… interdits. C’est elle qui nous intéresse et nous comptons sur Quintor pour la faire tomber, elle et sa cellule.
    -Eh, bien, Madame… Je vais devoir en parler avec mes officiers afin de nous organiser et voir ce qu’il est envisageable de faire.
    -Que l’on soit bien clair, capitaine Goldberg, des fois que je n’ai pas été bien comprise. Cette mission n’est pas une option, elle est d’une importance capitale pour le Trône. Sachez que je saurais alors m’en souvenir. Menez à bien cette opération pour moi et je saurais vous témoigner ma gratitude.
    -Bien entendu, Madame.
    Elle reposa sa tablette et sortit un petit objet d’un coffret en métal iridescent posé sur son bureau. Elle le posa sur son bureau, devant Uriah. Il s’agissait d’une balle. Une munition d’arme de poing.
    -Tenez. Présentez cela à Merek Quintor. Il saura alors que vous travaillez pour son organisation. Sur ce, vous pouvez disposer.

    Une fois sortis de la zone interdite, ils reprirent les coursives en direction des baies menant au Morning Star. Uriah desserra enfin les dents.
    -On est dans la merde…
    -C’est sûr que si on la trahit, Altaïr va nous en vouloir…
    -Il y a pire que ça… J’ai parlé avec Ludivine tout à l’heure, j’ai vu les rapports de la passerelle. Livia sera là dans deux jours, à bord du Vigor Invictus.
    -Le Classe Universe ?
    -Lui-même. Il va falloir qu’on la contacte et en urgence.
    -Mais du coup, on fait quoi ? Soit on trahit Livia, soit on double l’inquisitrice ?
    -Ou bien on tente un coup de poker. On va réunir tout le monde et on regarde nos options.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 10/02/2024 à 21:59 Citer ce message

    Ils passèrent une partie de la soirée dans le Strategium à élaborer un plan concernant l’exfiltration de Merek Quintor qui devait avoir lieu dans trois jours pour le compte de l’Inquisitrice. Le plan était audacieux mais non sans risque. Une chance, car le délai était très court, l’Inquisitrice Shard leur fournissait malgré tout, les éléments pour leur couverture, les tenues, les accréditations et le plan du penitarium. Il ne restait plus qu’à monter une petite équipe qui allait devoir se montrer crédible et être capable d’improviser en cas d’imprévu. Pour la mission, Uriah allait s’entourer des indispensables Altaïr et la Brute. Il devait cependant se passer une fois de plus de Djoko préférant le laisser à bord du Morning Star car il avait besoin qu’un de ses seconds soit en lien permanent avec la passerelle. D’une part, l’action n’était pas le fort de son maitre timonier mais surtout ce dernier était un peu trop dans le collimateur des autorités en ce moment. C’était aussi le cas d’Altaïr, bien sûr mais ce dernier avait modifié son identité et son apparence et parvenait à passer relativement inaperçu, à l’inverse de Djoko. Le plan allait être simple, du moins sur le papier. Ils auraient des tenues de technomécanos, une accréditation pour effectuer une routine de maintenance et des caisses à outils dans lesquels dissimuler un peu matériel parmi les pièces détachées. Ils ne comptaient pas emmener d’armes mais étaient parvenus, grâce à Edward Kenway, le principal informateur d’Altaïr, à dénicher un pistolet à aiguilles auprès du bloc medicae. Pistolet chargé de strixis, un puissant anesthésiant utilisé en cas de chirurgie. La Brute avait aussi pu mettre la main sur un détonateur à Krytron, d’une grande précision qui allait servir pour créer une brèche dans la coque après leur départ et ainsi détruire une zone technique bien précise de la prison afin de couvrir leurs traces. L’idée était aussi et surtout de faire disparaitre certains corps en même temps que Merek Quintor. Car toute la subtilité résidait dans le fait d’entrer à cinq dans la prison et de ressortir à cinq.
    Pour cela, Jocasta leur apporta une idée ingénieuse. Malgré le fait qu’elle n’était pas encore tout à fait remise de ses blessures. Ils se rendraient donc à cinq sur le Penitarium, dans trois jours. Cinq en tenue de technicien, dont Jocasta. Du Coup, Kenway devrait aussi les accompagner avec Uriah, la Brute et Altaïr. Une fois à l’intérieur, une partie d’entre eux feraient mine d’inspecter certaines zones isolées, comme les douches ou des alimentation en énergie. Jocasta, à l’aide d’un de ses pouvoirs lui permettant de replier le warp autour d’elle, pourrait alors se re-téléporter discrètement à bord de la navette par laquelle ils venaient d’arriver. Elle laisserait juste sa combinaison de technicien à ses camarades.
    Restait ensuite à prendre le contrôle de deux points : Un des techniciens qui contrôlait les servo-pix et portes sécurisées du bloc D où se trouvait Quintor, pour cela, le bagou d’Uriah et le pistolet anesthésiant de la Brute feraient l’affaire, puis accéder à un couloir technique. Là aussi, ils allaient devoir accéder à une seconde zone – un entrepôt technique - proche de la première zone mais contrôlée par un second accès. A l’intérieur, il faudrait neutraliser sans doute d’autres techniciens, le tout sans attirer l’attention des arbitrators en patrouille dans cette partie de la prison. Dans l’entrepôt, la Brute devra se débrouiller pour confectionner une bombe artisanale à l’aide des produits entreposés et de son détonateur. La bombe devra être assez puissante pour causer une brèche dans le coque toute proche mais aussi pour toucher les cellules adjacentes, là où se trouve Quintor – mais qui n’y sera plus lorsqu’elle explosera. Juste avant, ses camarades situés au niveau du poste du technicien de contrôle auront deux à trois minutes pour faire sortir Quintor de sa cellule, lui faire enfiler la combinaison et quitter les lieus comme si de rien n’était. Là aussi, il faudra déjouer l’attention des arbitrators, le véritable danger de ce plan. En cas de simple question, ils devront prétexter qu’ils allaient devoir revenir avec du matériel spécifique à la suite d’une possible fuite. Le tout étant de rendre crédible l’explosion accidentelle. Ce n’est qu’une fois à bord de leur navette Arvus, que la bombe devra alors exploser, effaçant toute trace de leur passage et accréditant la thèse d’un incident technique. Bien entendu, ils n’étaient pas dupes et se doutaient bien que les arbitrators se poseraient alors ce genre de questions à posteriori. Mais ils seraient loin et espéraient que l’Inquisition brouillerait les pistes.
    Evidemment, la crédibilité de leur couverture et un minutage précis seraient la clé de leur réussite. Les technomécanos étaient partout dans l’Imperium, ils n’attiraient pas l’attention et leur présence paraissait parfaitement légitime. C’était là, tout l’avantage qu’ils allaient devoir en tirer.

    Mais pour l’heure, Uriah se remémora qu’il devait retrouver Ludivine ce soir pour diner, ce qui tombait à point nommé pour lui changer les idées. Il avait encore un peu de temps devant lui, aussi décida-t-il de passer voir la Magos Argentus afin de lui demander un petit service à propos d’un fragment récupéré dans la mine, sur le serpent cristallin géant. Lors du dîner avec Ludivine, il avait pour idée de lui offrir une paire de délicates boucles d’oreilles réalisées à partir de ces éclats de diamants bleutés d’une pureté incomparable et qui scintillaient de mille éclats. En moins de deux heures, la Magos avait réalisé un superbe travail avec un laser de découpe de précision, deux ou trois fils d’or, quelques microsoudures et une incroyable maitrise artisanale. Le résultat était absolument divin, comme le prénom de la jeune libre-marchande. Uriah se sentait en veine ce soir-là, d’autant plus que la demoiselle semblait toute disposée, cette fois-ci à ne pas écourter leur soirée et à ne pas lui faire quitter sa suite avant le lendemain matin.

    Le lendemain matin justement, ils avaient rendez-vous avec le diacre à Vieille-Ville, à 08h00 précise. Uriah espérait aborder avec lui certains sujets à propos de services à rendre à l’Ecclésiarchie. Ils avaient ainsi pu en discuter la veille et le diacre Astrimov paraissait très intéressé par l’idée d’un navire qui relierait le système chapelle de Vyaniah à Galen, en passant par Sagan, le fief de l’Administratum. Il décida d’y aller avec Altaïr – qui s’était chargé des contrats, de la Brute et proposa bien évidemment à Ludivine de les accompagner, ce qu’elle accepta bien volontiers, comptant bien faire partie des accords à venir.
    Ils se rendirent comme convenu au bureau du diacre, escortés par une sœur de l’Adepta Sororitas. Cette fois-ci, elle les mena vers un autre étage où se tenait une réunion. Elle ouvrit les portes et leur indiqua d’entrer.
    Le diacre Astrimov, alors présent, était en compagnie de quatre autres personnes. Toutes, certainement importantes à en juger par leur allure.
    -Ah, voilà nos libres-marchands, dit-il. Je vous en prie, entrez.
    Une fois à l’intérieur, il fit les présentations.
    -Je vous présente le Cardinal Ignatius, le représentant de Notre bien-aimé Empereur-Dieu sur Galen VI, dit-il en désignant un imposant personnage vêtu de longues robes bleues, rouges et or. D’un certain âge, il était dégarni et était coiffé d’une calotte. Il était en pleine conversation plutôt enjouée au moment où ils entrèrent. On pouvait aisément deviner que le cardinal était habitué à se mettre en avant et savait jouer de son charisme. Astrimov leur présenta ensuite Grimwald Obadiah, le Prefectus et administrateur de Galen VI, le représentant de l’Administratum. Il était chauve, lui aussi mais contrairement à Ignatius, Obadiah était sec au point d’en paraitre austère, presque acétique. Ses implants crâniens et ses examinateurs oculaires donnaient aussi de lui, l’image d’un homme de savoir, sans doute très calculateur. Ce qui était renforcé par sa tenue tout aussi austère, sorte d’uniforme sobre d’un gris foncé avec pour seules décorations, un Aquila.
    Deux femmes complétaient le tableau, toutes deux aussi différentes que les deux premiers individus. La première qu’il présenta était le Premier Lieutenant Alis Ravenfield, envoyée de la Marine Impériale. Brune, la trentaine, présentée comme conseillère et tacticienne détachée auprès de Grimwald Obadiah, elle rappelait ces officiers de la navale affichant toujours un uniforme bleu impeccable et un air assuré. La dernière personne qu’il présenta n’était autre que Persepha Di Cavagni, de la prestigieuse maison du même nom de la Navis Nobilite. Sa tenue extravagante tenait de la robe élaborée et de l’exosquelette archéotech d’un raffinement inouï. Son visage était lui-même couvert par un masque animé qui reproduisait un visage délicat mais austère. Altaïr et le Brute se rappelèrent qu’une dizaine d’années auparavant, Isabella avait recruté une navigator de la Maison Di Cavagni. Une princesse, du nom de Donatella. Elle n’était restée que deux ou trois ans à leur service avant de rejoindre la Croisade du Primarque.
    Une fois les présentations terminées, le diacre confia à Uriah et Ludivine, qu’il souhaitait justement profiter de la présence des deux libres-marchands.
    -Je me suis permis d’en toucher à mot à notre éminent cardinal à qui j’ai…
    -Merci, mon cher diacre, le coupa Ignatius d’une voix grasse. Il prit sa place en se positionnant devant. J’ai pris justement l’initiative de convier à cette petite réunion, notre honorable Prefectus ainsi que… deux envoyées d’autres illustres organisations. Nous avons cru comprendre que vous souhaitiez partir à la recherche des systèmes perdus, autour de Morgan’s Reach, est-ce bien cela ?
    -Oui, tout à fait, éminence, lui répondit Ludivine.
    -Bien. Il se trouve que nous serions tous, très intéressés de renouer le contact avec ces mondes qui doivent désespérer de ne pas se retrouver de nouveau dans la lumière de Terra. Des navires ont bien été envoyé ces dernières décennies mais nous avons perdu le contact, là aussi, malheureusement.
    -Vous en connaissez les raisons, éminence ?
    L’émissaire de la Maison Di Cavagni prit alors la parole, ce qui donna l’impression d’agacer le cardinal. La navigator sembla même y prendre un certain plaisir. Sa voix était synthétisée par son masque et était accompagné d’une douce mélopée.
    -Nous en avons connaissance, bien entendu. Depuis une de ses bagues, un système holo miniature projeta une carte stellaire de la région. Comme vous pouvez le constater, au-delà des Rapides warp de Cataractae, se trouve une région interdite qui s’étend vers la zone stellaire dite du Bras de Déné en direction de la Frontière arrière. C’est dans cette région que se situait la constellation de Morgan’s Reach, composée de quatre systèmes solaires étendus sur plus de cent quatre-vingts années-lumière. Les systèmes Morgan’s Reach, Tartuga, Verkruz et Zathatetus qui comptent une dizaine de mondes habitables en tout et pour tout.
    -Mais ces mondes ne sont pas négligeables pour autant, compléta Obadiah, le Prefectus de l’Administratum. La région était surtout réputée, les siècles précédents pour son activité minière et certaines autres ressources.
    -Parlez-nous justement de ces systèmes et des navires envoyés précédemment.
    -Bien entendu, nous vous préparerons une note avec plus de détails, ajouta le Prefectus.
    -Une dizaine de navires ont bien tenté de localiser ces systèmes mais aucun n’a plus jamais donné signe de vie, compléta Alis Ravenfield, l’envoyée de la marine.
    -Quant aux mondes, nous vous donnerons aussi plus d’informations, en lien avec ce dont nous disposons, sachant que nos données ne sont plus à jour, ajouta l’envoyée de la Navis.
    -Seriez-vous disposés à travailler pour nous dans ce cas ? Leur demanda Obadiah.
    Uriah jeta un coup d’œil à Altaïr, la Brute et Ludivine. Ils lui répondirent par le même signe. Altaïr notamment avait toujours entendu cette légende à propos du système Verkruz dont les natifs étaient réputés pour vénérer l’or.
    -Nous sommes disposés à écouter vos propositions, répondit Uriah. En revanche, nous aurons besoin d’en discuter entre nous avant de vous fournir notre réponse.
    -Bien entendu. Parfait dans ce cas, leur dit le Prefectus Obadiah. Je parle bien évidemment au nom de l'Administratum et au nom de l’Adeptus Terra. Il est crucial pour l'Imperium de retrouver ces systèmes. La plupart sont des mondes miniers ou disposant de ressources dont l'Imperium a besoin, d'où les dernières tentatives de renouer avec la région. Nous vous demandons donc de monter une expédition et de retrouver la constellation des Etendues de Morgan’s Reach. Dans quel cas, vous serez officiellement mandaté, par vos Lettres de Marque, pour créer une nouvelle colonie de votre choix dans le système Tartuga et la possibilité de gérer vous-même cette colonie au profit des Adepta, ici présentes. Evidemment, l’Administratum saura se montrer des plus reconnaissantes.
    -C’est intéressant, répondit Uriah qui reçu l’approbation de ses officiers.
    -Il y a d’autres propositions, ajouta Obadiah. Je passe la main au Premier lieutenant Ravenfield.
    Celle-ci approcha et remercia le prefectus.
    -Nos services de renseignement du Strategos savent que des pirates disposent d’une base secrète au cœur du système Morgan's Reach depuis des années. Nous savons qu’ils ont une flottille de sept corvettes de classe Wolfpack disséminées dans tout le système. Il est très probable qu'ils utilisent aussi les ressources des locaux qui pourraient être pour vous, des alliés potentiels. Comment ils entrent et sortent de la région reste un mystère. La Marine vous demande de les éliminer et notamment de nous rapporter le capitaine Arioch Drake, mort ou vif et ainsi mettre fin à leurs activités illicites. En échange, la Marine vous laisse l'intégralité des ressources des pirates et saura se souvenir de ce coup de main. Je passe la main à notre éminent cardinal.
    -Merci, lieutenant. Comme notre cher diacre vous l'avait dit hier, le Ministorum souhaite remettre la main sur des reliques perdues à bord d'un des vaisseaux qui a disparu aux abords du système Zathatetus, avec d'autres navires. Ce sont les reliques qui m'intéressent le plus, je ne vous le cache pas, surtout la mythique Lame de Sainte Geneviève et la Hache du Châtiment, parmi plusieurs autres. Retrouver les dignitaires, serait bien aussi. Si vous faites cela au nom de l’Ecclésiarchie, je vous remettrais une des reliques, en gage de votre bonne foi.
    L'émissaire de la Navis prit alors la parole et leur dit :
    -Cartographiez la région de ces quatre systèmes, en répertoriant chaque monde, établissez des données à jour et la Navis Nobilite saura s'en montrer reconnaissante, elle aussi. Un contrat avec une des Maisons magistrales pourrait alors être envisagé.
    Le Prefectus Obadiah reprit la parole.
    -Eh bien, qu’en pensez-vous ?
    Uriah interrogea de nouveau Altaïr, la Brute et Ludivine du regard. Ils étaient d’accord sur le même point.
    -Tout cela est fort intéressant mais mérite néanmoins que nous en discutions entre nous.
    -Bien entendu. Nous vous laissons un délai de réflexion, disons de vingt-quatre heures ?
    -Cela nous convient. On revient vers vous rapidement.
    -Parfait, nous allons vous raccompagner et vous laissons y réfléchir.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 21/02/2024 à 18:57 Citer ce message

    Les jours suivants furent l’occasion de planifier enfin certaines entreprises commerciales mais aussi de nommer ou confirmer certains capitaines à leur poste. Ce fut aussi l’occasion de préparer leur départ vers les confins du secteur, vers une zone réputée hostile depuis plus d’un siècle, un lieu de perdition pour nombre de navires et sujet de bien des superstitions dans la région.
    Uriah, après s’être mis d’accord avec ses officiers, décida d’accepter la proposition du cardinal, en même temps que les propositions relatives à l’exploration de Morgan’s Reach. Il ne leur restait plus qu’à monter leur expédition.

    Au troisième jour, ils étaient prêts pour organiser l’exfiltration du prisonnier du pénitencier orbital. Ils suivirent le plan établi, à savoir s’y rendre tous les cinq, avec Jocasta et Kenway. S’assurer une fois à bord, que Jocasta se téléporte dans leur navette puis qu’Uriah et le reste de l’équipe neutralisent un des techniciens en charge des commandes. Pendant ce temps, la Brute devra se charger de piéger l’entrepôt, là où sont stockées les produits inflammables et dangereux.
    Le début de l’opération se déroula comme prévu, du moins jusqu’à ce qu’Uriah crée une importante fuite d’eau dans des douches adjacentes à la salle de contrôle. La fuite, devenue incontrôlable, commença à se remarquer.
    De son côté, la Brute qui venait de terminer de poser son détonateur au niveau du couloir technique, à présent piégé, parvint à s’introduire dans le local de contrôle, persuadant l’opérateur de lui ouvrir la porte blindée de la salle. Une fois à l’intérieur, il fit mine, sous l’œil scrutateur du technicien, de rechercher une possible infiltration d’eau. En réalité, il chercha surtout à repérer les commandes permettant d’ouvrir les cellules des prisonniers depuis la console. Il perdit cependant un temps précieux, lui aussi, à chercher et à tenter d’argumenter avec le technicien.
    A l’extérieur, la situation venait de déraper. L’inondation venait d’attirer l’attention de deux arbitrators en patrouille. Ces deux derniers, furieux, se mirent à invectiver Uriah et Kenway leur ordonnant de réparer la fuite de toute urgence. Altaïr fit son apparition et voyant que la situation était en train d’empirer, vu qu’Uriah semblait ne rien y entendre en plomberie, il décida de prendre sa place, cherchant à temporiser et à calmer les arbitrators. Pourtant les minutes passèrent et l’eau continuait de s’écouler, ce qui les énerva encore plus. Uriah voyant que leur plan prenait trop de temps, se dirigea vers le poste de contrôle, il voxa la Brute en chemin, voyant que les cellules n’étaient toujours pas ouvertes alors que les minutes passaient et que la situation était en train de déraper.

    Kenway en profita pour le suivre et tenta de neutraliser l’arbitrator qui venait de suivre Uriah. Il chercha à l’assommer mais il se prit en retour un coup de matraque à décharge qui le sonna net. Pourtant il parvint à retenir l’attention de son adversaire ce qui permit à Uriah de se faufiler en direction des cellules. Tout se passa alors très vite. La Brute qui avait trouvé les commandes d’ouverture des portes, attendait le bon moment pour agir. Le technicien s’en rendit compte et chercha à l’arrêter de son bras augmentique mais la Brute lui empoigna la nuque et lui fracassa le visage sur la commande d’ouverture. Le technicien, assommé et le nez en sang, s’écroula sur place. Dans le couloir adjacent, une douzaine de cellules s’ouvrirent en même temps. Le second arbitrator comprit que quelque chose se passait. Altaïr venait d’arrêter la fuite d’eau mais était clairement en trai de gagner du temps. L’arbitrator s’en rendit compte, il bascula son fusil à pompe et le pointa vers Altaïr, lui intimant de mettre ses mains sur la tête et de se mettre à genoux, ce qu’il fit. Depuis le couloir, son collègue venait d’assommer Kenway d’un coup de matraque à décharge et se mit à crier en voyant les prisonniers sortir dans le couloir. La Brute sortit à son tour du local de contrôle et lui fonça dessus, il le percuta et chercha à lui arracher son arme des mains au moment où une dizaine de prisonniers de l’aile D arrivèrent sur eux. Dans la confusion, la lutte fut acharnée, un des prisonniers se saisit d’un fusil à pompe mais se prit un coup de matraque à décharge pour que finalement, la Brute se saisissent de la matraque à son tour.
    Uriah en avait profité pour localiser la cellule de leur cible. Il reconnut Merek Quintor et lui présenta la munition que l’Inquisitrice lui avait donné.
    -J’espère que vous avez mis les moyens, les gars, parce que maintenant, va falloir sortir de là !
    Il fit pourtant interrompu par un des prisonniers qui se jeta sur lui en l’insultant. Uriah n’eut pas le temps d’agir que déjà le type avec une tête de véritable psychotique était sur Quintor, ses mains serrées autour de son cou, bien décidé à l’étrangler.
    Altaïr, toujours à genoux, était bloqué et ne pouvait pas agir. L’arbitrator le tenait toujours en joue. Il venait de détacher une paire de menottes de sa ceinture et les lui lança, lui ordonnant de s’attacher avec. Altaïr fit mine d’obtempérer et en profita pour discrètement voxer Jocasta, lui demandant de se re-téléporter immédiatement pour venir l’aider.
    Au niveau des cellules, au même moment, Uriah venait de se jeter sur le psychopathe mais ce dernier était toujours occupé à tenter d’étrangler Merek Quintor. Uriah eut beau chercher à le dégager de là, cela n’eut aucun effet.
    Altaïr faisait mine de mettre ses menottes tout en prenant soin de perdre du temps, ce qui commençait à passablement énerver l’arbitrator qui le tenait en joue. Au même moment, Jocasta fut projetée via l’Immatérium et se matérialisa juste derrière l’arbitrator, elle dégaina un pistolet laser et la pointa droit sur lui.
    Dans le couloir, la Brute était à présent entouré d’une bonne dizaine de prisonniers qui bataillaient contre une poignée d’arbitrators tandis que des renforts allaient arriver d’une minute à l’autre.

    Uriah se concentra alors sur le bras augmentique du psychopathe, empoigna les câbles d’alimentation et tira dessus de toutes ses forces, parvenant à en arracher un alors qu’un fluide noir se mit à gicler. Le type commença à lâcher prise mais continuait toujours de tenir fermement le cou de Quintor. Il enserra le câble et le passa autour du cou de son adversaire, se mettant à tirer et serrer de toutes ses forces. De son côté, Jocasta ouvrit le feu de son pistolet laser et blessa l’arbitrator juste au moment où il allait faire feu, lui faisant manquer son coup. Depuis le couloir un autre arbitrator ouvrit le feu à son tour mais Altaïr se jeta au sol de justesse. C’est le moment où Jocasta en profita pour retirer son bandeau de la Navis. Celui sur qui elle venait de tirer se retourna, pointant son fusil vers elle, mais elle relâcha un rayon d’un rouge ardent qui lui foudroya la tête. Malgré son casque, ses chairs brûlèrent et son cerveau grilla à même sa boite crânienne. Il s’effondra raide mort.
    L’alarme retentit alors dans toute la prison.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 23/02/2024 à 18:04 Citer ce message

    Les prisonniers libérés ajoutèrent à la confusion, au moment où plusieurs binômes d’arbitrators arrivèrent en renforts depuis trois couloirs différents en courant, cherchant à prendre les insurgés en tenaille. Boucliers répressifs en avant, ils avancèrent, couvrant leurs équipiers. Une grenade incapacitante fut lancée vers un groupe de prisonniers mais ces derniers se dispersèrent rapidement. Les arbitrators, armés de fusils à pompe de combat, de canons de poing, préférèrent faire usage en priorité de leurs matraques à décharge, cherchant à éviter les tirs alliés dans cette souricière.
    La Brute et Kenway étaient tous deux, au beau milieu d’un véritable scène d’émeute avec des prisonniers aux muscles saillants qui n’avaient plus rien à perdre et qui s’étaient jeté sur les arbitrators présents. Une partie d’entre eux tombèrent sous les coups des matraques mais étaient aussitôt remplacés par leurs camarades qui tentaient d’arracher les armes des mains des arbitrators. L’un d’eux parvint à se saisir d’un fusil à pompe, tandis que deux autres venaient de récupérer des matraques à décharge. La confusion et la fureur étaient totale, entre les cris, l’alarme, les coups et le sang versé. De son côté, Altaïr venait de rouler sur le côté, évitant un tir de canon de poing de justesse. Il ramassa le fusil à pompe au sol, laissé par l’arbitrator que Jocasta venait de foudroyer. Cette dernière venait d’en repérer deux autres qui approchaient. Elle dévoila de nouveau son œil warp et en abattit un second qui s’effondra au sol en hurlant, le visage brulé. Altaïr ouvrit le feu à son tour et finit par toucher celui qui le prenait pour cible.

    Uriah venait de débarrasser Merek Qintor de son agresseur, au prix d’un effort acharné pour l’étrangler avec un câble du bras augmentique de ce dernier. Il aida Quintor à se relever alors que ce dernier reprenait aussi son souffle. Il allait sortir de la cellule afin de rejoindre le reste de son équipe mais Quintor l’attrapa par le bras et le tira en arrière, lui intimant de ne plus faire de bruit. Il venait de repérer deux autres arbitrators en approche. Depuis le fond de sa cellule, il indiqua à Uriah de se cacher sous les plaques d’acier qui lui servaient de lit. Une fois en place, il tira le corps de son agresseur pour le placer juste devant lui, afin de le dissimuler. Lui-même, les mains en sang, se barbouilla le visage avec et s’allongea dans la cellule, faisant le mort, juste au moment où les deux arbitrators passaient devant en pointant les luminators de leurs fusils à pompe dans la pièce. Ils ne s’y attardèrent pas, voyant deux corps en sang qui ne présentaient aucune sorte de menace. Uriah préféra retenir sa respiration. Ils reportèrent aussitôt leur attention vers leurs propres camarades mis à mal, au bout du couloir par une horde de prisonniers. Ils voulaient faire usage de leurs armes à feu, mais hésitèrent dans le corps à corps, ne souhaitant pas toucher leurs propres camarades, ce qui risquaient de les mettre encore plus en position de faiblesse. Ils sortirent leurs matraques à décharge et se ruèrent dans la mêlée en faisant pleuvoir les coups. Pourtant en face, les prisonniers désormais presque tous armés, leur opposèrent une solide résistance et n’eurent pas la même retenue. Les arbitrators avaient l’avantage de leurs armures carapace mas le nombre des captifs et surtout la force de frappe de La Brute et Kenway allait faire la différence. A eux deux, ils ramassèrent un fusil à pompe et deux canons de poing. Kenway s’empara du fusil que lui lança la Brute, un Mastoff 812 à répétition, chargé de dix-huit cartouches à têtes blindées. La Brute ramassa deux canons de poing sur des arbitrators inconscients, il leur retira leurs casques et leur colla une balle dans la tête à chacun, au passage. Il appréciait ce type d’armes, de lourds et puissants revolvers, des Raffir modèle Caïd, une des armes de poing favorites de l’Arbites. Il aurait préféré les terribles Carnodons à répétition mais ces deux-là, chargé de balles éclatantes, feraient l’affaire, se dit-il en les prenant en main avec une certaine maitrise, sachant que lui, allait justement tirer pour tuer.

    Tandis que Kenway et Altaïr, armés tous deux de fusils à pompe, remontaient le couloir vers le bloc B pour tenter de sortir Uriah de là, alors coupé de leur position par quatre arbitrators, la Brute redescendit avec Jocasta vers les blocs D et F qui menaient vers la sortie, là où était amarrée leur navette. Il savait pertinemment, maintenant que l’alarme avait retentit qu’aucun arbitrator ne les laisserait sortit de là en vie. Ils allaient devoir tuer tout le monde ou bien y rester et cette première option était la seule qu’il envisageait. Il ouvrit le feu et abattit tout net un arbitrator qui pointait son nez alors que Jocasta foudroya les trois autres de son troisième œil, indiquant à la Brute de se détourner pour ne pas être pris dans son cône de feu warp dévastateur. Des tirs claquèrent et une balle effleura le bras de la Brute qui remercia son blindage sub-dermique renforcé. Au bout du couloir, un type venait de le prendre pour cible avec un fusil de précision. Il avertit Jocasta qui évita de justesse une rafale d’un second tireur mais se prit un tir qui la toucha légèrement, elle aussi. Elle se dissimula derrière lui, s’apprêtant à riposter en serrant les dents.

    Au niveau du bloc B, la situation tournait au massacre. Les prisonniers, armés de matraques à décharge venaient de mettre à terre deux des arbitrators, s’emparant de leurs armes. Altaïr et Kenway venaient d’en toucher deux autres qui gisaient désormais au sol mais des renforts venaient d’arriver. A présent, les arbitrators n’eurent plus aucune réserve et se mirent à faire feu dans le tas mais déjà les prisonniers prenaient leurs jambes à leur cou, cherchant eux aussi, à fuir vers la sortie, ayant bien compris qu’une navette était amarrée à la prison orbitale. Altaïr se prit alors un tir en plein torse, il pivota et s’effondra dans une giclée de sang, deux mètres plus loin. Kenway vint l’aider mais se prit à son tour une rafale de balles blindées qui le toucha au bras et à la poitrine, l’envoyant lui aussi mordre la poussière, le laissant là, immobile, comme Altaïr. A ce moment-là, les arbitrators avaient identifié leur stratégie et ne comptaient plus plaisanter.
    La situation devenait compliquée pour Uriah. Il était sorti de sa cachette avec le prisonnier et tous deux cherchèrent à prendre l’avantage sur un des derniers arbitrators. Les autres finirent au tapis, sonnés par des coups de matraques. Quintor se prit un violent coup de poing et alla s’étaler à terre alors qu’Uriah cherchait à arracher L’arme de l’arbitrartor de ses mains. Des tirs fusèrent et ce dernier, soudain seul, préféra rebrousser chemin, passa par une des portes blindées et la referma derrière lui. Uriah était blessé et à bout de souffle, il chercha Quintor mais ne le trouva pas. Lui et le reste des prisonniers venaient de décamper. La porte blindée s’ouvrit de nouveau au bout du couloir. L’Arbitrator apparut et ouvrit le feu, le manquant de peu. Deux technoprêtres étaient avec lui et firent feu de leurs armes laser. Cette fois-ci deux tirs touchèrent Uriah qui recula vers une cellule en poussant un cri. Il se maudit et voxa la Brute.
    -Quintor essaie de s’échapper, bloque-lui l’accès, ils vont chercher à prendre notre navette !
    -Reçu, on s’en occupe avec Jocasta. Ça va toi ?
    -Négatif… Altaïr et Kenway sont au tapis et je me suis fait salement toucher aussi, je ne pourrais pas les porter. Je suis coincé et y a une forte résistance en face.
    -Merde… Essaie de gagner un peu de temps, j’attrape Quintor et on va vous tirer de là !
    Il se rua vers les corps des derniers arbitrators et se saisit du fusil de précision. Un Pax Factorem des forces de l’ordre. Une arme à cinq coups mais d’une grande précision. Il vérifia le chargeur, la mire de visée et arma la culasse d’un coup sec.
    Un arbitraror ouvrit le feu dans sa direction. Il pointa son arme en retour et l’abattit d’un simple tir.
    Une dizaine de prisonniers leur passa devant en courant, tournant à l’angle du couloir en direction du Bloc F menant vers le sas de sortie. Il les laissa filer, se tourna et repéra Quintor qui les suivait. Il allait pointer son arme vers lui pour l’arrêter mais ce dernier ralentit aussitôt.
    -Hey ! Vous avez une navette ? C’est vous qui devez me sortir de là, non ?
    -Un instant…
    La Brute fit un signe à Jocasta qui dévoila de nouveau son œil en appelant le groupe de prisonniers qui leur passait devant. Seuls trois tournèrent leur regard et furent fauchés, tombant au sol en criant, la face en feu. Les autres continuèrent et se ruèrent droit vers le couloir menant au sas de sortie. Jocasta se mit à jurer entre ses dents.
    -Ils vont sortir et se dirigent vers notre navette.
    -Attend ! Lui cria la Brute, ils ne pourront jamais sortir de…
    Elle se concentra et se téléporta, disparaissant aussitôt aux yeux de la Brute, comme aspirée par un vortex.
    L’instant d’après, il perçut le vacarme métallique caractéristique d’une arme lourde qu’il ne connaissait que trop bien, crachant une longue rafale de bolts explosifs. Plusieurs corps démembrés de prisonniers furent propulsés vers le bout du couloir dans une brume rougeâtre…
    Jocasta venait d’apparaitre au début du bloc F, à quelques mètres du sas d’entrée. En se matérialisant, elle vit une dizaine de prisonniers se ruer vers elle, en riant et criant, pour finir hachés par une pluie de projectiles qui les transformèrent en fragments de viandes en un instant. Le rugissement de l’arme lourde projeta des flammes au-dessus de sa tête et fit trembler le sol et les parois illuminées de manière stroboscopique par les rafales.
    Des dizaines de douilles de gros calibres venaient de tomber sur le sol métallique avec un tintement sourd juste derrière elle, accompagnées de bruissements de lourds servomoteurs. La chose qui était derrière elle, sentait l’huile chaude et l’odeur rance de la mort. Mais surtout, elle était massive. Tellement massive qu’elle venait de faire feu sans la voir alors qu’elle était là, juste à ses pieds. Du moins, espérait-elle qu’elle ne l’ait pas encore vu, se dit-elle, saisit d’effroi, sans se retourner.

    La Brute venait d’empoigner Quintor par le col et le plaqua avec force contre la paroi, à l’angle du couloir, avec lui. Il voulait risquer un coup d’œil, espérant que la gamine était encore en vie.
    -Un bolter lourd… Ils ont un putain de bolter lourd…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 04/03/2024 à 01:25 Citer ce message

    Jocasta se retourna pour se retrouver face à un colossal servitor prétorien de deux mètres cinquante. Elle chercha à le foudroyer de son regard mais dut s’y reprendre à deux fois, tellement elle restait impressionnée. Le bolter lourd terminait de cracher ses munitions explosives en longues rafales, finissant de hacher les prisonniers dans le long couloir.
    Loin de là, au niveau du bloc B, Altaïr et Kenway venaient de se relever péniblement. En sang, blessés et mal en point, ils aperçurent cependant un arbitrator et deux technoprêtres approcher prudemment à quelques dizaines de mètres de là qui faisaient feu vers Uriah. Kenway riposta afin de les maintenir à distance alors qu’Altaïr ramassait un bouclier répressif et le fit glisser vers Uriah bloqué de l’autre côté du couloir. Il venait tout juste de parvenir à se débarrasser d’un technomécano en le frappant à coup de matraque. Il hocha la tête en direction d’Altaïr, empoigna le bouclier et s’apprêta à traverser le couloir à toute vitesse, malgré les tirs.
    Dans un des couloirs, la Brute était accompagné du prisonnier. Armé du fusil de précision, il plaça un tir en pleine tête du servitor de combat au moment où Jocasta le foudroya aussi de son œil warp. Le prétorien s’effondra sur lui-même, bloquant la porte par lequel il était passé. La Brute chercha à rejoindre Jocasta mais cette dernière lui fit signe de la main, l’assurant que ça irait. Il comprit en revanche que de l’autre côté, vers Uriah, la situation bardait sacrément. Il empoigna le prisonnier, prêt à se ruer vers eux. Quintor se figea alors que sa tête s’auréola d’une lueur violacée crépitante lui sortant des yeux et de la bouche. La Brute se recula d’un coup, grimaçant en ressentant le goût piquant du warp dans sa bouche. Du sang coula de son nez.
    -T’es un putain de psyker en fait !
    L’autre était en train de reprendre son souffle.
    -Oui… et je peux vous aider…
    -Non ! Tu arrêtes ça tout de suite si tu veux pas que je te colle une balle dans la tronche !
    Il l’empoigna par le col et le traina avec lui. Au bout du couloir, Altaïr, Kenway et Uriah se repliaient sous les tirs, protégés derrière leur bouclier et ripostant en retour. Quintor relâcha d’un coup deux boules de force qui fusèrent de sa main vers le couloir, en sifflant. Tous les lumens du couloirs s’éteignirent, les plongeant dans l’obscurité. Elles passèrent en sifflant devant eux tel un tir de plasma et percutèrent l’arbitrator qui bascula à la renverse. Les technoprêtres reculèrent à l’abri. Les ténèbres s’abattirent soudain dans le couloir.
    A tâtons, ils avancèrent. Il ne manquait que quelques mètres. Uriah parvint à rejoindre une des portes étanches et la franchit, cherchant des mains les commandes afin de la refermer au plus vite. Il appela ses camarades, leur demandant de vite le rejoindre. Ce qu’ils firent. Une fois tous passés, les lumières se rallumèrent en clignotant. Ils refermèrent la porte et brisèrent le boitier de commande.

    -Vite, cria la Brute, on rejoint Jocasta et on sort de là.
    Ils traversèrent le couloir jonchés de cadavres éparpillés et retrouvèrent Jocasta, posté à l’angle d’un couloir.
    -On y va ?
    -Négatif, leur dit-elle. Un second prétorien bloque l’accès vers le sas qui mène à la navette. Je peux me téléporter et…
    -Non, lâcha Uriah, ne bouge pas d’ici. Il se tourna vers la Brute.
    -Les explosifs, cria Uriah. Tu as le détonateur ?
    La Brute le sortit d’une de ses poches et lui montra le boitier.
    -Maintenant ?
    -Oui, maintenant !
    Il enclencha le rune et tout d’un coup, toute la structure de la prison s’ébranla violemment au point qu’ils furent tous projetés au sol et que la navigator resta sonné quelques instants. Tous les lumens s’éteignirent d’un coup tandis que le choc, d’une extrême violence leur donna l’impression que la structure tout entière, venait de se faire percuter par un croiseur. Les lumières se rallumèrent enfin puis se mirent à clignoter de manière erratique alors que des étincelles et courts-circuits surgissaient de ça de là. Des bruits inquiétants et grincements sinistres continuaient de parcourir toute la structure tandis que plusieurs alarmes se remirent à sonner. Des voix métalliques et monocordes, émanant de servo-crânes de contrôles se mirent à égrener la liste des dégâts critiques. Une partie de la prison était désormais éventrée, ouverte au vide sidéral, tandis que le reste de la structure était en perte totale d’atmosphère et de réserve d’oxygène.
    La Brute se redressa en grimaçant. Au loin, des poutrelles tombaient alors que des incendies devaient envahir certaines zones, au-delà des portes coupe-feu. La fumée commença à gagner certains couloirs et ils perçurent des dizaines de hurlements émanant des cellules.
    -Vers la navette, vite. La structure ne tiendra pas bien longtemps.
    Tandis que le reste de l’équipe reprenait ses esprits, il se dirigea vers le servitor mort et entreprit de démonter le bolter lourd qui était verrouillé à la place de son bras droit. Faisant sauter, un à un, les plots de connexion et arrachant les cables. Uriah dégaina son arme et en profita pour passer la porte en partie bloquée par le servitor, suivi de Kenway. Il avait noté que de l’autre côté de cette porte, devait se trouver le centre de commandement. Un technicien se jeta en brandissant son bras augmentique sur eux mais ils le maitrisèrent et l’assommèrent sans la moindre peine. Altaïr vint les rejoindre, mal en point, cherchant à reprendre son souffle, malgré ses blessures. Il se dirigea vers le centre de contrôle, cherchant à trouver les commandes d’ouverture des portes. Pendant ce temps, les autres l’avaient rejoint et la Brute brandissait le redoutable et massif bolter lourd, duquel pendait une bande de cartouches. Il hocha la tête vers Altaïr, tout en indiquant aux autres de se mettre à couvert.
    -Tu ouvres la porte à mon signal.
    Altaïr enclencha la rune de commande la seconde porte blindée. Elle s’ouvrit dans un chuintement pneumatique, laissant apparaitre la silhouette du second servitor prétorien. Ce dernier allait pour pivoter sur lui-même, mais il était très lent, comme tous les servitors.
    Trop lent.
    La Brute activa le bolter lourd et lui explosa la tête et le torse d’une dizaine de bolts.
    L’arme encore fumante, il cria à tout le monde.
    -Allez, on se bouge ! La structure ne va pas tenir bien longtemps maintenant.

    Le temps qu’ils retraversent le sas, emmenant Quintor avec eux, ils remontèrent à bord de leur navette Aquila qui décolla en catastrophe tandis que derrière eux, les batteries Hydra les prirent pour cible. Pourtant le pilote évita les tirs avec une rare habilité. L’instant d’après, toute la prison fut ébranlée par un flash lumineux qui vaporisa tout le petit astéroïde.
    -Cap sur la station à présent, lâcha Uriah. C’était vraiment moins une…
    -On appareille où ? Lui demanda la Brute ?
    -Dis au pilote qu’on se pose dans un des hangars du Soul of Adamantium, il est amarré au dock A. L’inquisitrice devrait nous y retrouver. Tu vas m’accompagner avec Quintor.
    Il se tourna vers Jocasta.
    -Je vous laisse emmener Altaïr et Kenway au bloc medicae du Morning Star, on vous y retrouvera après.
    -A vos ordres, capitaine.

    L’inquisitrice Shard les y attendait comme convenu. Elle était accompagnée de cinq commandos des troupes de choc inquisitoriales. Une fois qu’Uriah lui remit Merek Quintor, les commandos s’en saisirent, lui passèrent des menottes et un appareil sur le crâne puis l’emmenèrent avec eux, de force. Il eut beau se débattre, crier et les maudire pour leur trahison, il ne put absolument pas lutter.
    -Bien. Vous avez rempli la part de votre contrat, capitaine Goldberg. C’est une bonne chose. Pourtant… Détruire une prison orbitale de l’Arbites ne figurait pas au contrat.
    -Cela n’a pas été si simple, Madame, croyez-moi...
    -J’imagine… Finalement vos méthodes diffèrent assez peu de celles des ordos. C’est toujours bon à savoir. En revanche…
    -Oui ?
    -Le Juge Carmeda a quelques défauts mais c’est loin d’être un idiot. Une centaine de mort dont quinze de ses hommes, vous imaginez bien que cela va ouvrir une enquête officielle. La thèse de l’accident ne tiendra pas bien longtemps et ils finiront par faire un lien avec une certaine navette, des techniciens et que sais-je encore. Il serait alors opportun, dans votre intérêt, capitaine Goldberg, que vous et votre petite bande, soyez très loin d’ici à ce moment-là.
    -Nous comptions appareiller rapidement, justement.
    -Voilà qui est une sage décision.
    Elle fit un geste vers un des commandos qui leur apporta un coffret.
    -Comme convenu. Ainsi nous sommes quittes.
    La Brute le prit. C’était un coffre apparemment très ancien et richement décoré de scènes d’antiques batailles.
    L’inquisitrice se retira alors avec ses hommes. Uriah en fit de même. Ils ouvrirent le coffre et jetèrent un coup d’œil dedans, réalisant qu’il contenait une paire de bracelet ouvragés très anciens, eux aussi.
    -Qu’est-ce que c’est ? Demanda Uriah.
    -De l’archéotech. La Science pourra surement nous le dire.

    Quelques heures plus tard, ils s’étaient retrouvés au chevet d’Altaïr. Ce dernier était passé au bloc pour se faire recoudre de ses récentes plaies, tout comme Kenway. Uriah en profita aussi pour se faire soigner quelques plaies plus légères, comme Jocasta. Djoko était aussi passé les voir afin de s’assurer de leur état. Altaïr ne tenait plus, rien qu’en observant les bracelets.
    -Malheur, mais ce sont des bracelets à concussion, des artefacts incroyablement anciens et d’une technologie disparue. Selon d’anciens écrits, à une époque très anciennes, l’humanité savaient encore en fabriquer.
    -Quoi ? Des bracelets ? C’est une blague, lâcha Djoko.
    -Pas de simples bracelets… Ce sont des archéotechs, espèce d’inculte.
    -Oui, bin, ils font quoi de particulier tes antiquités ?
    -Ils intègrent un générateur miniature capable de générer un champ à concussion capable de repousser toute personnes proches à plusieurs mètres de là, voire, de les assommer.
    -Djoko leva les mains en signe de capitulation.
    -Ouha… Alors là, je suis impressionné… Des bracelets capable de repousser quelqu’un… Sérieux ? Elle s’est pas un peu foutu de vous, l’inquisitrice ?
    -Leur générateur est d’un modèle que les prêtres de Mars ne savent plus maitriser !
    -Comme si ça allait m’étonner… Ils maitrisent quoi ces charlatans de toute façon ?
    -On ne sait même pas comment ils se rechargent d’eux-mêmes ! Longtemps on a pensé que seuls les cognats en fabriquaient mais ces modèles sont clairement du début de l’Imperium.
    -Les cog-quoi ?
    -Les cognats… C’est le véritable nom des squats.
    -Oh…Tu m’en diras tant.
    -Ces bracelets sont donc des reliques du passé ? Demanda Uriah.
    -Un trésor qui vaut plus que la rançon d’un gouverneur planétaire.
    Djoko leva les yeux au plafond.
    -Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre comme âneries...
    -Il y avait autre chose dans le coffret ? Ajouta Altaïr.
    -Oui, un passe pour un hangar. La Brute est parti vérifier, justement.
    Son vox vibra. Il l’activa.
    -Tu as trouvé le container ?
    -Affirmatif. C’est plus gros que prévu…
    -C’est quoi ? Un véhicule ?
    -Mieux que ça… C’est une base modulaire de modèle Anphélion. Un modèle du Munitorum pour l’Astra Militarum. Des containers oubliés, apparemment. Une fois largué depuis l’orbite, les modules s’assemblent pour former une base capable d’accueillir un centre de commandement, un laboratoire, de quoi loger une quarantaine de personnes et tout un tas d’autres choses… Y a même des tourelles de défense, un périmètre de sécurité et une zone d’atterrissage pour navette.
    -Merde… ça c’est un sacré truc, lâcha Djoko.
    -On l’embarque, répondit Uriah dans son vox. D’autant plus que ça va vraiment nous servir sur les mondes qu’on va explorer.
    -Tu peux me rejoindre, là ? Lui demanda la Brute.
    -Là non, je dois passer voir la capitaine Frae Spinaiser, figure-toi.
    -Eh bien, ça attendra. J’ai besoin que tu viennes voir quelque chose, maintenant….
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 09/03/2024 à 23:01 Citer ce message

    Uriah ne s’y attendait évidemment pas mais ses plus proches officiers lui avaient organisé une petite fête pour son vingtième anniversaire. Tout le monde était là. Djoko, la Brute, Altaïr évidemment mais aussi Jocasta, Antinoé, Säde et les autres. Et bien entendu Ludivine.
    Il ne s’agissait pas tant de fêter ses vingt ans que de célébrer l’officialisation de leur seigneur-capitaine à la tête d’une nouvelle dynastie naissante.
    Ils lui offrirent tous des cadeaux aussi inattendus qu’incroyables afin de marquer cet évènement autour d’une coupe de dammassine. La Brute, le premier à s’avancer en tant que second, lui offrit un ancien mais néanmoins magnifique pistolet à plasma dans son beau coffret en acajou et laiton. L’arme était un modèle Ryza dont la crosse avait été décorée aux armoiries de la Maison Goldberg. Il était parvenu, par on ne sait quel miracle de persuasion à obtenir la contribution de la Magos Argentus pour ce travail impeccable.
    Jocasta avança timidement et lui remit un paquet emballé un peu maladroitement à la main dans du papier craft, le tout ficelé afin de ressembler à un vrai paquet cadeau. Uriah sourit en déballant un livre ancien, sachant que la jeune Jocasta ne possédait rien et avait certainement dû le dérober dans un de ses propres librarium. Cela le fit sourire car l’attention était touchante et il comptait en prendre grand soin, d’autant plus qu’il ne l’avait jamais lu. Elle lui précisa qu’il s’agissait là d’un Navis Prima censé relater les légendes perdues de la Zone du Maelström.
    Säde lui remit discrètement un petit paquet, elle aussi. A l’intérieur se trouvait une cape caméléoline neuve et encore empaquetée avec les numéros du Munitorum.
    -Tenez capitaine, pour vous… J’ai cru comprendre que vous auriez pu récemment en avoir besoin ?
    -Merci, lieutenant, ça me sera bien utile la prochaine fois que l’on aura à éviter des ennuis.
    Altaïr pour sa part, lui offrit aussi un petit coffret contenant une broche sertie de plusieurs diamants, les mêmes que ceux des boucles d’oreilles de Ludivine.
    -Et au cas où la cape ne suffirait pas, tu pourras toujours compter sur ça. C’est un champ réfracteur, un ancien modèle Mars, mais parfaitement fonctionnel.
    Uriah l’activa et le champ produit, donna l’impression que l’air autour de lui vibrait par intermittence.

    Ludivine, elle, lui offrit une boite dans laquelle quelque chose bougeait. Elle la lui tendit en lui déposant un baiser sur les lèvres tout en ajoutant qu’elle espérait qu’il allait lui plaire. Il ouvrit le couvercle et y trouva un petit primate poilu qui dévoila ses canines alors que son apparence changea pour devenir tout à coup humaine, avec même des vêtements.
    -Qu’est-ce que c’est ? Lui demanda-t-il, véritablement étonné.
    -C’est une espèce exotique originaire de Yamnan. On les appelle des singes mimétiques. Ils ont la capacité de modifier leur pelage pour changer leur apparence. Parait-il que ce serait là, un système de défense qu’ils auraient développé face à leurs prédateurs.
    -Il est incroyable, je n’en avais encore jamais vu…
    Le petit primate reprit son apparence, grimpa sur son bras et se jucha sur son épaule afin de jouer avec le plume du chapeau d’Uriah, ce qui amusa tout le monde.
    Quelques instants plus tard, Antinoé, discrète, lui glissa une carte dans la main. Il s’agissait d’une carte du tarot. La carte de l’Empereur.
    -Pour vous porter chance et pour qu’Il nous accompagne lors de notre odyssée. Nous en aurons bien besoin, croyez-moi.
    Djoko s’avança enfin, portant une longue housse.
    -Je crains que mon présent soit bien moins utile que ceux de tous mes compagnons. Néanmoins, je l’ai trouvé approprié vu ce que nous souhaitons tous, ici et maintenant.
    Uriah ouvrit la housse. Il s’y trouvait un manteau d’officier rouge et or.
    -Il s’agit de mon ancien manteau d’officier. Je l’ai fait retailler à tes mensurations. Merci à Ludivine, au passage, pour sa complicité dans cette affaire. J’y ai fait ajouter aussi quelques modifications afin de convenir à tes goûts – une idée de Bonnett… Tu la connais.... A la base c’était le manteau d’un amiral de la Marine impériale, que j’avais emprunté il y a bien des années de cela avec ta tante…
    -Je connais cette histoire, lâcha Uriah, dans un souffle, ému, tout comme la Brute et Altaïr. Je sais ce qu’il représente pour toi…
    -Il est temps qu’il te revienne et puis il t’ira beaucoup mieux à toi qu’à moi.

    Le lendemain, le Morning Star et le Daughter of Tempest appareillaient et mettaient le cap en direction du point de Mandeville, aux confins du système Galen. De là, ils allaient enfin entreprendre leur long voyage vers l’inconnu. Les quatre jours que prirent cette première étape, Uriah, Ludivine et leurs officiers les mirent à profit pour peaufiner les dernières étapes de leurs entreprises commerciales. Ainsi, leurs six autres navires de commerces allaient faire route en leur absence entre les sous-secteurs Badab, Khymara, Endymion et Karthago. Certains de leurs capitaines, fraichement promus, devraient faire leur preuves, comme Livia Damael, Sebastian Bowen, leur ancien timonier ou encore Borin Vormmark, un officier subalterne de Feronika Rasmusen. A l’inverse, cette dernière était plus aguerrie, tout comme Mattius Nixiom et Nyxanne Morteval, les anciens des compagnies chartistes récemment acquises.
    Un soir, Altaïr profita d’être seul avec Uriah dans le stratégium.
    -Dis-moi gamin, tu en es où avec la petite Frae Spinaiser ?
    -Comment ça ?
    -Est-ce que tous les deux, vous avez… ? Vous avez conclu ?
    -Tu veux savoir si on est ensemble ? Eh bien c’est oui… Il me semble que c’était assez clair à ma soirée d’anniversaire. Je croyais que tout le monde le savait, déjà à commencer par toi. Même la Brute et Jocasta sont au courant depuis des jours, c’est pour dire.
    -Non… Disons que je voulais juste être certain… Tu envisages toujours de l’épouser au moins ?
    -He bien… Oui, je crois.
    -Tu dois lui demander sa main, tu le sais ?
    -Oui, mais pas là… On appareille demain, je ne me vois pas faire ça entre deux coursives juste avant un saut warp. Ça peut attendre après, non ?
    -Si, bien sûr… Disons qu’il ne va pas falloir trop trainer non plus.

    Par mesure de sécurité et après en avoir longuement débattu avec ses proches officiers, ils décidèrent aussi de confier la jeune Gaia, la fille d’Isabella à Feronika Rasmusen afin de lui épargner un long périple vers l’inconnu et ses dangers. Mais surtout, Uriah préférait la savoir loin de lui. Il restait partagé car commençait à bien aimer l’idée de garder cette dynastie pour lui, d’autant plus s’il devait fonder la sienne et faire des enfants avec Ludivine. Pourtant, si un jour sa tante Isabella venait à refaire surface, comme l’espérait Djoko, il serait alors de bon augure que sa fille soit toujours en vie.
    Les quatre jours précédant l’arrivée au point de Mandeville du système furent occupés à préparer le saut warp vers l’inconnu. Les Etendus de Morgan’s Reach ne figuraient plus sur aucune carte viable et tentative de rallier cette constellation s’étaient toute soldée par des échecs depuis plus d’un siècle.

    Djoko, Antinoé et Jocasta s’attelèrent à analyser les meilleures options et routes possibles au travers de bouillonnants orages warp bien connus et plus ou moins stables dans les environs, comme le terrible Astra Noctae Daemonium Rex ou le Malefex Noctis. Ils espéraient cependant pouvoir bénéficier des Rapides warp du Nœud de Cataractae, entre les sous-secteurs Badab et Khymara, pour raccourcir le saut mais rien n’était garantie car le warp était capricieux, d’autant plus depuis l’ouverture de la Grande Faille. Selon le schéma proposé par son Tarot, Antinoé estima que leur voyage serait une odyssée telle qu’ils n’en avaient encore jamais connu. Le warp pourrait les y piéger durant des mois et seul le Trône savait s’ils s’en sortiraient. Mais surtout, d’après l’astropathe, nul ne saurait ni où, ni quand, ils ressortiraient de là…
    Le jour du passage dans le warp, tout le vaisseau se tenait paré. Les systèmes auxiliaires passèrent à l’arrêt, les volets blindés furent abaissés le long des baies vitrées et tous les lumens intérieurs passèrent au rouge, signalant à l’équipage de se tenir prêt et de prier le plus fort possible. Jocasta, connectée à son trône de navigation, était scellée dans son Sanctum Oculus, désormais seule face au warp, car elle seule possédait un dôme ouvert sur la Mer des Âmes, l’Ether, l’Immaterium ou qu’importe le nom qu’on lui donnait depuis la nuit des temps. Ici, seule face à ce gouffre insondable et peuplé d’horreurs qui allaient engloutir le vaisseau, elle pouvait ouvrir son troisième œil et voir ce que nul humain ne pouvait percevoir sans sombrer dans la démence la plus pure.
    Il parait que chaque navigator perçoit l’Immaterium selon sa propre expérience. Le warp était cette dimension située dans un autre plan d’existence. Une sorte d’Outre-monde ou d’Enfers dont parlaient les anciens de Terra. Ici, le temps et l’espace n’existaient plus, pas plus que les lois de la physique. Seuls nos émotions et nos cauchemars les plus profonds prenaient vie et cohabitaient avec les âmes perdues des défunts qui s’y trouvaient condamnés. Ils n’étaient pourtant pas seuls puisqu’ils coexistaient avec des entités malignes anciennes et des êtres à la nature étrangère à notre propre dimension. Pourtant, parfois, certains de ces êtres étaient capables, peut-être par accident, de percer le voile et de se matérialiser dans notre univers, tel un carnodon affamé serait jeté dans un poulailler.

    Pourtant, tous les navigators ne percevaient pas le warp comme un gouffre constitué de pure terreur. Tous le vivaient comme une expérience unique, presque onirique selon leurs propres termes, bien que restant particulièrement lucide sur sa nature corruptrice et pernicieuse. En ouvrant leur troisième œil et en se plongeant dans une transe profonde. Certains le percevaient comme une mer houleuse et tempêtueuse, jalonnée de récifs et de monstres marins, tandis qu’eux se tenaient à la barre de leur bateau pris dans la tourmente, fouettés pas les vents et les eaux déchainées. Ils hurlaient aux éléments, afin que l’équipage tienne bon. D’autres se voyaient aux commandes d’un aéronef d’un autre temps, prit dans un cyclone et contraint de lutter de toutes leurs forces afin d’éviter que leur engin précaire ne se disloque ou finisse aspiré par un vortex. D’autres encore se voyaient fendre les airs, tel un poisson fendrait les flots, traversant des champs infinis et multicolores sous des cieux et des soleils aux couleurs irréelles, louvoyant et sautant dans les hautes herbes avec une joie infinie mais toujours avec cette crainte d’être happé par un prédateur tapis là, juste en-dessous. Tous décrivaient des mondes imaginaires aux formes et couleurs chimériques, peuplés de créatures des enfers, de défunts bien réels mais rendus fous. D’autres y voyaient des châteaux antiques assiégés par des armées innombrables et de duels épiques, tandis que certains parlaient de labyrinthes infinis et d’êtres énigmatiques qui cherchaient à les duper afin de les y piéger de manière définitive.
    Le warp ne pouvait se décrire, il devait se vivre, ce qui impliquait de sombrer d’abord dans la folie.

    L’entrée dans le warp n’était jamais une expérience plaisante, surtout le première fois. C’était un peu comme se réveiller en plein sommeil pour réaliser que l’on était sous l’eau et qu’on n’avait plus pied. La sensation pouvait durer quelques secondes mais sur le moment, l’angoisse vous paraissait durer une éternité. C’était plus ou moins ce que ressentirent les quelques milliers de galenniens tout récemment recrutés à bord du Morning Star et du Daughter of Tempest qui naviguaient de concert. La plupart fut frappé de crises hallucinatoires collectives qui durent être réprimées par les boscos et par Helleth, l’écclésiaste. Les jours passèrent mais le mal du warp persistait d’autant plus que les grincements sur la coque n’y aidaient pas et ce, malgré les litanies diffusées à bord. On entendait toujours des voix, réciter les mêmes phrases en boucle, même dans les vox. Uriah et ses hommes durent user de toute leur persuasion afin de faire tenir l’équipage. Säde sombra dans une profonde dépression et une manie obsessionnelle, ne parvenant plus à dormir la nuit à cause des âmes de défunts qu’elle voyait dans les ombres et qui venaient la tourmenter. Tous ces visages, elle les connaissait… Ces voix… Tous issus de ses plus profonds souvenirs et pourtant si réels désormais. Certains se contentaient de la dévisager dans le noir tandis que d’autres lui susurraient de mettre le canon de son arme dans sa bouche et de se délivrer enfin de ses tourments.
    Un matin, Uriah se réveilla dans sa cabine, les draps maculés de son propre sang encore chaud et poisseux, un couteau à la main. Il avait dormi toute la nuit, rêvant qu’il menait une bataille incessante contre des mutants horriblement déformés par le warp qui se glissaient sans cesse sous ses draps. Il avait eu le sentiment de les combattre toute la nuit pour finalement réaliser qu’il n’avait fait que s’infliger des blessures à lui-même. Sa peau était couverte d’entailles et de coupures. Il relâcha la lame en tremblant, soulagé de savoir que Ludivine ne passait pas le nuit avec lui, car elle était sur son propre navire en ce moment-même.
    Même Jocasta, pourtant enfermée dans son Sanctum Oculus, devait lutter de toute ses forces pour repousser les démons qui la tourmentaient et lui tournaient autour. Il ne s’agissait que d’esprits, de simples voix, mais elles étaient tenaces et la harcelèrent sans discontinuer, des jours durant, lui disant qu’elle était épuisée, lui intimant d’aller se reposer, de fermer les yeux et de dormir enfin et de leur laisser son trône de navigation. Elle résistait de toutes ses forces tandis que du feu jaillissait de son troisième œil. Après des jours qui lui parurent des semaines – ou peut-être était-ce l’inverse, l’un des démons décida de changer de tactique avec elle. Elle sentit une main lui caresser ses cheveux collés de sueur, puis parcourir les cicatrices de son visage. Une voix ricana dans son esprit dans une langue inconnue mais qu’elle comprit sans le moindre mal.
    -C’est très bien… Tu résistes et tu te crois forte, petite abomination… Mes frères vont aller arpenter certains ponts de ton misérable vaisseau et nous verrons si à un moment tu ne finiras pas par te lever et enfin me céder ta place…
    Toujours crispée à son trône, les dents serrés et les yeux clos à l’exception de son œil warp, Jocasta activa son microvox et pria pour que son message parvienne à la passerelle.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 20/03/2024 à 18:12 Citer ce message

    Dès réception du message transmis par Jocasta, la Brute se coordonna auprès des boscos du chef Casper Arkhan ainsi que des escouades du lieutenant Haxton. Il allait falloir ratisser les ponts et les coursives et débusquer tout intru. Uriah sollicita l’aide de son astropathe justement, sachant qu’elle avait la capacité de détecter tout activité warp à bord. Elle se focalisa à l’aide de son bâton en psycurium qui se mit à luire dans la pénombre tandis qu’un feu blanc émanait de ses yeux. Au bout de quelques instants, des volutes de vapeur dessinant des arabesques sortirent de ses lèvres.
    -Je les vois… Grimaça-t-elle, comme ressentant une vive douleur. Une goutte de sang coula de son nez.
    Uriah reporta son attention vers Altaïr.
    -Affiche-nous un plan, je veux savoir où exactement, ensuite on scelle le compartiment.
    Il se tourna de nouveau vers son astropathe tandis que son sénéchal se hâtait de déployer les plans holo du navire.
    -Si on dépressurise le compartiment, on peut les tuer ?
    Antinoé lui retourna un regard sombre.
    -Ce qui vit dans le warp, se moque bien de l’air que l’on respire, capitaine. De plus, nous sommes en train de traverser l’Immaterium… Dépressuriser une partie du navire serait comme leur ouvrir une porte.
    -D’accord, on oublie. Trouvez-moi l’endroit où ils sont, vous allez nous accompagner. Nous allons devoir les débusquer à l’ancienne.
    Il vérifia la charge de son pistolet à plasma et alluma son champ réfracteur. Il activa son vox.
    -La Brute ? Trouve Helleth et rejoignez-nous, je t’envoie les coordonnées.

    Antinoé avait ainsi pu localiser deux zones du navire, bien distinctes. Une située à la proue, dans un compartiment de plusieurs cabines de matelots, non loin de la baie medicae. L’autre se situait dans les ponts inférieurs, au niveau d’une baie à navettes.
    Le petit groupe se hâtait en courant dans la coursive principale qui constituait l’épine dorsale du navire et qui courrait sur un bon kilomètre.
    -On commence par quelle zone ? Leur demanda La Brute. Altaïr suivait, sa tablette à la main.
    -Le hangar à navettes ! Lui répondit ce dernier. Il n’est pas question qu’on les perde.
    En approchant de la proue, ils empruntèrent un des élévateurs qui descendaient vers les sous-ponts. Cela leur laissa le temps de souffler un peu et de préparer leurs armes. Pour l’occasion, Helleth de Shaad, leur écclésiaste, avait pris le temps de bénir les épées de la Brute et d’Altaïr, le temps qu’ils détectent les menaces et fassent sceller les compartiments. Elle-même portait son épée tronçonneuse sanctifiée et son pistolet lance-flammes pyroacide sanctifié.
    Ils firent évacuer tous les compartiments attenants et se préparèrent. La Brute tenait ses deux pistolets bolter en main et avança, pressant la rune d’ouverture du sas, d’un coup de coude. Il progressa lentement parmi les volutes de vapeur et d’ozone, armes pointées et repéra rapidement les premiers corps au sol, gisant dans leur propre sang. Des matelots, des technomécanos mais aussi des sergents d’armes. Il planait une odeur acre de carnage mais aussi quelque chose d’autre, de plus piquant et métallique, comme un goût de cuivre dans la bouche. Il perçut des bruits, plus loin. Comme des murmures ou des jacassements, ce qui n’avait rien de naturel.
    Il se plaqua le long du contrefort d’une coursive et fit signe au reste de l’équipe, d’avancer prudemment. Helleth approcha vers lui, son lance-flammes et sa tronçonneuse en main, se plaquant de l’autre côté de la coursive tout en murmurant des versets de protection. Uriah et Antinoé vinrent se tenir de l’autre côté du couloir, menant vers la coursive bâbord. Ils avancèrent prudemment mais repérèrent tout de suite des bruits métalliques raclant au sol, qui approchaient. Ils ne tardèrent pas à voir des silhouettes massives de servitors de maintenance qui se dirigèrent droit vers eux. Malgré la pénombre, ils reconnurent tout de suite que ces servitors n’étaient plus ce qu’ils auraient dû être. Le warp les avait mutés au point que leur chair blafarde et nécrosée avait fusionné avec une multitude d’outils de maintenance et d’objets aussi dangereux qu’improbables. Ils se ruèrent de leur démarche lourde et mécanique, faisant cliqueter et vrombir leurs armes tranchantes ou perforantes. Uriah lâcha un tir de plasma sur le premier et fit mouche. La satisfaction de voir le projectile incandescent perforer le torse du premier, mourut rapidement. Il réalisa que cela venait de le ralentir mais sans pour autant le tuer net, malgré son tir à puissance maximale. Altaïr ouvrit le feu en rafale à son tour, à l’aide de son bolter mais manqua sa cible de peu. Un bolt toucha sans doute dans une gerbe d’étincelles mais sans effectuer plus de dommages. Antinoé invoqua la puissance du warp et commença à tracer une aura kinétique, à l’aide de son bâton de force, juste devant elle.
    Depuis le second couloir, partant vers tribord, la Brute venait de faire feu aussi, de ses deux pistolets bolter, en rafale et constata le même effet que pour Uriah. Malgré les dégâts colossaux encaissés, un servitor continuait d’avancer vers eux. Helleth raffermit sa prise et l’inonda d’un jet de prométheum pyroacide sanctifié. Le monstre de chair et de métal s’embrasa sans réagir, ce qui fit pester la missionnaire qui décida d’activer son épée tronçonneuse en entamant une litanie de détestation. Elle le chargea sans la moindre hésitation. Le feu n’allait peut-être pas le ralentir mais, d’une manière ou d’une autre, la foi finirait par lui régler son compte. En quelques secondes, le feu acide commença à lui dissoudre les chairs et la lame tronçonneuse le termina, lui ouvrant le torse en deux.

    Dans l’autre couloir, Antinoé se prépara au choc, s’arcboutant contre son bâton. Le servitor chercha à la tailler en pièces à l’aide d’une cisaille énergétique démesurée. Elle pivota sur le côté, faisant voler ses robes de l’Astra Telepathica et lui abattit en retour son bâton de force sur la clavicule, dans une auréole de feu d’un blanc incandescent. Des os et du métal craquèrent tandis que la tête cybernétisée pivota selon un angle improbable. L’arme de force broya sa cage thoracique par la même occasion, exposant des organes putrides et des composants augmentiques qui vomirent un flux de liquides nauséabonds. Le coup le tua net alors que le tir de plasma d’Uriah l’avait déjà passablement amoché. Le lourd servitor bascula sur le côté et s’écroula contre la paroi ans un bruit de ferraille. Une chose rose et informe, munie de nombreux bras et d’une gueule démesurée garnie de crocs et d’une langue bleue apparue alors depuis les ombres en ricanant et caquetant d’un nombre de voix improbables. Uriah ouvrit le feu mais le manqua d’un rien.
    -C’est quoi cette saloperie !
    -Par le Trône de Terra, une horreur rose… Un démon du warp ! Lâcha Antinoé dans une gerbe de vapeur alors que ses yeux blancs s’illuminèrent et qu’elle renforça son aura en se cramponnant à son arme de force. Une seconde horreur rose venait d’apparaitre, venant du tarmac où reposait la navette Aquila, ainsi qu’une troisième qui venait de faire face à Helleth et la Brute, accompagné d’un autre servitor. Les trois démons étaient en train de ricaner doucement, leur gueule démesurée déformant leurs traits immondes. Helleth dévoila un sourire carnassier se disant qu’enfin, elle allait affronter un adversaire à sa hauteur.
    Le second démon projeta une boule de flammes bleutées qui hurlèrent en direction d’Uriah. Il crut se trouver englouti par les flammes warp, alors incapable de bouger. Son champ réfracteur s’illumina soudain et le sauva in extremis, comme si l’Empereur en personne venait de s’interposer. Il loua son sénéchal pour cette brillante initiative.
    Les trois démons, fait de pure folie, prirent une seconde à les observer de leurs yeux emplis de malice puis se ruèrent sur eux en hurlant tels des déments tout en recrachant un feu warp rose et bleu.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 29/03/2024 à 16:33 Citer ce message

    Le feu sanctifié d’Helleth, couplé aux bolts dévastateurs de la Brute et aux pouvoirs aethériques d’Antinoé firent toute la différence. Même si les tirs combinés d’Uriah et d’Altaïr ajoutèrent clairement à la puissance de feu vengeresse, les démons furent purgés au bout de quelques minutes d’un combat acharné. Altaïr, Uriah et Helleth s’en sortirent avec quelques belles blessures causées par les griffes et le feu des démons. Une chance pour eux que la foi de la missionnaire soit parvenue à les protéger, tout comme les pouvoirs de l’astropathe car les démons et les servitors corrompus accompagnés d’un heretek furent particulièrement tenaces.
    Uriah et ses officiers se chargèrent alors de la seconde partie la plus touchée, un compartiment de cabines d’hommes d’équipage situé non loin du bloc medicae. Là, ils se heurtèrent à une bande de matelots horriblement mutés par les miasmes putrides du warp mais aussi à des démons de la pestilence, sorte de golems humanoïdes et cyclopéens en putréfaction, armés de lames rouillées et suivis de petits lutins grassouillets tout aussi horribles qu’eux. Partout autour d’eux régnait une épouvantable odeur de décomposition que même les recycleurs d’atmosphère peinaient à filtrer. Helleth et Antinoé leur demandèrent de rester près d’elles, ce qu’Uriah ne fit pas, pris soudain d’une violente crise. Il recula dans le couloir et alla vomir plus loin.

    Là aussi, le feu purificateur d’Helleth fit des merveilles, incendiant et carbonisant les démons du warp qui ne succombaient pas sous les bolts explosifs. La source du mal fut alors identifiée par Antinoé dont les pouvoirs gelaient sur pieds les démons et leurs séides mutants qu’Helleth n’avait pas incinéré. Elle parvint ainsi à faire taire un bolter lourd que les mutants avaient mis en batterie et qui leur bloquait le passage. Altaïr fut touché par du shrapnel et dût se mettre à couvert, sa veste éventrée par des éclats, passant à deux doigts d’une mort aussi certaine que brutale.
    L’astropathe ressentit alors la présence du possédé, celui qui était à l’origine de tout ce carnage. Ils reconnurent Waldek, le chef chirurgien du navire. Ce dernier était désormais contrôlé par une entité du warp et accompagné de mutant tout aussi déformé que les démons qui les accompagnaient. Un feu verdâtre brûlait de ses orbites vides et ses mains avaient désormais fusionnées avec ses scalpels et autres scies chirurgicales. Il ouvrit une gueule béante en grand d’où jaillit un flot de bile acide emplie d’asticots grouillants et voraces, gros comme un pouce, dont certains éclataient, libérant des sortes de mouches à la l’abdomen blanc et gorgé d’un pus acide. Le flot allait engloutir totalement Antinoé, mais la Brute, la projeta dans le couloir adjacent, lui sauvant la vie, in extremis. La masse infecte éclaboussa contre une des parois qu’elle fit fondre en un instant en bouillonnant. La Brute avait roulé sur le sol et se précipita pour se diriger vers le bolter lourd.
    Dans le sillage du possédé et des mutants, il n’y avait plus que des cadavres grimaçants et des immondices qui commençaient à corroder les coursives et à attaquer les câbles d’alimentation. Mêmes les lumens des couloirs qui ne grillèrent pas, prirent une teinte maladive et vacillante. Tandis qu’Helleth contenait les démons en approche, Antinoé se redressait et Altaïr alla aider la Brute à manœuvrer le bolter lourd abandonné dans le couloir. Ce dernier hurla aux filles de se pousser alors qu’il envoya une salve dévastatrice dans la coursive, explosant le possédé d’une rafale de bolts de gros calibre. Helleth, Altaïr et Antinoé détruisirent les horribles mutants restants, rechargeant leurs armes au passage et continuant de faire feu sur tout ce qui bougeait.
    Helleth inspecta les couloirs puis désigna Uriah qui se tenait plus loin, visiblement mal en point et jurant à propos de son medic en chef qu’il avait fallu tuer.
    -Emmenez le capitaine et mettez-le en lieu sûr en attendant. Je vais faire sceller ce compartiment et le purger par les flammes et la foi. Mais d’abord je dois m’occuper de vos blessures car le warp est à l’œuvre ici, dit-elle en sortant d’une sacoche des rouleaux de parchemins consacrés qu’elle enroula sur leurs plaies qui s’auréolèrent aussitôt d’une douce lueur.
    Il fallut deux jours de plus aux zélotes d’Helleth pour nettoyer le reste du navire de toute trace de corruption. Le bilan fut plutôt lourd. L’incursion warp et ses conséquences avait tué ou mis hors d’état plusieurs centaines de membres de l’équipage ce qui se ressentait sur le moral qui était plutôt maussade. Le pire était qu’ils avaient perdu leur chef chirurgien mais aussi la plupart des medics de bord. Waldek avait très certainement été possédé alors qu’il se trouvait au bloc medicae car c’est là qu’ils trouvèrent les traces des premières victimes. Le bloc et le stock de médicaments avaient été contaminé ce qui signifiait qu’ils ne possédaient presque plus de médecine à bord. Une simple épidémie à venir pourrait s’avérer catastrophique s’ils ne trouvaient pas rapidement un monde où s’approvisionner.
    Après soixante-sept jours passés à dériver dans le warp, Jocasta depuis son dôme de navigation finit par annoncer, d’une voix rauque et épuisée, qu’elle venait de localiser un point de sortie. Cela fut reçu comme une véritable bénédiction par l’équipage et les officiers. Sur les trente mille hommes que comptait le navire, la contamination warp fera quelques deux mille cinq cents morts en tout, principalement parmi les nouveaux arrivants, pour qui le mal du warp avait été le plus dévastateur.

    Le retour à l’espace normal parut soudain irréel. Comme sortir d’un cauchemar éveillé et ne plus vraiment savoir ni où ni quand on se trouve. Ce qui était le cas en réalité. Seuls les vrais hors-mondes étaient rompus à ce genre d’exercice et même ainsi, aucun d’entre eux n’était jamais parfaitement serein, prenant toujours les entrées et sorties warp très au sérieux. Se perdre dans une éternité de cauchemar n’était pas juste une légende. Et le warp n’était pas juste une autre dimension. C’était bien pire que cela, ils avaient pu le voir sur les malheureux qui avaient dû finir purgés par les flammes. Même Djoko qui aimait toujours plaisanter, savait que ce sujet ne pouvait être pris à la légère, comme le rappelait l’Aquila accroché à son cou et qu’il touchait du bout des doigts. Il surveillait les consoles depuis la passerelle plongée dans une semi-pénombre sépulcrale, éclairée seulement par les lumens rouges des consoles et quelques chandelles. Il enclencha la rune du vox interne.
    -Navigatrice ? Confirmation en attente.
    Il se passa quelques secondes interminables avant que Jocasta ne réponde dans le vox.
    -Sortie stable et confirmée, lieutenant…
    Djoko se permit de souffler un peu avant de répondre.
    -Merci, navigatrice. Beau travail. Tâchez d’aller vous reposer.
    Des murmures de soulagement et des prières parcoururent toute la passerelle.
    -Etat des systèmes ?
    -Pleine capacité, lieutenant, lui répondit la technaugure Argentus depuis ses affichages holo.
    -Parfait Magos. Calibrage des augures et redémarrage de tous les systèmes auxiliaires.
    Plusieurs voix confirmèrent ses ordres depuis les consoles des opérateurs. Il prit position à son poste de premier timonier.
    Les voyants passèrent du rouge au vert, tandis que les vibrations du navire montèrent lentement le long de la coque. Jamais de sa vie il n’avait vécu un saut warp aussi long.
    -Ouverture des volets, je veux un recalibrage des auspex qui nous confirme une position.
    Il reçut de nouveau plusieurs confirmations depuis les consoles des opérateurs. Pendant ce temps, les volets blindés protégeant les baies vitrées de la passerelle se relevèrent, dévoilant l’espace profond et la vue sur une amas d’étoiles.
    -Affichage des cartes stellaires, je veux savoir où nous sommes.
    -A vos ordres, répondit un des hommes d’équipage.
    Un des écrans laissa défiler un ensemble d’holocartes décrivant tous les systèmes solaires des environs. Au bout de quelques instants, Djoko arrêta une des vues.
    -Nous y sommes… Je confirme, Système Tartuga dans la constellation de Morgan’s Reach... Calibrage de notre position… Bordel, on a fait un bond de plus de six-cents années-lumière…
    Il fit un signe en direction du second timonier, une jeune enseigne de vaisseau.
    -Monsieur Blakemore, la barre est à vous. Cap au zéro quatre cinq. Vitesse lente. Activez les boucliers et lancez les augures, pleine puissance.
    -A vos ordres, mon lieutenant.
    Djoko remonta la passerelle et activa son vox, cherchant à appeler Uriah et les autres officiers en urgence mais Altaïr fit alors son apparition par le sas blindé de la passerelle et vint le rejoindre. Djoko tourna ses yeux augmentiques vers lui, ils brillaient de la même lueur que les chandelles disposées sur les consoles.
    -Ah tu tombes bien, la Science, j’essayais justement de savoir où vous étiez. Tu peux informer notre capitaine qu’on est au point de Mandeville, en approche du système Tartuga.
    -Notre capitaine dort en ce moment, ces derniers évènements l’ont pas mal affecté. La Brute et Helleth s’assurent que tout va bien.
    Djoko leva les yeux au plafond.
    -C’est bien le moment d’aller dormir, tiens… Pile au moment où on arrive.
    -La question n’est pas tant où nous sommes, mon cher Djoko, mais quand, lui répondit-il avec un petit sourire mystérieux.
    -Les systèmes sont en cours de recalibrage. Mais tu sais ce que c’est, toute cette foutue mécanique sacrée. Sans leur satanés rituels, la Machine ne parlera pas à la magos.
    Antinoé apparut soudain derrière eux, cramponnée comme toujours à son bâton ésotérique. Dans la pénombre, seuls ses yeux aveugles brulaient du même feu.
    -Stella sait parler à qui sait l’écouter, dit-elle dans un murmure.
    Ils se retournèrent. Avec les années, ils avaient presque pris l’habitude de s’attendre à ce que leur astropathe apparaisse comme ça, toujours de nulle part.
    -Qui est Stella, déjà ? Demanda Altaïr.
    -Ce serait le petit nom de l’esprit de notre cher vaisseau, mon vieux, rétorqua Djoko avec un clin d’œil. Il parait qu’elle peut lui parler. Toute cette warperie, c’est un coup à finir encore sur un bûcher…
    -Avec tout ce qu’on a vécu à bord, je crois qu’on peut assurément dire que le Morning Star est hanté, non ? Répondit Altaïr.
    Antinoé plaqua sa main sur un des montants en plastacier de la passerelle. Ses yeux se révulsèrent durant quelques secondes, ignorant sa dernière remarque.
    -Plus d’une année terrane vient de s’écouler…
    Ses yeux revinrent à la normale. Elle les dévisagea, restant pensive.
    -Cela aurait pu être bien pire. Pourtant…
    -Pourtant ? Demanda Altaïr, car le mot était resté en suspens.
    -Je vais avoir besoin de méditer. Le temps semble s’écouler différemment dans cette région. Une anomalie… Quelque chose ou quelqu’un interfère avec l’Ether.
    Elle s’inclina et se retira de la passerelle au moment où Jocasta entra à son tour, émaciée et boitillante.
    La navigator avait les traits creusés et le teint blafard, bien plus que d’habitude. Elle portait des bandages sur ses mains et ses avant-bras. Elle se dirigea vers eux et riva son regard sur la baie et les étoiles, au-delà. Djoko reporta aussi son attention vers la baie polarisée d’où il pouvait déjà voir l’étoile éponyme du système dont ils approchaient. Des alarmes retentirent depuis les consoles des auspex. Il se dirigea vers la timonerie tandis qu’Altaïr et Jocasta prenaient place aux cogitateurs de navigation.
    -Analyse des retours auspex ? Lâcha Djoko.
    -Aucune anomalie dans les vingt unités, selon les rapports, lui répondit Jocasta.
    -Tu devrais te reposer, glissa Altaïr à la navigator.
    -Après…
    -Non, maintenant.
    Il recalibra les augures et afficha des pics de signature énergétique, sans doute à l’approche d’une planète. Il les projeta sur les écrans.
    -Un champ de gravité ? Demanda Djoko qui avait l’œil pour lire de telles données.
    -Puits gravifique à cinquante unités de distance. Contact dans…. Cinq minutes, vingt-cinq secondes. Je suggère une déviation de trajectoire.
    -Négatif, Sénéchal, lui répondit Djoko, tout en prenant place à la timonerie principale. Il existe deux types de pilotes dans cette galaxie. Ceux qui évitent les puits gravifiques, sous peine de déchirer la coque de leur navire et il y a les bons pilotes qui savent utiliser un champ de gravité d’une puissance planétaire pour propulser leur vaisseau à cinq fois sa vitesse maximale.
    -C’est une folie…
    Djoko prit la main sur les commandes de la timonerie et commença les calculs de puissance des moteurs, ignorant les protestations de la magos Argentus.
    -Une chance alors, mon cher Sénéchal, car je fais partie de la troisième catégorie qui est composée de rarissimes mais néanmoins excellents pilotes que compte cette satanée galaxie…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 06/04/2024 à 22:13 Citer ce message

    La manœuvre de Djokovitch fut plutôt habile, bien que dangereuse à l’extrême. La force gravitationnelle était suffisante pour déchirer la coque du navire, pourtant il sut se servir des courants avec adresse afin de propulser le Morning Star comme une embarcation qui profiterait d’une tempête pour gagner en vitesse. La manœuvre était folle aussi, et contrevenait à toutes les règles de sécurité de la navale, mais Djoko n’en avait cure justement. Durant près d’une heure, la coque et toute la structure se mirent à grincer et à gémir sous les forces colossales en présence. Les effets cessèrent finalement tandis que la navigation confirma que la vitesse dépassait désormais largement la capacité de poussée des moteurs, ce qui allait leur faire gagner quelques jours avant de rejoindre le monde le plus proche.
    Etudiant les cartes avec l’aide de Jocasta, ils estimèrent parvenir en approche de Tartuga V dans moins de vingt-quatre heures. Durant ce laps de temps, Antinoé confirma un retour de message de la part du Daughter of Tempest. Le navire de Ludivine était parvenu lui aussi à franchir la warp, mais quatre jours plus tôt et elle et Uriah était soulagés de savoir qu’ils s’en étaient enfin sortis sans trop de casse. Eux aussi avaient perdu des hommes d’équipage à cause du mal du warp et avaient subi quelques avaries mineures mais finalement ils étaient parvenus à retrouver les abords du sous-secteur Morgan’s Reach. Au bout d’une journée de voyage sans encombre, ils finirent par rejoindre le Daughter of Tempest, en approche du monde gelé qu’était Tartuga V. Le corps céleste ne payait pas de mine, il s’agissait d’un petit planétoïde couvert de méthane gelé et de glace. Selon les augures, son atmosphère n’était pas viable pour une forme de vie classique. D’ailleurs, aucune forme de vie ne fut relevée par les auspex. Le Morning Star et le Daughter se placèrent en orbite haute et commencèrent à scanner la totalité de la surface pendant les heures qui suivirent. Ils eurent un retour des augures qui indiquait un léger pic énergétique en provenance d’un point de l’équateur.
    Ils décidèrent, d’un commun accord d’envoyer des navettes en reconnaissances, ne cherchant pas à exposer plus leurs navires. Des équipes furent donc déployées sur place en quelques heures afin de sonder ce type d’anomalie de plus près. Les premiers retours confirmèrent les premiers relevés, à savoir que rien ne vivant à la surface et qu’aucun signe d’activité n’avait été relevé. Cela confirma aussi des pics élevés de gisements adamantin en surface. La magos Argentus étudia de près les données qui s’affichait.
    -C’est quoi selon vous ? Lui demanda Uriah qui observait les images depuis la passerelle.
    -Sans doute du symantium, à en juger par la couleur bleutée.
    -Qu’est-ce donc ?
    -Un cristal adamantin que l’on emploie dans les couches de blindages de certains véhicules super lourds, capitaine.
    -Comme les Land Raiders ?
    -Et comme les Titans aussi.
    -Donc, ce gisement pourrait être des plus rentables, ajouta Altaïr.
    -Dans la mesure où il reste exploitable, compléta la magos. La surface est hostile pour tout organisme vivant non protégé.
    -Et ces formes, là… De quoi s’agit-il ? Demanda Uriah.

    Les premiers retours pix révélaient d’étranges structures qui n’avait rien d’impérial et qu’il était difficile à identifier même pour Altaïr et la magos. Cela ressemblait de loin à des sortes de structures minérales gigantesques mais à bien y regarder de plus près, on comprenait qu’il s’agissait là d’une construction artificielle très ancienne, endommagée et piégée dans les glaces depuis un temps impossible à estimer.
    -On va devoir aller sur place, finit par lâcher Uriah.
    -Et pourquoi cela ? Lui demanda Djoko.
    -Parce que, vois-tu… s’il y a la possibilité d’installer ici une exploitation minière, je préfère m’assurer avant qu’aucune saloperie xenos soit tapie dans le coin. J’ai besoin d’Altaïr et de ses connaissances mais aussi de Jocasta. Tu nous accompagnes ?
    -Je vais rester sur la passerelle. Altaïr c’est son truc les saloperies xenos justement. Pas moi…
    -Comme tu veux mais appelle le hangar 5, qu’ils nous préparent deux navettes Aquila. Et dit à Haxton de préparer une équipe et des scaphandres.
    Uriah se tourna vers Argentus.
    -Magos, vous allez nous accompagner, vos lumières devraient nous être utiles.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 15/04/2024 à 09:53 Citer ce message

    Quelques heures plus tard, leur navette Aquila les déposa aux coordonnées indiquant cette structure étrange située vers l’équateur. Là, les températures pouvaient varier mais n’étaient pas aussi extrêmes que vers les pôles où le froid dépassait très largement les -80° Celsius. Les relevés de leurs combinaisons affichaient quand même une température avoisinant les -50° ce qui aurait pu les tuer sans une protection adéquate. En descendant la rampe de la navette, ils se trouvèrent aussitôt confronté à un paysage irréel, constitué de glace, en partie composé d’eau gelée mais aussi de l’azote et d’autres gaz rares. Le méthane gelé, lui se trouvait plus profond. Il y avait des traces d’oxygène aussi mais en quantité insuffisante pour être respirable sans équipement. Très vite, ils ressentirent la pression atmosphérique qui rendait pénible chacun de leurs mouvements, un peu comme s’ils portaient une charge supplémentaire ou évoluaient sous l’eau. De plus, le scaphandre qui les isolait de l’environnement hostile et glacé renvoyait des flux de données en même temps que le rythme régulier de leur propre respiration rythmée par le recycleur interne de la combinaison. Les vox semblaient bien fonctionner, tout comme les retours auspex ainsi que le reste de leur équipement.
    Leur navette resterait au sol tandis que la seconde navette ferait un repérage des environs. De plus, Ludivine avait aussi envoyé ses propres aéronefs en soutien et reconnaissances, au cas où. Ainsi, en cas d’urgence, une évacuation était possible en moins d’une heure.
    Malgré cela, la Brute avait emmené avec lui un bolter lourd, harnaché à sa combinaison. Tous les quatre avaient revêtu une combinaison spatiale modèle Angström, sorte de scaphandre encombrant mais adaptée au vide et à l’environnement hostile de la planète. Tous étaient équipés de microvox, d’un auspex intégré et d’un lance-grappin en plus de quinze heures d’autonomie. Ce qui devait largement suffire, en espérant qu’il n’y ait pas de graves problèmes. Seule la magos Argentus portait son propre scaphandre, une armure segmentée du Mechanicus qui intégrait de multiples fonctions. Comme à son habitude, elle était accompagnée de son servo-augures pour qui l’atmosphère hostile n’était d’aucune gêne mais qui ne cessait de babiller dans son charabia binaire. Un second servo-crâne l’accompagnait et avait pour fonction la collecte d’échantillons en vue d’analyses.
    Le sol gelé crissait sous leurs pas pesant. Ils progressèrent ainsi en direction de la principale structure qui se dressait droit devant eux à quelques centaines de mètres. C’était une sorte de pic rocheux immense et à demi couvert de neige et de givre et qui selon la télémétrie, devait atteindre plus d’un kilomètre d’altitude. Les parois déchiquetées étaient d’un gris métallique, sans pour autant se distinguer d’une roche taillée ou d’un alliage composite. Il était pourtant clair que l’ensemble n’était pas naturel car présentait de nombreuses symétries bien que parfois tronquées. De plus, des sortes de cristaux d’un bleu électrique jalonnaient sa structure et lui donnaient des apparence de bâtiment, voire de navire interstellaire. C’était très étrange car les relevés auspex ne décelaient aucune forme de vie, ni rien de connu en dehors d’une source énergétique non identifiée qui provenait de ce seul endroit.
    Ils se mirent à inspecter le pourtour des parois, cherchant ce qui pourrait s’apparenter à une entrée mais n’en trouvèrent aucune. Ils continuèrent leur progression ainsi, pendant plus de trente minutes avant que la Brute finisse par entendre une sorte de craquement sourd. Le sol se déroba sous ses pieds et il se sentit soudain happé et chuter, avant de glisser sur une pente glacée sur une vingtaine de mètres, entrainant avec lui des fragments de glace, ainsi que tous ses compagnons qui chutèrent avec lui.
    Ils atterrirent ainsi, pêle-mêle, dans une sorte de grotte souterraine constituée de roche brute et de glace. Ils se relevèrent, vérifiant que tous allaient bien et qu’il n’y avait ni blessé, ni scaphandre endommagé, ce qui n’était pas le cas. La pente gelé et la neige avaient amorti leur chute. Ils se relevèrent et aussitôt les luminateurs de leurs casques s’allumèrent, projetant des raies de lumière crue dans une semi-pénombre d’un gris bleuté. A vingt mètres au-dessus d’eux, la voûte était constituée d’une glace d’un blanc bleuté. La Brute les appela dans un crachotement de microvox.
    -Venez voir…
    Ils approchèrent et virent qu’il leur montrait un squelette au sol, pris dans la roche et la glace depuis surement un bon moment.
    Jocasta se pencha pour l’inspecter, tout comme Altaïr et la magos.
    -Il est comme fossilisé, annonça cette dernière.
    -Vous pensez qu’il est là depuis combien de temps ? Demanda Altaïr, tandis que Jocasta venait de ramasser des fragments de métal oxydé, parmi les ossements, auxquels étaient encore accrochés des bouts de plastique composite qui tombèrent en morceaux.
    -Il faudrait ramener des échantillons à bord. Et avec quelques analyses, nous pourrions les dater correctement, répondit Argentus.
    -Nous verrons si cela est utile, ajouta Uriah. Déjà, voyons si nous pouvons sortir de là.
    -Oui, je pense pouvoir escalader la paroi, lâcha la Brute. De là-haut, je vous lancerai le grappin et vous aiderai à remonter.
    -On fera comme ça. En attendant, je vois deux tunnels qui partent de chaque côté et j’aimerais déjà étudier cette structure avant de remonter quoi que ce soit à bord.
    Il fit signe à la Brute de passer devant et le suivit, lui indiquant le tunnel de gauche. Les autres laissèrent le corps et les suivirent dans une obscurité presque totale, seulement zébrée par les raies des luminateurs. Au bout d’une cinquantaine de mètres à progresser dans un boyau très étroit, ils décidèrent de rebrousser chemin à cause d’éboulis. Finalement, ils tentèrent le tunnel de droite. Ce dernier était tout aussi étroit mais praticable et finit par déboucher, au bout d’une centaine de mètres plutôt sinueux, vers une paroi effondrée, sans doute de façon naturelle. Elle donnait sur un couloir façonné, lui-même effondré. Des dalles taillées et des inscriptions sur les murs en attestaient. Ils laissèrent courir leurs luminateurs sur les parois, dévoilant des signes géométriques complexes bien que tout soit entièrement recouvert de givre.
    -C’est quoi ces symboles ? Leur demanda Jocasta.
    Altaïr les inspecta de près et hocha la tête par la négative, malgré le fait qu’il s’y connaissait bien en xenologie.
    -Cela ne me dit rien.
    La Brute eut cette même impression. Il avait déjà vu des glyphes orks mais aussi aeldari ou drukhari et là, cela ne correspondait à rien de tout cela.
    Uriah interrogea sa magos.
    -On sait ce que c’était à l’origine ? Cet endroit, je veux dire ?
    Elle tourna sa tête casquée vers lui.
    -Négatif. J’aurais besoin d’obtenir plus de données afin d’en être sûre. Mais c’est ancien.
    -On sait que ce système n’a pas répondu depuis plus d’un siècle, non ? Demanda Jocasta.
    -En effet. Mais là, je doute que les occupants d’une telle structure aient tenté de nous contacter. Quand je dis que c’est ancien, je parle de milliers ou de dizaines de milliers d’années. Et peut-être plus, selon les premières analyses auspex.
    -Trône… Autant de temps, mais comment c’est possible ? Rétorqua Uriah, tandis que Jocasta vérifiait à deux fois, le chronospex de sa combinaison.
    -N’ayez crainte, leur répondit Argentus, avec son flegme habituel. Si le temps s’était écoulé aussi vite pour nous aussi, nos réserves seraient déjà vides et vous seriez tous morts d’hypoxie. Notons que nous sommes sur un monde de catégorie Delta et de classe G, il y a donc une certaine logique.
    -Un monde de… Quoi ? Demanda Uriah, un peu perdu.
    -C’est la classification standard de l’Administratum, répondit Altaïr. Ce qu’ils appellent l’Æstimare. La classe G désigne un monde mort, si mes souvenirs sont bons.
    -Exact, Sénéchal, rétorqua Argentus. Voilà la raison pour laquelle l’Imperium ne s’intéresse pas à un monde de classe G en général. A moins que son coefficient Æstimare soit inférieur à 400. Auquel cas, il pourrait avoir un quelconque intérêt, désignant de potentielles ressources exploitables malgré son environnement des plus hostiles à toute forme de vie.
    Jocasta profita que la magos et Altaïr échangeaient sur les potentiels ressources à exploiter sur la petite planète pour aller inspecter un couloir donnant sur un cul-de-sac à une dizaine de mètres. Une paroi en bloquait l’accès et comme elle ne trouva aucun moyen de la franchir, elle rebroussa chemin.
    -Il y a un autre couloir, les coupa la Brute qui tentait d’éclairer en direction de leur gauche.
    -Allons voir, lui répondit Uriah qui lui emboita la pas.
    Ils reprirent leur progression dans ce qui ressemblait à un couloir façonné dans une matière similaire aux structures externes. Une sorte de roche métallique indéfinissable qui semblait plus avoir été moulée ou déformée par fusion que taillée. Le temps en avait altéré les contours mais par endroits, Argentus s’arrêtaient pour prendre certaines mesures à l’aide de ses auspex et s’émerveillait de constater que la rugosité des surfaces était inférieure à celle du verre. Ce qui selon elle, prouvait que les parois avaient été façonné avec des moyens technologiques avancés malgré un âge qui prédatait nettement celui d’une civilisation connue.
    -C’est fascinant, finit-elle par dire, au moment où Uriah l’appelait. Elle vint les rejoindre. Jocasta et Altaïr étaient devant ce qui ressemblait à des niches dans la paroi dans laquelle se trouvait une sculpture en bas-relief représentant une sorte de tête non humaine.
    -Qu’avons-nous là ? Demanda-t-elle, tout en sondant les parois.
    -Nous pensons que ce sont des sortes de portes, annonça Altaïr.
    -C’est aussi ce que suggèrent les analyses de la Machine. Nous devrions trouver un moyen de les actionner.
    Ils se mirent à chercher pendant de longues minutes. Altaïr et la magos finirent par déceler des inscriptions qui s’illuminèrent en les touchant selon une séquence précise. Ils durent s’y reprendre à plusieurs fois mais au bout d’un moment, les portes coulissèrent dans un grondement sourd, dévoilant de petites pièces dans lesquelles se trouvaient des statues étranges et pulsant d’une lueur bleutée. Ils entrèrent prudemment et les inspectèrent.
    -C’est quoi ? Leur demanda Uriah.
    -Un dérivé de nanocristal dont l’énergie électrique est très active, lui dit la magos.
    -Je voulais dire… Cette chose… ça a des ailes…
    -C’est très abimé, lui répondit Altaïr. Des ailes, plusieurs pattes, une tête vaguement insectoïde…
    -Me dites pas que ce sont des… ? Commença Jocasta avec un rictus de dégout.
    -Non, les tyranides ne construisent pas ce genre de structure et on ne leur connait pas d’art non plus.
    -Je ressens quand même un écho psychique, leur dit-elle.
    -De quelle nature ? Répondit Uriah tandis que tous, se reculèrent d’un pas.
    -Juste de l’énergie résiduelle, rien d’actif ni de dangereux.
    -Le warp est toujours dangereux, lâcha la Brute entre ses dents. Tu le sais bien, gamine.
    Uriah ressortit de la pièce.
    -Bien, continuons. J’aimerai savoir dans quoi nous sommes, exactement.
    Ils finirent par suivre ce même couloir qui déboucha sur une vaste salle de forme polyédrique de laquelle émanait cette même lueur bleutée venant de deux vasques. A l’intérieur luisait une sorte de liquide pâteux. Au centre de la salle se trouvait une espèce d’estrade circulaire donnant sur un vaste portail entouré de ce qui pouvait ressembler à des consoles. Ils les inspectèrent avec une grande prudence.
    -Ce portail… Cela pourrait être un portail warp ou quelque chose comme ça ? Demanda Uriah.
    -Difficile à dire, répondit Jocasta. Mais il semblerait que ce soient des commandes psychiques pour activer quelque chose.
    -Je pense qu’elle a raison, ajouta Argentus. Il s’agit bien de commandes.
    -On ne touche à rien, surtout si c’est psychique, lâcha Uriah.
    -On pourrait contacter Antinoé et lui demander son avis ? Demanda Jocasta.
    -Bonne idée. Il se tourna vers Argentus. Magos ? Tâchez de contacter la seconde navette et voyez s’ils peuvent remonter à bord et revenir avec notre astropathe.
    -Je m’en occupe, capitaine, mais cela risque de prendre quelques heures.
    -Aucun souci. Nous aurons besoin de son expertise de toute manière. On continue.
    Les couloirs suivants donnèrent sur de petites pièces où se trouvaient d’étranges cristaux psychiquement actifs, là aussi, qu’ils préfèrent ne pas toucher malgré l’envie d’Altaïr d’en collecter des morceaux. Ils trouvèrent aussi ce qui devait être un ancien laboratoire, même si ce qui le composait était brisé en morceaux. Des restes de plantes se trouvaient figées dans des cristaux, un peu comme des insectes pris dans de l’ambre. Ils trouvèrent aussi deux squelettes momifiés, sans doute humains et figés là, depuis des siècles ou plus. D’autres corps, dans une pièce adjacente étaient eux, emprisonnés aussi dans du cristal et donnaient l’impression d’avoir été saisis dans l’instant, comme pétrifiés, leur face desséchée affichant encore un rictus d’horreur alors que du cristal sortait des orifices de leur visage. Ils quittèrent la salle, ressentant un frisson glacé leur parcourir le dos.
    Plus loin dans une autre salle, ce fut de nouveau Jocasta qui ressentit quelque chose. La salle devait être une sorte de chapelle ou de temple à l’origine, du moins selon leur compréhension. Soudain, sans prévenir, des voix se mirent à grésiller dans sa tête, formant des mots impossibles à identifier mais pourtant aussi audibles que si elle les entendait en vrai. Ces mots lui parlaient dans une langue non humaine. Elle se mit à sursauter et à pousser un cri, ressentant l’écho psychique d’une rare puissance.
    -Les morts ! Là !! Il y a des xenos morts qui me parlent ! se mit-elle à hurler tout en pointant son doigt vers une sorte d’autel.
    Ses compagnons sursautèrent tous, à l’exception de la magos. Ils se reculèrent, perdant tous leurs moyens. Dans la panique, la Brute activa la poignée de tir de son bolter lourd et se mit à arroser la paroi qu’elle désignait. Les bolts, projetés en rafale se mirent à pulvériser le mur et l’autel qui explosa en milliers de fragments. Il se ressaisit au bout de quelques secondes, haletant dans son casque couvert de buée. Les douilles de gros calibre continuant de tinter sur le sol. Les autres se relevèrent.
    -Tout le monde va bien ? Demanda Altaïr.
    Jocasta était toujours au sol tandis qu’un jet de vapeur s’échappait de sa combinaison. Elle les appela à l’aide. Argentus se précipita vers elle.
    -Sa combinaison a été déchirée et elle est blessée ! Dit-elle tout en sortant son medikit.
    La blessure était légère mais dans un tel environnement, c’était la mort assurée en quelques minutes. Un éclat de bolt lui avait déchiré sa combinaison et lui avait entaillé le flanc gauche. La blessure était peu profonde mais l’entaille saignait beaucoup. La magos agit rapidement, vaporisant un antiseptique en gel coagulant avant de refermer la plaie à l’aide d’agrafes, ce qui arracha un cri à Jocasta. Enfin, aidée de la Brute, elle déploya un ruban de polymère afin de refermer la combinaison. Il l’aida enfin à la relever.
    -Désolé… Je… Lui dit-il.
    Elle hocha la tête et lui tapota le bras, tout en grimaçant à cause de la douleur.
    -Pas de souci, je resterais derrière toi désormais.

    Ils continuèrent leur progression, plus prudemment encore pendant l’heure qui suivit. Argentus reçut un message de leur navette. Antinoé était en route et serait déposée dans un peu plus d’une heure environ. Il faudra encore refaire le chemin en sens inverse afin d’aller la chercher, pourtant, l’endroit semblait de plus en plus inquiétant. Ils tombèrent sur d’autres salles où parfois il fallait trouver le moyen d’ouvrir des accès dans les parois, en touchant là aussi des glyphes sur les murs. Altaïr semblait avoir saisi la séquence, ce que confirmait Argentus. Même Jocasta l’avait enregistré grâce à ses sens psychiques car toute cette technologie à base de cristaux, semblait comme résonner dans le warp.
    Argentus en avait prélevé quelques échantillons qu’elle avait placé dans des petits tubes que portait un de ses servo-crânes.
    -Cela me fait penser aux lames fractales, dit-elle au bout d’un moment.
    -Qu’est-ce que c’est ? La questionna Uriah.
    -Des sortes d’épées xenos en cristal, non ? Répondit Altaïr. Personne ne sait d’où elles proviennent.
    -En quelque sorte, oui. Ce sont des cristaux vivants, un peu comme ceux de ces étranges pistolets en cristal qui agissent sur le mental de leurs cibles.
    -Ça ne me dit rien qui vaille, en tout cas, lâcha la Brute.
    Ils trouvèrent d’autres salles très étranges. Dans l’une d’elle se trouvait ce qui ressemblait à une holoprojection au centre de la pièce, comme représentant un système solaire en mouvement. Après quelques analyses, Jocasta ne sut identifier le système en question.
    -Ce n’est pas Tartuga, en tout cas, ni un système de la région.
    -Parce que ce n’est pas un système solaire, ajouta Argentus.
    -Qu’est-ce donc ? Demanda Altaïr.
    -C’est un schéma moléculaire. Voilà pourquoi cela ressemble à un système solaire. Nous avons un neutrons autour duquel gravitent des électrons.
    -Et ce serait un atome ?
    -Oui. Reste à savoir de quoi… Je ne connais pas cette structure… Je vais devoir en garder un schéma pour analyse.

    Ils poursuivirent vers d’autres couloirs et trouvèrent une salle emplie d’appareils ésotériques complexes et figés depuis un temps impossible à estimer, là aussi.
    -On ne touche à rien, répéta Uriah. C’est psychique, j’imagine ?
    -Je confirme, souffla Jocasta. C’est une machine…
    -Une machine pour faire quoi ? Lui demanda Altaïr, toujours curieux.
    Jocasta observa le tout avec intérêt. Notamment un cristal en forme de lotus mais aussi une sphère qui devait être une matrice immaterium.
    -J’en ai déjà lu une description dans un livre de ma famille, un jour.
    -Si vous l’avez toujours, j’aimerai bien y jeter un coup d’œil, à l’occasion, lui dit Altaïr.
    -C’est un livre interdit.
    -Raison de plus…
    -Et ce serait quoi ? Les coupa Uriah.
    -Pour le cristal, je ne suis pas sûre, mais je pense que la sphère permet de créer des artefacts chargés aethériquement.
    -Des artefacts psychiques ? Demanda Argentus.
    -Oui, ce qu’on appelle communément malifica.
    -Abomination ! Hereteka Maxima ! Cracha la magos qui s’apprêtait à brandir sa hache omnissienne vers la sphère. Altaïr retint son bras.
    -On ignore ce qu’il pourrait se produire si on y touche !
    -Il a raison, ajouta Uriah. Ces quoi ça, de la malifica ?
    -Des artefacts, qui une fois chargés psychiquement, sont implantés dans un corps et confèrent des pouvoirs psychiques à son porteur, lui répondit Jocasta, tandis qu’Altaïr observait le tout avec la plus grande attention.
    -Sortons d’ici, avant qu’il n’arrive un malheur, conclut Uriah qui indiqua à la Brute de prendre des escaliers menant vers un autre couloir.
    Parvenu au bout, ce dernier les appela. Ils s’approchèrent mais Jocasta leur demanda à tous de reculer.
    Ils venaient de déboucher dans une immense salle traversée de passerelles qui surplombaient un vide insondable. A l’autre bout de la passerelle qui leur faisait face, se trouvait une sorte de plateforme suspendue dans le vide et reliée par un ensemble de ponts. Dessus, se trouvaient deux immenses vasques qui diffusaient cette lueur bleu électrique et au centre se trouvait un immense cocon. Jocasta approcha, passant sur la passerelle au centre de la salle et jeta un regard vers le bas, en se tenant à la balustrade. Sous ses pieds, le noir était total et il était impossible d’en estimer la profondeur. Elle continua en direction du cocon. Il était allongé sur le sol, entre les vasques et devait être plus grand qu’un humain adulte. Selon les relevés auspex de sa combinaison, s’il contenait quelque chose, cette chose devait être morte depuis longtemps. Elle rebroussa chemin sentant un frisson lui parcourir le dos. Les autres étaient à peine engagés sur la passerelle, avançant lentement vers elle, tandis qu’elle leur fit signe de ne plus bouger. Elle se concentra, ferma les yeux et ouvrit son œil warp. Malgré le scaphandre, elle pouvait toujours percevoir l’éther avec son troisième œil. Elle se cramponna à la balustrade alors que ses sens vacillèrent. Elle sentit un liquide chaud et métallique lui couler du nez alors que les agrafes de sa blessures se détachaient une à une. Son pouls s’accéléra alors qu’elle perçut les premiers remous dans les tréfonds des profondeurs. Elle ne les avait pas juste réveillés, elle venait de les attirer à elle, comme une chandelle attirait des papillons dans la nuit noire. Elle rouvrit ses yeux alors que son rythme cardiaque venait de s’emballer. Malgré la buée qui troublait sa vue, elle vit les gueules béantes et les griffes des entités warp remonter du vide.
    Elle recula et commença à courir du plus vite que sa combinaison pouvait le permettre, tout en hurlant aux autres de reculer.
    -Des umbras !! Courrez !!
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 20/04/2024 à 22:44 Citer ce message

    Une des créatures émergea des profondeurs alors qu’autour d’eux la température chuta et leurs luminateurs vacillèrent. Des ombres s’allongèrent tandis que les lumières diminuaient. Jocasta chercha à courir, mais ralentie par sa combinaison et sa blessure, elle ne put distancer la gueule béante, garnie de crocs et de griffes qui l’engloutit entièrement, comme un mégalodon avalerait sa proie en jaillissant des flots. La Brute empoigna son bolter lourd et allait se mettre à ouvrir le feu au moment où, depuis les ombres, une griffe démesurée le frappa dans le dos, déchirant sa combinaison et lui lacéra le flanc. Il sentit la morsure glacée le saisir alors que tout vacillait autour de lui. Il s’écroula face contre terre. Altaïr, Uriah et Argentus ouvrirent le feu en riposte. Le sénéchal tenait son bolter à deux mains et fit pleuvoir une grêle de bolts dans une longue rafale sur une des entités. Malgré sa résistance, cette dernière se mit à exploser en de multiples fragments. Uriah tira au pistolet à plasma, à pleine puissance sur la seconde créature qui encaissa le tir. Il se prit alors une violente attaque lancée par des griffes mais, par la grâce de l’Empereur, son champ réfracteur dévia les coups. La Magos venait de déployer, depuis son bras gauche, une puissante arme laser qui tira des stries incandescentes en rafale et toucha à son tour la créature qui vacilla et manqua ses prochaines attaques, forcée de reculer.
    Altaïr tira alors de nouveau avec son bolter et finit par l’exploser, avec l’aide d’un dernier tir d’Uriah. Le dernier umbra se rua sur eux, mais ils hésitèrent à tirer, sachant que Jocasta était à l’intérieur et espérant qu’elle soit toujours en vie. Altaïr et Argentus délaissèrent leurs armes de tir et sortirent leurs armes de corps à corps. Une épée monomoléculaire pour le sénéchal et sa lourde hache omnissienne pour la magos. Au contact, ils parvinrent à éviter les attaques de la créature et finirent par la mettre hors d’état de nuire en l’ouvrant en deux. L’entité poussa un cri psychique en mourant, leur glaçant le sang et s’effondra au sol comme un sac. Uriah et Altaïr parvinrent à extraire Jocasta qui ne bougeait plus et dont la combinaison était entièrement recouverte d’un mucus sombre et huileux. La magos la scanna tout en sortant son medikit pour la prendre en charge. Derrière eux, dix mètres plus loin, la Brute avait repris conscience et tentait de se relever.
    -Elle est en arrêt cardiaque et souffre de multiples fractures et d’une grave hémorragie, on la perd... Je vais tenter de la stabiliser mais il va falloir une évacuation de toute urgence pour elle et le Commandant Lysander. Et allez lui dire qu’il ferait mieux de ne pas bouger en attendant que je m’occupe de lui.
    C’était encore étrange pour Uriah d’entendre la Brute se faire appeler par son véritable nom et titre. Altaïr venait de se relever et se recula pour activer son microvox, espérant qu’il capte une des navettes à l’extérieur. Il se dirigea vers la Brute mais ce dernier s’était déjà relevé et lui indiquait que ça allait. Il avait la peau dure ce qui n’était pas le cas de la petite navigator. La perdre ici alors qu’ils se trouvaient aux confins de nulle part serait vraiment la pire des solutions.

    Les jours qui suivirent permirent à l’équipe de souffler un peu et de s’organiser. Ludivine, par la grâce de l’Empereur, leur transféra depuis son vaisseau, vers le Morning Star, une partie de ses meilleurs medics et de son stock de médecine. Depuis l’attaque par des démons de la peste, le Morning Star avait non seulement perdu son chirurgien et ses adjoints mais aussi l’intégralité de son stock de médicaments avait été contaminé et forcé d’être détruit par les équipes de décontamination de Montoya, leur maitre Infernus.
    Jocasta avait pu être évacuée et se trouvait en ce moment-même alitée au bloc medicae. Elle était restée une semaine complète dans le coma mais avait pu être opérée et stabilisée. Selon les chirurgiens, elle s’en sortirait mais allait devoir prendre du repos et ne pourrait pas remarcher avant une autre semaine, et encore, pas sans aide. Il lui faudra un bon mois afin de ne plus ressentir les séquelles de ses blessures.
    La Brute s’en était mieux sorti, grâce notamment à son physique de colosse mais aussi parce que ses blessures étaient bien moindres. En quatre ou cinq jours, il était déjà sur pied et s’entrainait de nouveau dans la salle de combat.

    Uriah mit ce délai à profit pour monter une nouvelle équipe et pour retourner explorer la structure xenos sur le petit monde glacé. Il demanda l’assistance d’Antinoé qui confirma le danger que représentait un tel lieu pour tout psyker ou personne connectée au warp comme l’était aussi Jocasta. Le fait que des umbras se manifestent en un tel endroit en était une des preuves. Ces entités étaient bien souvent attirées par des émanations warp et il était hors de question d’en attirer d’autres. Uriah décida de terminer l’exploration, en compagnie de son sénéchal, de la magos et d’Helleth. Ils trouvèrent d’autres conduits et de nombreuses pièces, toutes aussi étranges les unes que les autres, contenant parfois d’antiques laboratoires en ruines, parfois des corps humains pour la plupart, pris dans du cristal comme des insectes dans de l’ambre. Ils trouvèrent des restes humains desséchés et au moins le squelette d’un drukhari selon Altaïr, identifié grâce à quelques fragments de sa tenue. A de nombreux endroits ils trouvèrent ces cristaux étranges.
    Cette fois-ci, ils furent beaucoup plus prudents et Argentus put prélever de nombreux échantillons. Selon les études qui suivirent, elle indiqua que les nanocristaux vivants trouvés sur place pourraient être une source d’énergie qui pourrait intéresser l’Astra Telepathica, car psychoactifs. Mais cela allait nécessiter des études plus poussées, une extraction massive et donc une possible destruction de la structure. Ils allaient donc devoir y réfléchir. Certains voyaient en ces lieux des ressources exotiques et rares qui allaient pouvoir se négocier mais d’autres y voyaient aussi des dangers à peine voilés et aussi anciens et mystérieux que l’univers.
    D’ailleurs, au cours de ces jours d’exploration, les équipes de Ludivine découvrirent sur plusieurs points de la planète, des anciens sites d’extraction minière totalement abandonnés depuis des années. Ils ne trouvèrent que les restes décrépis d’anciens abris modulaires ainsi que des fragments de matériel industriel totalement rongé par le temps. Rien d’utile ne put être récupéré mais cela confirma bien la présence, jadis d’une exploitation minière locale, sans pour autant savoir quelle organisation avait la charge de ces opérations.
    Uriah et son équipe retournèrent à la dernière salle, celle où ils avaient été attaqués et où Jocasta avait bien failli perdre la vie, mais cette fois-ci, rien ne se produisit. La magos envoya un de ses servo-crânes afin d’explorer le puits sans fond, malheureusement ce dernier ne remonta pas et fut perdu à jamais. Uriah s’intéressa au cocon qui se trouvait sur la plateforme tout au fond. Ses compagnons ne souhaitaient pas y toucher mais comme Argentus confirma que ce qu’il contenait était mort depuis des lustres, il décida de l’ouvrir avec son épée énergétique. Le cocon desséché se liquéfia alors qu’il l’ouvrait en deux. Sa structure devenue gélatineuse était une sorte de polymère selon Argentus. A l’intérieur se trouvait bien les restes momifiés d’une sorte de scarabée humanoïde. La créature était clairement xenos et appartenant à une espèce certainement avancée étant données les runes et les décorations qui enveloppaient encore son exosquelette. Cette chose, de son vivant, avait dû être plus grande qu’un humain adulte.
    -On va le ramener à bord.
    -Vous n’y pensez pas ? Lui dit Helleth qui aurait bien tout brûlé, si ça ne tenait qu’à elle.
    -Bien sûr que si. Je suis sûr que nous pourrions l’étudier en apprendre plus sur cette… bestiole. Et puis c’est un très beau trophée, non ?

    Dans les jours qui suivirent, Altaïr trouva peut-être quelques informations à bord, dans le librarium, à propos du xenos momifié. Il déboula dans le stratégium, tard dans la soirée avec une pile de vieux grimoires et tablettes qu’il déposa lourdement sur la table du conseil.
    Uriah était seul avec Ludivine, sur un des sofas face à une des baies vitrées donnant sur le vide stellaire, il ne les vit qu’au dernier moment. Uriah vida sa coupe de dammassine et la déposa sur une des consoles, se disant que son moment d’intimité venait juste de s’envoler. Ludivine rajusta sa tenue, se retenant de ne pas pouffer de rire. L’alcool qu’ils avaient bu n’allait pas aider.
    -Ah, vous êtes là tous les deux ? Parfait, j’ai peut-être fait une découverte. Approchez !
    Uriah approcha, tout en toussotant, ne cherchant même pas à rajuster sa chemise défaite.
    -A quel sujet ?
    Altaïr, extatique, le nez dans ses livres, effectua un geste vague en direction d’une des alcôves de la vaste salle, là où Uriah avait décidé d’y installer son inquiétante momie xenos à la manière de ces muséums sur Isin ou Eshunna.
    -Et donc, tu sais de quoi il s’agit, mon cher Sénéchal ?
    Ludivine vint le rejoindre et se colla derrière, tout contre lui tout en lui passant ses bras autour de son cou.
    Altaïr les dévisagea tous les deux, un large sourire barrait son visage barbu. Il attrapa la bouteille de dammassine qui trônait encore sur la table, dans un sceau à glace, vérifia qu’il en restait encore un peu et versa le fond dans une coupe avant de lever son verre.
    -Ce ne sont que des rumeurs, à peine des légendes laissées par-ci, par-là par des explorateurs dont la plupart ont été déclarés à moitié fous car ils les tiennent d’histoires venant d’aeldari ou de légendes hruds, donc d’autres races xenos qui les remontent à l’époque de leurs anciens dieux. On parle peut-être là de centaines de milliers d’années ou plus encore… Certaines de ces légendes ont été collectées dans des ouvrages classés comme interdits qui finissent dans les flammes, mais par chance… Le librarium ici est très ancien et plutôt bien fourni…
    -Si tu en venais au fait ? Lâcha Uriah qui avait hâte d’aller se coucher, d’autant plus que les baisers de Ludivine ne l’aidaient pas à se concentrer.
    -Ces rumeurs parlent d’une ancienne race insectoïde appelés les bourdonneurs, qui aurait jadis vécu dans des complexes souterrains qu’ils avaient édifiés sur différents mondes. Ils ont été appelés bourdonneurs à cause du bruit qu’ils faisaient à l’aide de leurs énormes élytres. Selon ce qui est raconté, ces xenos utilisaient des cristaux et auraient disparu bien avant que l’on ne colonise cette région, donc il y a des dizaines de milliers d’années. En revanche, et c’est là le plus intéressant… Ils auraient été les détenteurs de grands secrets et de la vérité sur les origines de notre univers que seuls des êtres éveillés pourraient appréhender et quoi qu’il en soit, jamais personne n’a retrouvé leurs traces ni leurs technologie. Je crois qu’on tient quelque chose de grand, là !
    Uriah laissa passer quelques instants avant de répondre. Il n’avait pas envie de casser l’enthousiasme de son sénéchal. Cela était peut-être fondé alors qu’en vérité, tout cela reposait sur les divagations de fous ou les témoignages de xenos des plus alambiqués. Il tourna son visage vers celui de Ludivine.
    -Tu en penses quoi ?
    -Qu’on n’est peut-être pas assez éveillés, toi et moi, pour appréhender toute la vérité sur les origines de notre univers, non ?
    Ils se mirent à pouffer de rire, alors que Ludivine l’attrapait par la main pour le faire sortir de la pièce et aller vers leurs chambre.
    Juste avant de sortir, Uriah se tourna vers lui avec un grand sourire tout en levant son pouce en l’air.
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 24/04/2024 à 00:55 Citer ce message

    Deux jours plus tard, alors qu’il travaillait dans le stratégium sur différents ouvrages de xenologie, Altaïr reçut une missive que lui remit Säde en mains propres.
    -De qui est-ce ?
    -Un message privé venant du Daughter of Tempest, Sénéchal. De la part de leur missionnaire,
    -Leur missionnaire ? Vous m’intriguez, Lindholm. Vous avez pris les précautions d’usage ?
    -Tout à fait, Monsieur.
    Il la remercia et lui demanda de patienter avant de s’installer dans un des fauteuils puis ouvrit le courrier. Il le parcourut, non sans un certain étonnement. Alexia d'Alsimar, la missionnaire de Ludivine, lui indiquait qu’elle souhaitait s'entretenir avec lui en privé, lui proposant un entretien à bord du Morning Star. Il resta quelques instants à réfléchir avant de saisir un stylus et du parchemin puis se décida à lui répondre. Une fois chose faite, il cacheta la missive et la confia à Säde.
    -Faites transmettre cette réponse à l’expéditrice du courrier, en toute discrétion.
    -A vos ordres, Monsieur. Et…
    -Oui ?
    -Pensez-vous que je doive placer un de mes informateurs à bord du Daughter of Tempest, Monsieur ?
    -C’est une bonne question… Pas tout de suite, mais je vais y réfléchir.

    Le lendemain, profitant que le reste des officiers étaient occupés, il décida de la recevoir. Elle vint avec un des aéronefs de leur navire, sans escorte, en dehors d’un pilote. Il alla l’accueillir lui-même dans la baie à navettes. Altaïr se surprit de constater qu’il s’agissait là d’une femme brune d’une trentaine d’années, pas très grande et vêtue d’une combinaison noire ajustée sous des robes martiales. La Fleur de Lys de la Sororitas ainsi que des sceaux de pureté complétaient son tenue. A l’inverse d’Helleth, qui était très physique et marquée par les stigmates des combats, celle-ci présentait plutôt une silhouette svelte et un visage noble et délicat. Elle était accompagnée d'un servo-crâne qui flottait à ses côtés, la lentille rouge de son œil, aux aguets.
    Elle se présenta comme étant sœur Alexia, de l'ordre Famulus. Il se présenta en retour et lui indiqua de le suivre vers une salle appropriée, à l'abri des oreilles indiscrètes. où ils s’installèrent. Le servo-crâne scanna la salle avant qu'elle ne poursuive.
    -J'imagine que vous devinez la raison de ma présence, Sénéchal ?
    -Eh bien, pas tout à fait, ma sœur. Je vous écoute.
    Elle prit un des fauteuils et s’installa.
    -Je suis au service de la Maison Frae Spinaiser depuis maintenant plusieurs années, ayant eu la charge de l'éducation de notre maitresse, Ludivine depuis son enfance. Mon rôle est de m'assurer que sa noble lignée se perpétue selon certaines règles édictées par le Crédo. Aussi… J'ai cru entendre parler d'un futur mariage ? Je ne vais pas y aller par quatre chemins, monsieur Altaïr. Quelles sont vos motivations qui vous pousse à envisager une telle possibilité ?
    Altaïr parut surpris, ne s’attendant absolument pas à cette tournure de la conversation, lui qui pensait se confronter à une écclésiaste revêche qui allait le sermonner à propos d’il ne savait quelle xenotech ou histoire de fausses reliques.
    Non seulement elle venait de le surprendre sur ce point, mais de plus, Altaïr lui trouvait même un certain charme.
    Il se racla la gorge avant de répondre avec un large sourire.
    -Eh bien, ma sœur, nos deux maisons sont actuellement en train de se relever d'une période difficile et restent fragiles individuellement. Ce mariage pourrait sceller une alliance bénéfique pour les deux parties. J'ai une vision sur le long terme. Le but ici est de créer une nouvelle dynastie de libres marchands capables de rivaliser avec les plus grandes maisons.
    -Ce sont là de louables intentions. Je dois reconnaitre que j'en suis arrivée aux mêmes conclusions. En revanche... Je reste réservée sur un point...
    -Lequel ?
    Elle laissa quelques instants avant de répondre, pesant chacun de ses mots.
    -N'y voyez nulle offense, Sénéchal, mais… La Maison Goldberg n'est pas le genre de parti qui semble convenir à une noble lignée. Voyez-vous... la génétique ne trompe pas et des parents au passé aussi dévoyé et corrompu que ceux d'Uriah, ont de quoi m'inquiéter si un jour, par la grâce de Notre Bien-aimé Empereur, Ludivine devait porter des... enfants... Voilà pourquoi j'ai besoin que l'on en discute très sérieusement, au préalable, vous et moi.
    Altaïr laissa échapper un petit sourire.
    -Je comprends tout à fait votre inquiétude, ma sœur. Il est vrai qu'une partie de la famille Goldberg a laissé de mauvais souvenirs et une bien sinistre réputation. Mais ces temps sont révolus et Isabella, la tante d'Uriah, a commencé à racheter les fautes passées et à redorer le blason de cette Maison. Notre participation à la croisade et les sacrifices que nous y avons subis en ont été l'une de ces étapes.
    Il prit alors une mine compatissante.
    -Croisade qui vous a également apporté votre lot de calamités et amené à votre actuelle situation.
    Il laissa passer quelques secondes avant de poursuivre. Uriah est jeune, tout comme votre maîtresse, mais il est le digne héritier de sa tante et ne souhaite qu'une chose : faire perdurer la maison Goldberg et continuer à rendre son honneur à celle-ci. Nous sommes et restons, sous nos airs, quelque peu "canailles", de fidèles serviteurs de l'Imperium, n'en doutez point. Lui dit-il avec un air d’innocence incarnée.
    -Justement. Avant que j'en arrive à valider une telle union, je tiens à clarifier certains points. Les lignées des libres-marchands constituent des généalogies complexes mais pour autant, très documentées. Isabella Goldberg a su racheter en partie les fautes de sa lignée et c'est tout à son honneur. En revanche et c’est fâcheux, Uriah n'est pas son descendant biologique mais celui de Sebastian Goldberg, frère d'Isabella. Ce dernier n’était qu’un obscure pirate recherché pour hérésie et fils, lui-même d'Abdul Goldberg, un hérétique notoire, exécuté sur ordre des Ordos. Et malheureusement pour lui, votre jeune maitre a toujours une part de son héritage en lui. Le terme de "canailles" est peut-être approprié pour certains membres de cet équipage, mais c’est un doux euphémisme quand on connait les risques que pourrait faire planer le nom des Goldberg sur un mariage noble. Certes, les Frae Spinaiser ont connu quelques déconvenues au cours de la croisade, mais leur nom et leur lignée ne sont entachés d'aucune manière par de sombres histoires.... Vous me semblez sincère, Sénéchal, aussi, je pense qu'il est dans notre intérêt à tous d'œuvrer dans un sens commun. Votre jeune maitre Uriah va devoir être soumis, dans un premier temps, à un test genetica. Je dois m'assurer que sa lignée génétique n'est en rien corrompue ni déviante.
    Altaïr, tout en se posant plusieurs questions lui retourna un sourire des plus charmeurs.
    -Je ne doute pas un seul instant que de tels tests sauront vous rassurer, aussi, vais-je en parler au seigneur capitaine afin de connaître ses disponibilités.
    -Fort bien. Faite-moi savoir au plus tôt ses disponibilités. Les tests ne seront pas bien long. Quelques analyses, tout au plus.
    Puis elle se leva et alla pour partir, avant d'ajouter, en levant un de ses doigts gantés.
    -Ah, bien entendu, si vous avez des points particuliers sur lesquels m'informer au préalable, je reste à votre écoute. Sur ce, une bonne journée, Sénéchal.
    Ce dernier se leva et lui effectua un baise-main, ce qui ne la surprit pas plus que cela ne l’affecta.
    -Si besoin, je n'hésiterai pas. Ravi de vous avoir rencontré ma sœur. Je vais vous raccompagner à votre navette.
    Elle leva la main.
    -Inutile de vous déranger, je connais le chemin.
    Altaïr la laissa partir puis décida qu’il allait devoir trouver Uriah de toute urgence mais tout d’abord, il allait devoir dégoter une bouteille de dammassine, deux coupes et son plus beau sourire de bonimenteur.

    -Bordel de ... Quoi ? S’esclaffa Uriah. Passe encore pour cette histoire de mariage, même si pour toi je trouve que ça devient une véritable obsession mais que tu aies entraîné cette sœur, là, cela ne m'étonne absolument pas de ta part. Va falloir que tu m'expliques, lui dit-il tout en prenant une coupe. Vas-y, sers-moi, j'ai bien l'impression qu'il va m’en falloir quelques-unes pour faire passer la nouvelle.
    -Sache, mon jeune capitaine, que je viens d'avoir une conversation fort intéressante à ce sujet, avec cette sœur Alexia, qui est la préceptrice de ta fiancée.
    -Et donc ?
    -Disons qu'elle est d'accord avec moi sur le sujet de fonder une dynastie profitable à nos deux maisons et qu'elle n'est pas non plus contre une alliance formelle. Il y aurait juste cette une formalité de rien du tout à remplir. Il faudrait te soumettre à un petit test genetica. Au demeurant, elle est charmante pour quelqu’un qui vient de l’Adepta Sororitas.
    -On s’en fout ! C’est quoi ces histoires de tests ?
    -En fait, c'est elle qui est venue me chercher. Elle m'a dit vouloir me parler seul à seul et moi, en général lorsqu'une femme me fait cette proposition, c'est soit pour passer un bon moment avec moi, soit pour me faire la peau. J'ai d'abord pensé qu'elle voulait sortir du placard cette vieille histoire de reliques et je commençais déjà à préparer mes arguments défensifs, tu vois ? Elle m'a alors pris au dépourvu en parlant mariage et voulait, en quelque sorte, que je lui prouve que tu étais un bon parti malgré ta réputation familiale. Je l'ai rassurée au mieux et elle a donné son accord, exigeant juste que tu te soumettes à un petit test genetica de rien du tout, pour qu'elle soit sûr que tu ne portes pas en toi des trucs… Comme des cellules corrompues par le warp ou la folie qui touche certains Goldberg.
    Uriah vida sa coupe d'un trait.
    -On va dire que je te crois à moitié, je commence à connaitre tes magouilles… Et aux dernières nouvelles, il ne me semble pas qu’il y ait des mutants dans ma famille, vieux brigand…. Enfin, ça se verrait, non ? Si je comprends bien, c’est surtout mon propre sénéchal et sa préceptrice qui ont envie de voir ce mariage aboutir…
    Uriah se resservit une coupe et en fit de même à Altaïr.
    -J’ai le temps de m’organiser, au moins, pour faire une déclaration décente à Ludivine ?
    -Bien entendu, répondit ce dernier, tout en trinquant avec Uriah.
    -Bon, ça implique quoi ce test ?
    -Je dois envoyer un message à sœur Alexia pour la prévenir que nous acceptons. Et puis, comme ça, je pourrais voir avec elle comment on organise la suite et de quoi il en retourne.
    -Par le warp, vous voulez absolument me passer la corde au cou…
    -Y a pire, crois-moi…
    -Bin, je préfère pas savoir, tu vois…
    Vita locus Mors ludus
  • Illuminati
    Illuminati

    le 26/04/2024 à 20:25 Citer ce message

    Les jours qui suivirent leur permirent de terminer l’exploration et la cartographie de Tartuga V. Il fallut aussi prendre une décision quant aux ressources mais aussi au danger que représentait la structure xenos. Les cristaux psychoactifs pourraient fortement intéresser l’Astra Telepathica pour leurs matrices psychiques mais aussi pour la confection des lames de Tarot, selon Antinoé. Mais leur exploitation – qui pourrait s’étaler sur plusieurs mois – allait nécessiter toute une logistique qu’ils n’avaient pas actuellement. Uriah et Ludivine décidèrent alors de laisser cela pour plus tard et de poursuivre l’exploration de ce système. Selon les dernières estimations, trois autres planètes devraient présenter un certain intérêt. Au bout d’une bonne semaine, ils firent route en direction du prochain monde dont la trajectoire allait passer à plusieurs jours de voyage.

    Tartuga IV était une planète massive assez sinistre, un monde mort, la aussi, sans atmosphère, composé en grande partie de silice et de roches métamorphiques instables, présentant assez peu d’intérêt, sauf par des moyens d’extraction lourds. Pourtant en approchant, leur maitre vox leur indiqua l’émission d’un signal. Après décryptage il apparut que le signal employait des protocoles impériaux et semblait provenir d’une station de recherche basée en surface, la station Septumus Magna 8, une station d’écoute, pour être plus précis. Le message indiquait une activation de l’évacuation d’urgence à la suite d’une brèche dans le protocole de confinement, que leur astropathe était mort et que des choses essayaient de rentrer.
    Depuis son trône de commandement sur la passerelle, Uriah se tapota le menton puis se tourna vers son officier vox.
    -Maitre Bonnett, de quand date ce message ?
    -Il est programmé pour être diffusé en boucle, et pourrait aussi bien avoir une semaine qu’un siècle, lui dit-elle. Dois-je répondre, capitaine ?
    -Affirmatif. Contactez-les et voyez s’ils répondent et contactez aussi la passerelle du Daughter of Tempest, qu’ils restent en écoute maximale.
    -Reçu, capitaine.
    -Il y a un écho warp émanant de ce monde, capitaine, je le sens, lui dit, dans un murmure, l’astropathe qui se tenait un peu en retrait. Si nous approchons d’assez près, je pourrais tenter d’en apprendre plus.
    -Justement, inutile de trop s’exposer, d’autant plus si nous avons encore à faire à des créatures du warp. Il se tourna alors vers la Brute.
    -Lancez les augures, pleine puissance, je veux savoir d’où provient ce message, exactement.
    Il reçut des confirmations en retour au moment où Jocasta fit son entrée sur la passerelle. Vêtue de longues robes noires, elle se déplaçait péniblement, appuyée sur une béquille tandis qu’elle était branchée par des tubes multicolores à un servo-medicae qui flottait à ses côtés, lui prodiguant des soins en continu. Sa respiration était sifflante et elle avait le teint livide, encore plus qu’à l’accoutumé. Une partie de son corps était couvert de bandages. Aux dernières nouvelles, elle allait devoir se faire opérer et recevoir un implant augmentique greffé à même sa colonne vertébrale et sa moëlle épinière afin de stimuler certains de ses organes gravement endommagés.
    Uriah se tourna vers elle.
    -Ne deviez-vous pas rester alitée, sur ordre des medics en vue de votre prochaine opération ?
    D’une de ses mains bandées, elle lui montra trois lames de son tarot.
    -Cela ne peut attendre, capitaine…
    -Qu’est-ce donc ? Une lecture de vos augures ?
    -L’astropathe a raison… Des choses ont pris le contrôle de ce monde, lui dit-elle en lui désignant une des lames majeures de la suite de Discordia, d’une main tremblante.
    -Qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Lui demanda Uriah.
    -La carte du Xenos, associées de manière cardinale à deux lames d’Executeria descendantes, autant vous dire que le schéma est doublement symbolique.
    -En clair ? C’est pas bon ? Lança Uriah qui, même s’il n’y comprenait rien, avait du mal à y voir un bon présage.
    Antinoé s’approcha, reconnaissant la bête sur la carte.
    -Des krells… lâcha-t-elle, entre ses dents, avec une pointe de dégoût.
    -Aussi appelés asservisseurs ou psyrènes, compléta la navigator. Des xenos répugnants qui voyagent par le warp et qui utilisent les psykers comme portail afin de faire passer d’autres de leurs congénères. Une fois dans le matérium, ils contrôlent les habitants à l’aide de leurs pouvoirs mentaux, les manipulant à leur guise.
    -Pourraient-ils être à l’origine de ce message vox ?
    -Assurément, ajouta Antinoé. Je le sens… Ils nous appellent…
    -On va vitrifier ces saloperies… Voilà tout ce qu’ils vont appeler, par Terra. Communiquez les coordonnées du message vox aux postes de tir et qu’on nous place à portée. Messieurs, à vos postes ! Je veux qu’on me nettoie cette planète de ces horreurs.
    -A vos ordres, lui dit la Brute, qui transmis l’information aux artilleurs et à la timonerie. Toutes les batteries… Pointez sur l’objectif. Calcul de solutions de tir.
    En quelques minutes, il reçut en retour, les confirmations des postes de tir.
    -Cible verrouillée. Batteries parées, capitaine.
    -Informez le Daughter of Tempest de la raison de nos tirs puis Feu à volonté, lui répondit Uriah.
    Le vaisseau tangua légèrement alors que les batteries dorsales faisaient feu à l’unisson de leurs canons à plasma. Sur les baies bâbord, des traies de lumière incandescentes fusèrent droit vers la surface de Tartuga IV. Quelques dizaines de secondes plus tard, l’impact au sol vitrifia tout sur vingt-cinq kilomètres carré, creusant un cratère de cent mètres de profondeur qui éclaira comme un levée de soleil. Rien ne pouvait survivre à un bombardement orbital, mais par acquis de conscience, la Brute ordonna un second tir, au cas où.

    Le calme était revenu à bord dans les jours qui suivirent, ce qui permit à tous les hommes d’équipage et aux officiers de souffler enfin un peu et de vaquer à leurs occupations pendant le reste du voyage. Jocasta fut opérée pendant ces jours-ci, ce qui était déjà un véritable sujet car il était impensable de la perdre. Plus loin dans le système, il leur restait à approcher de Tartuga I et III. Un imposant nuage de glace et de débris leur barrait une route directe vers le premier des deux mondes, aussi décidèrent-ils de bifurquer et de continuer vers la seconde, Tartuga III qui était une planète habitable et sans doute habitée. De concert, toujours avec le Daughter of Tempest, ils décidèrent de procéder à une approche lente et prudente, ne sachant pas à quoi s’attendre. La planète en question possédait une atmosphère respirable, de l’eau et de la vie. En approchant, ils décelèrent un continent habité. Du moins, possédant des traces d’urbanisation sommaire, comparable à celle de mondes frontières.
    -Tous les auspex, pleine puissance, je veux savoir qui habite sur ce monde et quels sont leurs intentions. Lâcha Uriah depuis la passerelle.
    -Niveau technologique ? Demanda Altaïr à ses côtés.
    -Niveau faible, répondit la Brute, tout en consultant les données. Aucun aéronef ni installation énergétique visibles. Traces limitées de combustion de carburants fossiles. Agglomérations mineures et nombreuses ruines datant d’une ère préindustrielles. En plus de plusieurs épaves de vaisseaux.
    -Ils ont régressé… Que s’est-il passé ?
    -Une guerre, je dirais. Ce monde en porte encore les anciennes stigmates.
    -Isolés comme ils le sont depuis plus d’un siècle, il n’est pas certain que ses habitants aient vu un vaisseau voler en vrai. Leur dit Altaïr.
    -Sans parler d’un retour de l’Imperium, compléta Uriah, pensif. Contactez le Daugther of Tempest, réunion dans quinze minutes dans le stratégium, je veux que l’on étudie les possibilités d’approche d’un tel monde.
    Vita locus Mors ludus

Répondre à ce message

 
×